Patins et pilules

By Serotonine96

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Maeva s'attendait à passer un été tranquille en travaillant comme pharmacienne dans la ville où elle a grandi... More

Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Epilogue

Chapitre 17

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By Serotonine96

Maeva

23 décembre

J'ai fini mon dernier examen avant-hier matin et j'ai été pas mal occupée depuis ce temps. J'ai commencé par faire mes valises puis je suis venue à Joliette parce que je travaillais hier à la pharmacie de M. Valiquette. C'est la seule journée que je vais faire à la pharmacie durant les vacances puisque je pars en Floride avec Jérémie la semaine prochaine et que mes stages vont recommencer le lendemain de mon retour. De toute façon, Josianne, la pharmacienne qui travaille chez M. Valiquette et qui était en congé de maternité au cours de la dernière année, revient au travail dès le début janvier et il n'aura plus vraiment besoin de moi.

Aujourd'hui, je suis à la maison de Jérémie, en train de décorer le sapin de Noël. Ce matin, je suis allée acheter un sapin avec le père de Jérémie, il m'a aidé à l'installer et m'a montré où Jérémie entreposait une boîte qui contient ses décorations de Noël. J'ai aussi ramené Rocket à la maison, en plus de passer à l'épicerie pour un peu remplir le frigo et le garde-manger de Jérémie, au moins pour qu'on ait des trucs pour souper ce soir et déjeuner demain. Il a beaucoup neigé dans les dernières semaines et le décor autour de la maison est féérique, comme Jérémie me l'avait déjà dit. On a décidé qu'on allait passer Noël ici avec sa famille et mes parents vont se joindre à nous pour la soirée du 24 vu qu'ils n'avaient rien de prévu. Jérémie et moi on va quand même aller souper chez-eux le soir du 25.

Jérémie m'a texté vers 15h pour me dire qu'il venait d'atterrir à Montréal, qu'il passait faire des petits trucs chez-lui puis qu'il s'en venait à Joliette. Les Canadiens étaient partis depuis une dizaine de jours pour jouer 5 matches à Seattle, San José, Las Vegas, Anaheim et Los Angeles. Le voyage ne s'est pas très bien déroulé et ils ont perdu leurs 4 premiers matches avant de gagner le match d'hier en prolongation. Ce voyage tombait à la fois bien et pas bien. Ça tombait bien pour moi parce que son absence m'a permis de me concentrer sur les derniers travaux que j'avais à remettre et les examens pour lesquels je devais étudier mais d'un autre côté, je n'ai vraiment pas beaucoup parlé à Jérémie pendant ce voyage-là en raison du décalage horaire et je m'ennuie de lui.

Je suis grimpée dans un escabeau en train de mettre des décorations sur la partie la plus haute du sapin en écoutant de la musique de Noël quand soudainement, Rocket devient très agité et cherche quelque chose à mettre dans sa gueule. Il finit par trouver un de ses jouets qui était probablement là depuis l'été parce que ce n'est pas moi qui l'ai apporté de chez les parents de Jérémie aujourd'hui. J'entends alors un bruit de portière, puis un autre moins d'une minute plus tard et Jérémie entre dans la maison. Rocket est vraiment très excité et Jérémie laisse tomber son sac de voyage et les 2 autres immenses sacs qu'il a avec lui pour le flatter et le serrer dans ses bras. Je pense qu'il s'est aussi ennuyé de Rocket que Rocket s'est ennuyé de lui. Rocket lui lèche le visage et lui fait un genre de câlin comme il fait parfois. Par la suite, Jérémie se dirige vers moi et me prend par la taille pour me faire descendre de l'escabeau. Il me serre dans ses bras et se met à m'embrasser et rapidement, il se fait plus insistant et ses mains sont déjà sous mon chandail. Il me prend par la main et m'entraîne vers l'escalier qui mène à sa chambre.

- Viens, j'ai besoin de te coller...

- Tu peux me coller ici...

- Non, mais plus... Viens, j'ai besoin de toi.

- Mais je n'ai pas fini de décorer le sapin...

- Je t'aiderai après.

- Mais j'ai un macaroni qui gratine dans le four...

Il va vers le four pour le fermer et revient vers moi puis il reprend ma main.

- On le mangera après. Viens, ça fait 3 jours que je pense juste à ça...

