Daryl
Depuis ma victoire, je suis sur un nuage. Dorian m'a bien fait comprendre qu'il était enclin à des rapprochements, ce qui me rend encore plus fébrile. Je sais que je peux sembler accro au sexe, mais avec lui, ce n'est pas que ça. Il est si différent de ce que j'ai connu avant lui. Il prend le temps de me regarder, comme un trésor qu'il chérit à chaque instant. La douceur de ses caresses est un puissant aphrodisiaque qui me procure bien plus que du désir. Je ressens plutôt un amour véritable et rempli de promesses.
Je patiente donc sur le fauteuil du hall de l'hôtel pendant que Dorian nous réserve une chambre juste pour nous. Il est si près et en même temps si loin de moi, occupé à autre chose que me transmettre combien je compte pour lui. Je l'admets, je suis impatient de le retrouver et de pouvoir ressentir sa présence tout près de moi. C'est vrai que nous sommes pratiquement collés l'un à l'autre en permanence, mais que puis-je y faire ? J'ai besoin de lui.
Il est le premier amant qui me regarde avec un réel amour au fond des yeux. La dernière fois que j'ai vu cette lueur, c'était le jour du décès de ma mère. Elle était prête à partir, mais moi je ne l'étais pas. Elle a tenté de me rassurer en me câlinant et en m'assurant que je serais heureux. Ce jour-là, j'ai compris qu'elle m'aimait vraiment, tout comme papa d'ailleurs. Je n'y ai pas porté attention à l'époque puisque lorsqu'il s'est éteint, six mois avant elle, c'est à ma mère que je me suis raccroché. Ma seule famille.
Dorian est celui qui me laisse croire que je peux à nouveau être aimé pour moi, et non pour mon corps. Tout ce que j'ai vécu avant lui, dans les bras des autres hommes, me semble si fade à présent. Mon beau brun est l'unique chose dont j'ai besoin : un amour authentique et pur.
Il revient à présent vers moi, une carte magnétique entre les mains, avec un petit sourire crispé fendant son visage toujours aussi magnifique. Il me cache quelque chose, je ne le sais que trop bien. Cependant, je n'arrive pas à me décider à lui en parler. Cela pourrait ternir ce beau moment que j'espère vivre dans quelques minutes.
Suis-je égoïste de vouloir ressentir à quel point il m'aime au lieu de lui demander ce qui se passe dans sa tête ?
Personne ne peut comprendre combien j'ai souffert quand maman est partie à son tour. Cet amour indéfectible, perdu depuis des années, que je tente en vain d'oublier, Dorian réussit à le rendre plus tolérable. J'ai besoin qu'il m'offre de nouveaux souvenirs, plus beaux encore.
Je fais donc l'autruche et attrape la main qu'il me tend pour me relever. Je lui retourne mon plus beau sourire et le suis sans hésiter vers l'ascenseur. Les portes sont à peine refermées que je me jette sur sa bouche avec avidité. S'il n'était pas si pudique, j'appuierais sur le bouton «Arrêt».
Qui n'a jamais eu ce fantasme de faire l'amour dans un endroit aussi intimiste ?
Je dois garder mon sang froid et, pour ce faire, il est préférable de nous éloigner de ce dispositif si tentateur. Je le pousse de l'autre côté puis, je glisse sans vergogne mon bassin sur sa jambe afin de débuter nos préliminaires. Oui, je suis ferme. Comment ne pas l'être quand mon petit ami émet ce son envoûtant ?
— Laisse-toi aller, chaton,
Je veux l'entendre à mon oreille qui exprime son envie de moi, son amour pour moi.
— J'adore ce que tu fais, me répond-il tout près de mes lèvres, mais à mes yeux, l'ascenseur est synonyme de faiblesse. Peux-tu attendre d'être dans la chambre ?
J'aurais dû y penser, puisque c'est dans un endroit comme celui-ci qu'il s'est infligé cette blessure à la main qui est maintenant presque guérie. Je n'ai toutefois pas à lui répondre car les portes s'ouvrent sur notre étage. Je le tire donc avec détermination à l'extérieur sans pour autant savoir de quel côté nous rendre. C'est lui qui a la carte ainsi que le numéro de notre nid d'amour. Il me voit hésiter entre deux corridors, ce qui lui permet de prendre la tête.
