-Sasuke. Je murmure.
Je suis paralysé. Figé, je ne peux plus bouger. Debout devant moi, sa cape noir sur le dos, son épée en main, une mèche lui couvrant l'oeil gauche, il est plus beau que jamais. Toute cette situation me paraît irréelle. Pourtant, il est bien là, devant moi. Mais mon cerveau ne parvient pas à traiter l'information. Plein d'émotions contradictoire me traversent. La joie, la haine, la colère, le doute, l'amour, l'angoisse ...
Pourquoi est-il revenu ? Pour combien de temps va -t-il rester ?
Ces questions demeuront sans réponse tant que je n'aurai pas parlé avec lui. Mais seulement, en ai-je envie ? À présent que j'ai réussi à y voir un peu plus clair, je me demande si la chose dont j'avais le plus besoin n'était justement pas de la distance. J'ai réussi à prendre du recul sur la situation uniquement parce que j'avais pris la liberté de partir. Même si ce n'était que pour une soirée, cela m'a permis de comprendre beaucoup de choses sur ma relation avec Sasuke.
L'Uchiha me toise de son regard vairon en soupirant:
-Tu ne peux vraiment pas rester tranquille.
Cette simple remarque suffit à me faire sortir de ma torpeur.
-Quoi ! C'est qui qui n'est pas capable de rester tranquille ? Non mais je te rappelle que c'est toi qui ...
-Naruto ! M'interrompt Kakashi.
Je me tourne vers le sixième du nom à contre-cœur. Derrière son masque, je devine l'agacement de Kakashi. Apparemment, tout le monde semble être d'une humeur de chien et quelque chose me dit que je n'y suis pas pour rien.
-Vous réglerez vos histoires plus tard. Pour l'heure, nous avons plus urgent à traiter. On peut savoir où est-ce-que tu étais passé ?
Je n'ai pas le temps d'ouvrir la bouche que Shikamaru est déjà en train de répondre à l'Hokage.
-Il est parti à la plage. Rien à voir avec Sasuke. Cette tête de mule n'avait pas conscience de la situation. J'ignore si vous avez reçu le message d'Hinata, mais tout va bien.
-Plus de peur que de mal. Soupire Sakura avec soulagement.
Mon amie m'offre un grand sourire que je m'efforce de lui rendre. Je n'ai pas envie de la voir ou même de lui parler. Non pas qu'elle m'ait fait quelque chose en particulier, ce sont juste mes hormones qui parlent. Ça m'arrive souvent ces derniers temps. J'ai du mal à voir certaines personnes en peinture. Mais ça passe au bout d'une heure ou deux, voire une journée. Il me suffit juste d'être patient et de ne pas trop l'ouvrir. Si je laisse mes émotions parler, je risquerai de m'en prendre une.
-Bie', je vois. Sakura, Sai, vous pouvez ...
Interrompu par l'entrée fracassante de mamie Tsunade, Kakashi sensei ne paraît même pas surpris par cet éclat de porte qui vient de frôler son visage masqué, alors que de mon côté, je suis à la limite de l'arrêt cardiaque pour la deuxième fois en moins de dix minutes.
-Naruto !
Son cri résonne dans tout mon être. Je me redresse doucement après avoir éviter la porte qui vient littéralement de traverser la pièce.
-Espèce de ...
-Maître Tsunade, je vous en prie. S'exclame Shizune qui entre à son tour dans la pièce, complètement affolée.
La blonde s'avance vers moi, sa poitrine rebondissant à chacun de ses pas, l'air furieuse. La princesse des limaces s'arrête à quelques centimètres de moi et je lis dans son regard l'inquiétude qu'elle éprouve. Et alors qu'elle lève la main pour me gifler, mon premier réflexe est de mettre une main sur mon ventre et l'autre devant mon visage pour faire barrage. Tsunade a un instant de blanc avant qu'elle ne réalise la gravité de son acte. Immédiatement, elle baisse son bras avant que moi aussi je n'adopte une posture plus détendue. Je jette un petit coup d'œil à Sakura qui est la seule ici, avec Sai, à ne pas être au courant de la situation. La jeune femme, ne me porte aucune attention. Elle est trop occupée à contempler le profil de Sasuke qui l'ignore. Je tourne alors la tête vers Sai qui a les yeux fixés sur mon nombril sans émettre le moindre commentaire.
-Sai, Sakura, reprend Kakashi de son calme légendaire, vous pouvez y aller.
Sakura se tourne vers le hokage les lèvres pincées, signe qu'elle n'en a pas envie, mais ne discute pas. Elle caresse rapidement le bras de Sasuke en se dirigeant vers la sortie avec Sai, non sans m'accorder un autre petit sourire.
