Cela faisait maintenant une quinzaine de jours que M.Mollet avait disparu. Aucun signe de lui. Ni une lettre, ni un quelconque message passé par une tierce personne. Rien. Lui qui avait assuré qu'il connaîtrait les moindres faits et gestes d'Amandine, celle-ci prenait bien conscience que ce n'était que des paroles en l'air. Pour une fois, il ne pouvait rien faire, il n'avait pas le contrôle.
Amandine n'avait jamais été aussi heureuse depuis un an. Elle reprenait goût à la vie. Elle riait à gorge déployée pour un oui ou pour un non. Elle avait repris du poids et récupéré le sommeil.
Sa chevelure rousse reprit du volume et ses yeux brillaient comme les étoiles, de nouveau.
Ses journées ont été ponctuées par son travail, ses jeux d'enfant avec Annette et Doriand, et parfois des discussions philosophiques avec Maël. Elle rayonnait enfin. Elle avait d'ailleurs retrouvé l'envie et la motivation de poursuivre sa passion de toujours : la peinture. Elle peignait tout ce qu'il lui passait sous les yeux. Elle s'amusait d'un rien. Son âme d'enfant, longtemps enfoui en elle, était ressorti comme le soleil du matin, illuminant toute sa vie.
Malheureusement, Amandine savait bien que cette merveilleuse situation ne durerait pas pour toujours. Un jour viendra où son pire cauchemar reviendra, et elle ne savait pas ce qui adviendra.
Mais pour l'heure, elle ne s'inquiétait pas et vivait pleinement sa vie.
Après avoir pris un petit déjeuner qui avait la taille d'un buffet, Amandine partit en direction des jardins pour respirer l'air frais. La rosée était encore présente sur les pétales de rose. Elle inhalait à plein nez l'odeur fraîche des fleurs, des arbustes et des arbres fruitiers. Le soleil brillait haut dans le ciel, déposant une chaleur agréable sur le corps d'Amandine. Elle fredonnait un refrain qu'elle ne connaissait pas, effectuait une pirouette ou un petit pas de danse de temps à autre. Elle souriait de toutes ses dents blanches. Comme c'était agréable, de sourire sans raison apparente. De le faire simplement parce que l'on est véritablement et sincèrement heureux.
Elle avait encore le goût du gâteau à la fraise qu'elle venait d'avaler, dans sa bouche. Peut-être que finalement, le goût du bonheur était celui de la fraise ?
Après avoir salué les merles bleus de l'immense cage à oiseaux, elle s'accroupit tout près du petit fleuve. Elle monta dans la barque et rama, sans but apparent.
Amandine s'arrêta alors au milieu de l'eau.
Elle retira de son annulaire gauche un anneau en or où se trouvait un saphir étincelant.
Sa bague de fiançailles.
Elle l'a toujours portée sur elle, appréhendant la réaction de son mari si elle ne l'avait pas. Elle avait aussi peur de la perdre encore une fois.
Néanmoins, à présent tout cela ne voulait plus rien dire pour elle. Cela ne signifiait plus rien, cela n'avait plus de valeur, plus d'intérêts.
L'homme qu'elle devait appeler son mari ne la regardait jamais, ne la considérait jamais, il lui faisait peur, il était violent. Elle avait toujours l'impression d'avoir épousé un parfait étranger.
C'est un parfait étranger.
Elle se leva. Elle examina le bijou sous toutes ses coutures. Il était magnifique, presque envoûtant. Mais chaque fois que Amandine le regardait de plus près, il la dégoûtait de plus en plus. Au final, il était répugnant, comme celui qui lui avait offert.
C'est alors que Amandine se fit une promesse à elle-même. Elle ne se laisserait plus faire. Elle ne mourra pas une seconde fois.
Et comme preuve de son engagement et de son courage, elle lança la bague aussi loin que possible en hurlant " Je te déteste Aris Mollet !"
La petite bague plongea dans l'eau en effectuant de petites ondulations autour d'elle. Et puis, plus rien. Le beau saphir avait déjà disparu au fin fond du lac.