Ça me fait penser à un texto que Virginie a reçu de Liam après le match d'avant-hier, que les Canadiens ont perdu 5-0 contre les Ducks, dans lequel il lui décrivait de façon très explicite ce qu'il avait envie de lui faire. Je ne tenais pas à savoir ce qu'il avait en tête mais ça démontrait qu'il avait de la frustration à passer et qu'il cherchait une façon constructive de transformer cette frustration. Dans les entrevues que Liam avait fait après ce match, qui était leur 4e défaite consécutive, il avait répondu « I don't know » au moins 10 fois aux journalistes qui lui demandaient pourquoi le Canadien n'avait plus l'air d'être en mesure de gagner un match et qu'est-ce qu'ils devaient faire à l'avenir. Ce match-là n'avait pas été plus facile pour Jérémie. Juste avant le voyage, ils avaient rappelé Niklas et le trio de Jérémie-Niklas-Liam avait été recréé. Par contre, durant la 3e période du 1er match à Seattle, Lucas Wilson s'était blessé et Jérémie avait dû prendre sa place au centre de son trio en plus de jouer à l'aile sur son trio régulier. Pour les autres matches, ils avaient fait jouer Jérémie au centre du trio habituel de Lucas alors qu'Olli avait pris sa place avec Liam et Niklas. Lors du 4e match, alors qu'ils perdaient 2-0, les Canadiens avaient eu un avantage numérique de 4 minutes en 2e période. Jérémie a voulu faire une passe à Niklas mais elle est arrivée dans ses patins, ce qui a mené à une échappée d'un joueur des Ducks et à un but en infériorité numérique. Tout ça avait complètement démoralisé l'équipe qui ne s'en était jamais remis et dans son entrevue d'après-match à lui, Jérémie avait dû faire son mea culpa au sujet de sa mauvaise passe, 2 fois plutôt qu'une, en français et en anglais évidemment. Quand j'avais vu ça, hier, j'avais juste eu envie de le serrer dans mes bras. Qui d'autre doit justifier les erreurs qu'il fait au travail en direct devant des centaines de milliers de personnes? En tout cas, Jérémie a plus de filtre que Liam et ne m'a pas envoyé de texto inapproprié mais j'imagine qu'il a accumulé les mêmes frustrations que son ami. Il a l'air tellement désespéré que je ne peux pas lui résister et moi aussi je me suis ennuyée de lui et j'ai besoin de le coller.

Maintenant, on est collés, nus dans son lit. Il fait noir et le seul éclairage provient des lumières du sapin qui sont restées allumées. Alors qu'il parlait beaucoup tout à l'heure et qu'il me disait qu'il m'aimait, que j'étais belle, que je lui avais manqué, qu'il avait pensé à moi pendant tout son voyage, Jérémie est silencieux depuis au moins 5 minutes, depuis qu'on a arrêté de faire ce qu'on faisait avant et ça commence à m'inquiéter un peu. Il a l'air encore désespéré... ou triste... j'ai de la difficulté à évaluer dans quel état d'esprit il est.

- Est-ce que ça va Jérémie?

- Ouais...

- T'es sûr? D'habitude, tu ne me sautes pas dessus comme ça quand tu reviens de voyage et t'as des choses à me raconter.

- Ouais... Je m'étais beaucoup ennuyé de toi et c'était pas le plus beau voyage de ma vie, j'ai pas tant de choses excitantes à raconter...

- Mais au moins, ça s'est fini sur une bonne note et vous avez gagné hier.

- Ouais mais t'as vu comment on était désorganisés à la fin de la 3e période?

Les Canadiens menaient le match 2-1 mais les Kings avaient réussi à compter dans les dernières minutes sur un revirement provoqué par Jérémie. Heureusement, Olli avait réussi à marquer en prolongation et Jérémie avait participé à ce but-là.

- Ouais, c'était un peu « broche-à-foin » comme t'as dit dans ton entrevue.

Ça lui arrache quand même un petit sourire. Son expression m'a fait sourire moi aussi quand j'ai regardé son entrevue ce matin.

- Mais ton but était tellement beau! T'as même fait les highlights de la LNH, sur leur compte Instagram.

- Bof, c'était surtout pour faire un jeu de mot avec mon nom je pense.

Il n'a pas l'air convaincu, pourtant le 1er but des Canadiens qu'il avait marqué était vraiment très très beau, en échappée avec une feinte et un tir précis entre les jambières du gardien. Jérémie n'a compté que 7 buts depuis le début de la saison mais ce sont tous des buts d'anthologie. Et c'est vrai qu'ils avaient fait un jeu de mot avec son nom dans la légende de leur publication, ils avaient écrit : «Doesn't seem hard for Simard». Mais, quand j'y pense, comment il sait ça, lui? Il n'est pas supposé regarder les réseaux sociaux.

