C'est là que j'ai senti toute la détresse qu'eux pouvaient ressentir.
La jeune fille qu'il voient devant eux est identique à leur propre fille, mais ce n'est pas elle. Ils ne peuvent pas la serrer dans les bras comme ils l'auraient voulu au moment où ils auraient revu le son visage.
Je reste stoïque, figée si fermement que mes pieds semblent s'être enracinés au sol.
Les parents de Bella ont l'air d'être des gens simples et aimants. Sa mère est une très jolie femme: ses longs cheveux roux et ondulés tombent harmonieusement sur ses épaules délicates. Son teint de porcelaine est parsemés de petites tâches de rousseur, qui mettent en valeur ses yeux verts très clairs. Elle porte une longue robe à fine bretelle de la même couleur que ses iris. Son mari se tient à côté d'elle. Il est grisonnant, plus imposant, des cheveux et une barbe qui n'ont pas été coupés depuis quelques temps.
Mon regard s'alterne succinctement entre les deux protagonistes et un profond sentiment de tristesse m'envahît alors quand ils s'aperçoivent que je ne suis pas Bella. J'ai envie de partir, de disparaître, mais surtout de m'excuser auprès d'eux de ne pas être leur fille.
Quelle douleur peut-on ressentir quand on s'aperçoit que la personne qui ressemble le plus à votre enfant ne l'est pas?
Voir mon visage doit être pour eux une déchirure indélébile.
— Bella est en vie, déclare enfin Isaac.
Je comprends qu'il a attendu de les voir en vrai pour leur annoncer la nouvelle.
Une lueur de soulagement animent alors les yeux des deux parents, alors que de profonds soupires rassurés se diffusent chez les loups-garous.
Mais, Isaac n'affiche pourtant pas que son visage ce même sentiment de soulagement. Les parents de Bella ne savent pas encore que leur fille est sûrement partie délibérément de la meute.
Michael s'approche alors d'Isaac et lui fait une accolade fraternelle.
— Merci pour tout ce que tu as fait pour nous, souffle-t-il.
Isaac se retire alors et lui adresse un regard pessimiste.
— Les nouvelles ne sont pas bonnes, Michael. On reste persuadé que Bella a délibérément fugué et qu'elle ne reviendra pas.
Une déception profonde ainsi qu'une tristesse accablante soudaine et inattendue se noient dans les yeux des deux parents. Ils ne s'attendaient pas à ça. Ils s'étaient préparés à la mort de leur fille, mais pas au fait que son départ puisse être un choix de sa part. Je ne peux même pas imaginer leur douleur.
Une larme coule sur la joue de la mère de Bella, qu'elle essuie pudiquement, en se mettant en retrait.
— Qu'est-ce qu'ils s'est passé, Isaac? Questionne alors d'une voix rauque, Michael.
— Est-ce qu'on peut s'asseoir? Demande le loup-garou.
Michael hoche la tête et fait signe à son interlocuteur de le suivre.
— Venez.
— Michael...? J'aurais quelqu'un à te présenter, poursuis Isaac, un peu sur la retenue.
Ce dernier pose délicatement sa main au milieu de mon dos pour me diriger vers les parents de Bella.
Une montée d'angoisse me fait alors frémir. J'aurais voulu plutôt rester discrète et silencieuse jusqu'à notre départ. Je redoute subitement leur réaction.
Isaac poursuit alors, en m'adressant un regard rassurant.
— ...Voici Linda Prior. Si nous avons aujourd'hui des avancées dans les recherches, c'est notamment de son fait. On lui doit beaucoup. Elle nous aide à retrouver Bella.
Un petit silence angoissant s'en suit alors. Tout le monde me fixe avec une telle insistance, que je ne parviens plus à respirer normalement.
— Et bien, qu'elle vienne avec nous dans le salon, finit par répliquer calmement Michael en m'adressant contre toute attente un hochement de tête respectueux.
Une montée de soulagement me détend alors.
Michael fait signe aux loups-garous qui avaient gardés un œil sur moi de disposer, et nous fait signe, à Isaac, Nathanaël, Parker et moi de le suivre.
