The Good Snake

By Mad-Lezard

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Lorsque Nikita, élève de Durmstrang - l'établissement de magie le plus mal famé d'Europe - change d'école et... More

I/ Tyger Tyger
II/ Burning bright
III/ In the forests
IV/ Of the night
V/ What immortal
VI/ Hand or eye
VII/ Could frame
VIII/ Thy fearful symmetry
IX/ In what distant
X/ Deeps or skies
XI/ Burnt the fire
XII/ Of thine eyes
XIII/ On what wings
XIV/ Dare he aspire
XV/ What the hand
XVI/ Dare seize the fire
XVII/ And what shoulder
XVIII/ And what art
XIX/ Could twist
XX/ The sinews of thy heart
XXI/ And when thy heart
XXII/ Began to beat
Bonus et Transition
XXIII/ What dread hand
XXIV/ And what dread feet
XXV/ What the hammer
XXVI/ What the chain
XXVIII/ Was thy brain
XXIX/ What the anvil
XXX/ What dread grasp
XXXI/ Dare its deadly
XXXII/ Terror clasp
XXXIII/ When the stars
XXXIV/ Threw down their spears
XXXV/ And water'd heaven
XXXVI/ With their tears
XXXVII/ Did he smile
XXXVIII/ His work to see
XXXIX/ Did he ho made the Lambs
XXXX/ Make thee ?
XXXXI/ Tyger tyger...
Bonus et Épilogue
Bonus : personnages et personnalités

XXVII/ In what furnace

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By Mad-Lezard

Ginny Potter ne faillit pas à sa promesse et revint discuter avec Lebedev à six ou sept reprises, souvent le soir après son travail – elle était journaliste sportive à la Gazette du Sorcier et bien que ce travail lui plût énormément, elle admettait regretter sa courte carrière de joueuse de Quidditch, arrêtée au moment de sa première grossesse – souvent accompagnée par une ou deux autres personnes – de Harry ou de Hermione lorsqu'ils ne restaient pas trop longtemps à leurs bureaux, parfois de George ou de Ron, et même de Molly et d'Arthur qui avaient entendu parler du malade et avaient souhaité le rencontrer. Le père de la famille Weasley avait tout de suite éprouvé une grande sympathie pour le Russe, partageant avec lui une grande curiosité naturelle et une véritable passion pour le monde des Moldus : ils avaient passé presque trois heures à discuter de téléphones portables et de montres connectées – des inventions dont la diffusion chez les non-magiques avait connu une véritable explosion depuis quelques années – tous deux satisfaits de trouver enfin un interlocuteur capable de comprendre et de subir leur éternel émerveillement face à l'ingéniosité moldue.

Nikita, de son côté, ne s'était pas attendu à recevoir un tel soutien de la part d'inconnus ou de vagues connaissances et bénit intérieurement le jour où il s'était lié d'amitié avec des membres de la généreuse famille Weasley. Molly et Arthur étaient des gens absolument adorables – bien qu'il se sente toujours mal à l'aise face à la lueur de pitié visible dans les yeux de la matrone – et Ginny et Ron savaient toujours s'y prendre pour égayer l'atmosphère. Hermione, bien qu'intimidée et distante au début, avait aussi fini par briser la glace et appréciait à présent discuter avec lui de ses anciennes recherches en magie fondamentale, très intéressée par le sujet ; Harry Potter, lui, se montrait méfiant mais n'avait plus de réactions hostiles ; George était le seul qui l'inquiétât véritablement.

Pour une raison qui lui était inconnue – ou en tous cas, qu'il se refusait d'avouer à soi-même – il n'avait jamais parlé du sombre pressentiment qu'il ressentait à chaque fois qu'il se trouvait en présence de George Weasley. Jusque-là, hormis la première fois, chacune de ses visites se déroulait en compagnie d'au moins une autre personne et il conservait alors son masque souriant, blagueur. Mais Nikita voyait limpidement son vrai visage : cela le terrifiait, le mettait dans une très délicate posture...

Puis, au bout de deux ou trois semaines, il décida de changer d'attitude pour voir ce qui allait se produire. Il n'avait probablement rien planifié, rien ; pourtant, nul doute qu'en l'instant précis où cela se produisit, il en ressentit des remords, s'en fit des reproches...

Désormais, son regard lorsqu'il fixait George n'était plus apitoyé ou implorant mais résolu et insistant. Le rouquin le perçut évidemment tout de suite, bien qu'il ne laissât longtemps rien paraître. Mais cela avait commencé à le ronger, sérieusement. Un jour, alors qu'il était venu en compagnie d'Hermione et de Ginny et que Nikita s'était lancé avec elles dans une longue et passionnante conversation sur l'immortalité, quelque chose bascula en George et il prit sa décision. Le soir même, dans la nuit, il revint au Chaudron Baveur et, évitant madame Pine – la Guérisseuse – dans le couloir, se glissa à pas de loup dans la chambre du mourant, l'esprit animé d'un brasier chaotique.

Nikita Lebedev ne dormait pas. Une bougie était allumée sur sa table de chevet, à côté de son lit, et il lisait un épais grimoire. Il avait l'air de l'attendre : lorsque George entra et regarda prudemment autour de lui, le malade posa son livre sur ses couvertures et braqua ses yeux pâles sur le visage tremblant, dérangé, du nouveau venu.