Revigorée d'une nouvelle énergie, Amandine rentra au château. Mais alors qu'elle s'apprêtait à s'affairer à peindre une nouvelle toile, Annette déboula dans sa chambre comme un boulet de canon, faisant casser un vase au passage.
- Oups...dit-elle avec une main sur sa bouche.
Amandine qui eut peur de cette violente interruption était tombée de son tabouret.
Il y a des choses qui ne changent jamais.
- Tiens, j'ai quelque chose pour toi ! dit la grande brune en sautillant.
Elle lui passa alors une lettre blanche, scellée par une cire rouge.
L'auteur était...Maël Collet !
Amandine s'empressa de déchirer la lettre.
Avec une calligraphie gracieuse et fine, et une encre noire, elle put lire :
"Vous êtes invité au bal costumé de M.Collet, le 2 mars. Nous vous attendrons dans sa résidence secondaire, à Tiraline
Cordialement. "
Pour une surprise, c'en était une. Elle ne s'attendait pas du tout à ça.
On lui avait déjà dit que Maël organisait chaque année, le plus grand bal costumé de la capitale. Paradoxale, car il n'aime généralement pas les réceptions.
Elle considérera longuement l'invitation et songea à décliner.
Et si quelqu'un la reconnaissait ? On irait informer directement M.Mollet et elle appréhendait déjà sa réaction.
Mais après tout, il était en voyage d'affaires et elle mourrait d'envie de s'y rendre. Si elle se masquait correctement, restait discrète, qui pourrait la reconnaître ? Et puis, elle était sa secrétaire et tout le monde savait. Il n'y avait rien d'explicite à inviter sa secrétaire à son bal costumé, si ?
Ce qu'elle voulait par-dessus tout c'était le voir. Le voir déguisé. Le voir tout court. Elle savait que ces derniers temps il accaparait toutes ses pensées. Elle savait aussi que cela n'était pas bon signe.
Mais en même temps, elle était tellement flattée de recevoir cette invitation. Et tant pis si elle se faisait démasquer, au moins elle vivra une soirée inoubliable.
Il faut parfois un brin de folie pour vous donner le courage de prendre une décision totalement insensée.
- J'y vais, dit Amandine pleine d'assurance.
- Merveilleux, répliqua son amie. Maintenant, viens avec moi, on va te transformer en véritable princesse pour ton prince !
Amandine jeta un pot de peinture en direction de son amie, mais cette dernière était bien trop agile et s'enfuit en courant et en rigolant.
- Ce-n'est-pas-mon-prince ! cria Amandine malgré tout.
Amandine et Annette partirent en direction du centre ville pour effectuer les achats dont la jeune rousse avait besoin. Son amie avait acheté tellement d'articles que l'on aurait pû habiller plus d'une dizaine de jeunes filles. "C'est au cas où" répétait cette dernière.
Amandine soupira d'exaspération. A vrai dire, cela lui importait peu qu'elle soit bien habillée, ou bien maquillée, tout ce qu'elle souhaitait c'était être jolie aux yeux du ministre de l'humanité. Sauf qu'elle ne savait pas quel genre de femmes il trouvait jolie.
- Bon alors, c'est quand que tu vas avouée ?
Annette brossait délicatement, d'un geste lent et contrôlé, les longs cheveux roux d'Amandine.
- Avouer quoi ?
- Que tu es amoureuse de M.Collet évidemment !
- Arrête avec ça tu veux ?!
- Mais ? Amandine, je ne suis pas idiote non plus, il y a bien quelque chose, non ?
- Je...c'est compliqué.
- Qu'est-ce qui est compliqué, dis moi ?
- Ce qui est compliqué, c'est que je suis une femme mariée Annette ! Tu l'entends ? Je ne pourrai jamais être avec lui, même si j'en meure d'envie !
Annette s'arrêta d'esquisser le moindre mouvement.
- Oh Amandine je suis désolée...
- Ne t'excuse pas. C'est moi qui t'ai crié dessus sans que tu ne le mérite, pardonne-moi.
- Ne dis pas n'importe quoi. Je n'insisterai plus.