Nous arrivons enfin face à l'une des nombreuses portes qu'il ouvre à la volée. Je referme sans délai derrière nous afin de me jeter sur mon amant qui m'accueille avec fougue. J'attendais le plus sagement possible ce moment. À présent que nous y sommes, je lui retire mon sweat rouge qu'il doit passer par-dessus sa tête. Ce rapprochement est propice à un baiser fugace avant que je ne m'attaque à son t-shirt qui prend le même chemin. Dorian a cet air coquin lorsqu'il voit que je galére avec la boutonnière de son pantalon. Au lieu de s'impatienter, il s'occupe de défaire ma combinaison de cuir. On voit que ce n'est pas la première fois qu'il en enlève une car je me retrouve pratiquement nu alors que mes doigts tentent encore d'ouvrir son jean.
– Je m'imaginais que tu avais de l'expérience, me fait-il savoir. Je vais commencer à croire que j'ai eu plus de conquêtes que toi.
– Je voudrais bien t'y voir. C'est le dernier jour que tu portes les vêtements de Carlos.
– Je peux aussi ne pas en porter du tout.
Il me glisse cette phrase à l'oreille alors que je réussis enfin à faire passer le bouton dans l'ouverture.
– Ces fesses sont ma propriété. Personne ne peut les admirer à part moi.
– Tu prends ton temps pour les apprécier ! s'exclame-t-il au moment où nous nous rendons compte que la fermeture éclair ne coopère pas.
– Chat de gouttière ! Je n'y arrive pas. Comment je suis censé rester sain d'esprit quand tu es devant moi sans que je ne puisse profiter ?
Il rit un bon coup en me voyant déprimer. Sans crier gare, il me soulève et me balance sur son épaule. J'étouffe un cri de surprise et finis par m'esclaffer à mon tour quand je me rends compte que ça ne semble même pas lui coûter une once d'énergie. Je suis ensuite jeté sur l'unique lit queen qui trône dans la pièce. Dorian se précipite alors sur moi, incapable de résister à notre désir irrationnel l'un de l'autre. Moi qui ne suis vêtu que de mon caleçon, je sens la main de mon amant s'insinuer sous l'élastique. Des mouvements lents mais mesurés viennent taquiner mon membre déjà bien dur. Dorian vient se frotter sur ma cuisse pour me démontrer qu'il est aussi prêt que moi.
– Tu veux bien enlever ce pantalon avant que je n'utilise ta bouche pour me faire plaisir ?
– Ma bouche sera sur ton sexe dans trente secondes. Ne sois pas si impatient. Je veux faire les choses comme il faut pour ma première fois.
– Ta première fois ? Tu veux être top ?
– Ça te dérange ? me demande-t-il en stoppant tout mouvement de crainte de me déplaire.
– Ce sera difficile avec ce foutu jean, grogné-je d'insatisfaction. On doit vraiment te l'enlever.
Il se lève aussitôt tout en continuant à me regarder dans les yeux. Sans aucun problème, il descend la fermeture éclair. Mes yeux s'écarquillent. Comment a-t-il réussi ? Son pantalon glisse au sol de façon bien trop aguicheuse. Ce gars n'a aucune idée de ce qu'il me fait. Si j'étais ferme il y a une minute, alors maintenant, je pourrais carrément exploser tellement il est sexy dans son simple appareil.
Je tends les bras pour qu'il me rejoigne, ce qu'il fait sans hésiter. Sa chaleur se propage à la mienne, créant des étincelles de désir entre nos deux corps. Il reprend son exploration de ma hampe et se décide enfin à enlever le bout de tissu qui masquait encore ma nudité. À peine a-t-il descendu mon boxer que mon membre se dresse, prêt à recevoir toute l'attention que mon petit ami voudra bien lui offrir.
Il lance mon sous-vêtement à l'autre bout de la pièce puis, se penche vers mon érection, l'engloutissant avec délice. Je suis fasciné par sa technique. Sa langue s'enroule et tourbillonne. Ses succions sont fort prometteuses puisque je cambre les reins dès le premier va-et-vient de sa bouche. L'une de mes mains s'agrippe au couvre-lit qui n'aura pas le temps d'être défait alors que l'autre s'enfonce dans sa chevelure en bataille. Il est parfait, et ça ne fait que débuter. S'il est aussi sensationnel avec sa bouche qu'avec son sexe, je ne regretterai pas d'avoir choisi de rester avec lui ce soir. Aucun doute, je m'apprête à passer la meilleure nuit de ma vie.
J'aime comme il me fait du bien, chaque seconde qu'il passe à me lécher est un vrai paradis. Évidemment, je ne retiens pas ma satisfaction et de nouveaux gémissements s'échappent de ma gorge. Ma peau phallique est rouge de plaisir, me laissant savourer ses lèvres tout autour de ma verge durcie par l'excitation qu'il me procure. Je l'attire vers moi pour quémander quelques baisers. Sa bouche goûte ma propre concupiscence. J'en profite pour passer mes mains sur ses fesses et le serrer tout contre moi. Il est bien ferme lui aussi.
