J'arrive chez moi et laisse tombé mon cabas avec mes affaires de labo dans l'entrée. Je sais que l'intention de Simon n'était pas que je me blesse quand il a bousculé ma chaise, mais le résultat, c'est que je me retrouve avec une attelle. Je vais arriver en Australie blessée et ça me gave. J'essaie de relativiser, me disant que je peux toujours bouger mes doigts et que ma main n'est pas cassée, ce qui aurait été sacrément handicapant.
Puisque j'ai un peu de temps avant de monter chez Katie pour sa pendaison de crémaillère, je me plonge dans un énorme bain moussant. J'ai retiré mon attelle pour ne pas la mouiller et regarde mon poignet. J'ai un léger œdème. Quand il aura dégonflé, je pense que j'aurai déjà moins mal. À l'hôpital, ils m'ont donné une ordonnance pour des anti-douleurs, mais ce genre de comprimés a tendance à me faire somnoler.
Je me rappelle en avant-dernière année de lycée, on faisait du volley en sport. Je m'étais retourné le pouce, le cassant net. J'avais eu des anti-douleurs et je passais mon temps dans le coltard et l'esprit embrumé. J'avais même failli finir de nouveau à l'hôpital parce que j'étais tombée dans l'escalier de la maison. Bref, maintenant, j'évite tout ce qui est plus fort que le paracétamol. Sauf bien sûr quand c'est une nécessité, mais là, c'est supportable.
J'entends du bruit au-dessus et je me demande bien ce que ma meilleure amie fabrique. Enfin, j'aurais vite la réponse, je dois aller chez elle dans une petite demi-heure. Je sors de mon bain qui commençait à être froid de toute façon et file dans ma chambre me préparer. Je vais faire plaisir à ma meilleure amie en me mettant sur mon trente-et-un, même s'il n'est censé y avoir que moi et Patricia. J'enfile une belle robe noire que j'adore. Je commence à vouloir me faire un chignon, mais je renonce vite à cette idée avec mes mouvements limités. Je me maquille un peu et mets une petite touche de parfum pour compléter tout ça.
J'attrape le vase que je compte lui offrir comme cadeau d'emménagement et sors de chez moi. Certains pensent qu'un vase est un cadeau minable pour sa meilleure amie, mais c'est pas n'importe quel vase. C'était une des seules choses qui avaient de la valeur pour elle parce qu'il appartenait à sa grand-mère. Il était ancien et se transmettait de génération en génération. Une des rares choses qui avait de la valeur dans la maison de Katie. Il a été vendu par sa mère quand elle était encore dans la merde financièrement. J'ai galéré pour le retrouver.
Je sonne à la porte de Katie en tenant le vase dans mon dos pour lui faire la surprise et aussi cacher mon attelle qui jure avec ma robe. Elle qui n'aimait déjà pas des masses mon ex-mari va avoir des envies de meurtre tel que je la connais.
Katie : Waouh ma chouette ! J'apprécie l'effort ! Je t'en prie, entre chez moi.
Moi : Je suis sûre que t'es refaite de pouvoir dire "chez moi".
Katie : J'avoue que ça me fait drôle, mais oui, j'adore.
Je rentre et lui tends le vase. Elle écarquille les yeux. Maintenant reste à savoir si c'est pour le vase ou mon attelle. Je mise pour les deux.
Katie : Mais... heu... c'est... et ton poignet..."
Ma meilleure amie qui ne trouve pas ses mots, c'est une première.
Moi : Je commence par quoi, le vase ou mon poignet.
Katie : On dirait le vase de ma grand-mère...
Moi : Parce que ça l'est... Tu te rappelles que c'était la famille d'une des filles du lycée qui l'avait acheté. Je l'ai contacté. C'est toujours une peau de vache, mais j'ai réussi à convaincre ses parents de me le vendre pour une raison sentimentale. Je sais ce qu'il représente pour toi.
Katie : Riley...
Elle me serre dans ses bras et je sens une larme dans mon cou.
Katie : Ma grand-mère était une femme bien, elle...
Moi : Tout comme toi. En tout cas ce vase est à nouveau à toi comme il aurait toujours l'être.
Katie : Merci, t'es plus que ma meilleure amie, t'es ma sœur... Et maintenant, tu vas m'expliquer pourquoi t'as une attelle au poignet.
Moi : Simon... Mais c'était involontaire...
Katie : Mouais, c'est ça, je crois que mon pied va involontairement rencontrer ses bijoux de famille aussi.
Je pouffe de rire.
Moi : J'ai déjà tapé là où ça fait mal, verbalement parlant et... En fait, il m'a dit que j'avais les yeux rouges parce que je m'étais disputé avec mon copain. Alors pour lui fermer son clapet, je lui ai répondu que si j'avais les yeux rouges, c'est parce que mon copain avait passé la nuit à me faire hurler de plaisir comme jamais dans toute ma vie. Il n'a pas apprécié la pique.
Katie : Mais c'est vrai que Gavin t'as fait hurler de plaisir, je t'ai entendu !
Je la regarde et écarquille les yeux. Je reconnais que je n'ai pas boudé mes gémissements cette nuit.
Katie : Je déconne ma chouette ! J'ai rien entendu.
Je lui colle une tape sur le bras et elle rit de plus belle. Mais pour ma part, une ombre passe dans mon regard en repensant à ma dernière nuit avec mon petit soigneur. Elle me serre à nouveau dans ses bras et je souffle un bon coup. Comme Gavin l'a dit, nous deux, c'était une très belle parenthèse... Quand ça sonne à la porte, je me détache de ma meilleure amie et lui souris. Patricia arrive et la soirée va pouvoir commencer.