On pénètre alors dans une jolie maison en bois. Les pièces sont étroites, les plafonds bas, mais la demeure est harmonieusement décorée. Des plantes sont disposées un peu partout et apportent à la maison un côté tellement chaleureux. De petites guirlandes éclairent l'intérieur assombri. On s'assoit alors dans des fauteuils disposés autour d'une table basse, dans le séjour, et la conversation débute, alors que Jenna, la mère de Bella dont j'apprends son prénom en suivant, nous apportent à tous une tasse de thé brûlante.
Isaac raconte alors tous ce qui s'est passé dans les moindre détails, sans que personne ne l'interrompt une seule fois.
Les parents ont l'air dévastés. Jenna a ses joues trempées de larmes, alors que Michael, le visage fermé, garde pudiquement en lui toute la douleur qu'il doit ressentir.
— Si les vampires sont dans le coup, il faut envoyer plus de patrouille sur les frontières, lance alors Parker, le regard vif, animé par la colère.
— Ça ne sert à rien, Parker. Je ne suis pas sûr que nous intéressons les vampires, réplique Michael, calmant l'ardeur de son neveu.
— En effet. Linda est leur prochaine cible. Ils ont tenté de la kidnapper alors qu'on était en route, hier soir, les informe Isaac.
— Nous sommes désolé de l'apprendre, et nous ne voulons pas qu'il vous arrive la même chose. Savez-vous ce qui vous uni à Bella? Poursuit le père de cette dernière en s'adressant à moi.
Je me tourne subitement vers Isaac, lui suggérant de répondre à ma place, mais il m'adresse un regard rassurant, m'encourageant à répondre.
— En réalité, j'espérai que vous puissiez m'apportez des renseignements à ce propos. Il y a encore un mois, j'ignorai que les Surnaturels existaient. Je suis venue à La Nouvelle Orléans uniquement pour le tourisme, jusqu'à qu'on m'interpelle dans la rue par le nom d'une autre jeune fille. Je ne sais pas pourquoi je lui ressemble à ce point. Pardonnez mon ardeur, mais...Je me demandais...Je me demandais si elle aurait pu être une sœur cachée...
La maman de Bella m'adresse un sourire triste.
— Oh...je suis désolée Linda, mais Arabella n'a jamais eu de jumelle. Elle a seulement une petite sœur. Arabella et Maddie sont mes deux filles biologiques, et je n'en ai pas eu d'autres, répond Jenna, visiblement très embêtée de taire mes doutes à ce propos, le regard rempli de bienveillance et de consolation.
Je n'avais véritablement jamais renoncé de croire que Bella pouvait être ma sœur. Mais, Jenna a l'air certaine: Je ne suis pas leur fille, au contraire de mon sosie. Il n'y a donc aucune explication biologique sur tout cela.
— C'est ce qu'on s'était dit. On a rapidement écarté le lien parental entre les deux. Il est néanmoins certain qu'il y a autre chose que l'on ignore, rajoute Isaac.
— Vous avez essayé de creuser du côté de vos parents? Me demande Michael.
— Pas vraiment. Mais, je pense commencer par là, je réplique alors pensive.
— Nous nous posons les mêmes questions que vous, Linda. Nous n'avons malheureusement aucune réponse à vous apporter, poursuit Jenna, embêtée.
— Ne vous en faites pas. Vous m'avez déjà apporté une réponse importante: je sais dorénavant qu'il n'y a aucune chance que j'ai un lien de parenté avec Arabella. Cela me permet au moins de fermer une piste, je réplique alors, en lui adressant un sourire poli.
— Tout l'Enclave est au courant de la situation? Demande Michael inquiet, à Isaac.
— Toute l'équipe de direction est partie en congrès, en Finlande, il y a un mois. Bella a disparu juste après. J'ai pris la décision de garder pour le moment tout ça, en attendant qu'ils reviennent. Je ne veux affoler personne, affirme le jeune homme.
— Et, je pense que ce n'est pas une coïncidence qu'elle ait disparue juste après leur départ, réplique Michael en fronçant les sourcils.
— C'est possible, en effet qu'il y ait un lien, reconnaît Isaac.
— Isaac, je ne remets pas en cause ta loyauté et tes intentions, mais est-ce que l'Enclave aurait pu lui faire du mal? On pourrait penser qu'elle les a fui. Et on sait que l'Enclave n'apprécie guère les loups-garous, s'interroge Parker sur un ton plus virulent.
— L'Enclave n'a jamais cherché à lui nuire, d'autant que je sache. Et si c'était le cas, pourquoi avoir coupé les ponts avec les siens? Ce n'est pas logique, réplique Isaac, sûr de lui.