Nous sommes prêts. Je suis prêt à ce qu'il me montre ses autres talents : ceux qui vont m'amener au septième ciel quand il me fera l'amour. Je n'ai aucun doute que ce sera parfait. Il est parfait.
– Allez chaton, fais-moi voir des étoiles.
Dorian relève sa tête pour me regarder. Ses yeux chocolat sont voilés par l'envie, mais je le sens se raidir un peu quand je termine ma phrase. Je suis peut-être trop exigeant. Je ne dois pas oublier qu'il n'a jamais été celui qui menait la danse. Afin de le rassurer, j'attrape sa main que je viens embrasser avant de la faire glisser jusqu'à mon anus. Celui-ci frémit déjà alors qu'il ne m'a encore rien fait. On va avoir une sacrée nuit, tous les deux !
– J'ai peur de te faire mal. Tu n'as pas du lubrifiant ? commence-t-il de sa voix hésitante.
– Non, je vais très bien encaisser, ce n'est pas la première fois, chaton, réponds-je aussitôt.
Je suis impatient qu'il me pénètre, qu'il s'agite en moi, qu'il se cambre alors qu'il s'enfonce encore plus loin. Pour l'aider, j'appuie davantage ma main contre la sienne pour qu'il se retrouve sans possibilité de reculer. Pourtant, il résiste à ma pression qui se veut plus une invitation à s'introduire en moi qu'à de la rudesse. J'écarte les jambes afin de lui montrer que cela ne me fait pas peur, qu'il peut faire ce qu'il veut de moi. Ses joues se teintent légèrement en se rendant compte qu'il a mon consentement intégral. Après ce qui me semble une éternité, il introduit enfin son doigt en douceur, sans mouvement brusque. ll a peur, ça se voit puisqu'il arrête en chemin.
– Tu peux y aller, lui lancé-je avec précipitation, je ne suis pas en porcelaine.
– Tu... tu es si serré. Je ne veux pas te blesser.
– Pas du tout, tu peux même introduire un autre doigt. Tu verras, je m'adapte rapidement. Pousse plus fort ! lui ordonné-je tandis que je me trémousse sous ses doigts afin qu'il atteigne ma prostate.
– Je... Tu...
– Pas de limite, chaton, pousse autant que tu veux. Je vais trouver mon point...
– Mais...
Je m'agite maintenant sans honte, essayant d'obtenir cette sensation électrisante que je ressens quand mon nœud de nerfs est frappé. Quant à Dorian, il a arrêté de bouger, la bouche grande ouverte. Il regarde sa main entre mes cuisses de son air effarouché. Je m'aperçois trop tard que je n'ai pas utilisé la bonne technique avec mon amant. Il n'a pas l'expérience adéquate pour atteindre ma prostate aussi facilement qu'un habitué. Je stoppe tout sur le champ, ce qui force mon beau brun à croiser mes yeux. Il n'a pas juste peur, il est paniqué.
– Doucement, chaton, on va passer un bon moment, je te le promets. Est-ce que tu préfères que je sois face au lit ? Comme ça, tu n'auras pas l'impression que je te mets la pression. Ce n'est pas du tout le cas, chéri. On a toute la nuit, tu sais.
– D'ac...cord...
Je ne fais ni une ni deux et m'installe à quatre pattes pour qu'il puisse, sans difficulté, recommencer à glisser ses doigts en moi. J'attends quelques secondes, mais rien ne se passe. Un coup d'œil derrière moi me fait angoisser à mon tour. Dorian s'est assis sur ses talons et regarde sa main comme si elle était le diable en personne.
– N'aie pas peur, chaton, dis-je en utilisant ma voix rassurante, tu vas la récupérer après. Je ne l'avalerai pas.
– C'est pas ça... J'y arrive pas. C'est comme si ma main faisait exactement le contraire de ce que je veux qu'elle fasse. Je sais très bien où est ma prostate. J'aurais dû trouver la tienne depuis longtemps.
– Tu veux passer tout de suite aux choses sérieuses. Je suis sûr que tout se passera beaucoup mieux.
– Je sais pas... Je sais plus, me répond-il avec une pointe d'affolement. Ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais. Je suis nul.
Je me garde bien de montrer que je viens de me prendre une douche froide. Dorian a besoin d'être rassuré et pas que je lui mette une charge supplémentaire sur les épaules. Je m'assieds dans le lit et expire le moins fort possible. En deux petits mouvements, je me glisse jusqu'à lui.
