Tout étais très confus. Les images dévalaient devant elle, spectatrice impuissante. Du sang, des crocs, des cheveux d'or, du sang, un trou noir, un bûcher, du sang. Elle ne comprenait pas. Puis, subitement, elle tombait dans un vide infini alors qu'on criait son prénom - Violette - en arrière plan, de façon lointaine et sourde.
Violette se réveilla, légèrement sonnée par ce rêve étrange. Elle n'avait jamais cherchée aucune signification à ses rêves, mais celui-ci était particulièrement décousu, il ne voulait tellement rien dire que c'était déroutant. La jeune femme secoua doucement la tête pour reprendre ses esprits et tourna la tête vers son réveil. Celui-ci indiquait 7h28 en chiffres numériques et brillants. Dans un soupir elle décida de se lever. Aujourd'hui c'était son anniversaire, mais Violette était bien décidée à en faire un jour aussi banal que les autres.
Elle enfila un jean bleu clair et une chemise au teintes bleu nuit et pourpre. La simplicité absolue. Après avoir passé un coup de brosse dans ses longs cheveux brun, elle les attacha négligemment avec une pince qui lassait échapper des mèches autour de son visage. Elle dessina un fin trait noir sur ses yeux, passa ses bottines et descendit dans le salon.
Tout les volets étaient ouverts et la pièce baignait dans une lumière apaisante. Au centre de la pièce, assise autour d'une petite table ronde en bois, se trouvait sa tante en train de lire le journal. En entendant les pas de Violette, sa tenta leva les yeux et lui offrit un sourire franc.
Cette petite femme toute vêtue de beige, et donc le visage commençait à être gondolé par les rides était sa seule famille depuis qu'un accident de voiture avait happé ses parents alors qu'elle n'avais que trois ans, soit quatorze ans plus tôt. Elle l'avais élevée, lui avait expliqué pourquoi ses parents ne reviendraient pas la chercher et lui avait apprit à supporter cette idée.
Violette fit claquer une bise sur la joue de sa tante puis s'installa face à elle.
- Bon anniversaire Rayon de Soleil, dit doucement la femme, comment tu sens-tu aujourd'hui ?
- Aussi bien qu'un autre jour, annonça Violette en souriant.
- Hum.. Acquiesça sa tante, en opinant avec un sourire.
Sa tante avait beau sourire, son regard était préoccupé, presque inquiet pour une raison qui échappait à Violette.
- Est-ce que tout va bien ? Ne put s'empêcher de demander Violette
- Oh je l'espère, sourit-elle. Allez, profites donc de ta journée, dix-sept ans c'est l'âge des grandes choses, ajouta-t-elle avec un sourire énigmatique.
Sa tante avait toujours eu le chic pour dire des choses qui, Violette le savait, avaient un sens caché qu'elle ne semblait jamais capable de comprendre. Une fois de plus, elle avait l'impression que c'était le cas à cet instant précis. Mais comme d'habitude elle ne s'en formalisa pas et se contenta de hocher la tête en souriant.
- Je vais passer la journée avec Ariel.
Elle prit la veste sur le dos de la chaise comme pour appuyer ses dires. Elle avait toujours été très libre de ses sorties, elle savait donc que sa tante ne s'y opposerait pas. La femme hocha simplement la tête et Violette quitta la pièce.
Elle retrouva Ariel, quelques minutes plus tard, devant l'immense bibliothèque qui faisait l'angle de la rue. Violette aimait lire, et anniversaire ou pas, c'est ce qu'elle comptait faire. La grande rousse qui lui servait de meilleure amie lui sauta dans les bras dès son arrivée et la serra fort. Les deux jeunes femmes se connaissaient maintenant depuis plus d'une dizaine d'années et passaient le plus clair de leur temps ensemble.
- Joyeux anniversaire ! fit-elle en la lâchant. Je vais te faire passer la meilleure journée de ta vie !
- Dans une bibliothèque ? se moqua Violette.
Ariel se contenta de secouer négativement la tête en riant. Elle fit ensuite signe à Violette de rentrer dans la bâtisse, ce qu'elle fit. L'intérieur de la bibliothèque était majestueux. Une immense salle s'étalait devant les yeux des deux femmes, le parquet était toujours parfaitement ciré et un nombre incalculable de livres attendaient d'être ouverts sur des étagères en bois clair, dégageant une odeur singulière qui embaumait la pièce dans sa totalité. Violette avait toujours aimé venir dans cet endroit pour parcourir les livres pendant des heures et des heures sans que personne ne puisse briser le calme autour d'elle. C'était sans doute l'un de ses lieux favoris dans toute la ville.
