L'amour passionnel et inconditionnel existait-il réellement ? Celui qui titillerait chaque cellule de votre corps à en faire danser le sol sous vos pieds. Celui qui vous rendrait fou à en perdre la raison. Celui qui vous pousserait à commettre l'irréparable pour rejoindre votre être aimé dans l'au-delà s'il disparaissait. Personnellement, j'en doutais.
Un râle de satisfaction s'échappa de ma gorge lorsque je posai le dernier mot de ce chapitre de cette romance particulièrement osé, et pour lequel j'avais consacré une semaine entière à traduire. Je haïssais ce genre de bouquin à l'eau de rose et leurs sentiments démesurés qui n'existaient que dans la fiction, j'étais bien placée pour le savoir. Jamais je ne m'étais autant enflammée pour mes ex-petits copains, ou pour mon chéri actuel. Pourtant, j'aimais ce dernier énormément, sinon je ne me serais jamais installée avec lui cinq ans plus tôt.
Je relus la dernière phrase que je venais de traduire :
Mon corps s'embrasa au contact de ses lèvres charnues. Je suffoquai.
Mes yeux roulèrent dans leurs orbites. Pourquoi fallait-il que cette maison d'édition me propose toujours ce genre de livre ? Une bonne fantasy et un thriller qui vous hérisse le poil ne seraient pas de refus.
Je consultai l'heure en haut à droite de mon écran d'ordinateur avant d'émettre un long soupir nasal trahissant mon agacement. Il me restait encore deux heures de travail sur les huit que je m'étais fixées, après quoi je pourrais me détendre au restaurant avec Thomas comme nous avions convenu. La saveur d'une délicieuse pizza en compagnie de mon chéri me permettrait de désencombrer le temps d'une soirée mon cerveau embrumé de romance à dormir debout.
***
Mes yeux et ma bouche s'arrondirent d'étonnement lorsque mon regard se posa sur la plaque rouge fixée au mur à l'entrée du restaurant. Je fis volte-face, me retrouvant nez à nez avec Thomas qui se tenait derrière moi.
— On dirait que tu as vu un spectre, plaisanta mon chéri, un sourire illuminait son visage doux.
— Un spectre, non. Mais j'ai vu une étoile, répondis-je toujours aussi stupéfaite.
Thomas dodelina de la tête en guise d'approbation avant de m'adresser un clin d'œil.
— Mais t'es complètement malade ! m'écriai-je. Ça coute une blinde ce genre d'endroit.
Il enroula un bras autour de mes épaules et encra son regard sérieux au mien.
— Ne t'en fais pas pour ça. Premièrement, je t'invite. Deuxièmement, j'ai envie de faire plaisir à ma chérie avec mes économies. Troisièmement, n'oublie pas que mes parents ont de l'argent et qu'ils m'offrent une petite somme tous les mois. Et enfin...
Thomas se pencha vers mon oreille, déposant son souffle chaud au creux de mon cou.
— Je t'aime, murmura-t-il.
Mon cœur dansa de satisfaction. J'adorais lorsqu'il me chuchotait ces trois mots veloutés à la saveur de l'amour. Mon chéri était le plus adorable des hommes. Il ruisselait de petites attentions envers moi, et j'étais consciente que toutes les femmes n'avaient pas cette chance.
Thomas plaça délicatement sa main au creux de mon dos pour m'inciter à pénétrer dans l'établissement. Deux serveurs, un homme et une femme, vêtus d'un costume noir, se tenaient face à nous, les mains jointes à la hauteur du bassin. Un magnifique sourire étirait leurs lèvres dévoilant leur dentition parfaite.
— Madame, Monsieur, bienvenue. Avez-vous réservé ? demanda la jeune femme tandis que le garçon s'adressa aux clients derrière nous.
— Oui, c'est au nom de Pelletier, répondit Thomas.
La serveuse nous incita à nous approcher du comptoir derrière lequel elle vérifia notre réservation sur l'ordinateur.
— Parfait. Par ici, suivez-moi, dit-elle.
Nous nous installâmes à une table ornée d'une nappe en velours rouge au milieu de laquelle étaient posées deux chandelles dorées aux flammes dansantes au rythme de nos mouvements sur la surface. Des serviettes en papier de cette même couleur pliées en forme de lotus occupaient chacune de nos assiettes respectives. Mon regard vagabonda d'une table à l'autre, et je constatai que tous les couples dinant en tête à tête bénéficiaient d'une décoration identique à la nôtre.