– Ne t'en fais pas, on va arrêter, soufflé-je en liant son autre main à la mienne. On a tout notre temps, chaton. Je ne te forcerai jamais à faire quelque chose que tu n'as pas envie.
– Mais j'en ai envie, me crie-t-il, presque fâché.
– Alors, on pourra essayer à nouveau un autre jour. Pour le moment, tu es trop stressé pour faire quoi que ce soit.
– Tu vas me quitter... Je suis incapable de te donner ce que tu veux.
– Tu crois vraiment que je vais te laisser tomber ? m'informé-je avec inquiétude. Tu n'as pas confiance en moi ?
– Je n'en sais rien, gémit-il en n'osant pas me regarder.
Je croyais qu'on avait passé cette étape, mais on dirait que nous en sommes revenus au point de départ. Sa peur de ne pas être parfait est omniprésente dans sa vie. Il n'a plus la notion de différencier sa vie professionnelle de sa vie personnelle. Il fallait s'y attendre quand son père jette ses petits amis dès qu'il en découvre un.
– Habille-toi chaton, on va faire un tour. Il n'est pas question que tu culpabilises pour une partie de jambe en l'air.
Pour joindre le geste à la parole, je sors du lit et vais chercher nos boxers ainsi que nos vêtements qui traînent partout dans la pièce. Dorian hésite, mais s'aperçoit bien vite que nous n'aurons pas de séance de sexe ce soir. Mon regard déterminé le pousse à prendre son sous-vêtement que je lui tends. Il a l'air inquiet. Peut-être que j'ai été trop abrupte en l'obligeant à se lever.
Inutile de m'en vouloir. De toute manière, le mal est fait. Mon envie de sexe a été éclipsée par mon envie de lui prouver que je l'aime plus que ce qu'il croit.
Une fois que nous sommes habillés, je le tire hors de l'hôtel pour nous retrouver sur le terrain utilisé pour la course d'aujourd'hui. Mes compétiteurs sont pratiquement tous partis. Il ne reste que notre remorque qui est stationnée face à la piste pour faciliter l'entrée et la sortie des motos. La nuit arrive à peine, laissant le ciel se couvrir de sa belle voûte étoilée. J'ouvre la porte qui forme une longue rampe jusqu'au sol et attire Dorian pour que l'on se couche à même les planches.
– Les étoiles sont un excellent remède quand on croit que tout va mal. Tu sais qu'elles se déplacent à des vitesses phénoménales ? Et pourtant, elles ne semblent pas bouger. En ce moment tu crois que ta vie se déroule trop rapidement et que tu ne pourras rien faire pour arrêter tes craintes de prendre le dessus. Regarde-les ! Elles vont si vite et, pourtant, elles réussissent à briller de mille feux. Tu réussiras à te défaire de tes angoisses. Tu rayonnes déjà devant ton public. Pour moi, tu es encore plus lumineux qu'une supernova. Il ne te reste qu'à y croire. Tu y arriveras. Je ne te laisserai pas tomber. Je suis là, Dorian.
De mon doigt, je viens pointer son coeur tout en le regardant dans les yeux. Des larmes coulent sur ses joues.
– Merci Daryl, c'est exactement ce que j'avais besoin d'entendre. Tu crois que tu seras capable d'attendre quelque chose qui n'arrivera peut-être jamais ?
– Tu sais, je ne m'ennuie pas quand c'est moi qui prend le contrôle de notre lit. Si c'est comme ça que notre couple doit être, alors je serai aussi heureux. Je t'aime chaton. Je te veux dans ma vie. Ce n'est pas une position débile qui changera mon amour pour toi.
– Mais tu en avais tellement envie... et moi aussi, confesse-t-il de sa voix presque inaudible.
– On a toute la vie devant nous. Cette fois-ci, ce n'est pas une course. C'est notre couple que l'on bâtira au fil des années. Il n'y a rien de parfait sur cette terre, ni dans cet espace infini.
– Je ne te mérite pas, murmure-t-il.
– Tu mérites encore mieux ! Mais je ne laisserai personne se mettre entre toi et moi. Désolé, chaton, tu es lié à ce corps de rêve, conclus-je en lui faisant mon sourire le plus charmeur.
– C'est si dommage, s'amuse mon amour en venant embrasser ma main.
Nous restons un long moment à regarder les étoiles qui sont bien moins étincelantes que la dernière fois, mais la vue n'a pas vraiment d'importance. J'ai réussi à rassurer Dorian, c'est tout ce que j'espérais.
– Tu veux essayer de conduire une moto ? demandé-je après un très long silence.