-Bien dormi ? me demande Blake.
Je grimace de douleur.
-Je me suis endormie ?
-Oui.
-Merde, je grommelle.
-Je t'ai rien fait.
-Merci de préciser.
J'essaye de me lever, mais abandonne à cause de la douleur qui traverse chacun de mes muscles.
-T'as mal ? il me demande.
-A ton avis ? je réponds d'une voix cinglante.
Il ignore royalement ma remarque et se lève lentement jusqu'à se retrouver face à moi.
-Laisse-moi voir, il m'ordonne d'une voix froide.
Je relève mon pull et le laisse apercevoir ma peau meurtrie. Il grimace légèrement en regardant toutes mes blessures. Par chance, il ne m'oblige pas à lui montrer mes seins.
-Ça fera l'affaire, il marmonne pour lui-même.
-L'affaire pour quoi ?
-Rien, t'inquiète pas. Repose-toi un peu. Je viendrai te voir plus tard.
-Je peux fumer ?
-Tiens.
Il me donne un briquet et plusieurs cigarettes.
-Fume pas trop. C'est pas bon pour tes poumons. Ni pour ta maladie au cœur.
-Merci de t'inquiéter, c'est gentil.
-Crie si t'as besoin de quelque chose.
Il sort de la chambre sans un mot, et m'enferme à clef dedans. J'attrape difficilement la crème posée à côté de mon lit, et enduit toutes mes blessures généreusement avec. La froideur de la crème soulage légèrement ma douleur, mais pas assez pour que je puisse bouger sans difficulté et sans souffrir le martyr.
-Hel, j'entends. Hel, réveille-toi.
J'ouvre difficilement les yeux et aperçois Kyle, en train de me secouer pour que je me réveille.
-Me touche pas ! je crie.
Il s'écarte légèrement de moi et dit :
-Quelqu'un va venir te voir. On ne pourra pas rester avec toi. Sois sage. Fais tout ce qu'il dit, sinon, il va te faire du mal. Mais si t'obéis, il ne t'arrivera rien. Compris ?
-Compris.
-Bien. Bonne chance, Hel.
Quand Kyle sort de la chambre, je me mets à cogiter en me demandant qui peut bien vouloir me voir, et ce que cette personne veut de moi. J'ai peur qu'on me fasse encore du mal, j'ai peur d'être seule dans une pièce avec un inconnu qui est sûrement dangereux. Tout me fait peur, depuis mon enlèvement.
Avant, j'avais seulement peur de mon beau-père. Maintenant, j'ai peur de tout, sans exception.
Une dizaine de minutes plus tard, un homme, vêtu d'un pantalon et d'une chemise noir, rentre dans ma chambre. Un pistolet est accroché à sa ceinture. Mais ce qui m'étonne le plus, ce sont les gardes du corps derrière lui qui le suivent. Il a vraiment besoin de gardes du corps, alors qu'il est avec moi ? Je peux même pas me lever.
-Hel, il dit d'un ton froid. Content de te rencontrer.
-De même, je réponds sans pour autant cacher mon dégoût pour lui.
Il s'assoit sur le bord de mon lit.
-Alors, Hel. Est-ce que, par hasard, t'aurai des choses à me dire ?
-Euh... Je... Vous allez bien ?
Il rigole.
-Non, pas des choses comme ça. Des choses sur toi. Sur ta vie en France.
-Non, je crois pas.
-Aurais-tu un petit copain ?
-Non.
-T'en as eu, dans ta vie ?
-Oui, j'imagine. Des histoires pas très sérieuses.
-D'accord. Et des relation sexuelles?
Intérieurement, je lui réponds d'aller se faire foutre. Mais là, par peur, je réponds :
-J'en ai eu plusieurs.
-De quand date ta première relation sexuelle ?
-Quinze ans.
Pourquoi est-il intéressé par ma vie sexuelle, putain ?
Il hoche la tête et se lève lentement.
-Enlève-tes vêtements.
Je me mets soudainement à paniquer. Et si cet homme était là pour me violer ?
-Pardon ? je m'écrie.
-Tes vêtements. Enlève-les.
-Pourquoi ?
-Enlève. Tes. Vêtements, il m'ordonne. Tu peux garder tes sous-vêtements.
Je prends du temps à les enlever, étant donné que mes muscles me font mal et que je suis terrifiée. L'homme, qui ne s'est toujours pas présenté, m'observe tout du long. Quand tout mes vêtements se retrouvent à terre, l'homme se rapproche de moi et appuie sur toutes mes blessures, une par une. A chaque fois que son doigt presse ma peau meurtrie, je grimace et gémis de douleur.
-Ton soutien-gorge. Ensuite, tu pourras te rhabiller.
