Avril 2022.
Seine-Saint-Denis.
<<J'te bats à la bagarre, fais pas le chaud.>>
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Depuis quelques jours, je me demande pourquoi j'ai balancé un truc pareil à un moment où ça allait un peu près bien avec Polak. J'ai gâchée la pseudo-relation amicale qu'on avait réussi à créer après la rupture, mais vu que j'ai de la bouche, j'ai été obligé de dire la phrase de trop.
Je savais bien que j'avais merdé mais je faisais genre de rien, comme à mon habitude. Lui par contre, il était dans ses pensées tout le long du repérage dans le magasin fashion et il ne s'en cachait pas. Ça m'a d'ailleurs surpris que Mathieu me demande le but de ma phrase entre quatre yeux, j'étais si perdue que j'ai juste prétextée le manque de considération de ma part.
J'ai envie de dire, LOL Marza, gros LOL même. T'as juste le seum parce qu'il soulève d'autres meufs que toi, c'est tout.
Donc là, je me retrouve stressée de le retrouver, toujours à deux, pour chercher le plus gros des décorations et surtout pour aller décorer cette énorme salle du 93. Les mecs devraient nous rejoindre demain avant que Peli' n'arrive pour peaufiner les derniers détails, mais le plus gros, c'est bien pour notre pomme.
En sachant que ça va nous prendre tout la nuit, j'ai déjà préparé ma gourde remplie de café froid pour me donner de l'énergie quand j'en manquerais.
Je jette un dernier regard à mon reflet avant de fermer la porte de mon appartement à double tour et de rejoindre mon ancien "chez moi", la cité. Je croise pleins de gens donc le trajet prend un peu plus de temps que prévu, et Mathieu ne se gêne pas pour m'harceler de messages. Je finis par l'appeler et lui dire que j'arrive, mais il râle en disant que je respecte jamais les horaires, blablabla.
Je ne sens aucune réserve ou gêne dans sa manière de parler au bigo, j'espère que ce sera pareil en vrai et qu'il a un peu oublié mon dérapage au magasin.
Quelques minutes plus tard, une voiture s'arrête à ma gauche et je vois la tête du polonais, concentré à faire son créneau. Il avait une Merco avant, et là je remarque un RS4 bien beau, bien soigné.
- Je vois qu'on a plus son ancienne caisse, je dis en grimpant à l'avant.
- Besoin de changement j'imagine.
- T'en as fais quoi de l'ancienne ?
- Je l'ai passé au daron, mais il l'a revendu après un mois.
- Coup dur.
Il redémarre en me passant son phone pour que j'encode l'adresse du lieu où se trouve notre camionnette de location. En ayant son téléphone en main, je me rappelle toutes les fois où j'ai voulu fouiller allégrement dedans ou juste regarder ses contacts bloqués.
- Tu peux aller sur Spotify et mettre la première playlist ?
- Yep, je fais ça.
Je shuffle la playlist et c'est un son de Biggie qui retentit dans les baffles de l'auto. Mon pied bouge instantanément sous le sample et je vois Polak froncer les sourcils en kiffant l'instrumental.
Je lui indiquais les directions à prendre et on arriva assez vite à l'entrepôt. Pruski laissa sa voiture dans un parking souterrain à quelques dizaines de mètres de l'endroit et il m'aida à enjamber le bail.
- C'est ça que tu appelles une petite camionnette ?
- Je m'attendais pas à ça j'avoue, je rigole en attachant ma ceinture.
- J'ai l'impression d'être chauffeur poids lourd.
- Askip t'es un pilote donc ça doit pas te faire peur un bolide de ce genre !
- Rien ne me fait peur, tu devrais le savoir.
Je lève les yeux au ciel face à son faux égocentrisme, ça reste un gamin à son grand âge là.
- Y'a des mecs pour porter les canapés jusqu'au coffre ou je vais devoir porter les trucs seul ?
- Je suis avec là avec toi j'te signale.
- Comment tu vas transporter des meubles avec ton petit corps et tes longs ongles toi ?
- J'te bats à la bagarre, fais pas le chaud.
- Ouais ça doit être ça.
Je lui fous un coup de poing sur l'épaule et il se met à simuler une souffrance hors-norme.
- Plus sérieusement, y'aura des sortes de déménageurs donc on devra juste les regarder faire.
- T'as payé combien la location ?
- Pourquoi ?
- Pour que j'te rembourse la moitié.
- T'es pas possible hein ! C'était mon idée de louer un camion de forain alors tu vas rien rembourser du tout oui.
- Je trouverai bien un moyen de trouver le prix et de te rembourser.
- Tourne à gauche.
J'ai subtilement changé de sujet, et il est tombé dedans sans le remarquer.