Elle semble être de très bonne humeur.
Visiblement ses "petites vacances" avec Sasuke lui ont fait le plus grand bien. J'ignore de quoi relevait leur mission, puisque même avec ma ténacité légendaire, je n'ai pas réussi à soustraire la moindre infos à mon ancien sensei. Tout ce dont je suis au courant, c'est que cette mission a servi de couverture à Sasuke pour quitter le village sans être déclaré comme renégat.
-Bon, dis-je en croisant les bras sur mon torse, si tu veux me passer un savon fait-vite s'il-te-plaît. Je commence à être fatigué.
Ces derniers jours, quand l'épuisement se fait trop ressentir, le bas de mon ventre se met à me tirailler. C'est si désagréable que, parfois, je suis obligé de mettre une serviette chaude dessus pour apaiser la douleur. Cette dernière est assez similaire à celle que je ressentais au tout début de ma grossesse; quand j'étais encore dans l'ignorance. J'ai lu quelque part que c'était normal et assez commun, ce genre de douleur s'apparente à celle que peuvent ressentir les femmes pendant leurs menstruations. Si elles ressentent ça pendant toute la durée de leurs règles, je peux comprendre que les filles soient de mauvais poil pendant cette période.
C'est vraiment agaçant.
-Je ne vais pas te faire une leçon de morale Naruto, je pense que tu as compris. Si je vous ai demandé de rester, c'est parce que j'aimerai que nous nous entretenions au sujet de ...
Lhomme au cheveux d'argent semble être à court de mot, zieutant mon ventre, je soupire et complète sa phrase qui sonnait comme une fatalité:
-Du bébé.
-Oui, c'est ça. Les seules personnes au courant de la situation sont réunies dans cette pièce.
Je parcours du regard notre petite assemblée. Le hokage, Sasuke, Shikamaru, Tsunade et Shizune. La disciple du cinquième du nom est dans la confidence depuis quelques jours seulement. Je ne sais pas trop comment elle a su, mais, je sais qu'elle connait la vérité et c'est le principal. Pour être honnête, maintenant que j'ai un peu fait le point sur ma relation avec Sasuke, je me fiche pas mal de savoir qui est au courant. D'ailleurs, je pense même faire une annonce à mes amis. Ils sont en droit de savoir. Je ne vois pas pourquoi je devais cacher une information aussi importante. J'en ai marre de me cacher et de mentir.
Tsunade passe devant moi pour prendre une chaise qu'elle tire et la positionne à côté de moi. Sans un mot, c'est presque en tombant que je m'assois dessus. Je n'avais pas réalisé à quel point je pouvais être fatigué. C'est comme si cette dernière m'était tombée dessus d'un coup.
-Merci, dis-je doucement avant de me passer une main sur le visage.
Il doit être cinq heures du matin passé et j'ai très peu dormi. C'est normal que je sois dans cet état. J'espère que la réunion ne va pas s'éterniser.
"-Ça va ?"
Je sursaute légèrement quand j'entends la voix de Sasuke résonner dans ma tête. Je lève alors le visage vers lui qui est positionné à l'autre bout de la pièce contre un mur. La mine fermée, il ne laisse rien transparaître, pas la moindre émotion. Cette impassivité contraste avec l'inquiétude qu'on pouvait entendre dans sa question.
Je décide de l'ignorer et de ne pas répondre. Il est bien parti pendant un mois, je peux le laisser poiroter. Après tout, mon état n'avait pas l'air de l'inquiéter plus que ça quand il m'a laissé tomber. Ces pensées ont suffit à éveiller ma colère. J'ai envie de l'étriper.
Sans pudeur, je fixe Sasuke en attendant que nos regards se croisent. Je sais qu'il va finir par jeter un coup d'œil en ma direction quand il se rendra compte que je ne vais pas entrer dans son jeu. Parce que oui,cette fois-ci, je refuse de faire comme si rien ne s'était passé. Si je fais ça, on va peut-être retrouver notre relation d'avant et ça ... ce n'est pas possible. Pas avec un bébé au milieu. Quand ses yeux verrons finissent par croiser mes pupilles bleus, je vois un petit sourire naître sur son visage. Si fin, qu'il est à peine perceptible. Mon estomac est parcouru par des centaines de papillons qui provoquent par leur sillage des frissons de plaisir. Je dois rassembler toutes mes forces pour ne pas lui rendre, pour détourner le regard vers Kakashi qui au même moment nous ramène à la réalité.
-Sasuke, tu as réfléchi ?
Le concerné redirige son attention vers notre ancien sensei avant de répondre.
-Oui, et ... Je reste au village.