George croisa son regard et se calma un peu l'espace d'une seconde : il s'approcha du fauteuil et s'y assit précautionneusement. Puis, soudain, pris d'une frénésie nouvelle, il se redressa d'un bond et traversa la chambre dans sa largeur tout en fixant le sol et en se tordant nerveusement les doigts. Il fit deux allers-retours ; enfin, il s'arrêta face au large lit central et fit un pas en avant, le visage tout blême – ce qui faisait ressortir sa constellation de taches de rousseur malgré la barbe qui les recouvrait en grande partie. Ses mains ne tremblaient presque plus : il plongea machinalement sa droite dans sa poche et en ressortit sa baguette, qu'il examina attentivement, l'air d'avoir oublié l'endroit où il se trouvait.

Pourtant, lorsqu'il releva le regard, celui-ci était luisant d'une froide détermination. Il dévisagea Nikita durant quelques secondes, la respiration accélérée, sembla lutter contre lui-même pour ne pas pointer sa baguette sur lui. Lorsqu'il vit la réaction parfaitement impassible du mourant, il parut se raviser et se détendit quelque peu.

D'une voix amère, il lança :

« Bonjour Nikita... tu sais pourquoi je suis venu. Hein ? »

Il agita sa baguette d'un geste imprécis, attendant une réponse. Nikita laissa passer quelques secondes avant de hocher lentement la tête.

Un frémissement agita la lèvre supérieure de son visiteur, qui se rapprocha encore davantage, le regard presque fou.

« Bien sûr... tu as toujours eu un coup d'avance sur Fred et... »

Sa voix flancha. Il se ressaisit cependant très vite :

« Tu n'es pas du genre à laisser tomber, je le sais. Je l'ai vu dans ton regard : tu as encore quelque chose... un tour dans ton sac ! Je le vois maintenant, en ce moment même... oui... tu as un plan ! »

Il était à présent tout proche, à moins d'un demi-mètre du visage du malade – qui continuait de le fixer muettement, impassible. Les yeux du roux s'étrécirent en deux minces fentes brûlantes d'une forme de violente énergie du désespoir. Un observateur extérieur l'aurait sans doute pris pour un fou, pour un maniaque. Nikita seul savait de quoi il en retournait.

« Tu te trompes, parla-t-il enfin, je n'ai aucun plan. Je suis venu ici pour mourir, il n'y a pas d'autre échappatoire...

« C'est faux, tu mens ! » s'écria George d'une voix sifflante.

Il venait d'agripper avec force le bras de son ami, sans se rendre compte qu'il avait enfoncé ses ongles profondément dans sa peau. Lebedev n'eut aucune réaction, gardant son bras inerte. Cette douleur ne représentait rien pour lui.

« Je sais que tu as un plan, je sais que tu as passé toutes ces années à étudier patiemment, à expérimenter, à essayer de trouver une solution... Tout à l'heure, durant ta discussion avec Hermione et ma sœur... vous parliez d'immortalité, vous parliez des méthodes pour faire revenir un être vivant du royaume des morts...

« Une discussion purement théorique, murmura Nikita. Il existe en effet des moyens pour ressusciter les morts, pour faire marcher les cadavres. C'est de la magie noire très puissante, il faut posséder une âme particulièrement torturée ou insensible pour l'exécuter correctement... »

George acquiesça vivement la tête, les yeux soudain écarquillés, déments. Un sourire psychédélique s'était dessiné sur son visage.

« George, souffla le Russe d'une voix très douce. Cela ne ferait pas revenir ton frère.

« Peut-être ! Qu'en sais-tu ? aboya George d'une voix grinçante.

« George... tu le sais aussi bien que moi. Seul son corps aurait l'air vaguement en vie, son cadavre demeurerait... sans âme...

« Sans âme... j'en ai une, moi, d'âme ! Je pourrais la briser en deux et lui en donner une moitié ! Nous avons toujours tout partagé, toujours ! »

Il se pencha tout près du visage de Nikita, un air féroce d'animal aux abois inscrit sur chacun de ses traits.

« J'ai lu tous les rapports confidentiels rédigés par Hermione après la chute de Voldemort... elle y parlait d'une magie noire très puissante, les Horcruxes... Voldemort en aurait eu huit au total. »

Il recula d'un pas, tout son corps tremblant de manière incontrôlable.

« Harry, Ron et elle les ont détruits. Les Horcruxes... ce sont des fragments d'âme, tu le sais certainement déjà. On les crée en séparant les morceaux de son âme... on les sépare en... en tuant... »

Il se rendit finalement compte du sens de ses propos et cligna des yeux, horrifié. Nikita abaissa ses paupières, rongé par la culpabilité : il n'avait rien fait pour empêcher à temps son ami de dire ce qu'il avait dit.

« Tu veux que je fasse du cadavre en décomposition de Fred un Inferius pour que tu puisses en faire un Horcruxe... c'est bien ça ? déclara-t-il enfin d'un ton dur pour montrer à George toute l'absurdité de ses propos.

« Je... je veux seulement qu'il vive ! murmura George en laissant ses yeux s'embuer de larmes. C'est la seule chose à laquelle j'ai pensé... mais tu as certainement une autre, une meilleure solution, tu es un expert en magie noire ! »

Il se déplaça vers la fenêtre – à présent noire comme la nuit dehors – et y jeta un regard plein de rage et de désespoir.

« Je me rappelle le jour où tu nous as montré ce... truc... avec cette plante, dans le Parc, expliqua-t-il, dos tourné à son interlocuteur. Tu as alors dit que la magie noire ne consistait qu'en la modification de la vie, rien de plus. Que tout était question de sacrifices, de... transferts de magie ou que sais-je... Et tu as tué une ortie pour faire pousser une fleur au même endroit. Je veux que tu fasses la même chose avec Fred : tue-moi et fais pousser Fred à ma place ! »

Un lourd silence s'abattit dans la pièce. La bougie fit trembler des ombres sur les murs, sa lumière se refléta sur le miroir de la porte du placard ; un léger gratouillement résonna, quelque part loin d'eux – probablement une souris ou un rat ; l'horloge au-dessus de la porte tictaquait paisiblement et c'était le seul bruit qui perturbait cette atmosphère étrange, presque féérique.