Alors que Annette entreprenait de faire des boucles bien définies sur la chevelure de son amie, Amandine reprit de plus elle :
- Tu as probablement raison. Peut-être que je me sens attirée par lui ? Mais le soucis étant que je n'en ai pas le droit Annette. Je ne veux pas, j'ai peur. Je ne peux pas. Je n'ai pas le droit de tomber amoureuse de lui.
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Bien sûr que si tu as le droit ! L'amour est une chose merveilleuse, et tout le monde à le droit de le connaître, et tu n'es pas une exception. Tu mérites d'être heureuse.
- Oui, mais toi comme moi, savons que c'est un projet irréaliste. Je suis mariée à Aris Mollet. Si l'envie de partir me prenait, je ne pourrais pas. Mon oncle me retrouverait et me ramènerait près de Aris. Et encore, lui ne me laissera jamais partir s'il savait ce que je fais actuellement...
- Arrête de parler de lui, et d'ailleurs il n'en sera rien, et puis qu'est-ce que cela lui ferait ?
(Ah oui, Annette n'était pas au courant que Amandine était battue).
- Mais...mais imagine si je ne lui plait pas ? Imagine si il me déteste ?
- Arrête de raconter n'importe quoi Amandine ! Il ne t'as jamais détesté, et il ne le fera jamais ! Et puis, regarde, il a toujours était attentionné avec toi ! Tu es probablement la seule femme à qui il adresse la parole ! Et puis, si tu n'en es pas sûre, pose lui la question ce soir ?
- J'oserai jamais !
- Allez ! Trève de bavardage, vas t'habiller princesse !
Même après un an, Amandine avait toujours du mal à s'habituer à cette vie d'artifices. Elle était entièrement vêtue blanc, ce qui crée un contraste parfait avec ses cheveux et ses lèvres aux couleurs du feu. Elle portait un robe de coton qui avait plusieurs couches, formant un grand cercle autour d'elle. Ses mains et ses avants-bras étaient couverts par des gants en dentelle. Autour de son cou se trouvait un collier en or, orné de pierres précieuses qui rappelaient le vert de ses yeux. Ses cheveux dévalaient son dos comme une cascade. Et évidemment, la touche finale, un masque gris argenté qui couvrait ses yeux.
Après que Annette lui ait fait un long discours sur les techniques de séduction, Amandine bondit dans le carrosse qui l'amena directement à la résidence secondaire de Maël.
Rien qu'à la façade du bâtiment, on imaginait déjà qu'il s'agissait d'un lieu splendide. Une lignée de bougies, placées sur les balcons, les rebords de fenêtre, et les marches du perron, illuminaient l'extérieur du château, qui n'était plus plongé dans la nuit noire. Même si elle n'était pas tout à fait noire, elle brillait grâce aux étoiles.
Amandine gravit les marches du perron, toujours aussi subjuguée par la beauté des lieux.
Vu d'un œil extérieur, cette résidence ressemblait comme deux gouttes d'eau à toutes les résidences des bourgeois de la haute société.
Sauf qu'ici, elle était vue à travers les yeux d'Amandine.
Elle avait le cœur qui battait à la chamade. Elle s'avança dans le hall d'entrée et se rendit à la salle de bal.
Les gens dansaient et riaient à gorges déployées. Les robes des demoiselles, aux couleurs vives, tourbillonnaient dans les moindres recoins de la pièce. Chaque pas de danse était en accord avec le petit orchestre, qui semblait prendre beaucoup de plaisir également. L'atmosphère était féerique. Tous ses corps en mouvement frénétique, mais dont personne ne pouvait entrevoir le visage dessinait un tableau qu'Amandine n'avait jamais vu jusqu'ici. Elle ne savait où donner de la tête. Voir tous ses hommes et ses femmes qui tournaient et tournaient encore sans arrêter lui donna le tournis.
Soudain elle sentit une main lui attraper le poignet. Un homme en costume blanc avec un masque noir l'amena loin de salle principale.
Elle sut immédiatement que c'était lui. Elle aurait reconnu ses yeux de diamant entre mille.