Une heure plus tard, le coffre plein de meubles en tous genre et fermé, nous nous dirigeons enfin vers le lieu d'anniversaire ! J'étais dans un très bon mood jusqu'à ce je vis le nom de ma manager s'afficher sur l'écran de mon téléphone.
- Tressy ?
- Comment ça va ?
- Très bien mais moins en entendant le son de ta voix là... Le jet est HS ?!
Silence.
- Tressy ! Réponds moi !
- Ils ont réparés ton avion darling ! C'est bon, tout est good !
Un poids énorme s'envole de mes épaules, je me sens soulagée et joyeuse de cette nouvelle plus qu'inattendue.
- Merci mille fois à toi et à l'équipe, je vais les appeler de suite !
- Par contre, autre nouvelle...
- Ah, c'est quoi ?
- La Playstation est cassée, faudra en acheter une autre.
- Tu te fous de ma gueule ? J'pensais que c'était un truc plus grave !
- Je voulais que tu te souviennes de cet appel, elle rigole au bout du fil.
- Merci encore, tu sais si les mecs sont réveillés ?
- On a une tournée dans un mois, évidemment qu'ils sont réveillés enfin !
Je la remercie une dizaine de fois avant d'appeler toute mon équipe et de les embrasser virtuellement. C'est vraiment des anges, tous plus gentils les uns que les autres. Je raccroche et soupire un long coup, ça fait du bien de savoir que tout est redevenu à la normal du côté US. Ne pas être sur place alors que mon avion avait des soucis techniques et ne pas pouvoir m'en occuper moi-même, c'est super frustrant.
- C'était ça ton problème technique ?
- Ouais, je suis si contente tu peux même pas t'imaginer !
- C'est quand ta première date ?
- Fin mai je commence les Zéniths et après c'est les festivals suivit de quelques salles dans toute l'Europe. J'ai quelques tapis rouges à faire et des événements par-ci par-là aux Etats-Unis mais rien d'autre.
- Rien d'autre ? Heureusement que t'as rien d'autre purée, c'est déjà beaucoup.
- Je m'en rends pas compte, c'est pour ça que je vis ça si simplement. Je pense que si je prenais du recul sur la situation, une nausée me prendrait au cou et je ne pourrais pas assumer une telle chose. Et toi, t'es programmé où cet été ?
- Un peu dans tous les festivals francophones aussi. Et quelques uns en dehors, genre en Guadeloupe ou en Corse. Tu finis quand ton grand programme ?
- Fin août, la date de mes vacances sûrement.
- Avec ton équipe ?
- J'ai déjà fait des vacances avec eux et c'était le fouillis total ! Encore pire qu'avec le Panama.
- Ah ouais quand même...
- Les Américains ne savent rien doser.
[...]
La dernière banderole est mise, les tables sont couvertes de jolies nappes dorées, les lumières sont déjà branchés, la boule disco ne risque pas de tomber, le bar est nickel et les fameux canapés sont scintillants ! En six heures de travail acharnée, la salle ressemble enfin à autre chose qu'un parking d'Intermarché abandonné.
Je m'écroule de fatigue aux cotés du Polak, déjà bien plongé dans le fond d'un sofa en velours. Son crâne repose sur l'appuie-tête et il masse ses yeux avec ses doigts, je l'ai bien extenué lui aussi...
- La prochaine fois, je m'occupe de distraire Peli' au lieu de jouer à Valérie Damidot.
- T'as la même décolo qu'elle.
Il me fout un coussin dans la gueule alors que je me marre pour un rien. Ma seule excuse, il est quatre heure du matin et j'ai fini ma gourde de café il y a deux heures. Mes paupières deviennent de plus en plus lourde et je sens que le sommeil est en train de m'avoir, alors je ferme juste une seconde les yeux.
Ce que je pensais être dix minutes de sieste se transforma en cinq heures. Je suis dorénavant allongée sur le canapé, qui est plutôt chaud et cocooning. Je m'y enfonce un peu plus, mais je remarque que le dossier du sofa bouge, comme un ventre qui se gonfle.
Oh putain ! Il se passe ce que je pense qu'il se passe là ? Je suis en position cuillère avec Mathieu ?! J'ouvre brutalement les yeux et remarque son bras en dessous de ma tête, me servant d'oreiller. Ça veut dire que quand je me suis enfoncé dans ce que je pensais être le canapé, je me suis frotter à son corps ?
D'un coup, je me mets sur mes deux jambes et vais dans les toilettes pour me rafraichir le visage et les pensées.
Ok, tu as dormi collée à lui et, sans le vouloir, t'as bougé ton bassin contre le sien. Heureusement qu'il a un sommeil profond ! En vrai, c'est pas grave tant que tu fais genre que rien ne s'est passé. Ce n'est pas comme si il y avait dix autres canapés sur lesquels il aurait pu dormir, bah non !