- Non, c'était vraiment un but magnifique! Mais depuis quand tu regardes les réseaux sociaux Jérémie? Tu sais que t'as pas le droit de regarder ça, moi je peux, mais pas toi, OK?

Il soupire.

- Moi aussi je veux voir les beaux buts! Des fois c'est plate en voyage et je m'ennuie...

Il peut bien voir les vidéos mais il ne faut pas qu'il lise les commentaires. Sous la publication de la LNH, la plupart des commentaires étaient plutôt élogieux mais il y avait quand même des gens qui avaient écrit des commentaires ridicules comme : « Ça va prendre 2 mois avant qu'il en score un autre! ». Pourtant, les buts de Jérémie ne sont pas la raison pour laquelle il joue dans la LNH, il est là pour ses passes. La preuve, c'est que cette année il a peut-être compté seulement 7 buts mais il a aussi 19 passes en 28 matches, ce qui nous approche pas mal d'un point par match. Quand Jérémie compte un but, il faut prendre ça pour un bonus mais on dirait qu'il y a des supposés fans qui ne comprennent pas ça. J'espère qu'il n'a pas regardé Twitter parce que là, les commentaires étaient encore pires. Je ne sais pas pourquoi les gens suivent les comptes des Canadiens si c'est seulement pour écrire des commentaires négatifs.

- Je comprends mais trouve une autre façon. Regarde les buts sur YouTube à la place. Ou sinon, je vais te les montrer, moi les beaux buts sur Insta. Sérieux Jérémie, les commentaires sur les réseaux sociaux ne sont pas souvent constructifs, ça ne donne rien que tu les lises. Je suis certaine que tu as déjà eu plein de commentaires de vraies personnes à propos de ton but, ce sont ceux-là qui devraient compter pour toi.

- Ouais, un peu, à l'aéroport à LA ce matin parce qu'il y a des gens qui me reconnaissent encore là-bas. Dans mon immeuble aussi, quand j'y suis passé tantôt...

- Bon, tu vois....

Il soupire encore. Il a encore l'air triste, je ne comprends pas ce qu'il a.

- Est-ce que tu m'aimerais encore si je ne jouais plus au hockey?

- Quoi? Moi j'aime Jérémie la personne, pas le joueur, mais le hockey fait partie de la personne.... Pourquoi tu me demandes ça?

Il hausse les épaules.

- Jérémie...

- Je sais pas... des fois je me dis que tout serait moins compliqué si je faisais autre chose. Je pourrais être prof d'éduc comme ma sœur, ou policier comme son chum...

- Mais tu ne jouerais plus au hockey, la chose que tu aimes le plus au monde...

- Je pourrais jouer dans une ligue de garage genre, une couple de soirs par semaine. Je pourrais juste m'amuser, sans tout le trouble.

Je lui chuchote :

- Je pense que tu serais trop fort. Et que tu ne t'amuserais même pas parce qu'il n'y aurait personne d'assez talentueux pour recevoir tes belles passes et compter des buts.

- Tu penses?

- Oui, je pense. Je crois vraiment que tu es dans la ligue où tu es supposé être et que ça n'aurait pas d'allure que tu sois ailleurs. Mais je sais que c'est difficile des fois et c'est pour ça qu'il faut que tu en parles avec quelqu'un. Est-ce que t'as vu le psychologue récemment?

- Hum... Ça fait peut-être un mois.

- Jérémie, t'es supposé le voir plus souvent que ça!

- Ouais mais c'était compliqué dans les dernières semaines avec le voyage dans l'Ouest et je vais bien maintenant. Pis je peux te parler à toi....

Ça, ça m'inquiète vraiment. Je ne trouve vraiment pas qu'il va si bien que ça aujourd'hui. Et ça me rappelle la crise que j'avais fait la fois où on étaient venus ici. Je ne voulais pas être sa béquille et je ne veux toujours pas l'être. Je veux juste être sa blonde. Ça ne me dérange pas qu'il me parle de comment il se sent mais sa situation est particulière et ça peut rapidement dépasser mes compétences.