Ils coururent ainsi, main dans la main, tels deux enfants, dans les couloirs du château. Ils avaient l'impression de faire quelque chose d'interdit, d'échapper à un chose qui ne les poursuivaient pas.
Et puis tout à coup, il se mit à rire !
M. Collet était en train de rire aux éclats !
Il ne parvenait pas à s'arrêter.
Il riait comme un gamin ! Son rire était si contagieux qu'elle aussi se mît à rire. Amandine avait rarement eut la chance d'entendre ce rire si inoffensif de Maël.
Hors d'haleine, il s'arrêtèrent sur la terrasse du jardin illuminée par les lanternes. L'endroit semblait appartenir à un autre monde, bien trop parfait pour qu'il existe.
Son expression dégageait une sensation de paix et de légèreté. Il souriait jusqu'aux oreilles, dévoilant ses dents aussi droites que blanches.
Amandine pensa qu'il s'agissait de la facette de Maël qu'elle préférait, bien plus que ses expressions froides et d'homme déterré. Lorsqu'elle le voyait heureux comme à présent, plus rien d'autre au monde ne comptait.
Ils se regardaient, souriant bêtement sans trop savoir quoi se dire.
- Tu es venu... finit-il par articuler
- Bien évidemment que je suis venue ! Je ne pouvais pas rater cela ! Je ne pouvais pas manquer l'occasion de te voir !
Il baissa les yeux et se mit à contempler ses chaussures parfaitement cirées.
Elle n'en était pas sûr, mais il lui semblait que ses joues avaient légèrement rougies...ou bien était-ce à cause du froid de cette nuit fraîche ?
- Tu sais...( il releva la tête brusquement et planta ses deux yeux bleus droit dans les siens), je n'avais pas prévu de l'organiser cette année. Je n'en avais pas du tout envie, j'ai horreur de ce genre de choses mais...mais je sais que tu n'as jamais eu l'occasion de venir à un bal masqué, ni de voir où je vivais, alors je me suis finalement dit que si je l'organiserai...ça serait pour toi...
A ces mots, le cœur d'Amandine fit bond.
Mais qu'est-ce que cela voulait dire ?
Cela ne voulait tout de même pas dire ce qu'elle pensait, si ?
- Peut-être que tu n'en as pas conscience, poursuivit-il, mais tu m'as énormément aidé depuis que tu es arrivée dans ma vie. Alors je te devais ça.
- Je t'ai aidé ? Mais à quoi exactement ?
- A tout. Je serai totalement perdu sans toi...
- Maël, c'est moi qui serait totalement perdue sans toi... c'est moi qui te remercie, sincèrement. Je te serai éternellement reconnaissante. Je...
Elle ne finit pas sa phrase. Elle avait oublié ce qu'elle voulait dire. Ses pensées se bousculaient trop rapidement dans sa tête. Elle avait envie de tout lui dire. Que s'était lui qui l'aidait au quotidien à se sentir un peu mieux, que son attention l'a touché, que la sévérité dont il faisait preuve au travail l'agaçait...mais qu'elle adorait ça en même temps. Qu'elle adorait son rire, son sourire, sa force et sa protection.
Tout son corps tremblait.
Mais qu'est-ce qu'elle faisait ? Qu'est-ce qu'elle ressentait ? Qu'est-ce qu'elle racontait ?
Il continuait de la regarder de ses yeux perçants. Ils restèrent un moment dans le silence. Ce calme n'était en rien inconfortable, simplement il n'y avait rien. Les yeux parlaient d'eux même.
Au loin, on pouvait entendre l'orchestre interpréter un nouveau morceau.
Instantanément, il lui tendit sa main et lui demanda: « Amandine, voulez-vous danser avec moi ? »
Elle sourit de toutes ses dents et répondit sans hésitation : oui, je le veux.
Leurs corps n'avaient jamais aussi proches que maintenant. Elle pouvait sentir son souffle chaud sur son coup. Sa robe tournait et brillait de mille feux sous cette nuit étoilée. Leurs mains opposées étaient entrelacées. Maël avait posé l'autre sur sa hanche droite et Amandine sur l'épaule du même côté.