Elle se perdit dans la contemplation des grandes étagères après avoir salué la bibliothécaire. Ariel était partit dans une autre section, à la recherche d'un ouvrage retraçant une longue et passionnelle histoire d'amour, comme elle le faisait toujours. La jeune femme, elle, n'avait jamais été intéressée par les romans à l'eau de rose sur lesquels toutes les filles pleuraient à chaudes larmes. Non. Elle ce qu'elle aimait c'était les grandes aventures remplies de monstres, de chasseurs et d'autre choses sorties tout droit d'une imagination débordante. Elle se laissait souvent aller à penser que l'existence de ces mythes et légendes rendrait la vie plus exaltante mais elle revenait toujours très vite à la réalité. Ses doigts glissaient avec précaution sur les tranches délicates des livres, s'arrêtant après plusieurs minutes sur l'un des rares ouvrages qu'elle n'avait encore jamais feuilleté. Elle tira le livre et le tourna entre ses mains pour lire le court résumé.
Au fil des lignes, Violette sentit une présence tout près d'elle dans son dos. Pensant qu'il s'agissait d'Ariel qui était revenue après avoir trouvé son bonheur, elle ne s'en formalisa pas jusqu'à ce que la présence en question émette un petit rire moqueur, presque désagréable. Elle se retourna, prête à en découdre avec la personne qui avait manifestement rit d'elle, mais ses yeux ne rencontrèrent que le dos d'un homme, plus grand qu'elle que quelques centimètres à première vue. Une colère sourde commença à gronder en elle. Il l'avait déranger, s'était moqué d'elle et maintenant il s'éloignait comme si rien ne s'était passé ? Pour qui se prenait-il avec ses allures d'adolescent rebelle et ses cheveux décolorés ? Violette, qui évitait généralement toute sorte de conflit s'il n'était pas complètement nécessaire, se précipita vers le coin de la bibliothèque où elle avait vu disparaître la tignasse blonde une seconde plus tôt.
En tournant entre les étagères, elle finit par trouver le jeune homme penché sur un livre, isolé dans une partie déserte de la bibliothèque. Il était assis nonchalamment, le coude posé sur la table, près du livre, la main dans ses cheveux comme pour empêcher ses longues mèches d'un blond sombre, légèrement ondulée, de tomber devant ses yeux, troublant sa lecture. Ses longues jambes étaient tendues sous la table grise et le froncement de ses sourcils montrait bien sa concentration. Violette avait eu le temps de remarquer tout ça en s'approchant. Elle se posta devant lui, de l'autre côté de la table mais il ne daigna pas lever le regard vers elle, comme si il n'avait pas remarqué sa présence. Ce manque d'intérêt ne fit qu'énerver un peu plus la jeune femme qui tapa du plat de sa main droite sur le plastique gris de la table avant de regretter son geste en entendant le bruit mât qu'il produisit. Elle regarda aux alentours mais personne ne semblait avoir entendu, elle se détendit alors et reposa son regard sur le blond. Un frisson parcourut tout son corps au moment où leurs yeux se rencontrèrent. Ceux du jeune homme avaient une couleur fascinante, un éclat irréel qu'elle n'avait vu nulle part ailleurs. Des touches d'or brillantes se mélangeaient au bleu orage. Une nuit éclairée de milliers d'étoiles, voilà ce à quoi ils lui faisaient penser. Une nuit aussi belle que dangereuse. Il avait un air sincèrement surpris alors qu'il scrutait le visage de Violette. Celle-ci se pencha en avant, au-dessus de la table et s'adressa au jeune homme dans un chuchotement :
- Tu as un problème avec moi ?
- Je te demande pardon ? Dit-il en haussant un sourcil, la surprise laissant place à un agacement profond.
- Tout à l'heure, tu te moquais de moi n'est-ce pas ? Je veux savoir pourquoi.
Il sembla réfléchir un instant, comme si cet incident lui était déjà sortit de la tête puis un sourire étira légèrement ses lèvres.
- Ce genre de livre est absurde, dit-il en pointant l'ouvrage dans la main de Violette, et en lire un te rends tout aussi absurde.
Violette ouvrit la bouche en le pointant du doigt, elle se fichait à présent que les occupants de la bibliothèque l'entende, elle allait juste remettre cet idiot à sa place comme il fallait. C'est ce moment que choisi Ariel pour arriver, un petit livre rose à la main. Elle trottina vers Violette, un sourire rêveur aux lèvres.
- Ce livre est tellement romantique Vi, il faut que je te le montre ! Dit-elle avant de regarder autour d'elle. Qu'est-ce que tu fais ici ?
