YLÉANA
C'était chouette de manger à la cantine tous ensemble, mais retour à la réalité. Aujourd'hui, nous devons présenter devant toute la classe notre exposé sur la raison.
Alors que nous entrons dans la salle légèrement en retard, le prof nous annonce directement : « C'est à vous pour votre exposé, allez-y. »
Teylissah s'approche du TNI après avoir inséré la clé USB. Tandis que le diaporama projette des images derrière elle, elle commence :
— Bonjour à tous, nous sommes ici pour vous parler de la raison, un sujet fondamental qui influence nos vies à de nombreux niveaux.
Emrys prend ensuite la parole, énumérant notre plan et expliquant l'histoire de la philosophie et son rôle dans la compréhension de la raison. Les diapositives s'enchaînent pour illustrer ses propos.
Après qu'Ayden ait expliqué l'importance de la raison dans nos vies, c'est à mon tour de prendre la parole. Le diaporama affiche une nouvelle série de diapositives illustrant le sujet que je vais aborder.
— Merci, Ayden. En effet, la raison joue un rôle crucial dans nos décisions, mais permettez-moi d'ajouter un élément supplémentaire. La psychologie, en tant que science de l'esprit et du comportement, étudie également la manière dont la raison influence nos actions et nos pensées.
Le diaporama montre des images de chercheurs en psychologie et des schémas de cerveau.
— La psychologie explore comment la raison et l'émotion interagissent dans nos processus de prise de décision. Par exemple, des chercheurs ont découvert que nos émotions peuvent influencer notre jugement, parfois de manière subtile.
Je continue à expliquer comment la psychologie cognitive examine la manière dont nous traitons l'information et prenons des décisions.
— La compréhension des biais cognitifs, tels que la confirmation de la pensée, peut nous aider à devenir plus conscients de la manière dont notre esprit fonctionne et à prendre des décisions plus informées.
Une diapositive apparaît montrant des exemples de biais cognitifs, ce qui rend le sujet plus concret pour la classe.
— En résumé, la raison est indéniablement importante, mais la psychologie nous montre que notre esprit peut être complexe. Comprendre ces processus peut nous aider à prendre des décisions plus éclairées et à mieux comprendre notre propre pensée.
Le professeur et la classe applaudissent une fois que nous avons terminé notre exposé. « Bravo à toute l'équipe. Vous avez couvert le sujet de manière approfondie et structurée, » dit M. Édouard.
Des camarades de classe commencent à poser des questions, et cette fois, c'est à moi de répondre. Une élève demande :
— Pouvez-vous donner un exemple de situation où la raison et les émotions entrent en conflit ?
— Parfois, nos émotions peuvent nous amener à prendre des décisions impulsives, même si notre raisonnement nous indique une autre voie. Par exemple, imagine que tu as peur de parler en public. Ta raison peut te dire que c'est une opportunité d'apprendre et de grandir, mais tes émotions te poussent à éviter la situation.
La seconde question est adressée à Emrys :
— Pouvez-vous donner un exemple de philosophe qui a beaucoup contribué à notre compréhension de la raison ?
Emrys se tourne vers le diaporama et y trouve l'illustration du philosophe en question.
— Bien sûr, René Descartes est l'un des philosophes les plus influents dans ce domaine.
Ensuite, une élève pose une question à Teylissah :
—Comment la raison peut-elle être en conflit avec nos émotions ?
Teylissah se tourne vers une diapositive illustrant un conflit interne.
— On vous l'a déjà dit, mais nos émotions peuvent parfois nous influencer à prendre des décisions impulsives, même si notre raisonnement nous dit le contraire. C'est ce qu'on appelle le conflit entre la raison et les émotions.
Une autre question arrive, cette fois pour Ayden : — Quelles sont les limites de la raison humaine ?
Ayden prend la parole, utilisant une diapositive pour expliquer.
— La raison humaine a ses limites. Parfois, certaines questions sont si complexes qu'elles dépassent notre compréhension, et nos sens peuvent être trompeurs, nous limitant dans notre perception de la réalité.
À la fin de la session de questions-réponses, je me sens soulagée et je suis fière de notre travail. Mais je dois avouer que je déteste les gens qui posent plein de questions lors des exposés...
Deux autres groupes passent, et la sonnerie retentit ! Les cours sont enfin terminés ! Dieu soit loué, je n'en pouvais plus... Teylissah et Emrys habitent un peu plus loin que Ayden et moi, donc cela nous permet de faire le chemin ensemble.
— Eh, venez, on va à la Virtual Room ? demande Ayden.