Un sentiment de honte envahit mes tripes. Je faisais vraiment tache au milieu de ce décor si raffiné, même Thomas s'était joliment apprêté pour l'occasion. Toutes les clientes de ce restaurant étaient vêtues de magnifiques robes sophistiquées à décolleté épousant leurs formes, tandis que je portais un pull de couleur noire associé à un jean et des Gazelles.
Je penchai le buste en avant pour m'approcher de son oreille et je lui murmurai :
— Cherche l'erreur.
Les coudes posés sur la table et les mains jointes sous son menton, il haussa les épaules.
— Je donne ma langue au chat.
— Bah, moi ! lâchai-je.
— Pourquoi ça ? demanda-t-il, un sourcil levé.
— Regarde autour de toi.
Thomas balaya discrètement l'établissement du regard et haussa de nouveau les épaules. Il ancra ses yeux noisette aux miens.
— Je suis la seule femme qui ressemble à une clocharde, me lamentai-je. T'as vu comment elles sont habillées les autres ? Même toi, tu es super élégant. Tu aurais peut-être dû me prévenir qu'on irait manger dans un restaurant étoilé, j'aurais fait l'effort de mettre une robe.
Mon chéri était vêtu d'une chemise en soie couleur bordeaux, sa chevelure blonde à la DiCaprio tirée en arrière avec une petite touche de gel. L'élégance à l'état pur. Au moins, il remontait le niveau de notre table en matière d'apparence.
— Ne dis pas de bêtises, s'il te plait, Lana. Ton pull est très joli. Et tu es magnifique, assura-t-il.
— Je fais tache quand même.
Thomas leva les yeux au ciel.
Une dizaine de minutes plus tard, la serveuse qui avait vérifié notre réservation à notre arrivée se planta à côté de nous avec une tablette tactile à la main.
— Désiriez-vous des boissons ? nous demanda-t-elle.
— Je vais prendre une Sanpellegrino, s'il vous plait, répondis-je.
Mon chéri opta pour un jus d'orange, même s'il avait préféré une boisson alcoolisée. Mais comme c'était lui qui conduisait, il avait choisi d'être raisonnable.
— Très bien. Et pour le plat, vous avez fait votre choix ?
— Un magret de canard, répondit Thomas. Et toi, chérie ?
Je ne parvenais pas à me décider, les prix étant beaucoup trop onéreux. Envahie d'une timidité maladive qui n'avait pas lieu d'être, je m'empourprai. Mon visage me brûlait si bien que l'on pouvait y cuire un steak dessus, et mon teint blafard envenimait les choses.
— J'ai besoin d'un peu plus de temps, bégayai-je.
La jeune femme acquiesça et nous laissa de nouveau en tête à tête.
Tout en tapotant sur son poignet pour mimer une montre invisible, Thomas désigna du menton la carte du menu que je couvais sous mes coudes. La serveuse s'approchait déjà. Constatant que Monsieur s'impatientait, j'optai finalement pour le délicieux pavé de saumon qui me faisait de l'œil, accompagné de frites maison et d'une sauce béarnaise.
— Elle revient, commenta-t-il. Tu t'es décidée ?
Lorsque la jeune femme se pointa de nouveau, je lui fis part de mon choix de plat et elle pianota sur sa tablette. Elle fixa le temps d'un instant mon copain, arborant un magnifique sourire qui illuminait son visage doux. Il lui sourit en retour avec un hochement de tête, un charmant clin d'œil en prime.
Mon cœur loupa plusieurs battements et mon sang se figea dans mes veines, tandis que de l'incompréhension embaumait tout mon être. On aurait dit qu'ils communiquaient de manière non verbale sur un sujet qu'eux seuls connaissaient tel deux télépathes. La serveuse laissa échapper un petit ricanement, et nous nous retrouvâmes de nouveau en tête-à-tête.