- J'ai suivis cet idiot, elle fit un signe en direction du jeune blond, et je veux qu'il s'excuse !
Le sourire du blond s'étira grandement alors qu'Ariel balayait l'endroit du regard. Ses yeux passèrent en coup de vent sur lui, sans s'y arrêter, comme si elle ne le voyait pas. Elle rigola en regardant de nouveau sa meilleure amie.
- Très drôle chérie, aller viens.
L'inconnu fit un signe de la main à Violette en mimant un « au revoir » du bout des lèvres alors qu'Ariel la traînait par le bras dans une partie de la bibliothèque plus peuplée. La rousse se lança ensuite dans sa lecture sans demander plus d'explications. Pendant l'heure qui suivit, Violette fut incapable de se concentrer sur les mots noirs de son livre, elle scrutait sans cesse le coin de la bibliothèque dans l'espoir de voir l'idiot aux cheveux blond, mais rien. Avait-elle halluciné ?
Plus tard dans la matinée, les deux femmes quittèrent le bâtiment et Ariel annonça à Violette qu'elle devait absolument l'emmener dans un endroit secret. La jeune femme se laissa faire, ses boucles brunes volaient dans le vent et la brise lui fouettait le visage, rendant ses yeux humides. Elles s'arrêtèrent devant une sorte de café miteux, plongé intégralement dans le noir.
- C'est fermé. Fit-elle en s'apprêtant à partir.
Ariel la retint par le bras et la tira jusqu'à la porte. Elle tira sur celle-ci et, dans un grincement sinistre, elle s'ouvrit. Les femmes n'avaient pas fait un pas dans la pénombre que des dizaines de lumières s'allumèrent, dévoilant une bande de personne au centre d'une grande salle. Ils étaient tous des amis de Violette.
- Joyeux anniversaire ! Firent-ils tous en cœur
.
Des larmes de joie firent leur apparition aux bords des yeux noisette de la jeune femme et un sourire immense illuminait son visage fin.
- Oh mon dieu... Merci !
Après la phase des embrassades vint la phase des cadeaux puis du gâteau. La journée passa sans qu'elle ne s'en rende compte. Ils se séparèrent tard dans la soirée et Violette prit le chemin du retour, seule. Sa route était éclairée par de nombreux lampadaires. L'un d'eux grésilla au-dessus de sa tête, elle leva les yeux et il s'éteint. Un minuscule point lumineux apparut et commença à voler dans l'air, comme si il cherchait à atteindre un but précis. Violette suivit cette lumière du regard et rencontra avec surprise un regard sombre, brillant comme les étoiles. L'idiot de la bibliothèque. La petite lumière sortie du lampadaire alla se poser doucement sur l'épaule du jeune homme qui regardait Violette avec son éternel sourire moqueur. C'est à cet instant qu'elle remarqua que ce qu'elle avait pris plus tôt pour une étincelle possédait en réalité un corps minuscule et paire d'aile dorée. Une fée. Violette ouvrit de grands yeux. Elle secoua vigoureusement la tête en fermant les yeux comme si elle cherchait à s'extirper d'un mauvais rêve. Quand elle les rouvrit la fée avait disparu, mais pas le sourire de l'homme en face d'elle. La tête de Violette se mit à tourner.
- Pourquoi est-ce que tu me suis !? cria-t-elle en le pointant du doigt.
- Ne te donnes pas tant d'importance. J'ai bien mieux à faire que de suivre une gamine dans ton genre.
La vision de la jeune femme commença à se brouiller. Tout devint peu à peu flou autour d'elle. Elle sentit ses jambes la lâcher. Elle ferma les yeux, attendant le choc brutal avec le trottoir mais il ne vint jamais. Des mains puissantes la retenaient au-dessus du sol. Elle eut le temps d'apercevoir des cheveux blonds avant de sombrer dans l'inconscient.
...
- Tu en es sûr qu'elle en est une ?
- Elle a la marque Zachary, qu'est-ce que tu veux de plus ?
- Et si elle n'a pas le don ? Tu n'aurais jamais dû l'amener ici !
- Tu aurais fait quoi à ma place ? Elle s'est effondrée en plein milieu de la rue, je ne pouvais pas simplement la laisser là-bas.
