❝ i'm pure propane, watch me blow up ❞
Playlist désarticulée jouait ses titres aléatoirement, les genres se mélangeaient et rassemblaient les goûts pour mêler la foule et l'unir d'un seul et même but, celui de s'éclater jusqu'à l'aube.
La musique excessivement forte résonnait entre les murs et laissait ses échos flotter jusque dans le jardin, les plus ivres d'entre eux chantaient à corps perdus, les consommateurs de substances occupaient le séjour et le restant était divisé entre ceux qui dansaient et les autres, plus calmes, qui se prélassaient au bord de la piscine.
Taehyung n'aurait pas dû venir, pas ici, encore moins seul. Une semaine complète s'était écoulée depuis sa dernière conversation avec Jungkook, une semaine durant laquelle l'étudiant avait immanquablement raté les derniers cours avant la fin du semestre, ponctué par les vacances d'automne.
Depuis ce jour, l'âme bienveillante s'était vue changer au gré d'une amère dérision, devenue livide, renfermé et avide de justice.
Ce soir était enfin venue l'heure de sa vendetta, l'heure de prouver au monde entier qu'il se fichait pas mal de lui, de ce qu'ils avaient un jour furtivement été.
Alors il était là, pantelant dans le jardin, une cigarette entre les lèvres et une bière à la main, l'esprit brumeux de songes. Ses pupilles dilatées balayaient les alentours, en quête d'une silhouette, de la sienne, qui semblait par ailleurs introuvable, presque fantomatique depuis son arrivée.
Ils étaient pourtant tous là, de Jimin qui partageait une danse enivrée avec un autre à Namjoon en pleine querelle amoureuse, en comptant Hoseok qui, tout sourire, lui tenait un monologue sur la véracité de l'astrologie.
Seokjin répondait présent lui aussi, moins jovial qu'à l'accoutumé, celui-là était assit sous un cerisier, une bouteille à la main et le regard sombre rivé sur le fruit de ses frustrations les plus voraces.
-Tu m'écoutes ?
-J'ai un truc à régler, j'reviens.
Il avait suffit d'une seconde pour renverser la vapeur et changer le cours de la soirée. Observateur, il avait pu voir Yoongi se faufiler à l'intérieur, une bouteille d'alcool à la main. Si jusqu'alors il ignorait sa présence en ces lieux, il ignorait tout autant combien de verres son plus vieil ami s'était autorisé.
Taehyung écrasait sa cigarette et suivait ce dernier au pas de course mais difficile de mettre la main sur quelqu'un qui ne souhaitait pas être trouvé. Intercepté à la volée par les griffes acérées d'une poigne féline, il se tournait et, contre toute attente, confrontait sa petite-amie.
-J'ai pas le temps Hyorin, déclare-t-il à la hâte, prêt à repartir.
-T'as jamais le temps en ce moment, qu'elle marmonne entre ses dents, S'il te plaît, il faut qu'on parle Taehyung.
-Attends, qu'est-ce que tu fiches ici d'abord ? soudain intéressé, il fronce les sourcils.
-Une amie m'a invitée à l'accompagner, se justifie sa douce, mais c'est pas le sujet je-
-Mais non, j'y crois pas ! s'exclame alors une voix dans le dos de cette dernière, Taehyung !
-Vienna ? aussitôt, un sourire naît sur ses lèvres, Je m'attendais pas à te voir ici !
Mise sur la touche, sa dulcinée abandonnait l'emprise sur son poignet et observa son petit-ami se fondre dans l'écume de retrouvailles empreintes d'une tendresse à laquelle elle n'avait plus le droit.
La jalousie empourprait ses joues, les mains dans les poches et les yeux rivés sur le sol, elle songeait à s'éloigner quand, soudain, Taehyung glissait son bras autour de ses épaules et l'introduisait à son amie.
Dès lors, ils expliquaient tous les deux la manière dont les liens avaient été tissés et ainsi, la conversation acheminait vers des rires complices, si bien qu'il en oubliait l'objectif initial.