Notre voisine m'interroge sur mon poignet et je lui fais la version courte en disant que je me suis fait mal. Elle tend une bouteille de vin à Katie qui s'empresse de l'ouvrir. Katie nous colle un verre chacune et là, je me dis qu'heureusement j'ai fait l'impasse sur les anti-douleur. Je pense que c'est pas le dernier verre de ma soirée. Et j'habite juste en dessous alors même si je finis complètement ronde, c'est pas bien grave.
Katie pose des plats sur sa table de salle à manger, elle a commandé chez le traiteur, mais elle ne semble pas avoir pris en compte le fait que nous ne serons que trois. Tout me donne envie et franchement, je ne sais pas de quoi sera fait nos repas une fois en Australie. Je mange et je bois... beaucoup. Je regarde mon poignet et pense à Simon puis par extension à Gavin.
Katie : J'aime pas ce regard Ry. Je sais à quoi tu penses et chasses tout de suite ces idées de ta tête.
Moi : Ok et je pense à quoi ?
Katie : Aux hommes de ta vie.
Moi : Faux, ça fait des années que j'ai pas pensé à Greg et je pense jamais à Fabrice.
Katie : Normal que tu ne penses jamais à Fabrice, il n'a jamais compté pour toi, c'était un sexe-friend. Concernant Grégory, je suis sûre que si je fouille chez toi, je tomberai sur les deux morceaux du caillou en forme de cœur qu'il t'avait donné et que tu as cassé en réalisant que c'était un con. Simon et Gavin, c'est différent. Il y en a un que tu as aimé, même si j'ai jamais compris pourquoi. Pour l'autre, tu commençais à développer des sentiments pour lui
Moi : Dans d'autres circonstances, je suis sûre que Gavin et moi, on aurait pu être très heureux...
Katie : Comme tu l'as dit dans d'autres circonstances, oui. Le timing n'était pas le bon, signe que c'était pas l'homme de ta vie. Tu le trouveras, je le sais. T'es une femme merveilleuse ma chouette.
Elle me serre dans ses bras et je souffle un bon coup. Quand nous nous détachons, nous voyons Patricia un peu en retrait qui nous regarde.
Patricia : Je vous envie les filles...
Elle aussi à un coup dans le nez et ses émotions prennent le dessus.
Patricia : On dirait deux sœurs. J'ai jamais eu la chance de trouver une personne à qui je pourrais tout dire...
Katie et moi nous nous levons du canapé et allons la serrer dans nos bras.
Moi : Je ne te garantis pas que nous soyons aussi proches que Kat et moi, mais on est là pour toi maintenant.
Katie : C'est vrai que ma chouette et moi avons une relation privilégié et inexplicable, mais on veut bien te faire une petite place. Et je t'assure que c'est pas juste pour t'amadouer pour que tu vérifies que tout va bien chez nous pendant qu'on sera en Australie.
Avec sa dernière remarque, Katie nous fait rire toutes trois. Nous prenons un autre verre, mais cette fois dans la joie. Nous serions bien allées danser, mais Patricia ne peut pas, elle surveille Molly via le baby-phone. On passe alors au plan B. Nous poussons le canapé contre le mur et Katie allume sa chaine hifi.
Je suis couchée sur le ventre, enroulée dans ma couverture et un son strident me réveille. J'ai une migraine de tous les diables. On a vraiment beaucoup bu hier soir en fait. J'arrive pas émerger, mais le son strident retentit à nouveau et me force à quitter mon lit. Je me traine dans le salon et réalisant que c'est l'interphone. Ça a intérêt à être important ! je décroche et c'est un livreur qui me dit qu'il a un paquet pour moi. Je lui ouvre et réalise que je ne porte que ma culotte. Je file dans ma chambre et attrape mon peignoir en soie que j'enfile. La seconde d'après, ça sonne à ma porte et j'ouvre au livreur qui bloque une seconde sur ma tenue. J'imagine la tête qu'il aurait faite si je lui avais ouvert en petite culotte...
Je signe et attrape mon colis. C'est grand carton long de forme rectangulaire. Je soulève le couvercle et trouve un petit bouquet composé de deux lys oriental et un lys Casablanca. Il y a aussi un paquet de mes bonbons préférés. J'attrape la petite carte qui les accompagne et soupire. Simon. "Je te le dis une nouvelle fois, je suis sincèrement désolé pour ton poignet. J'espère que tu me pardonneras." Mais bien sûr... Je secoue la tête et me demande que faire de ce que je tiens entre mes mains. Je finis de par mettre les fleurs dans l'eau et puisque je suis dans la cuisine, j'en profite pour avaler deux aspirines.
Je me laisse tomber sur mon canapé et ferme les yeux. J'ai vraiment très mal au crâne. Je bascule la tête en arrière et espère que les aspirines feront vite leur effet. Je me masse les tempes. Heureusement que je suis en arrêt finalement parce que là, je n'aurais pas été en état d'aller au boulot. Je sais même pas quelle heure il est. Je regarde l'heure sur le micro-ondes, 11h02. En même temps, je me suis couché à 4h du matin.
Quand les marteaux-piqueurs se sont calmés, je vais prendre mon portable dans ma chambre. J'ai un message de Gavin.
Gavin : Je suis dans la salle d'embarquement, Malawa doit malheureusement voyager en soute. Je t'embrasse. Vis ton rêve à fond.
Moi : Bon vol. Bisous et bonne chance à San Diego.