« — Tu mens ! J'ai senti ta haine, ta colère, ta soif de sang ! T'es qu'un... un monstre ! »
Haletant et sursautant, je sors de mon sommeil en sueur.
Me voilà de nouveau hanté par mes cauchemars.
J'essaie de calmer mon rythme cardiaque et de reprendre une respiration normale mais plongé dans mes souvenirs, je n'arrive pas à penser à autre chose. Les mots de Logan tournent en boucle dans mon esprit et même avant cette torture psychologique, il ne s'est pas passé un seul jour sans que je ne pense à lui...
Une légère pression sur ma main attire soudainement mon attention. La surprise de ce fait a au moins le mérite de casser ma crise et lentement, je relève les yeux pour remonter de cette main qui enlace la mienne à un visage que je connais bien. Je sais que voir le loup à mon chevet est logique dans un sens mais je ne peux pas m'empêcher d'en éprouver de l'étonnement. Dehors, la nuit est déjà tombée. La maison est silencieuse. Alors je repose mes yeux sur lui pour l'observer plus en détail. Je suis à la fois gêné et heureux voir Derek, endormi sur la chaise de bureau près de moi. Sa position plus cocasse que confortable a l'air de le déranger un peu mais en voyant les cernes sur ses yeux et en constatant que mon réveil brutale l'a à peine fait broncher, je me dis qu'il doit être vraiment épuisé. Sa tête repose en équilibre dans sa main droite alors que sa posture assise, le coude sur son genoux, pourrait s'effondrer à tout moment en le faisant basculer en avant.
Même endormi, il fronce les sourcils.
Cette pensée me fait lâcher un petit rire que je regrette presque immédiatement quand je le vois commencer à ouvrir les yeux, baillant à s'en décrocher la mâchoire. Tandis qu'il émerge, je ne bouge pas pour ne pas le brusquer. Je ne crois pas qu'il ait compris que j'étais réveillé et sûrement par automatisme, ses yeux se tournent d'abord sur le réveille qui affiche deux heures du matin plutôt que sur ma personne. Me contentant de l'observer dans le silence, j'attends le moment où il se rendra compte que je ne dors plus. Il faut dire que je ne sais pas vraiment quel comportement adopter avec lui en ce moment. La dernière fois qu'on s'est vu, je l'ai embrassé pour m'enfuir lâchement et me jeter dans la pire des situations possibles. Rien qu'à son expression ou la tension de ses épaules, je peux comprendre que la situation récente a été aussi dur pour lui que pour moi.
De plus, je suis totalement perdu en ce qui concerne notre relation. Est-ce que nous sommes ennemis ? amis ? plus que ça ? Ça a toujours été un peu flou et brouillon entre nous deux mais j'ai l'impression que plus les choses avancent et moins je n'ai de réponse. Qu'est-ce que ce lien de compagnon implique vraiment ? Est-ce que ça veut dire que nous sommes automatiquement ensemble ?
Mon cerveau en surchauffe, je me retrouve à regarder dans sa direction sans réellement le voir lui, les yeux dans le vague. Je ne sors de mes pensées qu'en sentant son autre main prendre mon poignet tandis qu'il nous sort du silence.
— Bordel Stiles, t'es réveillé ?! Tu vas bien ?!
Posant à nouveau mes pupilles sur lui, je constate une inquiétude plus qu'évidente sur son visage, me faisant presque regretter l'air taciturne qu'il affiche généralement.
Ma réponse doit trop tarder à son goût puisque le lycan réitère vite sa question.
— Stiles ? murmure-t-il en se rapprochant de moi.
Cette fois, nos visages ne sont plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Moi, assis sur le lit, lui, toujours sur la chaise. Étrangement mon esprit semble se déconnecter. Je ne sais pas quoi lui répondre, quoi lui dire. Devant ses pupilles aux couleurs orageuses, j'en viendrai même à oublier comment je m'appelle.
Je me souviens qu'ado, j'étais fasciné par ses yeux. Tantôt gris, tantôt bleu ou vert. J'ai toujours eu l'impression qu'ils abritaient une forêt déchainée par une tempête.