Durant un instant, la légèreté venait planer au-dessus de sa tête, l'accalmie s'insinuait dans ses veines et enfin, il croyait avoir trouvé la paix. Jusqu'à ce que, tapi d'un couloir, s'extirpait la silhouette de Jungkook.
Les yeux violacés de cernes, les traits blafards, le regard âcre et le sourire reflet parfait du mensonge, très vite encerclé par une poignée de camarades, ils mandaient tous son attention, cherchaient désespérément à susciter son intérêt, pourtant lui semblait dépassé, les iris fuyants balayaient les alentours en quête rigoureuse d'un échappatoire.
Brusquement, les pupilles se croisaient, entraient en collision et ne pouvaient irrémédiablement pas se détacher les unes des autres. Lorsque l'acteur déclinait ce rictus peint d'amertume, il pouvait le voir se hisser au travers des corps envahissants, s'élancer sans réfléchir pour rompre la distance qui les séparait, or, Taehyung, désorienté au possible, prenait la fuite vers le jardin, laissant derrière lui ses deux interlocutrices foncièrement hébétées.
Persuadé de l'avoir semé, d'être hors du vertige infligé par le perçant de ses orbes, il soupirait, las. Alors qu'il songeait à s'en aller, il était rejoint par ses congénères avec lesquelles il discutait plus tôt. Aussitôt, elles l'assaillaient de questions auxquelles il ne parvenaient pas à répondre, pantelant lui-même dans la dérision.
-Vienna ? souffle une voix dans son dos, sous le choc d'une bouteille qui s'écrase sur la pelouse.
-Yoongi, renchérit celle-ci, d'un ton étrangement monotone, ça fait un bail.
-Attendez, interrompt leur ami commun, un brin perdu, Vous vous connaissez ?
-C'est mon ex, rétorquent-ils à l'unisson.
S'ensuivait un silence de plomb. Taehyung se remémorait toutes ces fois où le sourire de son plus vieil ami s'était illuminé face à son écran de téléphone, toutes ces fois où il était parvenu à vaincre ses démons à la seule force d'une pensée envers sa mystérieuse petite amie que personne n'avait pu rencontrer, ce nombre incalculable de fois où il avait eut la chance de l'entendre rire aux éclats à la simple lecture d'un message, ces précieuses fois où le bonheur avait prit d'assaut ce visage désormais terne et dénué d'une quelconque émotion.
Aujourd'hui, son meilleur ami n'était plus que l'ombre de lui-même, ivre de liqueur et de colère, il semblait haïr le monde entier et paraissait en vouloir à la terre entière.
Sa confiance en autrui ébranlée, il avait rabattu la toute puissance de sa méfiance sur Taehyung, il faisait barrière, servait de rempart pour l'empêcher d'être étreint par la douleur d'une déception tenace.
-Vienna faut que tu saches quel-
-T'entends ? interroge Hyorin, c'est notre chanson, viens on va danser.
Entraîné par l'étreinte placide de sa main dans la sienne, il était tiré plus loin. Le corps prit d'assaut par la chaleur du sien, il laissait ses paumes faire naufrage sur ses hanches lorsque les siennes agrippaient sa nuque.
Les yeux de sa douce cherchaient les siens, fuyants vers d'autres horizons, rivés sur son meilleur ami qui, déboussolé, semblait chercher un moyen de s'évader du gouffre de la situation.
Les doigts tendres de Hyorin emprisonnaient le menton de son petit-ami et d'un sourire complice, elle capturait ses lèvres d'un baiser. D'abord attendri par le geste, Taehyung s'égarait dans l'incontournable d'une comparaison, il essayait de chasser le songe, toutefois il perdurait, revenait et affluait massivement.
L'échange était moins dur, moins intense et inéluctablement moins désespéré que ce qu'avait pu offrir Jungkook, bien qu'égal à un bisou de cinéma, la pensée ne parvenait pas à être réprimée alors, d'un mouvement brusque, il reculait.
-Tout va bien ? l'interroge-t-elle, perplexe.
-Taehyung ? l'interpelle un écho dans son dos, est-ce qu'on peut parler ?