- Marza ?
- J'arrive.
- Tu veux manger quoi ?
Esprit mal placé, bonjour.
- J'sais pas...
- Y'a un centre commercial à deux minutes, on y va ?
- D'accord.
Je l'entends tousser comme le fumeur qu'il est et allumer une clope juste après, la logique à la Polak. Dès que j'ai digéré l'information d'avoir dormi avec mon ex, collés dans le même canapé, j'ai pu repartir le voir avec un sourire pour dissiper ma gêne.
On se dirigea vers le Starbucks du centre commercial après avoir fermé la salle à quadruple tour. Mathieu prévient l'équipage que tout est en place, manque plus que le staff du DJ et les boissons que doivent amener Assaf, Matou et Marcel. J'en profite pour envoyer des messages à Claire, il faut absolument qu'elle vienne pour que je puisse trouver une tenue et un coiffeur pour ce soir. Retourner à Clamart pour revenir serait une perte de temps, autant me préparer ici directement.
Installés sur la terrasse, je sirote mon thé froid alors qu'il raccroche enfin avec les mecs.
- C'est bon, ils seront là vers onze heure pour tout ajuster.
- C'est parfait, c'est pile l'heure où Claire arrive devant le centre commercial. On doit acheter quelques trucs avant de vous rejoindre.
- Tu retournes pas à Clamart ?
- Pas besoin, je ne ferais que perdre du temps.
Je ne sais pas si il sait qu'il a dormi avec moi ou pas, il a l'air grave détendu. Ou c'est peut-être moi qui me fait encore des films pour un rien. Il doit penser que dormir côtes à côtes c'est rien de fou, y'a pas de quoi en faire tout un fromage quoi.
Ahlala, overthinking, quand tu nous tiens.
[...]
- C'est clairement chelou entre vous !
- Je sais ! Mais je peux pas m'empêcher de me dire que c'est moi qui me créer des scénarios et qu'il est passé à autre chose.
- Même si il était passer à autre chose, il aurait changé de canapé pour taper sa sieste, ça me parait logique.
- Le soir où on l'a vu avec l'autre pute là, j'étais certaine que je devais l'oublier et que l'histoire s'était réellement fini. Mais le destin n'arrête pas de nous réunir depuis ! J'en ai marre de devoir jouer la bonne pote alors que j'ai envie de lui sauter dessus toutes les deux minutes !
- Je te comprends. Dis toi juste qu'il te reste un mois avant ta tournée et qu'une fois dans le jet, t'auras autre chose à penser.
- J'ai déjà autre chose à penser ! Mes répét', mes interviews, mes galas et tout le reste...et pourtant il est toujours dans le fond de ma tête ce con.
- T'as toujours pas écouté les sons où il parle de toi dans son troisième album ?
- Je ne peux pas, surtout pas en ce moment ! Bref, voilà ce qu'il se passe dans ma vie sentimentale nulle à chier. Et toi avec Rayan ?
- Il retire pas les poils du lavabo quand il se rase, il lave pas sa vaisselle lui-même et il laisse trainer ses habits sales partout ! Un vrai gosse.
- C'est ça la vie de couple !
- Mais à part ça, on s'entend un peu près bien.
- T'es pas obligée de te contenir parce que je suis en détresse amoureuse, je sais que vous filez le parfait amour et je suis heureuse pour vous !
- Merci. C'est donc ici la salle ?
- Ouais...j'suis comment ?
- Impeccable ! T'as trop bien choisi ta robe et la maquilleuse-coiffeuse a grave bien fait son taff !
- Toi aussi t'es canon !
On se sauce encore pendant quelques minutes avant de rentrer discrètement dans la fête, déjà remplie de monde. Je ne connais pas tout le monde, mais je suis sûre que Peligrosso les connait tous alors c'est pas trop grave. Et ce n'était pas à moi de gérer les invitations, encore heureux.
- Woaw, incroyable ! me félicite Claire en regardant autour d'elle.
- Merci, on en a chié.
- Oh, les stars sont arrivés ! gueule Ormaz en nous prenant par les épaules. Vous étiez où comme ça ?
- Shopping, et vous ?
- On finissait d'arranger les derniers détails et d'accueillir les gens, dit Aladin en nous remplissant des verres de Coca avant de nous les tendre.
- Merci bien.
Je me pose à la droite de ce dernier, en cherchant un certain faux blond du regard. Tous les mecs sont là, sauf Elie qui est en route avec Peli', et pour le cas Polak, je ne le vois toujours pas. Claire me donne un coup de coude et me désigne le buffet du menton. C'était obvious, il mange les petits fours en checkant son phone.
- Tu regarde quoi toi ? m'agresse Ben.
- Ma décoration.
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