Ils dansèrent une valse.
Puis une seconde.
Puis une troisième.
Et finalement, ils dansèrent si longtemps qu'elle ne se rappela même plus du nombre.
Cependant elle se souvint de chaque sensation, de chaque mouvement, de chaque regard. Le sang lui montait à la tête.
Il commençait à se faire tard, et ils étaient épuisés tous les deux.
- On pourrait faire une pose je te prie, demanda Amandine à bout de souffle. Je n'en peux plus !
- Tu veux un verre d'eau ?
- Ça va merci, mais je vais m'asseoir un peu.
Elle s'assit sur le bord de la terrasse, les pieds dans le vide. Elle fut rapidement rejoint par Maël, un verre d'eau à la main. Même si elle avait refusé par pure politesse, elle mourrait de soif.
Comment Maël pouvait-il la comprendre ainsi alors qu'elle ne s'était même pas exprimée ?
Amandine bu le verre d'eau d'une traite si bien qu'elle faillit s'étouffer. Sa maladresse fit éclater de rire Maël.
Puis, ils restèrent silencieux, assis l'un à côté de l'autre, leurs mains se touchant presque.
Ils écoutaient d'une oreille l'animation qu'il y avait au château, et d'une autre, les douces berceuses des bruits de la nuit.
- Tu as retiré ta bague ?
- Oui...tu as remarqué ?
- Je remarque tout Amandine.
- Effectivement, tu es un vrai lynx !
Maël se remit à rire.
- Décidément, tu rigoles beaucoup ce soir !
- J'y peux rien, je suis heureux ! Mais si tu veux que j'arrête de rire, et que je reparte dans mes expressions froides...
- Non ! Surtout pas ! J'aime bien quand tu ris !
- T'aimes bien quand je ris ?
- Oui ! T'es sourd ou quoi ?!
- Ha ha ha ! Répète ? Je t'entend pas bien ?
Amandine donna un coup de coude à Maël qui continuait de glousser.
Elle ne l'avait jamais vu aussi heureux ! Visiblement le départ de M.Mollet n'a pas eu que des effets sur Amandine.
- Tu sembles plus heureuse depuis le départ de ton mari.
- Oui, je le suis.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il est violent.
C'est bon. Elle venait de lui dire. Elle avait enfin sauté le pas. Elle s'était enfin libérée. Elle venait de se soulager de ce qui la tourmentait, de ce qui la pesait, de ce qui la tracassait depuis une année, en une seule phrase. Elle se disait qu'elle voulait attendre le bon moment, mais la vérité était qu'elle repoussait toujours, encore et encore, sa déclaration. Elle était fière. Fière de ne plus se mentir à elle-même et à celui qu'elle aime.
Elle lui raconta tout dans les moindres détails, de sa première rencontre avec lui, sa première gifle, ses coups, et ses premières menaces. Elle lui raconta l'anxiété sociale, et la peur étrange des montres de son mari. Elle lui expliqua également ses états d'âme et pourquoi elle était si absente parfois.
La peur, l'angoisse, la culpabilité.
- Tu es tellement courageuse, finit-il par dire après un long silence.
- Merci.
- Excuse-moi...
- De ?
- Excuse-moi de ne pas avoir remarqué, de ne pas avoir sû, de ne pas avoir vu ta souffrance, de ne pas t'aider, de pas t'avoir protégée, de ne pas t'avoir sauvé...
- Mais tu ne pouvais pas savoir ! C'est de ma faute aussi, je ne dis jamais rien...
- Je te promets qu'il ne touchera plus jamais un seul de tes cheveux !
Amandine ne savait pas quoi répondre. Elle était émue, touchée. Aucun son ne parvenait à traverser sa bouche. Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues rosies par le froid.
Tout à coup, Maël lui prit la main et y déposa un doux baiser.
Ce geste si simple fit frissonner le corps entier d'Amandine. Il se tenait maintenant à quelques centimètres de son visage.