« George, mon ami... il n'y a rien. Rien à faire. La magie noire ne peut rien y changer : personne n'est assez puissant pour faire revenir un être humain, pour en... créer magiquement un de toutes pièces. Même si je savais le faire en théorie, je ne pourrais t'être d'aucune aide : regarde-moi ! »

L'homme roux tourna lentement la tête vers le malade et vit alors qu'il s'était trompé, que toute son hypothèse était fausse : il était face à un mourant, face à un homme qui avait accepté son sort avec résignation. Et il se sentit soudain terriblement honteux. Terriblement inutile. Terriblement... vide.

Il passa sa main, marquée et abîmée par des années à bricoler des inventions pour son magasin de farces et attrapes, dans sa barbe d'un mois et ne retint plus le tremblement incontrôlable de sa mâchoire jusque-là crispée, ne retint plus les larmes jusque-là prisonnières d'un vieux masque en décomposition. Un sanglot agita violemment sa poitrine amaigrie, affaiblie par cinq longues années de dépression ; ses jambes flanchèrent, il dut s'assoir à même le sol. Bientôt, il pleurait, geignait comme un bébé, comme un animal blessé.

Lebedev l'observait. Ses yeux bleus étaient comme éteints. Il voyait un homme se consumer sous son regard sans réagir, sans rien faire, sans même bouger le petit doigt. Et cela dura longtemps. Atrocement longtemps.

George Weasley finit par reprendre ses esprits et se remémorer l'endroit dans lequel il se trouvait. Encore tout tremblant, tout frissonnant, il se releva, se traina vers le fauteuil le plus proche, dans lequel il se recroquevilla et enfouit son visage dans ses paumes. Ses cheveux sales, certainement pas coupés depuis des mois, retombaient mollement sur ses mains, les tachant de fines traces luisantes de gras.

Nikita se pinça les lèvres pour s'empêcher d'intervenir trop tôt. Il fallait qu'il attende pile le bon moment.

Celui-ci arriva enfin.

« Vous partagiez tout... même votre âme, croassa-t-il d'un ton rauque qui fit légèrement sursauter son invité.

« Qu...quoi ?...

« Tout comme il existe des siamois de corps – des frères ou sœurs rattachés physiquement par certains organes – il y a aussi des siamois d'âme », explicita le Russe.

Ce qu'il racontait n'était que pure invention, mais il s'y prenait de manière très convaincante. George avait à nouveau braqué son regard vers lui, l'air perdu.

« Fred et toi, vous n'étiez pas seulement liés par le sang... vous étiez bien plus proches que ça, vous étiez siamois d'âme ! »

Nikita laissa s'écouler un instant pour que George enregistre l'information. Ce dernier, perdant son expression égarée, finit par acquiescer avec ferveur, les yeux remplis d'une nouvelle flamme d'espoir.

« Avec la mort de Fred, ce n'est pas seulement ton frère qui est parti, c'est également le lien qui vous unissait tous les deux, la parcelle d'âme que vous aviez en commun... Lève-toi, George, et va jusqu'au miroir... oui, celui sur la porte de l'armoire. Voilà. Mets-toi en face.

« Qu'est-ce que... ?

« Ne dis rien. Reste calme. Essaye de détendre tous tes muscles... comme si tu allais t'endormir. Maintenant, regarde-toi dans le miroir. Regarde tes yeux, regarde ton visage... regarde attentivement. »

Quelques minutes supplémentaires s'écoulèrent. George, comme hypnotisé, fixait la glace sans ciller. Son esprit était confus, comme paralysé : il n'avait aucune idée de ce qu'il était censé faire, il attendait avec désespoir que la voix de son ami résonne à nouveau, pour lui dire quoi faire.

« Qu'est-ce que tu vois, George ? parla enfin le Russe.

« Je... je ne sais pas... c'est... moi ? »

Comme pour s'en assurer inconsciemment, George passa la main sous ses cheveux, sur le côté droit de son crâne, là où il avait été amputé d'une oreille par un sortilège de magie noire dix-sept ans auparavant. Fred n'avait pas cette difformité.

« Vraiment ? résonna cruellement la voix de Nikita Lebedev. Cet homme que tu vois... est-ce vraiment toi ? »

George se reconcentra sur son reflet, bien que sa tête ait commencé à lui faire mal. Un homme mal rasé, sale, vêtu d'une triste redingote élimée, le dos courbé, la peau moite... Ce qui le terrifia le plus, c'était son regard : ses yeux marrons étaient aussi vitreux que ceux d'un poisson mort. Ce n'était pas son regard... non... ça ne pouvait pas être lui...

Il sentit sa respiration et son poult s'accélérer, pris d'une soudaine crise d'angoisse. Un gémissement franchit ses lèvres ; il se couvrit les yeux de ses mains et se roula en boule sur le sol. Il n'avait même plus assez d'énergie pour pleurer, sa tête le faisait terriblement souffrir...

Ce fut une voix salvatrice qui le tira d'un coup de ce cauchemar.