- Franchement Jérémie, tu peux parler au psychologue même si t'es en voyage, tu as plein de possibilités : Facetime, Zoom, Teams, ou même juste ton bon vieux téléphone...whatever.... Pis moi, je ne suis pas psychologue, pas psychologue sportif, pas psychologue sportif de haut niveau et encore moins psychologue spécialisé dans les sportifs de haut niveau qui doivent vivre avec une méga pression médiatique parce que les habitants de leur province sont obsédés par leur sport. Pis, aussi, t'avais pas un rendez-vous de suivi en psychiatrie de prévu bientôt?

Il soupire encore.

- Ils m'ont laissé un message pour que je prenne un rendez-vous mais je l'ai pas fait encore. Je suis pas sûr que j'ai tant besoin d'y aller.

Là, ce n'est même plus la blonde de Jérémie qui s'inquiète. J'ai un gars à côté de moi avec un antécédent de troubles anxio-dépressifs majeurs qui sont survenus il y a moins d'un an, qui ne prend plus de médicaments et qui ne voit plus de professionnels en santé mentale et qui n'est pas top shape mentalement. Je décide de sortir les gros canons.

- Là Jérémie, ce n'est plus ta blonde qui te parle, c'est la pharmacienne qui s'est occupée de toi l'été passé.

- C'est difficile à imaginer parce qu'elle, elle n'était pas toute nue dans mon lit et je ne lui faisais pas les choses que je t'ai faites tantôt, même si j'en avais envie des fois...

Je lève les yeux au ciel. Je fais semblant d'être fâchée mais j'aime mieux qu'il me fasse des commentaires de gars niaiseux plutôt que de rester silencieux. C'est toujours comme ça, juste parler un peu de ses affaires, ça le rend de meilleure humeur. Il est sur le côté, face à moi maintenant, et il trace des cercles sur mon bras, On dirait qu'il a peur de se faire chicaner et qu'il veut me distraire. Ça marche un peu, surtout quand il me dit qu'il voulait déjà faire ça avec moi l'été passé, mais je me ressaisis.

- Ok, mettons que tu aurais eu une grosse blessure la saison dernière, genre que tu aurais pété ton ligament croisé antérieur pis que tu aurais manqué plusieurs mois...

Il grimace, je sais que mon exemple est bon parce ce genre de blessure-là est la hantise des sportifs, ça peut survenir suite à un mouvement anodin et ça prend une chirurgie et des mois de réadaptation après. Je touche le bois de sa tête de lit pour ne pas le jinxer quand même.

- Donc, si là tu revenais au jeu et que, parfois, tu avais des petites douleurs à ce genou-là, pas assez pour t'empêcher de fonctionner dans la vie ou de jouer mais juste parfois, en faisant certains mouvements... me semble que tu irais voir le physiothérapeute et aussi l'orthopédiste pour t'assurer que tout est correct, non?

- Ouais, j'imagine, c'est ce que je faisais après ma blessure à la cheville il y a 2 ans.

Ah oui, sa fameuse blessure à la cheville. Il avait un super début de saison cette année-là puis il s'était brisé la cheville et avait dû subir une chirurgie, ce qui lui avait fait manquer 43 matches finalement.

- Bon, tu vois, là, c'est la même chose. Il n'y a même pas un an, tu as eu une grosse maladie qui a failli te tuer. Tu as tout fait ce qu'il fallait pour guérir et tu vas vraiment mieux mais, des fois, il te reste des petits symptômes et c'est pour ça qu'il faut que tu ailles à tes rendez-vous avec le psychologue et le psychiatre pour t'assurer que tout est encore correct. Pis si jamais ils trouvent que c'est pas tout tout correct, ils vont te proposer des solutions pour que ça aille mieux, tu comprends?

Il réfléchit encore un peu.

- Bon bon, OK Madame la pharmacienne, vous avez de bons arguments, je vais y penser. En attendant, je trouve qu'on a assez parlé de moi. Tu veux qu'on descende en bas et qu'on continue de décorer le sapin pendant qu'on réchauffe ton macaroni? Tu me raconteras ce qui s'est passé depuis que je suis parti. Tu dois être contente d'avoir fini tes cours! As-tu hâte de commencer tes stages?