-On s'est déjà tout dit, qu'il rétorque sans même daigner se retourner, fiche moi la paix.
-S'te plaît laisse moi juste t'ex-
-Quoi ? gronde-t-il d'un décibel trop haut, un volte-face plus tard, l'étudiant confronte la surprise de son cadet, M'expliquer quoi, Jungkook ? J'étais un pari, c'est tout, c'est vraiment tout ce que j'ai été, un putain de pari, d'ailleurs tiens, récupère ça, qu'il peste en lui tendant le téléphone oublié chez lui, j'crois que ça te reviens.
Les regards s'étaient ancrés sur eux, la musique avait été baissée pour mieux se délecter du drame, les chuchotements fusaient et les théories échangées, étaient abondamment émises au gré des secondes.
Le mutisme immobile, son benjamin récupérait son bien qu'il enfonçait honteusement dans sa poche, telle la preuve irréfutable de sa culpabilité.
D'un automatisme sans faille, leurs amis respectifs délaissaient leurs occupations pour rejoindre le conflit qui avait, sans nul doute, interrompu la sauterie adolescente de ce trente-et-un octobre.
Les regards désabusés s'échangeaient plus que les mots, davantage que les gestes qui, en suspens, ne n'osaient pas tenter le diable.
-Qui, souffle Taehyung, désorienté au possible, qui était au courant ? demande-t-il.
-C'est vraiment important ? Rétorque Jungkook, les traits peints d'embarras.
-Jimin, qu'il siffle entre ses dents, les yeux soudain posés sur lui, Jimin, tu savais pas, pas vrai ? tu-
-J'suis désolé Tae-
-Viens on se casse de cette putain de baraque, interrompt bourrument Yoongi, la voix submergée de rage, j'ai dis on s'tire d'ici.
Sa main glissait par automatisme dans celle crispée de son ami le plus cher, prêt à déguerpir au plus vite du piège dans lequel ce dernier se trouvait profondément terré.
Or, celui-ci ne pouvait bouger, tétanisé par la toute puissance de la vérité, il enserrait cette paume réconfortante qui jusqu'alors, lui avait toujours donné le courage nécessaire pour tout affronter. Cette fois encore.
Dans la cage thoracique, le coeur implosait, tailladé par l'amertume d'une trahison impitoyable. Dès lors, il jugeait que c'en était assez, trop qu'il ne puisse encore encaisser et son regard, meurtri, chassait la douloureuse déception pour la troquer d'une lueur de colère ténébreuse, insatiable et affamée de vengeance.
Yoongi comprenait sans même un mot et lâchait cette main qu'il étreignait au péril de sa vie. C'est alors que Taehyung rompait dangereusement la distance, d'une poigne d'acier, il saisissait le col de son ami d'enfance et celui-ci, surpris par la brutalité du geste, fronçait les sourcils.
-T'es une merde Jimin, grogne-t-il d'abord, Tu veux que j'te dise ? t'es une belle salope, tout ce que tu sais faire de ta piètre existence c'est cracher sur celle des autres pour te sentir exister, qu'il ajoute, sans la moindre once de compassion, d'abord tu ruines la meilleure relation que Yoongi n'ait jamais eu et pourquoi ? vas-y, dis-leur, c'est ton quart d'heure de gloire, pour une fois tout l'monde te regarde.
Sous la fureur qui imbibait le timbre, il pousse brusquement sa proie qui par automatisme, reculait de plusieurs pas. La main de son meilleur ami empoignait sa manche dans la tentative vaine de l'arrêter, toutefois, son égal semblait enclin à répandre le venin d'une véracité trop longtemps encagé à l'intérieur.
Son geste placide était alors balayé maladroitement par Taehyung, désormais cible de ses démons les plus tenaces.
-T'es minable, tu vaux rien, que dalle, le ton est cinglant, dénué d'émotion, Tout le monde ici devrait savoir que t'es juste une putain de raclure qui prend son pied en écrasant les gens qui lui sont le plus proches, c'est ça ton truc non ? Faire croire à tout le monde que t'as un coeur alors que t'as rien à l'intérieur, t'as rien, tu me donnes envie de gerber, tu piges ? t'es à gerber Jimin.