« Tu es malade, George. Très gravement malade. Un peu comme moi. »

Comme dans un rêve, il se releva, toute sa douleur évaporée. Sans savoir comment, il se retrouva au chevet de Nikita, fixant ses yeux avec admiration : ce regard bleu pâle, délavé, luisait d'une telle énergie, d'une telle force de vivre... Il avait envie de s'abreuver de cette source vitale, de puiser dans cette énergie mystérieuse qui lui faisait tant défaut !...

« Je vois que tu comprends enfin, susurra Nikita d'une voix envoutante.

« Ton... ton corps est malade... et moi, c'est mon âme... c'est bien ça ?

« Exactement. Tu es aussi malade que moi. Ton corps est sain, mais ton âme... profondément perturbée. Mon âme est saine mais mon corps... me lâche petit à petit. Tu vois, on est pareils, on est comme un homme et son reflet. Lorsque je me regarde dans un miroir, ce n'est pas moi que je vois... c'est un pantin qui tombe en miettes et dont j'ai malencontreusement pris possession. Et toi, tu ne te vois pas parce que derrière ce corps en parfaite santé se cache un homme mort, une âme effilochée, instable, qui se dégrade petit à petit. »

Ses yeux ne luisaient plus seulement de détermination à présent, ils brillaient également de fureur, de rage, d'un profond sentiment d'injustice et de rancœur. Incapable d'esquisser un geste, la bouche entrouverte, George remarqua cette hideuse métamorphose, impuissant. Il ne pouvait qu'écouter la suite, il n'avait pas le choix... Tout ce que disait Nikita était vrai – une vérité blessante, cruelle, insupportable – mais néanmoins indéniablement véridique. Ils étaient... pareils.

« Il n'y a rien après la mort, clama le Russe d'une voix presque triomphante. Ton frère – ta moitié – est irrécupérable, perdu à jamais. Il n'existe tout simplement plus. Et sa perte te tire dans les abysses...

« Qu'est-ce que je dois faire ?..., murmura George, à présent blanc comme un linge. Si ce que tu dis est... si je tombe en miettes... si je suis moi-aussi condamné...

« C'est une maladie aussi incurable que la mienne, je le crains », affirma fiévreusement Lebedev.

Soudain, il parut se raviser. Ses yeux s'illuminèrent d'une vive compassion, d'une infinie douleur. Frissonnant, horrifié, pris d'un violent dégoût de lui-même, il bégaya d'une voix faible :

« Je...non... je suis désolé... oublie ce que je viens de dire... ne m'écoute surtout pas, George, je suis en train de te manipuler...

« Non, non !... Nikita, je t'en prie, tu es quelqu'un de bien, je le sais ! Tu es franc avec moi, tu es le seul à te montrer aussi franc depuis... depuis dix-sept ans...

« Arrête... écoute... je... j'ai changé moi-aussi... je... je n'ai sans doute pas été réparti à Serpentard pour rien, le Choixpeau, Dumbledore, tous avaient raison au sujet de cette Maison, nous tournons tous très mal...

« Stop ! Tais-toi ! Ne dis plus d'âneries ! Je crois uniquement à ce que j'ai constaté par mes yeux, par mon cœur, mon instinct : les Maisons c'est que des conneries ! Chaque homme peut devenir brave, chaque homme peut devenir un salaud... et toi, tu es un type bien !

« Tu ne comprends pas...

« Bien sûr que si ! C'est toi qui ne comprends pas ! J'ai été un salaud, rien qu'un salaud, à t'infliger tout ça alors que tu as déjà... suffisamment de problèmes... »

Le rouquin fixa ses chaussures.

« Je... j'ai cruellement manqué de délicatesse avec toi... ce dont tu as besoin, c'est du soutien, de l'aide !... à la place, je viens ici te parler d'un mort, te menacer presque !...

« George...

« Et tu as parfaitement raison, je suis tout aussi condamné que toi, affirma l'homme brisé d'une voix ferme. J'ai songé si souvent... j'ai planifié si souvent... j'ai même essayé, une fois... »

Ses yeux étaient humides, mais tous deux savaient qu'aucune larme supplémentaire ne coulerait ce soir.

« Tu devrais aller te reposer, tenta Nikita de le répudier.

« Je ne suis pas aussi idiot que j'en ai l'air, vieille vipère, ricana George sans tenir compte de la supplication de son ami.

« Tu n'as pas l'air idiot...

« Quel qu'ait été ton subterfuge pour m'attirer ici ce soir, je suis certain d'en connaître la raison : tu avais besoin de moi. »

Il se pencha vers lui, souriant. Nikita recula un peu en s'aidant de ses coudes et essaya de briser le contact visuel ; en vain.

« Je sais que mon mal est incurable, je l'ai toujours su... mais pour toi, tout espoir n'est pas perdu, n'est-ce pas ? fit George en essayant de déchiffrer l'expression du Russe. Je le vois dans ton regard, je le sais ! Il existe encore un moyen, un moyen certainement désespéré, mais tout espoir n'est pas perdu... tu n'as jamais cessé de lutter !

« En effet, tu as raison... »

Tout en lui criait de dire à son ami de partir, de s'en aller en courant et de ne jamais revenir. Lorsqu'il se plongea dans son regard, cependant, et croisa une fois de plus ce vide, cet abîme terrifiant... il crut presque à toutes les salades qu'il avait racontées au rouquin.

Il se prit à sa propre escroquerie.

« J'ai... j'ai inventé une nouvelle formule magique... ça m'a pris trois longues années, c'est de la magie noire très complexe, très difficile à maîtriser... »

Il déglutit. George avait l'air de l'écouter attentivement.

