Un ship de milliehanemiya si je ne me trompes pas, et je sais qu'elle l'adore. (Si vous ne la connaissait pas, allez lire, ses histoires sont incroyables ! (Oui, c'est bon j'ai fini mon moment pub, j'arrête de vous faire chier)).
Bref, place à l'histoire.
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Il fait vraiment beau pour la saison. Le ciel est d'un bleu calme et imperturbable, sans un nuage à l'horizon. Les pâles rayons du soleil peinent à réchauffer l'atmosphère emplie d'une odeur de sucre et de bois mouillé. Les feuilles pourpres et ors se découpent sur l'azur et ondulent doucement dans la légère brise. J'adore l'automne.
Le soleil décline lentement, et le ciel commence à s'assombrir. Il doit être aux alentours de dix huit heures. J'enfonce mes mains dans mes poches et sautille tranquillement sur le rebord du trottoir, comme le font les enfants. J'envoie voler le tapis de feuilles mortes qui recouvre le bitume d'un grand coup de pied. Je les regarde tourbillonner avant de retomber lentement. Ça a quelques choses d'étrangement hypnotique. Je recommence plusieurs fois, sans m'occuper des rares passant qui me lancent des regards en coin. Ils ne peuvent pas comprendre, et ce n'est pas grave. C'est mieux comme ça. L'automne à vraiment quelque chose de magique et mystérieux à mes yeux. Les légers pans de brouillard, les feuilles qui se colorent de sang, les branches noueuses des arbres mis à nu... C'est une ambiance très spéciale.
Mon téléphone vibre dans la poche de mon jean, me coupant dans mes réflexions. Tient, je croyais l'avoir éteint. Je le saisi et le fais taire sans même prendre la peine d'y jeter un coup d'œil. Je sais déjà qui appelle et pourquoi. Et je sais déjà que j'en ai rien à foutre.
Je presse un peu plus le pas, faisant tinter la clochette qui me sert de boucle d'oreille et qui se balance en rythme. Tant pis pour les jolies tas de feuilles vermeilles. J'enfonce le bas de mon visage dans mon col pour me protéger du froid. Un vent frais c'est levé et fait onduler mes cheveux dans la légère brise.
J'arrive enfin au pied de son immeuble. Je soupire en commençant à gravir les premières marches. Si seulement il avait habité une maison de plein pied, ça aurait été plus pratique. J'aurais pu rentrer par la fenêtre de sa chambre comme dans ces films de romances adolescentes. Ça aurait pu être marrant. Malheureusement ce n'est pas le cas et me voilà donc sur le palier du troisième étage, devant sa porte. Je souffle doucement et inspire un grand coup. De toute façon ce n'est pas la première fois. Je sonne.
J'attends quelques secondes avant qu'un cliquetis rassurant ne m'annonce l'ouverture imminente de la porte. Le battant s'écarte, pour laisser apparaître Baji. Il me sourit, l'air absolument pas surpris de me voir là. Je lui souris en retour, et il se décale pour me laisser entrer.
- Baji ? C'est qui ? demande sa mère depuis la cuisine.
- Devine, répond t-il comme si c'était évident.
Et à la réflexion ça doit l'être puisqu'elle trouve du premier coup.
- Kazutora ?
- Bingo. Tu peux mettre une assiette de pâtes en plus pour ce soir.
J'ai un peu honte de me taper l'incruste comme ça. Ils sont tellement gentils, j'ai toujours peur d'abuser de leur hospitalité. J'ai vraiment l'impression d'exagérer et de profiter de leur gentillesse parfois. Même si on se connait depuis longtemps, ce n'est pas correct de s'inviter comme ça chez les gens.
Sa mère arrive dans l'entrée et me regarde avec un air embêté en soupirant.
- Kazu, ça ne me dérange absolument pas que tu sois là, bien au contraire, mais tu sais que tu n'en a pas le droit normalement.
Je baisse la tête et joue avec mes manches pour m'occuper l'esprit. Baji m'attrape par les épaules et me rapproche un peu de lui.