Sa présence a l'air de réveiller également mon loup puisque son odeur de bois de santal, de pluie et de cèdre m'arrive en plein dans les narines, me statufiant d'autant plus. Tout ce que je peux faire actuellement, c'est laisser mon regard s'aventurer sur son visage. Sa barde est un tout petit peu plus fournis que d'habitude. J'essaie de me reprendre en sentant que je m'attarde un peu trop à observer ses lèvres...
Ce n'est vraiment pas le moment.
Quelque peu perturbé par ce qu'il se passe, je me force à reculer, enlevant par la même occasion ma main de la sienne.
— Ouais ça va, dis-je finalement. J'arrive juste plus à dormir.
Derek se redresse alors, le dos bien droit sur sa chaise tandis qu'il m'analyse sans même s'en cacher. Si ça me gêne encore plus, je ne dis cependant rien. Je sens en moi le loup glapir de désapprobation par rapport à mon attitude envers l'ancien alpha mais je n'y peux rien, je ne sais pas comment me comporter.
Alors comme toujours, je tente le premier sujet qui me passe par la tête.
— Ton alpha sait que tu es ici ?
Est-ce que c'est le silence de Derek ou la sensation d'avoir manqué quelque chose qui me pousse à replonger mes pupilles sur lui, aucune idée. Tout ce que je sais, c'est que le stress et l'inquiétude me gagnent moi aussi quand je constate la crispation de son visage. Cette fois, c'est lui qui évite mon regard.
— Derek ? Scott sait que tu es là ? répété-je.
Après un temps infiniment long, il finit enfin par me répondre.
— Il n'a pas à le savoir.
— C'est ton alpha, rétorqué-je en haussant un sourcil.
— C'était.
Comment ça « c'était » ?!
— Répète, dis-je.
— Scott n'est plus mon alpha.
— Pou...
— C'est pas important, soupire-t-il.
« Pas important » ?! Il est en train de me dire qu'il n'a plus de meute et ce n'est pas important ? Mais-
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demandé-je, plus durement.
— Tu devrais te rendormir. On pourra en parler plus tard.
— Derek, grogné-je.
Encore une fois, le loup ne me répond pas.
— C'est Scott qui t'a chassé de sa meute ?
En posant cette question, je n'ai pas pu retenir le grondement de mon loup. Envisager que Derek a subit le même sort que moi m'est insupportable. Preuve en est que mes yeux se mettent d'eux-même à rougir de colère.
Le brun paraît comprendre le cheminement de mes pensées à ce moment-là.
— Eh, calme-toi, déclare-t-il. Scott ne m'a pas vraiment chassé. On s'est juste confronté et avec l'accord de mon loup, les autres et moi sommes partis.
— Les autres ? crié-je, surpris.
Il soupire, conscient de ce qui lui a échappé.
— Isaac, Peter, Lydia et Liam. On a quitté la meute tous les cinq.
— Mais pourquoi ?
— Tu sais pourquoi Stiles, soupire-t-il encore.
Faite que ça soit une mauvaise blague.
— Vous n'avez quand même pas quitté votre famille à cause de moi.
Paniqué d'être sans doute la cause de ce déchirement pour mes amis, je sens les larmes me monter aux yeux. Encore quelques années en arrière et la crise de panique m'aurait facilement prise à cet instant.
— Stiles, s'approche-t-il de nouveau. Scott s'en est pris à nous en essayant de nous soumettre. On ne pouvait pas rester. La meute a beaucoup trop changé.
D'une main, il se met à essuyer les gouttes qui s'échouent sur mon visage. Ses mots ne me rassurent néanmoins pas.
— Ce n'est pas de ta faute si on a pris cette décision. Il en est le seul responsable. Ne te blâme pas pour quelque chose que tu n'aurais pas pu éviter.
— Mais si je n'étais pas revenu...
— On aurait quand même fini par apprendre la vérité. C'est comme ça que ça se passe. Les secrets ne le restent jamais longtemps, encore moins dans une meute. Et je préfère passer toute ma vie en étant un oméga que m'allier à un alpha capable de se retourner contre sa famille par orgueil.
Le coeur serré, les iris luisant de cette couleur surnaturelle et particulière, je rétorque.
— Vous n'êtes pas des omégas, vous ne le serez jamais. Pas tant que je serai en vie.