« Je n'ai jamais testé ce sort sur un être humain, pour le moment, mais j'ai pu l'expérimenter dans mon laboratoire avec des hiboux et des chauve-souris blanches... les résultats m'ont paru prometteurs, bien qu'il demeure encore des zones d'ombre. C'est... j'ai tout consigné ici... »

Il tira de sous sa couverture un épais paquet de parchemins, recouverts de son écriture brouillonne et de schémas incompréhensibles. George y jeta un œil, sourcils froncés. Impossible de déterminer la langue dans laquelle c'était écrit, tant la calligraphie était resserrée et illisible.

« Je ne vais pas faire durer le suspense davantage : cette formule permet d'intervertir deux âmes dans leurs corps respectifs. Ni plus, ni moins. C'est un échange parfait, sans pertes, sans... risques de possession de la part d'une des deux âmes. »

Il émit un petit rire.

« J'étais le chercheur parfait pour étudier la limite si floue entre le corps et l'âme, ne penses-tu pas ? Les miens n'ont jamais été ajustés l'un à l'autre. C'est peut-être cette caractéristique qui a fait de moi l'inventeur de ce sort ! »

Ses yeux brillèrent d'un mélange de fierté et de tendresse.

« En revanche, malgré toute l'expertise que je peux prétendre avoir en la matière, je n'ai aucune idée de ce qu'il peut bien y avoir après la mort. C'est en cela que je t'ai menti, George : ton frère existe peut-être – sans doute – toujours quelque part. Mais je suis incapable d'aller le récupérer, j'en suis sincèrement navré... »

Bien qu'il ait tenté de demeurer impassible, George ne put empêcher une violente douleur déformer ses traits. Il savait que Nikita ne mentait pas, il ne pouvait réellement pas ressusciter Fred... après tout, seul un dieu l'aurait pu !... un dieu, ou un démon.

« Dans ce cas, je vais le rejoindre, dit-il sombrement. Tu étais mon dernier espoir... mais je ne t'en veux réellement pas. Je n'aurais pas dû me montrer aussi naïf, j'aurais dû agir bien plus tôt, après le départ d'Angelina... Ne t'avise même pas d'essayer m'en empêcher ou de contacter quelqu'un pour m'en empêcher, je le ferai ce soir même ! Et tant pis si vous m'en voudrez... je ne peux plus supporter cette souffrance, c'est le seul moyen de m'en défaire. »

Nikita savait que le rouquin ne mentait pas en annonçant aussi ouvertement son projet de suicide : il était dans la dernière phase de sa dépression, dans la phase où tout lui était devenu égal, où il n'avait plus peur de se montrer franc car il savait qu'il n'aurait plus jamais à répondre des conséquences de ses actes.

Au point où il en était...

« Attends ! s'écria-t-il – ce qui le fit tousser à cause de ses poumons endommagés. Tu l'as toi-même dit : j'ai besoin de toi. »

George, qui avait été sur le point de partir, se tourna une nouvelle fois vers lui, le regard éteint, vide de toute trace de vie. Il était dans sa dernière ligne droite, et le Russe venait de l'en dévier. Peu lui importait ce qu'il allait bien pouvoir dire ; pourtant, il resta figé sur place et l'écouta. Il devait bien ça à son ami mourant.

« Mon corps est mort, mon âme regorge de vie. Je refuse de mourir. Je n'en ai pas envie. Vraiment. C'est... stupéfiant de voir comment l'âme s'accroche aux dernières parcelles de vie bien que l'esprit ait déjà statué sur son décès. Je devrais me sentir comme un cadavre ambulant – enfin, plutôt un cadavre alité dans mon cas – et pourtant, pas du tout : je suis plus vivant que jamais ! Ça fait plus de quatre jours que je n'ai pas fermé l'œil, tentant de profiter de la moindre minute, de la moindre seconde de cette vie qui m'échappe à chaque instant ! Je... refuse de mourir. C'est trop injuste. Mon heure n'a pas encore sonné, j'en suis convaincu ! »

C'était à son tour de pleurer à chaudes larmes. Elles dégoulinaient sur ses joues, sur les contours maigres de son visage, humidifiaient sa couette. Il les sentait irriter sa peau avec une netteté qui le surprit : non, il n'était pas mourant, il n'était pas mort ! Ces larmes, c'était le signe que son cœur battait encore avec ferveur, qu'il refusait de le lâcher, qu'il avait pour mission de demeurer vivant coûte que coûte !

George contemplait silencieusement ce spectacle, les bras pendouillant de part et d'autre de son torse, la gorge nouée, sentant que le moindre mouvement esquissé lui causerait une douleur abominable. Il était incapable d'éprouver ça. Ce corps frêle et menu, allongé dans le lit qui lui faisait face... cet ami d'enfance débordait d'une force et d'une énergie qu'il ne serait plus jamais capable de comprendre ou de ressentir. Il n'était plus qu'une coquille vide, une enveloppe débarrassée de sa substance... alors que l'homme face à lui...

« Tu es déjà mort, toi, tu l'as dit toi-même... et tu comptes achever cette réalisation ce soir. Ce que je m'apprête à te proposer... c'est un délai supplémentaire. Tu veux mourir, soit. Moi, je ne veux pas. Tu possèdes un corps viable – pas moi. Je sais comment arranger cette situation.

« Ton... ton sort..., murmura George. Je ne comprenais pas pourquoi tu en parlais, tout à l'heure...

« Maintenant, la raison doit t'apparaître plus claire. »

George opina du chef, le regard perdu quelque part dans le vague.

« Trois mois à vivre..., chuchota-t-il comme dans un rêve.