Ses mots claquaient dans l'air sous les regards indiscrets des spectateurs, tous décontenancés par les propos tenus, l'accusé le premier. La musique avait été éteinte au cours du dialogue par une poignée de curieux, le silence régnait désormais à travers les brides de chuchotements et dès lors, son poison avait été asséné tel un adieu définitif.
L'étudiant tournait les talons, prêt à quitter les lieux mais son vis à vis, rouge de honte, en avait fermement décidé autrement.
Ce dernier réajustait correctement son col d'un geste colérique et spontanément, il décidait de rendre la monnaie de sa pièce, choix guidé par l'ivresse qui gisait dans ses veines, ainsi sa voix percutait le dos de celui qui plus tôt, n'avait aucunement fait preuve d'empathie.
-Et si tu disais plutôt à tout le monde pourquoi tu te fous en rogne ? qu'il crache à son tour, prêt à étaler au grand jour les non-dits.
Ses pas cessaient de fouler l'herbe, les mains dans les poches telle une âme en peine que rien ne pourrait jamais plus guérir, sa raison lui intimait de fuir, pourtant le coeur lui sifflait de rester, de seulement écouter, juste un peu, ce qu'il avait à dire.
-Non mais c'est vrai quoi, t'es là à me donner des leçons mais on sait tous les deux que si t'étais un peu honnête avec toi-même alors tu larguerais ta jolie p'tite copine sur le champ, sérieusement, ça fait quatre ans que vous êtes ensemble c'est ça ?
Arrête, arrête ça immédiatement, ordonnait Yoongi, les poings serrés au possible. La situation dégénérait davantage lorsque Jimin s'armait d'un sourire, de ce rictus qui voulait dire 'j'ai gagné et tu le sais'.
-Quatre ans c'est long, surtout quand on est incapable de bander pour une meuf, son rire glace le sang, ses iris perçants davantage, Allez, dis-leur à quel point Jungkook te file la trique, c'est le moment, dis-lui que c'est à lui que tu penses quand tu baises ta meuf, hein Taehyung ? Elle a le droit de savoir ce que vous faites tous les deux quand elle a le dos tourné, tu crois pas ?
Il était déjà trop tard. Dans son dos, les brides déjà vécues, des brides d'une vidéo émise par le téléphone de Jimin, une vidéo qui se jouait à plein volume et qui les montrait hors contexte, ce jour là, à Londres, lorsqu'il avait aidé l'acteur à réviser une scène dont un baiser qui en l'instant, semblait empreint de sincérité.
Malgré les plaintes de Namjoon, renchéries par celles de son meilleur ami, l'ennemi s'autorisait d'étaler la vérité sans réellement prendre conscience des conséquences qui impliquait ses actes. Ainsi dépourvu d'humanité, il persistait, le regard noir qui confrontait toujours ce dos immobile.
-Oh t'as pas à t'en faire, qu'il ricane, t'es pas le seul à avoir des secrets, pas vrai Hyorin ? tu lui as dis ?
-Me dire quoi ? daigne-t-il enfin réagir, dorénavant face à l'horreur de ces paires d'yeux rivés sur lui.
-Pendant que toi t'étais entrain de crever en chimio, elle s'envoyait en l'air avec ton grand ami, révèle Jimin, les traits tirés par la satisfaction de pointer du doigt, franchement Jungkook, t'aurais pu dire à ton grand pote que t'avais pris ton pied à tringler sa meuf.
-T'es un vrai fils de pute.
La voix du comédien fendait l'air, après quoi plus rien n'était dit. Les iris étaient accrochés à la silhouette de Taehyung, en quête d'une quelconque réaction, même infime.
Démuni, la cause d'un tel désordre se rendait doucement compte du chaos qu'il avait instauré, les lèvres pincées, il n'osait plus rien dire, pas même l'ébauche d'une excuse.
Désarçonné par l'humiliation public qu'il venait d'essuyer, l'étudiant était irrémédiablement paralysé et ne pouvait agir.