Sa réponse ne me laisse pas de marbre. Mes sourcils tressautent de surprise et je suis pris d'un rire. Un fou rire qui devient si incontrôlable que je me tortille sur ma chaise.
-Naruto, je peux savoir ce qui te fait rire ? Me demande Sasuke de vive voix.
-C'est ... C'est la meilleure celle-là. Dis-je en me levant.
C'est officiel, à présent, je suis à la limite d'être furax.
Je trouve tout ça tellement injuste.
-Donc, lui a le droit de sortir du village comme ça lui chante, et même d'avoir l'option de quitter Konoha juste pour ne pas avoir à assumer son rôle de père, mais moi je me fais taper sur les doigts quand je veux aller faire la fête avec des amis ?
Un silence s'abat sur la pièce telle une masse lourde. Personne n'essaie de me contredire, personne n'ose élever la voix sauf ... Shikamaru, positionné à côté du Hokage, qui était resté jusque là si discret que j'en avais presque oublié sa présence.
-Naruto, tu ne peux pas comparer ta situation à la sienne.
-Parce que c'est moi qui porte le gosse ?
La tension dans la pièce est si palpable qu'on pourrait la toucher. Une parole de travers, un mot de trop, un geste maladroit et c'est l'endroit qui explose. Je suis en colère, et ça s'entend dans ma voix. Je trouve cette situation injuste et je ne supporte pas ça.
Sasuke soupire en s'avançant pour se positionner devant moi. J'entends Shizune prendre une grande inspiration qui traduit son inquiétude.
J'ignore ce que Sasuke a dans la tête mais s'il me touche, je le frappe.
Il n'en fit rien. Au lieu de ça, Sasuke reste planté là, devant moi, sans rien dire en se contentant de me dévisager. Je soutiens son regard. C'est au bout d'une longue minute à se regarder dans le blanc des yeux que je sens ma clolère faillir pour faire place à un mélange de joie et de tristesse. Une part de moi est heureuse de le retrouver, alors qu'une autre ne peut s'empêcher de se demander quand est-ce qu'il s'en ira à nouveau. Ce qui me donne envie de sauter dans ses bras en pleurant. Je baisse la tête.
Je suis en train de perdre mes moyens.
A cause de mes hormones, mes émotions sont complètement flinguées. Je ne sais ni quoi penser, ni ce que je ressens vraiment, je suis perdu et ça me frustre. Je sens les larmes monter aux yeux. En cet instant précis, je me déteste. Je ne suis même pas capable d'en vouloir à Sasuke alors que j'ai toutes les raisons du monde de le faire. J'ai mis tellement de temps à faire ce travail sur moi-même, à ouvrir les yeux sur la toxicité de notre relation qu'il suffit que monsieur pointe le bout de son nez pour que toutes mes défenses que je me suis efforcé de créer ces dernières semaines tombent à l'eau. C'est comme s'il était une force calme. Il aspire ma conviction.
J'en ai marre.
Je sens le bas de mon ventre qui commence à me tirer. Je me rassois, le regard toujours dirigé sur mes sandales noires.
-Kakashi, commence Sasuke, on verra ça plus tard. Il est encore tôt, Naruto doit être fatigué. Je vais le raccompagner chez lui.
Je ne proteste pas quand le brun glisse son bras en dessous du mien pour me lever, ni quand il commence à marcher. Personne ne fait de commentaire, même pas Shikamaru qui s'est donné du mal pour me faire comprendre que je devais laisser Sasuke partir. J'appuie tout mon poids sur lui. En réalité, je ne suis même pas si fatigué que ça. J'aurais pu tenir le temps d'une réunion d'une heure ou deux, mais ... c'est juste que ...
Sasuke est là.
Voilà, retour à la case départ. Je suis si faible face à lui. J'ai toujours essayé de le rattraper, d'être plus fort que lui, mais au fond, j'ai toujours su qu'il avait l'ascendant psychologique sur moi. C'est moi qui ait besoin de lui, pas l'inverse. Et ça, il me l'a bien fait comprendre en partant il y a un mois. J'ai beau me voiler la face autant que je veux, la réalité est ce qu'elle est, je n'arriverai jamais à en vouloir à Sasuke pour quoi que ce soit. Je ne lui en ai jamais voulu d'avoir déserté le village, faillit provoquer la mort de nos amis quand nous sommes partie le chercher, d'avoir essayé de tuer Sakura, d'avoir voulu rayer Konoha de la carte ou encore de m'avoir trahi en partant. Faut croire que ce n'est pas dans ma nature. Je dois trop tenir à lui, je dois trop l'aimer pour ça.