« Trois mois... après quoi, tu pourras rejoindre ton frère, quel que soit l'endroit où il se trouve.

« Trois mois... mais pour toi, c'est toute une vie... j'ai la possibilité de t'offrir toute une vie... ce n'est pas vraiment un cadeau, crois-moi.

« Je te crois, George. Mais je suis très ouvert aux expériences nouvelles, tu le sais : inviter une fille, me marier, me faire larguer... »

George tressaillit.

« Faisons-le. Faisons-le tout de suite... je suis prêt ! »

Nikita se redressa un peu sur son oreiller et s'adossa contre le mur.

« Tu es sûr ? Je veux dire... ce n'est pas une décision à prendre à la légère... »

George prit une profonde inspiration.

« Si jamais je rentre chez moi ce soir, je ne suis pas sûr de pouvoir supporter l'envie... d'aller le rejoindre...

« Je comprends. »

Il était en pleine crise suicidaire – crise que Nikita avait en grande partie provoquée. C'était l'instant ou jamais, le moment pour le Russe de se saisir de cette chance ou d'abandonner à tout jamais tout espoir de survie. Il savait que pareille configuration ne se reproduirait plus : si George Weasley sortait ce soir de sa chambre, alors soit il surmonterait sa pulsion autodestructrice, soit il y succomberait – dans tous les cas, il ne reviendrait plus jamais le voir.

Lebedev prit sa décision.

« Je suis trop faible pour pouvoir le faire seul. Passe-moi ma canne. »

George s'exécuta comme un automate.

Le Russe s'empara du bâton et, après une seconde d'hésitation, plongea les doigts dans quelques-unes des fentes visibles dans le bois qui s'élargirent pour le laisser passer. Une vive lumière blanche et verte enveloppa ses mains : effrayé, le rouquin recula de deux pas sans toutefois détourner le regard.

Le chèvrefeuille qui poussait autour de la branche se dessécha à une vitesse vertigineuse : ses tiges noircirent et presque toutes ses feuilles tombèrent mollement sur le lit. La lumière baissa peu à peu en intensité jusqu'à n'être plus qu'une pâle lueur tremblotante. Les veines aux poignets et au cou de Nikita luisirent l'espace d'un instant ; l'instant d'après, cependant, il était pris d'une violente quinte de toux – un épais fluide sombre et visqueux, dont la couleur rouge se discernait à peine sous la faible lumière opaque de la seule bougie allumée, coula aux commissures de ses lèvres gercées et macula de quelques gouttes ses couvertures.

Haletant, il posa la canne – plus rabougrie et desséchée qu'avant – à côté de lui et d'un signe de tête, ordonna à George de lui passer sa baguette – posée sur une liasse de documents dans sa valise (depuis plus d'une semaine, il n'arrivait plus à faire la moindre magie, elle lui était alors devenue inutile).

Lorsqu'il eut le bout de bois entre ses mains, il le pointa sur sa commode : un tiroir s'ouvrit aussitôt et une pochette ouvragée en peau de dragon s'éleva dans les airs jusqu'à lui. Il s'en saisit.

« Avec ce que je viens de faire, expliqua-t-il, j'ai retiré environ deux semaines d'espérance de vie à ce corps. J'ai absorbé la précieuse magie produite par mon arbre. Ça m'a donné assez d'énergie pour exécuter le rituel, mais les conséquences seront... douloureuses... »

Il scruta le visage de George, qui ne cilla même pas. Il l'écoutait à peine : il attendait seulement la suite.

« Bien. Prends cette pochette. Ouvre-la.

« Qu'est-ce que c'est ?

« La formule.

« Tout ça ?

« Oui. Tu arrives à me relire ? »

George fronça les sourcils et parcourut des yeux les neuf longues pages de parchemin couvertes de la fine mais peu lisible écriture de son ami – la même qu'il avait tant de fois déchiffrée des années auparavant pour pouvoir recopier ses devoirs.

« Oui, dit-il.

« Bien. Il faut qu'on la prononce exactement en même temps. Je pourrais nous synchroniser avec un sort... mais j'ignore si cela aurait un impact sur le rituel. Le mieux à faire, c'est que je lise dans tes pensées pour savoir exactement à quel moment tu prononceras les mots. Ça ne te pose pas de soucis ? Je n'irai pas fouiller dans ta mémoire...

« Pas de problèmes. Fais ce que tu as à faire.

« Très bien... Legilimens ! »

George ne sentit pas la différence. Nikita était demeuré à la surface de sa conscience, agissant de la manière la moins intrusive possible. De toutes manières, songea le roux, il n'y avait pas grand-chose à voir : son esprit et son âme n'étaient plus que des ombres, des façades. Il était vide de l'intérieur.

Après s'être humidifié les lèvres de sa langue, il se concentra sur la première ligne.

« Pointe ta baguette sur moi » expliqua une voix dans sa tête.

Il obtempéra et vit que Nikita avait fait de même. Ses yeux étaient fermés. Il connaissait sans doute sa formule par cœur – pas étonnant, vu qu'il l'avait inventée.

Il baissa à nouveau le regard sur le parchemin et prit une grande inspiration...

OooO

Il reprit conscience étendu sur le sol froid. La première chose qu'il vit fut un mince rayon de soleil caresser sa main droite, par terre juste devant son nez, agrippant encore sa baguette... non, pas sa baguette !

Il la lâcha et tâtonna le parquet, trouvant étrange cette sensation de... vigueur dans ses muscles. Précautionneusement, comme pour ne pas s'éveiller d'un rêve merveilleux, il replia ses bras sous son ventre et tendit ses biceps : cette seule force suffit à le soulever. En s'aidant de ses jambes, il se mit lentement debout et épousseta sa redingote violette élimée.