C'est alors que sa petite amie approchait, lentement, d'une douceur qui lui était unique elle posait la main sur son bras mais contre toute attente, elle était reçue d'un geste brutal qui chassait l'étreinte d'une main de fer.
-Taehyung, ça voulait rien-
-Arrête, l'interrompt-il sèchement, ne dis rien.
-S'il te plaît, écoute au moins ce-
-Yoongi on s'casse d'ici, qu'il renchérit, on a plus rien à faire là.
Sous l'ordre soumit, son ami s'en allait chercher Seokjin qui, toujours assit sous son arbre, était bien trop ivre pour avoir comprit ce qui venait de se dérouler sous ses yeux.
L'air étrangement indifférent, l'étudiant s'allumait une cigarette alors qu'un invité réanimait la musique, chassant l'instant comme s'il n'était jamais rien arrivé.
La fête reprenait son rythme effrénée, comme à l'accoutumée, Jimin fuyait en titubant. En retrait, sa copine et Jungkook ne bougeaient pas, incapables d'agir, les yeux rivés sur lui, désespérément accrochés à ce qu'ils venaient inéluctablement de perdre. Vienna l'approchait d'un pas lent, tel un animal qu'il fallait catégoriquement apprivoiser.
-Est-ce que ça va aller ? demande-t-elle, piquée d'inquiétude.
-Ouais, assure-t-il, le regard évasif, la déception c'est un truc héréditaire dans ma famille, j'devrais pouvoir survivre à ça.
-Alors toi et Kook..., souffle son amie, le sourcil arqué de curiosité, vous aviez quelque chose ?
-C'est ce que j'croyais ouais, le ton monotone, ses pupilles croisent indéniablement celles du comédien, mais j'me suis planté, comme toi quand t'as largué Yoongi, Jimin l'a manipulé, il croyait sincèrement que vous aviez rompu.
Le silence reprenait sa place initiale, les iris chaviraient sur la silhouette de leur connaissance commune qui s'armait de patience pour remettre Seokjin debout, assisté par l'aide de Namjoon.
Un rire roulait sur les langues lorsqu'ils manquaient la chute de justesse, un déséquilibre désavantageux soumit par le corps ivre de leur ami.
Rapatrié auprès de ses congénères, le doyen gardait les yeux plissés et riait à gorge déployée pour une raison qui semblait échapper à tout le monde, toutefois, Taehyung coinçait sa cigarette sous l'écorce aiguisée de ses canines et prenait la place de son meilleur ami pour le laisser dire convenablement au revoir à son ex petite amie alors qu'eux, empruntaient déjà le chemin vers la sortie.
Un dernier regard par dessus son épaule, un dernier pincement au coeur et il s'en allait sous les iris désemparés de Jungkook, pantelant dans le désespoir et ne sachant définitivement pas comment réparer son erreur.
Dehors, loin des flots alcoolisés et des brouillards nébuleux, l'étudiant jetait son mégot, les épaules lourdes d'un adieu émit dans le mutisme le plus total.
-Comment t'es venu ? l'interroge Namjoon, sous le crépitement de sa cigarette tout juste allumée.
-En bus, rétorque-t-il, les yeux rivés sur le bitume.
-J'vous ramène, c'est la moindre des choses.
-On n'a pas besoin de ta pitié, ça ira.
-J'ai brisé le cœur de votre pote, laissez-moi au moins vous ramener chez vous, siffle-t-il, au même titre que la fumée brumeuse, s'il y a bien une voiture dans laquelle il doit gerber, c'est la mienne.
Un regard échangé et les rires se mêlaient. Cependant, l'ébauche d'un moment de légèreté n'était pas suffisant, pas après de pareils événements. La vérité avait été étalée aux yeux de tous, cette véracité limpide et translucide qu'il avait lui-même découvert.
L'échec faisait depuis toujours, partie intégrante de son existence, essayer de repousser l'échéance semblait rendre la chute davantage interminable et il était temps, temps d'assumer, de faire face, de confronter la vie comme l'ennemie potentielle qu'elle représentait et balayer les tentatives vaines par de nouvelles victoires.