J'obéis, sans un mot. L'homme ne touche pas ma poitrine, mais il l'observe un long moment en se léchant les lèvres.
-C'est bon, Hel. Tu peux te rhabiller.
-Merci, je murmure. Au revoir.
Il ne répond pas et rigole avec ses gardes du corps en sortant de la pièce.
Blake vient juste après dans ma chambre.
-Cet homme, il dit, c'est notre supérieur. Il nous a ordonné de te taper avec une ceinture. On avait pas d'autre choix que de le faire. Je suis désolé. On est horrible, j'en suis conscient. On te kidnappe, on te tape, mais on ne t'aurait pas fait mal à ce point.
-Ça justifie pas les coups que vous m'avez donnés. C'est vous qui m'avez tapé. Pas lui. Peut-être que vous exécutiez des ordres, mais ça ne change pas que c'est toi et Kyle qui avez porté les coups. Pas cet homme.
-T'es injuste.
-Non. Je suis juste réaliste.
-Réaliste ? Non, pas du tout ! Là, t'es tout sauf réaliste.
-Ah oui, et en quoi je suis pas réaliste ?
-En tout, putain ! Je me suis excusé pour ce que j'ai fait. Je t'ai expliqué que c'était pas de ma faute, que j'avais pas le choix. Et tu continues à dire que c'est de ma faute. C'est pas de ma faute !
-Si. C'est en partie de ta faute.
-Non.
Je souffle de frustration et, malgré moi, me met à rigoler.
-Quoi ?
-C'est ridicule, on est en train de se disputer pour savoir qui a raison. Et, visiblement, on sera jamais d'accord. Alors pourquoi on se casse la tête sur un sujet aussi futile ?
-Parce que j'ai raison.
-Non.
-Si.
-Oh mais tais-toi.
Il rigole légèrement.
-Ok, t'as raison, on sera jamais d'accord.
-En fait, si. Il y a un moyen pour qu'on soit d'accord : tu m'achètes des sucreries et me laisses regarder un film.
-Si je fais ça, tu diras que j'ai raison ?
-Oui.
-C'est tentant. Je reviens vite.
Blake revient chargé de plusieurs sacs et d'un ordinateur. Il vide le contenu des sacs sur mon lit. Il a acheté du chocolats, des barres chocolatés, des boissons et des bonbons. En voyant tout ça, j'hésite à le prendre dans mes bras. Mais je me retiens.
-Profite, ça arrivera pas tous les jours. Tu veux regarder quoi ?
-Nuits blanches à Seattle.
-Tu te fous de ma gueule ?
-Non. J'adore ce film.
-Il est nul.
-Tu es nul.
-Ok, lance le film et ferme-la, s'il te plaît. Enfin, sauf pour dire que j'ai raison.
-Je le dirai à la fin du film.
-T'as intérêt.
Il éteint toutes les lumières et s'installe sur une chaise à côté de mon lit. Le film débute, et tout autour de moi disparait. Toute mon attention se porte sur l'écran en face de moi, et uniquement sur ça. De temps en temps, je murmure des répliques en même temps que les personnages. Je rigole, je pleure, sans faire attention à Blake qui est à côté de moi. Et, de toute façon, il s'endort au bout de quelques minutes et ronfle légèrement.
Ça fait bizarre de le voir comme ça, si détendu et calme, lui qui, d'habitude, est tout le temps énervé et sur les nerfs. Là, il est quasiment immobile, ne fait presque pas de bruit et ressemble à un enfant qui dort. J'aurai presque pu trouver ça mignon, si c'était pas mon kidnappeur.
Mais c'est mon kidnappeur. C'est mon kidnappeur et ça, ça le rend immonde à mes yeux. Il m'a tapé. Il n'a rien fait quand cet homme m'a forcé à me déshabiller, dans ce bar. Et pour ça, il me débecte. Il me débecte tellement.
Blake
Je prends du temps à comprendre pourquoi je me réveille dans la chambre d'Hel, alors qu'elle se goinfre de chocolats juste à côté, devant un film à chier. J'ai aucune idée de pourquoi je suis restée avec elle pendant qu'elle regardait son film, ni de comment j'ai pu m'endormir alors que je ne dors pas, habituellement.
-Dis que j'ai raison, je lui dis.
-Chut, elle répond en me donnant une petite tape sur le bras. Je regarde le film.
-Dis-le.
-Ok, t'as raison. Tais-toi, maintenant.
Elle murmure une réplique en même temps qu'un personnage, et éclate de rire quelques secondes plus tard.
-Bien-sûr, que j'ai raison, je dis en sortant de la chambre. J'ai toujours raison.
-Non, pas toujours, elle proteste.