Une inquiétude mordante m'envahit les tripes tandis qu'une multitude de questions se succédaient dans mon esprit à la manière d'une étoile filante, m'empêchant de réfléchir clairement. Que venait-il de se passer ? Pourquoi mon chéri avait-il adressé un clin d'œil à cette demoiselle, sans oublier ce sourire aguicheur dévoilant toute sa dentition ? Venait-il de draguer une autre femme sous mon nez alors qu'il m'avait emmenée dans un restaurant si sophistiqué ? Après avoir chuchoté à mon oreille qu'il m'aimait juste avant de pénétrer dans l'établissement ? J'essayais de positiver, mais cet échange de sourires et regards me semblait bien trop complice à mon goût. Le genre d'œillade qu'un homme amoureux adresserait à sa belle. Pourtant, sa belle, c'était moi.
— Ça va, je ne te dérange pas trop ?
Les yeux et la bouche de Thomas s'arrondirent. Il ne s'attendait pas à une réaction aussi abrupte de ma part. Il inclina légèrement la tête sur le côté, un pli lui barrant le front.
— Comment ça ? balbutia-t-il, quelque peu troublé.
— Bah ça ! rétorquai-je, la voix aussi tranchante qu'une lame de rasoir.
Il cilla.
— Mais de quoi tu parles ?
Le faisait-il exprès ? Pourtant, Thomas semblait vraiment ne pas savoir à quoi je faisais allusion, sauf si un excellent jeu d'acteur se dissimulait derrière ses airs d'innocent.
Je le fusillai du regard. Si mes iris étaient une arme, il serait mort sur le coup.
— Je t'ai vu faire un clin d'œil à la serveuse, sifflai-je. Tu t'intéresses aux autres femmes, maintenant ? Je ne te suffis pas ?
Thomas se renversa sur sa chaise, les bras croisés sur sa poitrine. Il planta ses yeux dans les miens avant de laisser s'échapper un rire nerveux, toutefois ses traits s'étaient détendus.
— Je dois t'avouer que ton inquiétude venue de nulle part me touche beaucoup, ironisa-t-il, un petit sourire narquois étirait la commissure de ses lèvres. Ça prouve que tu tiens à moi, j'aime beaucoup.
Il poussa un souffle nasal.
— Mais il ne se passe rien avec cette nana. Tu es la seule qui est importante pour moi.
— Avoue que c'est normal que je me fasse des films, non ? grognai-je. On parle d'un clin d'œil, Thomas. Ce n'est pas rien.
— S'il te plait, Lana. Ne gâche pas tout alors qu'on passe un super bon moment tous les deux. Il n'y a rien avec cette fille. Je te le promets.
Je demeurais dubitative. J'avais toujours eu confiance en mon chéri, et ce aveuglément. Mais cette fois-ci, je n'étais pas sereine. Mon instinct me chuchotait qu'il me dissimulait quelque chose, et que cela me turlupinerait jusqu'à ce que je découvre la nature de ses cachoteries. C'était la première fois qu'un sentiment d'insécurité concernant mon copain m'envahissait. Adresser un clin d'œil à une inconnue n'était pas un acte anodin, surtout pour un homme en couple.
La serveuse se dirigea vers nous, aussi épanouie qu'une fleur, et déposa nos plats respectifs sur la table. Elle fixa de nouveau Thomas avec un petit sourire niais tandis qu'il l'ignora de peur de s'attirer les foudres.
— Bon appétit, dit-elle avant de tourner les talons.
Nous dînâmes dans le plus grand des calmes. Les yeux rivés sur mon assiette, je ne pouvais m'empêcher de faire tressauter ma jambe nerveusement, ruminant sans cesse le comportement de Thomas. Une image qui m'embrumait l'esprit si bien que je ne prêtais plus attention au charivari qui emplissait l'atmosphère du restaurant ni à l'homme assis face à moi. Le dîner aux chandelles en compagnie de mon chéri, s'avérait finalement un repas en tête à tête avec un filet de saumon qui honorait mes papilles. Au moins, je pouvais savourer ce dernier qui jamais, ne me trahirait.
— Désiriez-vous un désert, madame ?
La voix lointaine de la serveuse heurta mes oreilles, avant de mettre un terme à la fanfare qui se jouait dans mon cerveau, n'étant nul autre que le chant de mes ruminations mentales. Je sursautai.
La jeune femme plongea sa main sous mon nez pour saisir mes couverts utilisés. Je levai enfin les yeux, déglutissant le dernier morceau de pain imbibé de béarnaise après avoir saucé mon assiette vide. Des résidus de sauce perlaient aux commissures de mes lèvres, et j'étais certaine qu'elle avait remarqué le fait que je mangeais comme un porc. Une fois de plus, je m'empourprai.