Tout recommencer impliquait d'abord préserver le coeur et écouter la raison, laisser l'entier pouvoir à la tête qui elle, ne trahissait jamais ses attentes. Pourtant, alors qu'il était égaré dans le songe lugubre de ne jamais plus octroyer sa confiance, l'écho d'une voix familière frappait son dos.
-Est-ce qu'on peut parler ? demande Jungkook, le ton peint d'une nervosité palpable.
-Sans façon, peste l'étudiant, d'un soupire las, on s'est déjà tout dit j'crois.
-J'vous laisse discuter, interrompt Namjoon, j'vais chercher ma caisse.
Lorsque ce dernier déguerpissait, il laissait derrière lui le poid ivre mort, chancelant, que Taehyung devait dorénavant soutenir seul alors, pour éviter une situation délicate, l'acteur prenait silencieusement la place vacante.
Le bras de Seokjin hissait son étreinte approximative autour de son cou alors que lui nouait le sien autour de sa taille et sans détour, sa main terminait sa course sur l'avant bras de l'ami qu'il était sûr d'avoir perdu ce soir.
-Quand j'suis arrivé à la fac et que je t'ai vu avec Hyorin, j'ai compris qu'elle t'avait trompée avec moi et j'ai eu vraiment honte, se justifie le comédien, les yeux ancrés sur le sol, alors pour taire ma culpabilité j'ai été odieux avec toi, parce que c'était plus facile que de dire que j'étais désolé.
Jungkook affrontait un mur, l'impassibilité, l'impitoyable d'un silence sourd et ne savait plus quoi dire, quoi faire, ni comment pour panser des plaies qu'il avait inéluctablement tailladées par l'infamie de ses actes.
-S'te plaît, dis quelque chose, qu'il supplie, les doigts fermement accrochés à sa manche, j'suis désolé d'avoir été lâche, j'crois que j'ai eu peur.
-Peur de quoi ? daigne-t-il répondre, tout bas.
-De voir que t'étais pas même un peu terrifié par tout ce qui fait que ma vie est ce qu'elle est, avoue le comédien, avant de renchérir, Personne n'est jamais resté pour moi, personne, jusqu'à toi, j'ai flippé alors j'ai fais n'importe quoi parce que là encore, c'était plus facile que d'avoir à dire que j'ai besoin de toi.
-Pourquoi le faire maintenant ? marmonne Jin à son tour, à moitié dans les vapes.
La question restait suspendue dans l'espace temps, bafouée par le moteur d'une vieille voiture qui s'arrêtait le long de l'allée. Les vrombissements métalliques cessaient et Namjoon s'extirpait du tas de ferraille, l'air de rien.
Yoongi arrivait à son tour, les traits détendus et la main fermement accrochée à celle de Vienna, s'attirant inexorablement tous les regards.
Les sourires venaient naître sur les lèvres, tous profondément heureux de voir que la soirée paraissait enfin favorable à quelqu'un.
-Allez, en route moussaillon ! s'écrit soudain Seokjin, le rire perçant.
La fatigue gagnait Taehyung et l'envie de se battre pour les autres prenait la fuite alors enclin à s'en aller d'ici au plus vite, il aidait à mettre leur ami à l'arrière de l'automobile et tandis que Namjoon s'acquittait difficilement d'attacher sa ceinture, lui disait au revoir à Yoongi qui décidait de rester un peu plus longtemps.
Le conducteur assit derrière le volant l'interpellait par la fenêtre grande ouverte, une fois, deux, puis trois. Un dernier regard silencieux, Jungkook lui adressait un signe de la main tel un adieu et dès lors, Taehyung tournait les talons.
Sous les crissements des pneus, le véhicule disparaissait dans la pénombre, laissant derrière lui, l'étreinte étouffante d'une solitude carnassière qui, irrémédiablement, venait saisir le comédien d'une douleur qu'il n'avait encore jamais connue.
-Où est Taehyung ? demande subitement Hyorin, arrivée trop tard, essoufflée et le téléphone encore accroché à l'oreille, on a un putain de problème.
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