- M'man ! Tu sais que c'est compliqué pour lui, c'est ses premières semaines au foyer, il connaît personne là-bas.
- Je sais bien, et je comprends qu'il ne soit pas à l'aise là-bas, mais ça n'en reste pas moins une fugue.
Je me mords la lèvre et presse très fort mes paupières entre elles. Il y a un peu moins d'un mois, un de nos professeurs à contacter les services sociaux parce que j'allais de plus en plus mal, que je n'écoutais plus rien en cours et surtout parce que mes bleus étaient de plus en plus visibles. Après ça tout c'est enchaîné très vite. Trop vite. Une dame est venu nous voir à la maison, j'ai été déclaré enfant battu, quelques jours plus tard on est venu me chercher en me demandant de faire mes valises, j'ai été séparé de mes parents, d'ailleurs je ne sais toujours pas ce qu'ils sont devenus... Et après moultes péripéties, j'ai atterri dans le foyer de la ville. J'ai eu ÉNORMÉMENT de chance de rester dans cette partie de la métropole, au moins je peux encore voir mes amis. Si j'avais été forcé de les quitter...je pense sérieusement que j'aurai craqué. Ils sont tout ce qu'il me reste. Je n'ai plus de maison, plus de famille...si je les perds eux aussi, je ne m'en remettrai jamais. Seulement voilà, je ne peux plus sortir quand je le veux, je ne vais plus au collège pour une durée indéterminée, et donc je ne les vois plus autant qu'avant, et ça me manque. Alors oui, ça m'arrive quelque fois, pour ne pas dire très souvent, de sortir en douce pour aller les retrouver. Comme ce soir par exemple.
Je lève des yeux humides et suppliant vers Mme. Baji.
- Alors...vous allez me renvoyer au foyer ? je demande d'une petite voix.
- ... T'es pâtes tu les veux avec ou sans gruyère ?
Mon regard s'illumine et un soulagement sans précédent m'envahit tandis que je la remercie encore et encore. Keisuke m'ébouriffe gentiment les cheveux avec un grand sourire, visiblement très heureux que je puisse rester.
On se dirige vers la cuisine et on se pose autour de la table. Une discussion joyeuse et animée se lance tandis que les assiettes se remplissent et se vident au rythme du repas. Ça me surprendra toujours, cette bonne ambiance qui règne à table chez tout mes amis. Chez moi, le repas était toujours rapide, pesant et silencieux. Ici, c'est convivial, chaleureux et bruyant, et c'est encore pire (ou mieux, je ne sais pas trop) chez les Sanos. On parle de tout et de rien, Keisuke et sa mère se chamaillent gentiment. C'est fou de voir à quel point ils sont complices. Je souris, gagné par cette bonne humeur très contagieuse.
La mère de Keisuke jette un regard à sa montre et écarquille les yeux.
- Mince ! Il est déjà si tard ?
Elle se lève, débarrasse vite son assiette et ses couverts et enfile précipitamment ses chaussures et son manteau. Elle est infirmière à l'hôpital, et elle travaille souvent de nuit. La pauvre, ce doit être fatiguant.
- J'y vais, les garçons, soyez sages et ne vous couchez pas trop tard, je vous fais confiance. Non Keisuke, ferme ta bouche je n'ai pas fini. Pas de jeux vidéo, pas de nouilles peyong, on vient de sortir de table et oui, évidemment que Kazutora peut dormir ici.
- Tu lis dans les pensées ou quoi ? marmonne Baji.
- Non, je te connais juste comme si je t'avais fait, rit elle avant de s'approcher de nous.
- Allez, je dois vraiment filer, bonne nuit les garçons.
Elle attire Keisuke dans un rapide câlin et l'embrasse sur la joue avant de se tourner vers moi, de me caresser les cheveux et de m'embrasser sur le front. Elle s'éclipse ensuite de la cuisine en nous faisant signe, avec un grand sourire. J'en reste bouche bée. Même ma propre mère de m'a jamais embrassé comme ça, que ce soit pour me dire au revoir parce qu'elle partait travailler ou pour me coucher. Et bien... c'est loin d'être désagréable. Un sourire béa me monte au visage et je passe mes doigts sur mon front. Ce n'était presque rien, juste un rapide petit signe d'affection, et pourtant...ça m'est si précieux. J'aurais adoré avoir une maman comme elle.