On se rhabille et on fait ce qu'il a dit pendant que je lui raconte mes 2 dernières semaines. J'ouvre même une bouteille de vin au souper parce qu'il a recommencé à boire un peu d'alcool maintenant. Il dit que l'odeur de la bière et du fort lui rappellent trop de mauvais souvenirs mais que le vin et les cocktails, c'est correct. Ça ne me dérange pas qu'il en prenne un peu, je sais que son foie fonctionne bien maintenant et ce n'est pas avec du vin et des cocktails qu'il va se saouler. C'est un grand garçon après tout!

Le lendemain, Jérémie fait du lavage puis on emballe les cadeaux qu'il a rapportés, je peux dire que quelqu'un a fait du beau magasinage en Californie, en tout cas, puis on les cache dans l'immense garde-robe de sa chambre. Par la suite, on va faire les dernières commissions pour la soirée, on rapporte surtout des breuvages et des trucs pour faire de la salade. La mère de Jérémie, sa sœur et ma mère doivent toutes apporter des plats pour ce soir, nous, il nous reste la salade à faire. À l'épicerie, il y a plusieurs personnes qui arrêtent Jérémie et la plupart lui parlent de son but contre LA, je ne peux pas m'empêcher de sourire à chaque fois et j'ai envie de lui dire : « tu vois ». En revenant, on change les draps des chambres d'amis parce que ses parents et la famille de sa sœur vont rester dormir ici, on fait une sieste puis on prépare la salade.

Nos convives arrivent vers 18h00. Ma mère apporte une dinde de Noël version Haïtienne, à la jerk, la mère de Jérémie a fait des tourtières et Audrey a fait une bûche de Noël. On prend notre temps pour souper et vers 21h00, on donne les cadeaux de Jérémie à Matteo. Dans la famille Simard, c'est le Père Noël qui apporte les cadeaux dans la nuit du 24 au 25 mais certains membres de la famille donnent aussi les cadeaux la veille de Noël, quand ils viennent d'eux et pas du Père Noël. Comme Jérémie est le parrain de Matteo, il lui a acheté plusieurs cadeaux. D'abord, il va dans le sous-sol chercher un filet de hockey en bois qu'il a trouvé chez un artisan Montréalais. Il paraît que c'est Sarah Miller qui lui a parlé de ça parce qu'elle en a aussi acheté un à ses enfants. Ensuite, il lui donne un petit bâton de hockey à sa taille, des gants de hockey, un casque, des patins et aussi un chandail des Canadiens avec le numéro 96 et l'inscription «parrain» au-dessus du numéro.

- Moi va pouvoiw jouer au hockey comme Jéhémie !!!

Matteo est vraiment content de ses cadeaux mais il est aussi très fatigué alors ses parents vont le mettre au lit peu après.

Mes parents et Léa partent vers minuit trente et nos autres invités vont se coucher juste après. La grossesse d'Audrey commence à paraître maintenant et elle a l'air fatiguée, ça ne doit pas être évident de s'occuper d'un petit garçon énergique de 2 ans et demi, de travailler à temps plein et d'être enceinte.

Jérémie et moi on ramasse et quand on est certains que tout le monde dort, on descend les cadeaux pour les mettre sous l'arbre. Ensuite, on monte à la chambre de Jérémie où il me prend par la taille et me serre dans ses bras pendant qu'on est encore debout.

- J'ai vu des cadeaux que je ne connaissais pas. Tu sais que j'ai besoin de rien.

- Je sais pas, ça doit venir du Père Noël alors.

- Hum hum, le Père Noël, il m'a déjà donné toi cette année et ça c'est mon plus beau cadeau. Je t'aime.

Je souris. S'il savait à quel point je l'aime moi aussi.

- Moi aussi t'es mon plus beau cadeau. Un cadeau surprenant et inespéré. Je t'aime aussi, vraiment beaucoup, beaucoup trop même...

Il m'embrasse. Il est 1h24 du matin maintenant.

- Il faudrait qu'on dorme, je pense bien qu'on va se faire réveiller tôt par un petit garçon qui va être excité de voir ce que le Père Noël lui a apporté!

Vers 7h00 alors que le soleil est à peine levé, Rocket, qui dormait sur le lit avec nous, me réveille en me passant par-dessus et se dirige vers le rez-de-chaussée à toute vitesse. On entend des petits pas et des genres de coups sur le plancher. Je vais voir ce qui se passe du haut de la mezzanine, sans faire de bruit, puis je vais réveiller Jérémie pour lui dire de venir voir. Il met un t-shirt et des sweat pants et vient se joindre à moi. Il sourit quand il voit ce qui se passe puis se dirige vers les escaliers et je le suis.