Violette était étendue sur une surface dure. Son dos ainsi que sa tête lui faisaient mal. Voilà plusieurs minutes déjà que son esprit lui intimait l'ordre d'ouvrir les yeux mais elle semblait en être incapable. Elle ne comprenait rien de la conversation qui se déroulait à côté d'elle et, si l'une des voix lui était étrangement familière, la seconde en revanche lui était totalement inconnue. Une marque, un don ? Etait-ce d'elle dont ils parlaient ? Elle tenta pour la énième fois d'ouvrir les yeux, ce fut un succès cette fois. La pièce dans laquelle elle se trouvait était plongée dans la pénombre et pourtant Violette la reconnut sans problème. Des tables grises, des étagères en bois et un immense lustre au plafond. C'était la bibliothèque. Elle était beaucoup plus effrayante quand la lumière du soleil ne l'éclairait pas. Les deux hommes qui étaient en grande conversation quelques secondes plus tôt remarquèrent son réveil au moment où elle se releva difficilement. Elle avait été installée sur l'une des longues tables en plastique dur qui trônaient au centre de la salle. Ils se tournèrent vers elle, la regardant comme si ils attendaient qu'elle dise quelque chose. Sans surprise elle reconnut l'idiot blond qui l'insupportait. A côté de lui se trouvait le second jeune homme, il faisait quelques centimètre de plus que lui et ses cheveux noirs étaient coupés court, sa peau était basanée et sa joue gauche barrée par une longue cicatrice.
- Qu'est-ce que je fais ici !? Qu'est-ce que vous me voulez !? Hurla Violette avec un air apeuré.
Sa bouche était pâteuse et sa voix était cassée. Le jeune homme blond mit ses mains dans ses poches avec un geste lent avant de prendre la parole.
- Du calme la belle aux bois dormant, on ne va pas te faire de mal. Tu me criais dessus et d'un seul coup tu as tourné de l'œil, alors je t'ai ramenée ici.
- Pourquoi on est à la bibliothèque ? Et c'est quoi cette histoire de marque !? Fit-elle, continuant de hurler.
- Tu portes la marque des Venator, répondit-il avec une franchise déconcertante, d'une voix calme et posée, cette marque signifie...
- Jaden !
La voix grave du second jeune homme résonna pour la première fois dans la grande bibliothèque. Son visage était fermé, sans émotions, mais on sentait clairement l'énervement dans sa voix. Il tira le dénommé Jaden par le bras et ils s'éloignèrent de Violette. Les yeux verts de l'homme lancèrent des éclairs alors qu'il se préparait à sermonner le blond.
- A quoi est-ce que tu joues au juste Jaden ? Tu étais sur le point de tout révéler à propos de notre monde à une simple gamine que tu as ramassée dans la rue sous prétexte qu'elle a un tatouage idiot qui ressemble à la marque ! Je ne sais pas par quel miracle elle est capable de nous voir mais elle ne ressemble en rien à l'une des nôtres. Sa présence ici ne va nous attirer que des problèmes. Tu veux nous faire tuer, et elle avec ? C'est ça que tu cherches imbécile !?
- Ca ne peut pas être une simple coïncidence Zac. Elle est comme nous !
- Arrête ! Tu vas la renvoyer tout de suite chez elle, et fait en sorte qu'elle ne se souvienne de rien.
- On ne s'en sort plus à deux Zachary et tu le sais. Ils sont de plus en plus nombreux et on n'est pas capable de tous les arrêter, elle peut nous être utile !
- Il en est hors de question !
- Je m'en vais de toute façon, fit la voix de Violette derrière eux.
Les deux hommes firent volte face, ils étaient tellement absorbés par leur dispute qu'ils n'avaient pas entendu la jeune femme se rapprocher d'eux. Elle les regardait maintenant comme s'ils étaient fous, la peur transparaissait sur son visage et malgré le tremblement de sa voix, elle parlait fermement.
- Je m'en vais, répéta-t-elle, je vous remercie de ne pas m'avoir laissée inconsciente dehors mais je n'ai pas du tout l'intention de rejoindre votre secte ou je ne sais quoi. Si vous sentez le besoin de vous créer un monde pour vous sentir heureux, grand bien vous fasse mais ce n'est pas mon cas, j'aime ma vie telle qu'elle est. J'espère ne jamais avoir à vous revoir.
- C'est parfaitement clair, répondit Zachary, au revoir.
Sans plus attendre Violette se précipita vers la sortie de la bibliothèque. Jaden amorça un geste pour la retenir mais Zachary l'en empêcha en lui tenant fermement le bras. La jeune femme courut, le plus rapidement possible, jusqu'à chez elle. Ses poumons étaient en feu, sa gorge la brulait mais quand elle arriva devant la petite maison beige, elle se sentit à l'abri, comme si à cet endroit rien ne pouvait l'atteindre ou lui faire du mal. Elle reprit son souffle et rentra.