- Je te jure Amandine, que plus personne ne te fera de mal. Plus personne ne te brisera. Plus personne te cassera. Je serai là pour te défendre. Plus personne ne te touchera. Plus personne ne posera la main sur toi.
- Mais ce n'est pas ce que je veux...
- Qu'est-ce que tu veux alors ?
- Je veux que plus personne ne le fasse. Plus jamais. Plus personne sauf...toi.
Et à peine eut-elle prononcé ces mots que Maël pressa ses lèvres contre les siennes. Il l'embrassait fougueusement, avec une folle ferveure. Ses lèvres avaient le goût de la cerise.
Finalement, le bonheur se rapprochait de la cerise...
Elle lui laissa une brèche pour qu'il puisse mélanger sa langue à la sienne, qu'il roulait dans un sens, puis dans l'autre.
Ils restèrent ainsi un long moment jusqu'à que la respiration leur manque.
Amandine était en manque d'oxygène. Elle était toute rouge, comme si elle venait de courir des kilomètres.
Mais heureuse, terriblement heureuse.
Maël dégagea les quelques mèches qui s'étaient posées sur le front de Amandine, et lui fit un baiser.
Elle s'accrochait à lui aussi fort qu'elle le pouvait.
Une fois calmé, tous deux s'observaient sans pour autant prononcer un mot, comme si on leur avait retiré la capacité de parler.
- Amandine, commença t-il, je...
- MAËL !
Un homme soûle s'approcha des deux amants.
D'un coup sec, ils se défirent de leur étreinte et mirent une distance entre eux, terriblement embarrassés d'être pris en flagrant délit.
L'homme devait être un homme d'affaires ou un riche investisseur.
- Maël, il faut que tu viennes jouer à une partie de poker...j'y arriva pas ! J'ai besoin de ta chance !
- Léo, je suis un peu occupé là...
- Vas-y Maël, l'interrompit Amandine. Il se fait tard, et moi je vais rentrer.
- Amandine, tu es sûre ?
La jeune fille rousse s'approcha de lui et lui susurra à l'oreille droite : " Tes lèvres ont le goût de la cerise. J'adore ça."
Et avant qu'elle ne se redresse, Maël lui murmura : « Ce n'est que partie remise. »
Puis, elle se leva et partit d'un pas rapide. Cependant, elle tourna la tête au-dessus de son épaule, et observa Maël passer ses doigts sur ses lèvres. Cette vision lui arracha un immense sourire.
Il n'y avait plus de doutes possibles.
Elle aimait cet homme.
Lorsqu'elle rentra au château, elle n'arrivait à se départir de son sourire. Ses lèvres étaient si remontées qu'elle en avait mal aux joues. Elle avait hâte d'être à demain matin pour raconter sa soirée magique auprès de son prince, à sa meilleure amie.
Elle retira ses talons, mais au lieu de monter toute suite dans sa chambre, elle se dirigea dans le petit salon, où la cheminée était encore allumée.
Elle observait les flammes dansaient comme l'aurait fait les danseuses orientales.
Elle émit un long soupir et ferma les yeux. Elle se rejoua sa nuit encore et encore. Elle se la répétait comme une boucle sans fin, et riait à certains moments. Vu d'un oeil extérieur, elle aurait pu être prise pour une folle.
L'amour vous fait passer pour un fou.
Mais alors qu'elle commençait à s'endormir, elle entendit le hennissement d'un cheval.
Qui pouvait bien venir ici, à une heure pareille ?
Amandine se leva d'un bon de son fauteuil lorsque l'on tambourina à la porte.
Une voix d'homme hurlait de l'ouvrir.
Bien que terrifiée jusqu'au plus profond de son âme, elle prit son courage à deux mains et alla ouvrir la porte d'entrée.
C'est alors qu'elle tomba nez à nez avec son oncle.
Son oncle, à bout de souffle et qui pleurait.
Il pleurait toutes les larmes de son corps.
- Mon oncle ? Mais que se passe t-il ? Pourquoi êtes-vous là ? Pourquoi êtes-vous dans un état pareil ?
- Amandine...
- Qu'est ce qui se passe ?!
- Francesco est mort.