— Je n'ai pas d'argent sur moi, dis-je.
— De même pour moi, dit Teylissah.
— Moi, j'en ai !
— J'en ai. Donc, toi aussi tu en as, dit Ayden en s'adressant à moi !
— Je paie Tey, et tu paies Yléana, tout est carré, ajouta Emrys.
AYDEN
Nous avons franchi les portes de la Virtual Room, tandis que Teylissah réalisait un "vlog souvenir". À l'accueil, je m'engage dans une conversation avec la dame en charge des réservations, et je paie avec Emrys, conformément à notre plan.
C'est à ce moment-là qu'Yléana s'approche de moi, les yeux légèrement embués de larmes. Elle me chuchote doucement :
— Je t'en suis vraiment reconnaissante, Ayden... Je m'excuse sincèrement de t'avoir fait payer pour moi.
Une perle d'émotion glisse sur sa joue gauche. Avec tendresse, je viens essuyer cette larme naissante avec mon pouce et lui réponds doucement :
— Mais qu'est-ce que tu racontes, ma Ylé ? Si j'ai de quoi payer, tu en as aussi.
Emrys nous interpelle alors pour débuter notre session de réalité virtuelle. Nous optons pour un jeu qui a l'air sympa et nous nous plongeons dans cette aventure virtuelle.
Pendant une heure et demie, nous explorons des mondes enchanteurs et affrontons des créatures fantastiques. Alors que tout le monde est plongé dans ses mondes respectifs, par instinct, j'enlève mon casque. Quelque chose me dérange : un garçon d'une quinzaine d'années ne fait que regarder Yléana, son regard allant de son visage à son corps.
Je le déteste pour ça.
Je me déteste parce que je ne peux rien faire.
Alors, je remets mon casque comme si de rien n'était et je m'amuse comme les autres.
L'expérience est tout simplement incroyable.
Puis, à un moment précis, Teylissah et Emrys s'embrassent soudainement.
À la fin de notre session, ils viennent vers nous et annoncent avec un sourire radieux :
— Oh, au fait, nous sommes désormais en couple. À vous d'officialiser votre relation.
Un sourire sincère illumine mon visage tandis que je félicite chaleureusement mon frère, et Yléana envoie des baisers affectueux en leur direction, leur disant :
— Félicitations à vous deux, mes petits chouchous.
YLÉANA
« À vous d'officialiser votre relation. »
Il n'y a rien entre nous.
« Fais comme si de rien n'était, c'était juste con de ma part de ne pas t'avoir repoussé. »
« Fais comme si de rien n'était, c'était juste con de ma part de ne pas t'avoir repoussé. »
« Fais comme si de rien n'était, c'était juste con de ma part de ne pas t'avoir repoussé. »
Je suis idiote, car je l'ai embrassé.
Je suis idiote, car j'ai pensé qu'il pouvait y avoir plus entre nous.
Je suis idiote, car je le dégoûte. Mes lèvres l'ont dégoûté.
Idiote ne me définit pas assez, je suis stupide.
Nous venons de terminer notre session de jeu, mais quelque chose me tracasse. Ayden a l'air contrarié, et je ne peux m'empêcher de me demander si c'est à cause de l'argent qu'il a dépensé pour moi. Je me sens encore plus indigne.
Alors que nous marchons dans la rue, un jeune homme d'une quinzaine d'années s'approche de moi et me demande mon « nom d'utilisateur sur Snap » tout en me complimentant. Je souris et le remercie poliment, mais je lui dis que je n'ai pas de réseaux sociaux.
Cependant, il insiste les larmes aux yeux et demande un câlin. Je ne veux pas le vexer, alors j'accepte et m'apprête à le faire.
Mais soudain, Ayden prend les mains du jeune homme qui étaient sur le bas de mon dos et les éloigne de moi. Je suis choquée par sa réaction et je ne la comprends pas.
— Mais Ayden, ça ne va pas ou quoi ? Tu n'as pas le droit de faire ça ! je lui lance, contrariée.
Il ne répond pas tout de suite, fixant l'adolescent avec un regard sévère.
— J'ai le droit, finit-il par dire d'une voix tendue.
— En quel honneur ? insisté-je, de plus en plus frustrée par son attitude.
— On vous laisse, on rentre, dit Emrys en partant avec Teylissah.
Le silence persiste entre nous, et il ne donne aucune explication.
Il m'énerve profondément.
Je décide de m'excuser auprès de l'adolescent, qui est devenu tout rouge, et nous rentrons chacun chez nous sans dire un mot. L'atmosphère est pesante, et je ne comprends pas du tout ce qui s'est passé.