— Je vais prendre un moelleux au chocolat, balbutiai-je, tandis que Thomas avait opté pour une coupe de dame blanche.
La serveuse pianota sur sa tablette avant de planter son regard dans celui de mon homme, tout en jouant des sourcils, puis tourna les talons.
Non, mais c'est une blague là !
Cette femme était littéralement en train de draguer mon mec sous mes yeux. Je me mordis l'intérieur des lèvres pour réprimer l'envie viscérale de me lever et de lui asséner un crochet du droit. Mon côté angélique triompha une fois de plus sur les ténèbres qui sommeillaient en moi.
Mon regard assombri n'était pas passé inaperçu aux yeux de Thomas qui ricana.
— Elle te drague, sifflai-je. J'en suis sûre.
Ses yeux roulèrent dans leur orbite.
— Ma chérie, tu ne serais pas un peu parano ? gloussa-t-il. Juste un petit peu, hein.
Je levai les yeux au ciel. Si ma réaction l'amusait, cela signifiait peut-être que je me faisais un sang d'encre inutilement après tout. Du moins, je l'espérais de tout mon cœur.
Plusieurs minutes s'écoulèrent avant que la serveuse ne réapparaisse, nos entremets à l'aspect alléchants disposés sur un plateau de forme ronde. Elle déposa devant moi le fondant au chocolat dont j'allais en faire qu'une bouchée.
Lorsque je me munis de la longue cuillère pour attaquer ce délicieux gâteau, je constatai que la jeune femme n'avait pas bougé d'un poil. Étonnamment, son regard vagabondait entre Thomas et moi, tandis qu'elle faisait craquer ses doigts dont le bruit de phalange déshonorait mes tympans.
Va-t-elle rester plantée là encore longtemps ?
Intriguée, je fronçai les sourcils. Les mains jointes sous son menton, mon chéri me fixait lourdement, ignorant sa dame blanche qui n'attendait qu'à être mangée.
— Tu ne manges pas ? commentai-je.
— Si, je veux juste voir si tu aimes ton gâteau.
Thomas se comportait de façon vraiment étrange depuis que nous avons franchi les portes du restaurant.
J'enfonçai ma cuillère au cœur de mon moelleux, et du chocolat noir s'écoula finement dans l'assiette tel un doux ruisseau, avant de heurter quelque chose de dur.
J'arquai un sourcil, perplexe. C'était comme si je mangeais une part de galette des Rois qui contenait la fameuse fève. De toute évidence, ce n'était pas le cas. J'étais certaine qu'il s'agissait d'un objet, en aucun cas cela ne pouvait être le gâteau qui s'était solidifié. Seule une question demeurait : cet objet avait-il été enfoui au cœur de ce gâteau volontairement ?
Je levai furtivement les yeux vers Thomas avant de les reposer sur mon dessert. Il me fixait, immobile, comme s'il attendait une quelconque réaction de ma part. Mon cœur se mit à jouer des claquettes, tout devenait clair à présent. Un diner aux chandelles dans un restaurant étoilé, une certaine complicité avec la serveuse alors qu'il m'avait dit qu'il m'aimait une heure plus tôt.
Je ravalai la boule d'angoisse qui m'obstruait la gorge, et d'une main tremblante, je grattai le chocolat tout autour afin de libérer ce trésor caché.
Mon organe vital effectua plusieurs loopings dans ma cage thoracique, et manqua deux ou trois battements au passage. Les yeux exorbités, je couvris ma bouche pour étouffer un cri qui menaçait de s'échapper. Je l'avais deviné, pourtant. Je savais que c'était ça. Les mains posées sur ma poitrine, je pris le temps de souffler pour refouler mes larmes qui me brûlaient les yeux. Une magnifique bague argentée ornée d'un diamant de forme carrée étincelait dans mon assiette, n'attendant qu'à habiller mon annulaire.