La chambre était restée la même – celle qu'il voyait jour et nuit depuis quelques semaines. La seule chose, le seul détail qui avait changé, c'était son point de vue.

Ne croyant qu'à peine à ses propres sens, Nikita passa la main sur son visage et rencontra une peau inconnue. Couverte de barbe, plus rêche et épaisse que la sienne, avec un nez un peu plus court, une mâchoire plus ferme, des orbites plus larges, des joues plus rebondies... Il toucha ses cheveux – gras, sales, mal coupés – et en arracha un avant de le porter sous ses yeux : roux flamboyant.

Le laissant tomber par terre, il leva enfin la tête vers le grand lit face à lui : une silhouette de petite taille, à moitié cachée par les couvertures, y était étendue et semblait dormir. Cela lui fit une sensation étrange de voir son propre visage assoupi.

Non. Ce n'était plus lui désormais. C'était un mort.

Comme envouté, il s'approcha du lit sur la pointe des pieds – quelle sensation de puissance, que de pouvoir à nouveau marcher ! – et avança son bras vers le front de l'endormi. C'était fascinant. Il était... il était lui-même, dans un corps qui n'était pas le sien ! La structure de ce nouveau cerveau n'empêchait pas son esprit d'en prendre le contrôle... Les humains étaient peut-être tous interchangeables, après tout ?

Il n'avait pas pris de risques inutiles. Il avait sélectionné avec soin un homme de son âge, d'une carrure proche – si l'on omettait les dégâts causés par la Moldulite sur son corps –, d'une personnalité similaire... enfin, avec la grande différence que George était dépressif et pas lui. C'était le « donneur » parfait ! Il s'était même porté volontaire pour l'expérience !

Au moment où il allait toucher son visage, l'homme allongé – George Weasley, désormais – ouvrit les yeux et le fixa avec une expression si désorientée, si démente, que Nikita recula d'un pas. Une seconde s'écoula avant que ses yeux bleus délavés ne luisent d'une souffrance atroce et ne s'embuent de larmes.

Vite, Nikita sauta maladroitement vers la table basse où étaient rangés tous les médicaments et se saisit d'une potion anti-douleur – il vérifia deux fois l'étiquette pour s'assurer de ne pas s'être trompé – qu'il fit goutter entre les lèvres déformées par la douleur de son ancien « lui ». George s'apaisa au bout d'une minute ou deux et ferma les yeux, soulagé.

« C'est moins drôle que je ne l'avais cru, de devenir toi, marmonna-t-il enfin sur un morne ton sarcastique.

« Je... sais..., fit Nikita avec un air désolé. C'est le foie, pas vrai ? Ça m'a toujours fait un mal de chien... »

George rouvrit les yeux et le dévisagea un moment.

« Dans quel état est ton... mon corps, exactement ?

« Oh... euh, déjà, il te manque un rein et deux côtes – ça, tu le dois à Yuri Bezukhov, en quatrième année lui et sa bande m'ont tabassé quand j'ai insulté sa mère, je n'ai pas réussi à m'enfuir à temps –, le foie, le pancréas et la rate en font souvent des siennes – ça fait des années que la magie les ronge –, les poumons... j'imagine que tu le constates toi-même, ils ne sont pas très pratiques pour respirer... mais heureusement, le cerveau et le cœur vont bien !... pour le moment... »

Il se pinça les lèvres, conscient que le bilan qu'il venait de faire était loin d'être réjouissant. George poussa un léger soupir et détourna le visage. Dans ses mains, il tenait encore la baguette de Nikita.

« Euh... au fait, on devrait les échanger, fit remarquer le Russe en désignant la baguette du menton. Nos corps respectifs sont intervertis, mais pas nos magies... je ne peux pas utiliser ta baguette, je sens qu'elle me repousse... »

Vaguement surpris, George prit la baguette de Lebedev et l'examina un moment avant de la lui tendre muettement d'une main tremblante. Son ami remarqua qu'il utilisait sa main droite :

« Intéressant », murmura-t-il en aparté.

Il prit sa baguette et rendit la sienne à Weasley. Aussitôt qu'il posa ses doigts sur le bout de bois bien familier, il ressentit une vague de chaleur rassurante le parcourir de la tête aux pieds : sa baguette le reconnaissait. Il esquissa un sourire satisfait avant de la ranger dans la poche gauche de son pantalon.

« Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant ? s'enquit George en balayant la chambre de son regard vide, absent. Tu comptes aller me remplacer dans ma boutique ?... »

Nikita secoua la tête, songeur. Un plan avait commencé à germer dans sa tête.

« Je pense que je vais m'absenter quelque temps », annonça-t-il d'un air énigmatique.

Et il brandit sa baguette et la pointa sur sa valise tout en murmurant quelques mots inaudibles. Les parchemins qu'elle contenait en bondirent d'un coup et voltigèrent à quelques centimètres du sol.

« Replico ! »

Chaque feuille se dédoubla comme une cellule en mitose. Il y avait énormément de feuilles, l'opération prit une bonne dizaine de minutes. Nikita savoura chaque instant de sa force magique retrouvée ; il y avait même gagné au change : dans le corps de George, il était au moins deux fois plus puissant qu'il ne l'avait jamais été dans le sien propre !

Enfin, toutes ses notes furent recopiées. Confiant, il lança un sortilège informulé de métamorphose sur l'une des deux chaises présente dans la pièce : à sa plus grande joie, il parvint du premier coup à la changer en valise !