AYDEN
Je ne pouvais pas supporter de voir cela se dérouler devant moi. J'aurais dû agir avec plus de contrôle, et je me déteste d'avoir écouté mes émotions et réagi ainsi. Mais je ne pouvais pas rester indifférent, pas cette fois.
J'ai encore l'image d'Yléana qui dansait devant un tas de gars lors de la fête chez Mila, et je n'ai rien dit à ce moment-là.
C'était très difficile à supporter, mais là, c'était trop pour moi.
La prochaine étape, qu'est-ce que ça aurait été ?
Déjà, il l'observait attentivement quand nous étions dans le jeu de réalité virtuelle...
Allaient-ils commencer à se tripoter devant moi ?
À s'embrasser ?
Le baiser que j'avais partagé avec Yléana ne voulait pas quitter mon esprit, mais je suppose qu'elle n'y pense même pas. Alors je dois faire de même.
Je rentre chez moi, parle un peu avec mon frère, mais il semble que nous soyons tous les deux d'humeur sombre. Ma mère m'oblige à ranger l'appartement, même s'il est dans un état catastrophique.
Mon père rentre ce soir, et il doit au moins trouver un lieu propre à son retour. Je me mets donc à nettoyer, essayant de chasser de ma tête les images de ce qui s'est passé tout à l'heure.
Le lendemain
Je me réveille avec difficulté ce matin. J'ai joué et parlé avec Emrys tard dans la nuit. Il m'a expliqué que les voisins, alertés par des bruits, avaient appelé les services sociaux. Il a donc été placé en famille d'accueil. Ça a été difficile pour lui, mais il se sent bien avec sa nouvelle famille, et c'est le principal.
Hier soir, alors que j'étais en train de fermer les yeux pour me plonger dans mon sommeil, j'ai entendu la voix de mon père... Je sais qu'il est rentré cette nuit. Après plusieurs minutes de remise en question, je sors enfin de mon lit et j'ouvre la fenêtre de ma chambre avant de la quitter. Mes pas m'emmènent dans la salle de bain où je me rince le visage et passe trois fois de l'eau dans la bouche...
— Il y a quelqu'un dans la salle de bain ?
— Oui, c'est moi ! dis-je en sortant de la salle de bain pour voir mon père.
— Mon fils adoré, viens ici ! dit-il en me serrant fort dans ses bras.
Il utilise cette appellation uniquement pour moi et jamais pour Derek...
Mon père, c'est tout pour moi. C'est lui qui a tout fait pour moi. Je lui donnerais ma vie s'il le fallait ; je n'arrive pas à lui dire tel quel, mais je l'aime bien plus que tout sur cette terre. Lorsqu'une personne nous a manqué pour n'importe quelle raison et qu'on la revoit après s'être senti vide en son absence, il n'y a rien de mieux que d'être dans ses bras, car le vide qu'on avait se comble immédiatement.
L'amour entre lui et moi est réciproque, contrairement à celui avec maman...
— Alors, dis-moi tout. Tout va bien ? Le lycée, ça va ?
— Non, tout ne va pas bien, papa. Avec maman, ça ne va pas, mais je me suis fait une copine au lycée !
— Parle moins fort, fiston, elle est juste là. Je ne veux pas que ça fasse d'autres histoires. Je ne la comprends pas toujours, tu le sais. Je vais lui parler, promis !
— Merci, papa !
— Alors, c'est ta copine ou c'est ton amie ?
— Une copine, enfin non, une amie en fin de compte. C'est ma meilleure amie. Je crois qu'on se complète, elle et moi !
— « Jamais je ne tomberai amoureux, la vie n'est pas celle dont il est question dans mes livres, » dit mon père en utilisant mes mots d'autrefois.
— Papa, c'est mon amie !
— Oui, bien sûr, dit-il en me regardant de travers et en souriant.
— Elle s'appelle comment ?
— Yléana Martinez.
Sans que je comprenne pourquoi, il écarquille les yeux. Mon père, visiblement choqué, est appuyé contre le mur, s'en détache et passe sa main sur son visage. Intrigué par sa réaction, je décide de lui demander ce qui se passe. Il me répond d'une voix hésitante :
— Oh, heu, attends, j'ai oublié mon café. Va te préparer pour l'école.
Perplexe, je lui fais remarquer :
— Papa, c'est férié aujourd'hui.
Il soupire et dit :
— Ah oui, mais prends une douche et prépare-toi !
Étrange.