On finit de manger et débarrassons à notre tour nos couverts. Keisuke commence à faire couler l'eau pour faire la vaisselle tandis que je range les ingrédients encore présent sur la table. Alors que j'attrape mon verre, il me glisse des mains, et avant que j'ai pu faire le moindre mouvement, il se fracasse par terre dans un bruit sourd. Je regarde avec horreur le verre brisé s'éparpiller sur le carrelage de la cuisine. Je lève précipitamment les yeux vers Baji, avant de les baisser à nouveau sur les débris du verre. Je m'accroupis au milieu des éclats, paniqué et commencent à ramasser les plus gros morceaux.
- Je suis désolé. Je suis désolé. Je suis désolé. Je voulais pas...j'ai pas fait exprès. Ho je suis vraiment désolé.
Keisuke s'accroupit à son tour et attrape mon poignet pour m'empêcher de continuer. Je me crispe inconsciemment, la peur au ventre.
- Arrête, tu vas te faire mal. Il ne faut pas ramasser le verre à la main, tu vas te couper.
D'une petite pression sur mon poignet, il m'oblige à lâcher le verre que j'avais déjà dans les mains. Il attrape ensuite mon menton de sa main libre et m'oblige à le regarder dans les yeux. Il n'a pas l'air en colère, bien au contraire. Un éclair inquiet passe dans son regard, mais il me sourit en caressant doucement ma joue.
- C'est pas grave Zuzu. On va nettoyer ok ? Ça arrive, ce n'est pas grave. Des verres on en a plein d'autres. Ce n'est pas la peine de te mettre dans des états pareils. Tout va bien.
Il ne crie pas. Il est même très calme. Il ne me traite pas d'imbécile ou d'incapable. On dirait vraiment que ce n'est pas grave. Il se lève, va chercher la balayette et commence à nettoyer les morceaux de verre, en fredonnant tranquillement comme si tout était normal. Je ne comprends plus rien. Il me lance un petit regard en coin et souris tendrement devant mon air perdu.
- Va te mettre en pyjama, je finis de nettoyer. T'inquiètes pas, tout va bien.
Je hoche la tête, encore un peu secoué et part me changer. Je m'assoie sur le lit de Baji et ramène mes jambes contre ma poitrine. Je pose ma tête dans mes genoux et essaie d'encaisser la remontée de souvenirs procurée par ce court instant. Je me revoie gamin, en train de pleurer, à genoux sur le carrelage de la cuisine. Je tiens ma joue droite qui me fait terriblement mal, et je demande pardon, encore, encore et encore. J'entends mon père me hurler dessus mais je ne comprends même pas ce qu'il dit. Je saisis simplement quelques mots au milieu de ce déferlement de rage : incapable, bon à rien... Je vois les éclats de céramiques bleus de l'assiette que je viens de casser. Je suis terrifié, et je me recroqueville contre le plan de travail sans pouvoir quitter des yeux ces morceaux de vaisselle qui semblent me narguer, éparpillés sur le sol.
Je relève la tête. Et inspire un grand coup. C'est du passé maintenant. Tout va bien. Je suis en sécurité ici. Je me lève et fouille dans les poches de mon jean pour sortir mon téléphone, histoire de me changer les idées. Je me rassoit en tailleur sur le lit et lorsque l'écran s'allume je grimace. J'ai quatorze appels manqués et dix-huit messages non-lu. Je soupire sans prendre la peine de regarder et repose aussitôt mon téléphone.
- C'était ton foyer ?
