Emeryde, tome 1

By Elka770

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Les jours du Kâal vont bientôt commencer, et des gladiateurs du monde entier affluent vers la grande arène d'... More

Preface
ACTE I - Chapitre 1
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
ACTE 2 - Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
ACTE 3 - Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Acte 4 - Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Chapitre 31
Chapitre 32
Chapitre 33
Chapitre 34
Chapitre 35

Chapitre 2

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By Elka770

Ces satanées images le hantaient. Il avait beau serrer les paupières, secouer la tête et crier, elles revenaient sans cesse, s'imposaient à lui, le consumaient.

Un soupir lui échappa. Chaque fois, il était plus brillant, plus rapide. Il bougeait vite, tranchait la main griffue de l'homme-porc avant qu'elle ne l'atteigne et, en un terrible rugissement, vidait ses boyaux à terre. Chaque fois, il était meilleur, plus fort. Et à peine avait-il triomphé que, comme une tempête qui ne cessait de tourbillonner, tout recommençait. Il s'avançait fouler à nouveau le sol chaud de l'arène, découvrait encore la grasse silhouette de son adversaire ... et se remettait en garde.

Ces images ... ces maudites images ! Se recroquevillant sur lui-même, il appuya son front moite sur ses mains tremblotantes. Ne trouverait-il jamais la paix ?

Le désert ... écrivit-il. Le désert d'Aknaleh m'a consumé tout entier.

Sa plume se rompit entre ses doigts crispés.

– Merde ! jura-t-il, avant de plisser les lèvres.

Il s'adossa au mur pour y reposer la tête. Sa plaie le lançait sans cesse, la douleur l'épuisait et, malgré le froid glacé de l'aube, il transpirait. Bien, songea-t-il, ce morceau brisé lui suffirait sans doute.

Je vais ici conter mon histoire, l'histoire d'un condamné. L'histoire d'une vie brève et, je le déplore, affreusement dépourvue de sens.

Il s'arrêta un instant, serra les paupières. Sa blessure gonflait de jour en jour. Elle était si enflée qu'il savait d'ores et déjà qu'il ne lui survivrait pas. La soif ferait de toute façon son office, si l'infection ne faisait le sien ... et sans doute s'en irait-il une nuit, au beau milieu d'un rêve, bien avant que les hommes de Dirmorah ne viennent le chercher. Au moins n'ornerait-il pas les murs d'Idayrön, la bouche entrouverte et le regard vitreux.

Tout a commencé loin d'ici, au cœur du désert de Nephet.

Où suis-je ... ? Quelques vautours tournoyaient au gré du vent. Ils poussaient de petits cris répétitifs et, du haut des cieux d'azur, lorgnaient son corps immobile.

Il plissa les yeux. La chaleur du jour était assommante ... et Laaov pouvait entendre battre son cœur dans ses tempes. Bon sang, qu'arrivait-il ?

C'était comme s'il peinait à se réveiller d'une étrange torpeur. Sa peau était rougie par les rayons du midi, son crâne lui paraissait à deux doigts d'éclater. Il n'avait la moindre idée du temps qu'il avait passé à gésir là, dans ce sable brûlant et sec ... ni de la façon dont il s'y était retrouvé.

Peut-être était-ce un mauvais rêve, envisagea-t-il en se redressant péniblement. Il posa une main sur son front, et se découvrit être aussi chaud qu'un bout de métal oublié en plein soleil. Non, ce n'était pas un cauchemar. C'était bien trop douloureux, bien trop tangible.

Son estomac se noua lorsque, portant le regard vers le lointain, il vit s'étendre un infini désert de dunes ... éblouissant et vide.

– Qu'est-ce que ... qu'est-ce c'est que ça, murmura-t-il.

D'est en ouest, du nord au sud, il était seul. Seul au beau milieu du néant. L'ombre d'un rapace aux ailes grandes ouvertes glissa, un bref instant, sur sa peau cramoisie ... et le jeune homme, tourné vers l'immensité ondoyante, demeura muet – immobile. Aussi loin que l'œil pouvait voir, il n'y avait rien d'autre que ce sable sans fin, rien d'autre que ces bourrasques hurlantes.

Tout était vide. Terriblement, redoutablement vide. Par les dieux ! Que se passait-il ? Comment était-il arrivé là ? S'il restait ainsi allongé, nu au cœur des dunes, sa vie serait brève. Extrêmement brève. Il devait se lever, songea-t-il en prenant appui sur les paumes de ses mains ... sans perdre un instant de plus.