On entend : « Et le but » et on voit Matteo qui est en train de lancer une balle dans le filet que Jérémie lui a donné. Il est en pyjama mais il a mis ses gants de hockey.

- Jéhémie compter des buts avec Matteo ?

- Tu veux que je joue avec toi?

- Oui !!!

- Ok, attend, je pense que j'ai un bâton ici, je vais aller voir dans le sous-sol.

Jérémie descend dans le sous-sol pendant que Matteo continue de tirer au filet, puis revient quelques minutes plus tard avec un bâton, alors que je laisse Rocket sortir dehors puis que je m'installe sur le sofa.

- Viens mon grand, je vais te montrer où mettre tes mains. Regarde, celle-là ici et l'autre là. Essaie comme ça.

Matteo essaie et « compte » un autre but.

- Mon bâton pas payeil, pas de huban...

- Quoi?

- Pas de huban comme bâton de Jéhémie...

- Du quoi?

- Du huban...

Jérémie ne comprend pas mais je crois que je sais de quoi Matteo parle.

- Du ruban, Jérémie. Du tape ! Le bâton de Matteo n'a pas de tape!

- Ah !!! J'en ai peut-être aussi. Viens avec moi en bas Matteo, je pense que je sais où en trouver.

Jérémie revient avec Matteo peu après avec une rondelle de ruban noir.

- T'en as trouvé!

- Ouais mais c'est pas le mien.

- C'est le huban de Evan! Lui de Jéhémie, il est blanc !!!

- Ah, je comprends. Mais c'est mieux comme ça, parce que sinon on n'aurait pas pu différencier vos bâtons. Ils sont vraiment pareils.

Matteo a l'air d'accord et Jérémie me sourit.

- C'est un bâton spécial que Bauer m'a fait. Y'en a pas des pareils à cette grandeur-là dans les magasins.

- Wow, t'es chanceux Matteo, tu vas être aussi bon que ton parrain avec ça!

Et je continue, plus pour Jérémie :

- Ça vaudrait beaucoup aux enchères ce petit bâton-là : une édition spéciale Jérémie Simard avec du tape d'Evan Ottawa!

- Hum, ouais...vu de même. Rien de trop beau pour mon filleul! Viens, on va mettre le ruban Matteo.

Jérémie applique le ruban sur le bâton de Matteo, de la même façon dont il applique le sien. Ensuite, ils recommencent à tirer tous les deux au filet et Matteo est vraiment excité à chaque fois. Tout ça finit par réveiller les parents de Jérémie et de Matteo qui se lèvent.

On décide donc d'ouvrir les cadeaux que le Père Noël a apporté. Évidemment, Matteo est submergé de jouets mais le Père Noël Jérémie a aussi beaucoup gâté sa famille. De mon côté, je reçois un nouvel ordinateur portable de Jérémie. C'est un gros cadeau et je devrais protester mais c'est vrai que j'avais le mien depuis le début du cégep et que Jérémie m'a souvent entendu me plaindre de l'obsolescence programmée des produits Apple. Moi, je lui donne un sac de voyage parce que celui qu'il utilise pour les voyages plus courts est vraiment usé.

Après avoir brunché, Matteo veut aller essayer ses patins et Jérémie propose de l'emmener à la patinoire municipale extérieure la plus proche. Jérémie et moi on part donc avec lui, en prenant la voiture des parents de Matteo pour ne pas avoir à transférer son siège d'auto. Dans le vestiaire, Jérémie lace les patins de Matteo comme si c'était les siens et lui ajuste son casque. Puis il met ses propres patins pendant que je mets le chandail des Canadiens de Matteo par-dessus son habit de neige. Ensuite, il prend Matteo dans ses bras et l'emmène sur la patinoire. Moi je reste de l'autre côté de la bande et je prends des photos et des vidéos.

Jérémie tient Matteo sous ses épaules pendant qu'il embarque sur la glace. Au début, Matteo relève ses pieds dès qu'ils touchent la glace parce qu'il a peur de tomber. Par la suite, Jérémie l'encourage à laisser ses pieds sur la glace, ce que Matteo fait peu à peu, et à se laisser glisser. Après une quinzaine de minutes, Jérémie commence à laisser Matteo seul un peu et il arrive à faire quelques pas sans tomber. Il marche plus qu'autre chose et il ne se laisse pas vraiment glisser mais c'est un bon début. On décide de quitter après environ une demi-heure parce que la durée d'attention d'un enfant de 2 ans et demi n'est pas très longue et que Matteo commence à se fatiguer. Je crois qu'il est dû pour une sieste et je ne dirais pas non moi non-plus. Jérémie trouve l'expérience concluante :

- Tu es pas mal bon Matteo, moi je n'étais pas aussi bon que toi à ton âge.