Je sursaute légèrement et me tourne vers l'entrée de la chambre. Baji me dévisage depuis le pas de la porte. Je me force à sourire et hoche simplement la tête. Il éteint la lumière et me rejoint dans le lit. Je m'allonge et il en fait de même, rabattant la couverture sur nous. Je me blotti aussitôt contre lui, et il m'entoure de ses bras, nous rapprochant encore un peu plus. La tête contre sa poitrine, j'entends son cœur battre à un rythme régulier, dans une mélodie apaisante. La chaleur de son corps contre le mien est vraiment rassurante. Je ferme les yeux. Je me sens terriblement bien dans ses bras. Ses cheveux me chatouille le visage, et emplissent mon air d'une légère odeur de vanille et...de brulé. Certainement sa sale manie d'aller cramer des voitures dès qu'il a faim. Il commence à jouer avec l'une de mes mèches blondes d'un air distrait.
- Kazu. Est-ce qu'on s'occupe bien de toi au foyer ?
Je soupire mais laisse l'ombre d'un sourire flotter sur mes lèvres. Il s'inquiète pour moi.
- Oui, ne t'en fait pas. Je suis un peu perdu, c'est tout. Mais tout le monde est très gentil. Le truc c'est que...ils me regardent tous avec cet air désolé...comme si...je sais pas, comme si je leur faisait pitié. J'aime pas ça. Je veux dire...avant d'être...
Je m'interrompt, ayant encore un peu de mal avec ce terme. Je pince les lèvres, inspire et reprend.
- Avant d'être... un enfant battu, je suis un humain tout ce qu'il y a de plus normal, et j'ai l'impression qu'ils l'oublient parfois. Mais c'est rien.
Baji m'embrasse sur le front et frotte sa tête contre la mienne dans une geste affectif. On dirait un chat.
- Je comprends. Si jamais tu as le moindre problème, dis le moi. Je veux être là pour toi, ok ?
- Ouais. Perso, je m'inquiète plus pour le collège. Tout le monde va me regarder bizarrement, me poser des questions...je vais être au centre de l'attention, il va y avoir pleins de rumeurs sur moi...
Je me mords la lèvre et m'oblige à penser à autre chose, à ne pas imaginer les regards pleins de jugement des autres. Rien que d'y penser ça me fait frémir.
Baji passe calmement sa main dans mes cheveux et pose son front contre le mien, les yeux fermés.
- Tout ira bien. Je te le promets. Le premier qui te parle mal ou qui te regarde de travers, je lui mets mon poing dans la gueule.
Je ri un peu en imaginant la scène. Honnêtement, je l'en crois tout à fait capable.
- Je sais me défendre tout seul, je réplique.
- Je sais. C'est juste que... Je ne veux pas que tu te sentes différents ou mal à l'aise à cause de ça. Tu es une personne vraiment...forte et... incroyable et je... Je suis vraiment amoureux de toi.
Il rouvre les yeux et ses iris d'un joli brun doré me coupe le souffle. Je sens mes joues chauffer et je suis bien content que le noir camoufle la teinte cramoisie qu'elles ont sans doute prises. Je donne un petit coup de tête à Baji en le traitant d'idiot avant de me cacher sous la couette. Il rit et me rejoint sous la couverture. Il pose doucement ses lèvres sur les miennes et se retire rapidement avant de m'offrir un grand sourire.
Moi aussi je l'aime putain. Tout, absolument tout chez lui me plaît. Ses yeux rieurs, ses cheveux si doux, son sourire lumineux, ses grandes mains, son enthousiasme, sa voix rauque, son humour vraiment douteux, ses baisers qui me font perdre la tête, son impulsivité...
J'enfouie ma tête dans son cou et soupire d'aise, le faisant légèrement rire sous la caresse de mon souffle sur sa peau. On se préoccupera du foyer, du collège, des moqueries et des jugements plus tard. Parce que pour l'instant, je suis avec lui, en sécurité, dans ses bras, loin de la méchanceté du monde. Et c'est tout ce qui compte en cet instant.
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Bonjour ! Voilà le premier chapitre de ce nouveau recueil ! Ça me fait super plaisir. N'oubliez pas que les commandes sont ouvertes, et n'hésitez pas à laisser des commentaires pour que je saches si ça vous a plu ou pas. Ça fait toujours plaisir d'avoir des retours sur son travail. :)