– Mes jambes, mes bras, mon corps entier se liquéfient... chanté-je en me glissant hors de la douche.
Je rejoins précipitamment la chambre pour m'habiller. J'ai abandonné Maor avec nos invités pour me rafraîchir les idées sous le jet d'eau glacée. Je ne pouvais plus tenir, ni supporter leur présence. J'avais besoin de m'éloigner et de m'aérer l'esprit pour ne pas flancher. Trois ans que mon cœur pleure et que je ne peux le consoler. Trois ans qu'il suffoque et souffre de son absence. Il souffre secrètement parce qu'il n'a personne pour le soulager et lui dire que tout ira bien, que le chagrin n'est pas éternel, contrairement à ce qu'il croit.
– Je me suspends au temps qui fléchit et qui n'est plus, je ne respire plus, je me sens disparaître...
– Tu chantes toujours aussi bien.
Je sursaute et manque de faire tomber ma serviette.
– Qu'est-ce que tu fais là ? je blêmis. Sors immédiatement ! Tu ne vois pas que je suis nue !
J'agrippe ma serviette de toutes mes forces, quitte à me faire mal. Ses yeux s'attardent dessus et me reluquent de la tête aux pieds. Les paroles de ma chanson prennent soudainement tout leur sens.
– Tu serais bien mieux sans.
– Va-t'en.
– Tu me manques.
– T'as pas le droit de me dire ça.
– Tes bras, tes jambes, ton odeur, tout chez toi me manque...
Il fait trois pas en avant et je resserre ma prise sur ma serviette. Je balbutie :
– Je ne comprends pas où tu veux en venir.
– Ah bon ?
Il s'avance encore.
– N'approche pas.
– Tu ne penses jamais à moi ?
Je sens ma voix s'étrangler. L'air me manque.
– Je devrais ?
– Souviens-toi, il y a trois ans.