« Waouh, ça a l'air de te réussir de te retrouver dans ma peau ! » commenta George.

Le visage rayonnant d'un émerveillement nouveau, Nikita acquiesça. D'un geste, il fit voler les parchemins néo-synthétisés dans la valise, qu'il referma d'un coup sec. Satisfait, il rangea sa baguette et se frotta les mains avant de se mettre à étirer ses muscles, n'arrivant toujours pas à s'y faire.

Tandis qu'il faisait des allers-retours devant le lit, sautillant de temps à autre sur un pas de danse d'un air guilleret pour tester l'état de ses nouvelles jambes, George l'observa d'un œil morne. Il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il pouvait bien y avoir de réjouissant à se retrouver dans son corps – oh, bien sûr, c'était certainement préférable à être coincé dans une loque inerte sous anti-douleurs... mais de là à vouloir danser ?

Soudain, la porte s'ouvrit sur la petite forme replète de madame Pine, la Guérisseuse payée par Nikita. Voyant George Weasley qui tournoyait justement sur lui-même en chantant au beau milieu de la chambre, elle demeura scotchée sur le pas de la porte, la bouche ouverte et les yeux ronds. Nikita finit par s'apercevoir de sa présence, trébucha et manqua de s'étaler à plat ventre.

« Oh, bonjour madame Pine ! lança-t-il joyeusement tout en reprenant son équilibre.

« Monsieur... Weasley ? bafouilla la vieille dame. Quelle surprise de vous voir ici à cette heure... j'étais venue pour donner ses potions à monsieur Lebedev... »

Elle chercha à établir un contact visuel avec le malade, souhaitant inconsciemment qu'il confirme ses dires. George demeura cependant impassible ; cela la déstabilisa quelque peu, elle qui était habituée à s'occuper d'un homme gentil, affable et chaleureux.

Voyant cela, Nikita attira immédiatement à nouveau son attention vers lui :

« Nikita m'a invité ce matin de bonne heure, je n'ai pas pu lui refuser une petite visite ! La journée est si belle aujourd'hui, ne trouvez-vous pas ? »

D'un air presque extatique, il fut devant la fenêtre en un bond et l'ouvrit en grand pour respirer l'air frais et sain d'une capitale polluée. À présent complètement larguée face à ce comportement excentrique, madame Pine se gratta la tête puis braqua son regard sur le visage du malade – qui demeurait indifférent à toute la scène.

Tout à coup, Nikita – dans le corps de George – fit volte-face, un immense sourire gravé sur son visage – en cet instant, le rouquin ressemblait à celui qu'il avait été des années durant au collège, avant que son jumeau ne meure et que sa femme ne le quitte. Il s'agenouilla au chevet de George – dans le corps de Nikita – et, sans prévenir, saisit son avant-bras et embrassa sa main. Surpris et incompréhensif, George retira vivement sa main de son étreinte, mais le Russe s'était déjà relevé et planté face à la Guérisseuse, le visage rayonnant d'une telle joie de vivre qu'elle ne put s'empêcher d'esquisser un sourire.

« Oyez, oyez, gente dame ! L'homme qui gît dans ce lit-ci est un grand homme : en quelques mots bien trouvés, il a su me guérir du mal qui me rongeait ! Occupez-vous de lui comme si c'était un roi, faites de votre mieux pour qu'il ait la vie belle ! Il mérite amplement qu'on décroche la lune pour lui, qu'on dompte des dragons, qu'on ravage des cités ! Qu'une seule de ses larmes coule, et vous serez noyée ; ai-je été correctement entendu ? »

La pauvre madame Pine se contentait d'ouvrir et de refermer la bouche comme un poisson à l'air libre. George, dont le visage était à présent déformé d'une moue sans joie, eut la gentillesse d'intervenir :

« George, tu devrais y aller, maintenant. Merci pour ta visite. N'oublie pas ta valise.

« Une valise ? s'étonna la Guérisseuse. Quelle valise ? »

Elle ouvrit ronds ses yeux lorsqu'elle aperçut la seconde valise, posée à côté de celle de Lebedev. D'un grand geste théâtral, Nikita s'en saisit et la souleva comme si elle était remplie de plumes.

« Monsieur Weasley part en voyage, lança George avec une pointe de sarcasme dans la voix. On ne le reverra sans doute pas avant longtemps. Il est venu me dire adieu. »

Les regards des deux hommes se croisèrent à cet instant précis et une vive compassion mêlée à de la culpabilité assombrit l'espace d'une seconde celui de Nikita – tandis que celui de George demeurait fixe, vide, résigné. Nikita sembla vouloir dire quelque chose mais se ravisa et hocha simplement la tête. George inclina légèrement la sienne, indiquant qu'il avait compris, qu'il n'avait pas besoin de se justifier.

« Oui, en effet..., souffla le Russe comme pour lui-même. Je serai absent longtemps... je risque de ne pas revenir d'ici au moins trois mois... »

Il jeta un dernier regard vers cette chère madame Pine, les yeux soudain humides : la vieille dame ne saisissait pas avec précision ce qui était en train de se passer, mais son intuition lui dictait que la situation était bien plus grave qu'elle n'en avait l'air. Un peu tremblante, sans savoir pourquoi, elle mit sa main devant sa bouche comme pour s'empêcher de crier : le regard de ce George Weasley avait quelque chose... de faux en lui. Cette vive impression ne dura cependant qu'une seconde ou deux : l'invité la salua poliment et s'en alla à grandes enjambées pour ne plus jamais revenir. 

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