Je me rends dans ma chambre et m'écroule sur le lit. Des dizaines de dossiers sont étalés dessus, et ça me rappelle que je suis en retard sur mon travail. Tout ça parce que je dois m'occuper d'une gamine et que j'essaye de trouver un moyen de me venger. De me venger de tous ces pervers qui ont gâchés ma vie. Et la sienne. Surtout la sienne.
Je jette les dossiers par terre en me promettant de m'occuper de tout ça cette semaine. Si un membre du gang, ou pire, le chef, se rend compte que je travaille sur quelque chose sur lequel je ne suis pas censé travailler et que je néglige mon travail, ils vont perdre toute la confiance qu'ils ont en moi. Et ils me tueront, sans que j'aie eu le temps de mettre mon plan de vengeance à exécution.
Mon téléphone sonne et le visage de Sophia apparaît sur l'écran.
-Coucou Tonton Blake ! elle crie quand je décroche.
-Salut, Sophia. Comment tu vas ?
-Bien ! J'ai fait un gâteau avec Tata ! Tu veux le voir ?
-Bien-sûr.
Sophia bouge la caméra dans tous les sens jusqu'à que j'aperçoive un gâteau au chocolat décoré de pleins de vermicelles multicolores.
-Est-ce que tu peux rentrer à la maison pour le manger avec moi demain matin ?
A l'entente de sa voix pleine de bonheur et d'espoir, je suis pris de culpabilité.
-Non, j'ai beaucoup de travail. Et en plus, je suis loin de la maison.
-Mais tu m'avais dit que tu rentrerais vite ! T'es parti depuis un mois, déjà ! Tu me manques trop, tonton.
-Je peux venir dans deux semaines, je cède. Mais pas avant. Il faudra que tu sois patiente.
-Deux semaines ? Ça fait combien de nuits ?
-Quatorze nuits.
-D'accord. Dans quatorze nuits, je ferais un gâteau avec Tata pour toi. Ton ami sera là aussi ?
-Kyle ? Oui, je pense.
-D'accord. Je dois y aller, Tonton ! Tata veut que j'aille au lit.
-Bonne nuit, Princesse. Je t'aime. Et sois gentille avec Agathe.
-Promis !
Elle raccroche et je repose mon téléphone en souriant. J'adore cette gosse. Je l'aime plus que tout. Je fais tout pour agir du mieux que je peux avec elle, et pour que je sois une figure paternelle pour elle. Mais avec mon travail dans ce gang qui la met en danger, et qui m'oblige à voyager souvent, sans pouvoir l'emmener avec moi, c'est compliqué. Vraiment compliqué.
J'envoie un message à Kyle pour le prévenir qu'on part dans deux semaines. Il me répond vite.
Kyle : Tu te fous de ma gueule ? On en fait quoi, d'Hel ?
Blake : Je vais trouver une solution d'ici là.
Kyle : T'as intérêt. Et oublies pas que t'as du travail à rattraper.
Blake : Je m'y mets maintenant. Tu pourras t'occuper de donner à Hel son dîner ? Je risque d'être occupé.
Kyle : Ok.
Je fais un tas de tous les dossiers que j'ai et les emmène dans mon bureau. Je commence par le dossier que j'aurai dû traiter il y a déjà une semaine, et le fini quatre heures plus tard. Je travaille pendant au moins vingt-quatre heures d'affilée, jusqu'à que la faim prenne le dessus. Je mange vite, puis reprends le travail quelques minutes plus tard. Et je ne m'arrête pas. Pendant des heures, je travaille, je travaille et je travaille. Sans m'arrêter. Parce que le travail, c'est devenu la seule chose que j'ai, après Sophia.
C'est comme ça que je disparais de la surface de la Terre pendant une semaine. C'est comme ça que, pendant une semaine, je m'enferme dans mon bureau sans en sortir, sans voir personne, même pas Kyle. Je le laisse s'occuper de Hel pour pas à avoir à perdre inutilement du temps et à la place, je fais son travail à lui. Puis je prépare ma vengeance. Sans m'arrêter. Je me replonge dans mes horribles souvenirs pour alimenter ma colère, et pour trouver des moyens de les détruire en leur faisant mal. Autant qu'ils lui en ont faits. Plus qu'ils lui en ont fait. Beaucoup plus.
Ils pensaient pouvoir me faire du mal sans en subir les conséquences. Ils pensent que je ne me vengerai jamais, car si je le fais, je risquerai de me faire tuer. Ils se trompent tous. Je vais me venger. Et quand ça arrivera, ils ont intérêt à être prêt à tous crever.
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Alors comme ça, Blake est tonton ?
J'espère sincèrement que ça vous a plu.
Le prochain chapitre sort le 13 / 04.
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