Après tout, ça a toujours été comme ça entre nous non ? Il est loin devant et moi je lui cours après pour avoir son attention en ignorant toutes les horreurs dont il est capable, et quand il daigne enfin me donner un peu de son temps, je ferme les yeux sur tout pour ne voir que lui.
Je suis tellement pathétique.
J'ai honte de moi-même.
Je lève mon visage vers le sien qui est dirigé vers l'horizon. Sasuke marche droit devant. Je comprends qu'on va chez lui quand il prend les escaliers qui sont un petit raccourci. On habite à seulement quatre cent mètres l'un de l'autre, ce n'est pas pour une raison d'économie d'énergie qu'il m'emmène chez lui. Il va sûrement vouloir qu'on couche ensemble, histoire de se retrouver. Et moi ... je ne vais pas dire non. Parce que je suis faible. Je vais le laisser me déshabiller, me toucher, m'embrasser ... Je vais même me donner à lui à coeur joie. Parce que, c'est ce que je fais toujours. Je sens une larme rouler sur ma joue alors qu'il ouvre la porte de son logement. On entre et une odeur familière vient me chatouiller les narines. Cette odeur de propre et de renfermé. Personne n'est venu ici depuis qu'il est parti.
Sans même prendre la peine de s'arrêter pour nous déchausser, Sasuke me guide vers son canapé sur lequel il me fait asseoir après avoir refermer la porte avec son pied.
-Je sais que tu m'en veux. Dit il en prenant place sur la table basse devant moi alors qu'il pose négligemment son katana à terre.
C'est faux ... Je ne t'en veux pas, c'est bien ça le problème Sasuke ... J'y arrive pas.
-Je ... Je suis désolé. Constatant que je ne lui réponds pas et ne le regarde pas, il poursuit. Pardon, d'être parti. Je comprendrais si tu ne veux plus me parler, mais j'aimerais ...
Il laisse sa phrase en suspend.
un petit silence.
Je ne lève toujours pas la tête vers lui.
-Naruto. Insiste - t - il calmement. Regarde moi.
Je secoue la tête alors que les larmes commencent à faire leur chemin sur mes joues. Je n'ose pas le regarder. Me perdre dans ses yeux, ce serait faire face à ma défaite, à ma faiblesse, à mon incapacité la plus total à être un adulte quand il est là.
-Ne fait pas l'enfant, regarde-moi.
Je n'en fait rien.
-Ou dis quelque chose.
Silence.
Je sens mon coeur battre la chamade. Sasuke s'agenouille devant moi, pose ses mains sur mes cuisses en les faisant remonter doucement vers le haut. Je ferme les yeux. Son souffle s'écrase contre ma peau humide quand ses lèvres viennent frôler les miennes avec douceur. Mon estomac se contracte. Je m'efforce de ne pas bouger. Le jeune homme pose ses paumes sur mes joues pour les essuyer de ses pouces.
-Je te demande pardon. Murmure t-il. Je ne partirai plus.
Je ravale un sanglot toujours sans le regarder.
Je ne saurais dire si je suis heureux ou déprimé.
Est-ce la seule chose à faire ? Me laisser aller dans ses bras en sachant que cela me mènera à ma perte. Dois-je prendre la situation telle qu'elle est et, espérer le meilleur ? Ou dois-je rassembler le peu de force que j'ai en moi pour lui dire que je ne veux plus le voir ?
La dernière option me semble être la plus raisonnable, mais elle me détruirait bien plus que si je me laissais aller contre lui. D'un autre côté, c'est le père de mon enfant, et je ne peux pas priver mon bébé de son autre parent.
Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas où j'en suis.
-Bon, je vois. Dit l'Uchiha en se redressant avant de s'éclaircir la voix. Je vais te laisser ma chambre, je dormirais sur le canapé. J'ai aussi besoin de repos. Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit.
La peine que je discerne dans sa voix me meurtri intérieurement. Mon silence le fait souffrir alors que lui me tue à petit feu.
Je sais qu'il fait ça parce qu'il croit que je lui en veut mais, une part de moi ne peut s'empêcher de penser qu'il essaie de me donner envie, de me faire chanter en quelque sorte. Parle- moi et on dormira dans le même lit. Parle - moi, et tu retrouveras mes bras.
Je relève la tête en poussant un soupire quand il s'éclipse dans la salle de bain.
Que suis-je en train de faire ? N'importe quoi, comme d'habitude.
Je me lève et reste quelques secondes au milieu du couloir entre la porte de la salle de bain derrière laquelle j'entends l'eau couler et la porte d'entrée.
J'hésite.
Qu'est-ce-que je dois faire ? Partir ou rester ?
Je me sens tiraillé de l'intérieur. Décidément, ce n'est pas simple.
Je prends une profonde inspiration et prends mon courage à deux mains et va ouvrir la porte.