- Oui, moi bon patineuwww

- C'est vrai que tu n'étais pas aussi bon quand tu étais petit?

- Ouais, j'aimais pas ça patiner, j'aimais juste lancer au filet.

- Tu t'es quand même bien repris. Et tu ne lances plus tant au filet...

Maintenant, Jérémie est quand même un assez bon patineur. Il n'est peut-être pas aussi rapide que ses amis Liam et Evan mais il y en a beaucoup dans la LNH qui sont pas mal plus lents que lui. Il a même déjà participé à la catégorie « patineur le plus rapide » dans des concours d'habiletés de match des étoiles dans les différentes ligues où il a joué.

- Haha oui, ça a changé avec le temps.

Quand on arrive à la maison, les parents de Jérémie, sa sœur et son conjoint ont tout ramassé et sont prêts à rentrer chez eux. On les remercie pour tout et Jérémie et moi on va faire une sieste avant d'aller souper chez mes parents.

Chez mes parents, ma mère a refait son griot de porc parce que Jérémie avait beaucoup aimé ça la première fois où il était venu. Il en mange encore 2 portions et, après, on se donne nos cadeaux. Jérémie a ramené une bouteille de vin de Californie difficile à trouver ici pour mon père et un sac à main d'une marque Californienne à la mode pour ma mère. Bon, c'est moi qui lui ai conseillé ça et je l'ai aidé à choisir à distance, il en a même acheté un de la même collection pour sa mère. Il donne un de ses bâtons signé à Léa et une photo encadrée de lui, elle et Rocket que j'ai prise la journée où il a accroché les décorations de Noël chez mes parents. Léa n'en revient pas, il faut dire que déjà de passer Noël avec lui, c'est une situation totalement inespérée pour elle. Mes parents donnent une série de biographies d'anciens joueurs de hockey à Jérémie, dont une de son nouvel ami M. Larose. Ça aussi c'est mon idée, je lui dis que c'est pour passer le temps quand c'est plate en voyage, et je lui chuchote à l'oreille :

- ...pour ne pas que tu aies envie de regarder les réseaux sociaux.

Léa, elle, lui envoie un lien par courriel d'un montage vidéo qu'elle a fait d'extraits des meilleurs moments de sa carrière jusqu'à maintenant et qu'elle a mis en privé sur YouTube. Jérémie est vraiment ému et il lui dit qu'il va le regarder à chaque fois qu'il va avoir besoin de se faire remonter le moral. Par la suite, on reste un peu avec mes parents pour regarder les spéciaux de Noël à la télé et on rentre à la maison de Jérémie vers 22h00.

On se couche rapidement et on se colle, avec Rocket qui veut aussi se joindre à nous. Jérémie me dit dans l'oreille :

- C'était quand même un beau Noël avec nos familles, ça aide à remettre les choses en perspective de passer du temps avec eux.

- Ouais, c'est vrai que ça fait changement de nos vies habituelles, de la tienne surtout. Ça permet de voir ce qu'il y a de vraiment important.

- Je voulais te dire, j'y ai repensé et je vais demander à revoir le psychologue, je vais en parler après-demain, quand on va s'entrainer à Brossard avant de partir en Floride. Et je vais rappeler à l'hôpital pour prendre mon rendez-vous en psychiatrie. J'appellerai aussi après-demain, vu que ça ne sera plus férié. Rappelle-moi de le faire, OK?

- Oui, inquiète-toi pas, je ne vais pas oublier, je pense que c'est important que tu y ailles. J'ai quand même hâte d'aller en Floride, ça aussi ça va faire du bien! Je peux pas croire que je vais être avec toi jour et nuit pour encore une semaine!

- Ouais, je compte bien en profiter!

- Tu vas pouvoir profiter de moi tant que tu veux! Mais là, il faut dormir, on a une grosse journée demain : il faut tout fermer ici, rentrer à Montréal, faire nos bagages....

- Ouais ouais, t'es chanceuse que je sois fatigué parce que je profiterais bien de toi tout de suite... Bonne nuit! Je t'aime!

- Moi aussi je t'aime!

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