Face à moi, je voyais la foule se révolter à ma venue. Les hommes et les femmes huaient ma présence. Les insultes s'enchaînant, je tenais la main de Krim et la pression devenais plus supportable.
- Gardez la tête haute, me dit Krim.
Chamboulée par la situation, je mis quelques secondes à appliquer son conseil. Il avait raison, je devais garder la tête haute face à tous ceux qui veulent ma perte.
Une fois descendu des escaliers qui mènent à la cour extérieure, nous étions à la même hauteur que cette foule de gens. Je pouvais voir les détails de leurs visages se déformer par leurs cris insultants. Comment pouvaient-ils tous être effroyables avec quelqu'un qu'ils ne connaissent pas? Les cris émanant de leurs voix formaient un brouillard de sons inidentifiables. Le froid de la météo se choquait à la chaleur des corps en mouvement. Dans cette vague de personnes et d'insultes, je marchais sur le chemin que c'est individus nous laissaient. Au loin, je vis une estrade en bois qui se trouvait à hauteur de nos têtes. Issan y était, les mains liées au dos, entouré de gardes.
-Je vous laisse monter seule Madame, me dit Krim.
Sa main restait attachée à la mienne pour m'aider à monter les marches, puis laissa partir la mienne. Je me retrouva seule, face à face avec Issan. Nous nous regardions pendant un instant. Il était vêtu de la même chemise qu'ils y a cinq jours. Ses cheveux étaient sales, son visage entaché de sang séché, sa jeune barbe recouvrant sa mâchoire, ses vêtements abîmés, il était différent. Pourtant, son regard, malgré la fatigue, transmettait un mélange de tristesse et de lassitude. Bloquée dans ses yeux, seuls les mèches de nos cheveux, dansant par le vent, se mettaient en travers de nous. Son regard profond m'envoutait de plus en plus. Je me sentais aspirée par son regard sombre et creux.
Soudainement, la foule frappa de plus fort l'écho par ses cris. Regardant autour de moi, je les vis tous acclamer l'homme s'asseyant sur son fauteuil, au loin sur la deuxième estrade, face à la notre. En direction de son siège, Haysen me regardait avec intensité. Son visage était sombre, voir irrité. Ma gorge se serra à tel point que ma salive m'étouffait. Mes mains tremblantes de froid et de peur étaient abandonnées à elles mêmes. J'aurai voulu que Krim reste à mes côtés jusqu'au bout.
Après de longues minutes, Haysen se releva, tendant ses bras vers le haut pour calmer la foule l'acclamant. Le silence installé, il balaya ce monde d'un regard lent et posé. Dans ce silence de respect, il porta par sa voix un discours.
- Nous nous réunissons aujourd'hui pour punir de leurs crimes, mon frère Issan Valder et mon épouse Iridessa Valder. Etant parti en guerre, j'ai quitté mon duché ces deux dernières années. Je me suis battu, au nom du roi, face au royaume de Bernch. J'ai risqué ma vie pour Sa Majesté, pour notre royaume, mon duché et pour son peuple qui y vit.
La foule l'acclama.
- J'ai combattu aux côtés de nos valeureux soldats, et c'est avec bravoure et courage que nous avons survécu. C'est avec courage que nous vous avons protégé de ces barbares de Berchn.
Les hurlements de la foule faisaient trembler l'estrade. J'étais muette face à la scène. L'auditoire se réveillait de plus belle dans sa passion et sa colère.
- Beaucoup ne sont pas revenus. Beaucoup ont péri avec honneur pour que nous puissions vivre! Quand d'autres trouvent plaisir à satisfaire leur avarice, dit Haysen, pointant du doigt dans notre direction.
Cette fois-ci, ce fut mon cœur qui se serra. J'étais prête, je savais que j'allais être puni par le fouet, mais je n'avais pas imaginé le avant ni le après. Ce discours accusateur était plus impitoyable que jamais dans sa mise en scène. La crainte et l'anxiété faisaient couler le sang de mes lèvres par la force de mes dents.
- Mon frère! Mon frère profita de mon absence pour voler mon titre et mes possessions! Par la même occasion, il coula le sang de nombreux de mes sujets et épousa ma femme Iridessa. Mon frère! Mon frère de sang et autrefois de cœur!
- Ha!
A ma gauche Issan laissa s'échapper cette exclamation. Je le regardais, il était debout, le dos droit et fière, regardant Haysen discourir.
- Mon frère m'a trahi et vous aussi! Par la grâce de Dieu, je suis revenu sain et sauf et c'est par cette même grâce que je vengerai et punirai ceux qui ont voulu souiller mon nom et mon honneur!
La foule atteignait l'apogée de son exclamation par ses cris aigus et stridents. Quant à moi, je devenait témoin de la trahison d'Haysen. Il ne me croyait donc pas, pensais-je. Mon arrogance et ma stupidité me faisaient honte. Je pensais pouvoir le manipuler, faire de lui mon bouclier, mais il s'était joué de moi.
Les cheveux s'échappant de ma natte par la force du vent, cachaient grossièrement mes larmes de désespoir et de honte, pendant que je voyais Haysen attendre que ces femmes et ces hommes se fatiguent et se calment de leur plein gré.
Issan à ma gauche, restait de marbre et presque indifférent à la situation. Jusqu'à ce qu'il tourna sa tête vers moi. Etrangement, son regard s'adouci en constatant les larmes humidifier mes joues. Pourquoi, pourquoi me regarde-t-il de la sorte? Je continuais de peiner à respirer et mes larmes continuaient leur course, pendant qu'Issan et moi nous nous regardions.
Salut! J'ai écrit ce chapitre en écoutant la playlist de Resonance Reverie "a classical mix for a prince building his empire", sur Youtube. Ca m'a aidé pour la dynamique du chapitre, j'ai aussi écrit plus vite que d'habitude. Je ne sais pas si cette tension, transmise par les musiques, se ressent dans ce chapitre, mais j'espère vous avoir transporté dans l'imaginaire que je mettais fait de cette scène. Bye Bye <3