Ses pieds s'enfoncèrent dans le sable, ses genoux vacillèrent et, malgré sa faiblesse, le jeune homme parvint à se dresser sur ses jambes. Aussitôt aurait-il retrouvé ses esprits, sûrement verrait-il ressurgir quelques souvenirs : sans doute cette amnésie n'était-elle que temporaire, sans doute avait-il pris un mauvais coup.

De longues secondes s'écoulèrent au rythme de son cœur tambourinant d'angoisse.

Rien. Toujours rien. Pas la moindre image, pas la moindre réminiscence d'un quelconque passé. Rien d'autre que ce même silence, ce même vide abyssal, ce même désert ardent.

Effleurant le sable chaud, une rafale courut devant lui.

Pourquoi ?! Pourquoi ne retrouvait-il nul souvenir ?! Lorsqu'il observa ses mains, il lui sembla les découvrir pour la première fois. Comment était-ce possible ? Il les ferma, les rouvrit ... les contempla. Elles étaient abîmées, rugueuses. Elles étaient celles d'un travailleur, d'un fermier ... Peut-être d'un guerrier.

Désireux de formuler quelques prières, il leva les yeux vers les nues. Des prières ? Du regard, il chercha là-haut le souvenir de quelques dieux qu'il aurait eu coutume de servir.

– Je ... voulut-il s'adresser aux cieux mugissants.

Ses lèvres demeurèrent scellées. Son prénom ! Oui, sûrement le retrouverait-il ! Son prénom était ...

C'était ...

Il tomba à genoux dans le sable.

Rien. Il ne me restait rien.

Assis là, dans sa petite grotte ombragée, sa gorge asséchée lui parut aussi douloureuse – aussi insupportable – qu'elle l'eut été dans ce lointain désert. Si le destin l'avait alors arraché aux affres d'une mort lente, en serait-il toujours ainsi ? Sans doute n'y aurait-il plus de miracle. Sa peau se craquelait à vue d'œil et, d'heure en heure, la soif devenait de plus en plus puissante. Comme jadis, le même démon revenait à lui, impérieux et cruel, pour lui réclamer son dû.

Pas le moindre souvenir.

Les bourrasques se firent plus fortes et Laaov se cacha le visage. Il ignorait depuis combien d'heures il marchait, brûlé par le plein jour et harassé par le sable. Enroulé dans une petite couverture rêche et trouée – ramassée en chemin – il avançait sans se poser de questions. Il avait soif, il avait peur ... et, plus le temps passait, plus il se sentait pris d'inquiétants vertiges. Sans eau, il n'irait plus très loin.

Il porta alors un regard vers l'horizon, espérant découvrir enfin quelques cités dressées par-delà le néant, quelques oasis cernées de tentes ... un puits, sortant miraculeusement de nulle part ?

Non. Dans cette immensité, il était désespérément seul. Jusqu'à perte de vue, il n'y avait pas même un modeste coin d'ombre sous un quelconque rocher.


Pourquoi ai-je marché si longtemps ?
écrivit-il d'une main chancelante.

Les doux rayons du matin pénétraient progressivement la grotte, enveloppant son corps fiévreux d'une agréable chaleur.

Pourquoi ne me suis-je point résigné ? Et pourquoi n'ai-je cédé au désespoir ?

Encore aujourd'hui, je ne saurais le dire. Quelque chose me poussait vers l'avant, vers ce salut en lequel je n'osais pourtant croire. Une voix intérieure, une ... étrange intuition. Ma bonne étoile.

Son temps était compté. Il alla dans la direction du vent pendant bien des heures, n'ayant l'audace de lutter contre lui. Survivre à son périple lui apparaissait impossible, tant le soleil pesait lourd. Et quand bien même aurait-il résisté à la chaleur de l'après-midi, échapperait-il à la morsure glacée de la nuit ? Ces étendues arides semblaient s'étirer jusqu'aux ultimes confins du monde ... et il n'avait que si peu de forces, si peu de courage !

J'ai avancé tout droit ... et ne me suis jamais retourné. Et lorsque le jour a décliné et qu'entre les dunes, j'ai senti serpenter un vent froid, j'ai cru que mon heure était venue. Cette maigre couverture n'aurait jamais suffi à me protéger du souffle gelé du désert. Pour la première fois, je me suis vraiment vu perdre pied. Lorsque tout à coup ...