Personne ne peut apporter de réponse à ça. On reste tous sans voix, à continuer de réfléchir à propos de la situation.
— Quand revient l'équipe de direction, à la Nouvelle Orléans? Demande par la suite Michael.
— Ils devraient quitter Helsinki très prochainement je pense, répond le membre de l'Enclave.
— Qu'est-ce que tu comptes faire? Renchérit le chef de la meute.
— Je vais être obliger de leur en parler. J'ai pour le moment sous ma direction l'institut en leur absence, mais ce n'est pas moi qui commande en temps normal. Quand ils reviendront, ils vont poser des questions, sur Bella, sur Linda, sur les vampires.
— Isaac, regarde-moi dans les yeux. Promets-moi que quoiqu'il se passe, s'ils en viennent jusque-là, tu les empêcheras d'éliminer Bella. Tout espoir n'est pas perdu, elle peut revenir sur le droit chemin. Promets-le moi, demande Michael en fixant son interlocuteur droits dans les yeux.
Isaac, mal à l'aise, à du mal à soutenir son regard. Mais, il finit par hocher la tête.
— Je ne suis malheureusement pas tout puissant, Michael. Mais, je peux te promettre d'essayer.
Le père de Bella hoche alors la tête et se lève de son fauteuil, faisant signe à ses convives de faire de même.
— Jenna va vous mener à la chambre de Bella, comme vous me l'avez demander. Vous pourrez ensuite exécuter notre sort de traçage.
Nathanaël hoche alors la tête, timidement.
— Je vais juste essayer de la localiser. Ce ne sera pas long, réplique-t-il doucement.
— Suivez-moi, sourit alors poliment Jenna.
Nathanaël et moi exécutons les ordres, alors qu'Isaac se tourne vers Michael pour le prendre à part.
Je reste cachée en haut des escaliers, afin d'écouter la conversation, alors que Jenna disparaît avec le sorcier.
Isaac soulève discrètement le bas de son teeshirt pour lui montrer sa blessure.
— Hier soir, quand les vampires nous ont attaqués, l'un d'eux avait une dague en argent. Je n'avais pas assez d'antidote pour guérir la blessure, murmure-t-il.
Michael fixe la plaie, le visage crispé. Il sort alors une petite fiole de sa veste qu'il lui tend, en lui adressant un regard paternel et protecteur.
— Tu devrais toujours en avoir le maximum possible sur toi. Tu es comme un fils pour moi, Isaac. J'ai déjà perdu une fille et je ne peux pas subir le même sort pour un autre enfant. Fais attention à toi.
Isaac hoche la tête, et récupère la fiole.
— J'ai été imprudent et ça ne se reproduira plus, lui assure alors le jeune homme.
Il s'apprête à mettre fin à la conversation quand Michael l'interpelle à nouveau.
— J'ai vu ton père, il y a quelques jours. Il m'a dit que tu leur avais pas rendu visite depuis un certain temps. Tu leur manques, tu sais.
Isaac déglutit alors. Une expression de mélancolie habille alors ses yeux ambrés. Il peine à répondre, mais finir par articuler deux mots.
— C'est compliqué...
Son interlocuteur secoue alors la tête, lui adressant un regard bienveillant.
— Pas forcément, Isaac. Même s'ils ne sont pas d'accord sur ton affectation à l'Enclave et ton départ de la meute, ils t'aiment. Tu es leur seul fils et tout ce qu'ils veulent pour toi, c'est ton bonheur.
Isaac détourne son regard des yeux du chef de la meute.
— Je sais que je les ai déçu et voir sur leur visage la tristesse qu'ils ressentent à propos de ça, me plonge dans un embarras bien trop douloureux.
Michael hoche lentement la tête.
— Je comprends. Mais, n'oublie pas que nos deux meute seront toujours là pour toi.
Soudain, le regard d'Isaac se pose sur moi. Il m'a vue l'écouter.
Prise de court, je deviens écarlate, totalement mal à l'aise.
Isaac détourne son regard pour le positionner de nouveau sur son interlocuteur. Je décide d'arrêter immédiatement de les observer pour rejoindre Nathanaël et Jenna.
Je redoute alors ce que va me dire loup-garou. Je sais que ce que j'ai fait ne se fait pas et m'en veux subitement.
Ma curiosité a toujours été mon pire défaut.