Thomas tendit une main vers moi pour s'emparer du bijou qu'il essuya avec une petite serviette humide, puis se leva fébrilement avant de contourner notre table pour me rejoindre. Le cœur toujours affolé dans ma poitrine et la gorge serrée d'émotion, je pivotai sur ma chaise, afin de me tourner face à lui. Mon chéri mit un genou à terre, son regard intense soutenait le mien. Une lueur d'angoisse mêlée à un sentiment d'insécurité tressautait dans ses iris couleur noisette. Il reposa une paume moite et tremblante sur ma cuisse, la splendide bague scintillante sous les lumières tamisées du plafonnier dans l'autre, et déclara
— Lana, je t'aime depuis la première fois où mes yeux ont rencontré les tiens. Une amitié a vu le jour entre nous malgré ce que je ressentais pour toi en cachette, mais au moins je pouvais passer du temps auprès de la personne que j'aimais, même si j'en souffrais silencieusement. Puis, j'ai fini par prendre tout mon courage à deux mains pour t'avouer mes sentiments. Ça ne pouvait plus durer. J'ignore par quel miracle tu as accepté de devenir ma petite amie, sept ans plus tôt, mais depuis ce jour, j'ai toujours su que tu étais celle que je voulais épouser. Toi, Lana Fabre, et pas une autre. Nous vivons ensemble depuis cinq ans, et à présent, j'aimerais passer à l'étape supérieure :
Il marqua une pause pour effleurer les traits de mon visage avec la douceur d'une plume, puis cala une mèche de ma longue chevelure rousse derrière mon oreille.
— Lana, voudrais-tu devenir ma femme ?
Une larme solitaire roula sur ma joue suite à cette déclaration d'amour, reflétant toutes les émotions qui envahissaient tout mon être et mon cœur. J'étais à la fois touchée par les mots de Thomas, soulagée également, je connaissais à présent la raison pour laquelle il avait agi de manière suspecte avec la serveuse. En réalité, cette dernière avait contribué à cette magnifique demande en mariage. Toutefois, un sentiment de honte acerbe me tordait les tripes, car je m'étais mal comportée avec Thomas tout au long du diner. Je n'étais même pas certaine de pouvoir me le pardonner un jour. Je lui avais déversé une crise de paranoïa en pleine poire, m'imaginant qu'il était un coureur de jupons, alors qu'il ne désirait qu'une seule chose : que je devienne sa femme.
Mon chéri me dévisageait, une étincelle d'espoir et d'appréhension dansait dans ses iris. Il redoutait ma réponse. Une réponse qui pourrait changer sa vie et la mienne.
— Thomas, je suis vraiment désolée...
Son visage se décomposa pour laisser place au désespoir, et de la déception se déchiffra sur celui de la serveuse lorsque je tournai la tête vers elle.
— Je vois, je comprends, souffla Thomas, les larmes au ras des cils, alors que je n'avais même pas terminé ma phrase.
Je m'empressai de rectifier lorsqu'un sentiment d'angoisse s'empara de moi :
— Ah, non, tu te trompes ! Je voulais dire que je suis désolée de m'être mal comportée pendant le repas, alors que tu avais prévu... Ça. Je m'en veux tellement.
Thomas se détendit légèrement, et ses traits assombris retrouvèrent de leurs couleurs.
Il respira profondément et reprit :
— Lana, veux-tu m'épouser ? demanda-t-il pour la deuxième fois, d'une voix frêle et à peine audible si bien que je dus tendre l'oreille pour capturer chacun de ses mots.
Les jambes flageolantes sur le coup de l'émotion, je me levai de ma chaise, puis je tirai sur les bras de mon chéri de sorte qu'il se tienne debout face à moi. Je pris son visage en coupe avant de chuchoter à son oreille le tout petit mot qu'il espérait tant. Des larmes de bonheur ruisselaient sur ses joues que j'essuyai de la pulpe de mon pouce, geste qu'il imita pour estomper les miennes.
Thomas saisit délicatement mon annulaire gauche pour y passer la bague. J'écartai mes doigts en éventail pour admirer le magnifique diamant qui brillait de mille feux. Mon fiancé me souleva ensuite par la taille et écrasa ses lèvres sur les miennes. Un baiser passionné qui suscita l'attention de chaque individu présent dans le restaurant, si bien que des acclamations s'élevèrent de tous les côtés. Je risquai un regard vers la serveuse. Ses yeux scintillaient de joie pour nous deux. Elle avait achevé sa mission.
— Toutes mes félicitations, s'écria-t-elle avec entrain.
Thomas et moi étions fiancés. Il me faudrait une éternité tout entière pour réaliser ce qu'il venait de se produire.