Dans la rougeâtre pénombre du soir, le jeune homme aperçut quelque chose. Là-bas, cachées dans leur écrin de sable, dormaient une poignée de ruines : une douzaine de tristes bicoques, blotties au cœur d'une muraille effondrée. Leurs vieilles pierres jaunâtres semblaient avoir été englouties par le temps, usées par les siècles.

La chance lui souriait-elle ? Ce sombre tunnel qu'il avait arpenté, toute l'après-midi durant, avait-il donc une fin ? Il serra la couverture autour de ses épaules écarlates. Ces murs, bien que vétustes, le protégeraient du froid et des tempêtes. Et si le destin était clément avec lui, peut-être trouvait-il même les restes d'un puits centenaire, dont les eaux glacées n'attendaient que lui.

Il s'avança en titubant et manqua de tomber, tant il était fiévreux. Non. Il n'était pas question de se laisser aller à l'épuisement. Pas maintenant. Il n'avait plus que quelques centaines de mètres à parcourir avant de pouvoir, enfin, s'asseoir à l'ombre d'un mur, poser sa tête brûlante sur des pierres froides ... et reprendre son souffle jusqu'au petit matin.

Ses genoux grinçaient à chaque pas, son crâne lui semblait bouillir de l'intérieur. Sans doute n'aurait-il tenu plus longtemps, sans doute faisait-il usage de ses toutes dernières forces.

Le regard rivé sur la pâle silhouette de son salut, il avança péniblement. Un millier d'années paraissaient être passées sur cet endroit. Il évoquait le vestige d'un ancien monde, les restes d'une époque oubliée. Peut-être ce village était-il témoin de temps lointains, où ce sinistre océan de sable n'existait pas encore ? Au milieu des gravats, Laaov découvrit un vieux véhicule à la carrosserie esquintée. Il n'avait plus guère la moindre couleur. De toute évidence, ce n'était qu'une épave, un quelconque tas de ferraille oublié là, voilà des décennies, sinon des siècles.

Mais si ... s'il fonctionnait toujours ? Peut-être alors pourrait-il ...
Le jeune homme se raisonna. Non. C'était impossible. Les batteries devaient être mortes depuis bien longtemps. Comment une voiture aurait-elle pu arpenter ces montagnes de sable, de toute façon ? Sans doute se serait-elle enlisée avant même d'avoir pu démarrer.

Les jambes flageolantes, le vagabond s'avança quelques instants encore. Lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques pas des murs de la ville, il distingua soudain un bruit par-delà les bourrasques ... et s'arrêta net.

Ce battement était étranger au désert. C'était une sorte de claquement répétitif, comme si le vent fouettait quelque chose. Il scruta les décombres et remarqua, sur l'un des bâtiments à la façade démolie, une toile rougeâtre solidement tendue.

Ses jambes lui semblèrent à deux doigts de le lâcher. Se pourrait-il, se demanda-t-il sans trop oser y croire, qu'il y ait quelqu'un, ici ?!

Son cœur palpita d'un souffle nouveau. Nul ne pouvait, pourtant, survivre au cœur de ce néant !? Ou peut-être rêvait-il éveillé, peut-être les délires de la fièvre commençaient-ils à avoir raison de lui. Oui, ce ne pouvait être qu'un mirage, son cerveau brûlant lui jouait certainement des tours. Il se frotta les yeux et découvrit, empalés sur quelques pics, plusieurs Hostiles dépecés séchant au soleil. Un peu plus loin, il y avait un métier à tisser, toujours intact, et son œuvre inachevée. Et là-bas, des tombes, fraîchement fleuries. Fleuries ?! bondit-il.

Ailleurs encore, des peaux tannées.

Comment était-ce possible ?! Des gens habitaient-ils vraiment ici, au milieu de nulle part ?

Porté par un fulgurant regain de courage, il se précipita à grandes enjambées, dévala la dune à toute allure, se prit les pieds dans sa couverture et glissa. Se relevant aussitôt – non sans un effort, il se rua de plus belle vers les murailles arrondies par l'usure. Était-il sauvé ?! Trouverait-il à boire, à manger ?

C'est alors que là-haut, au sommet des pierres, Laaov croisa soudain un regard ... et se figea sur place.

Perché comme un rapace au sommet d'une vieille tour, une sombre silhouette emmitouflée dans d'épais vêtements le toisait sans bouger. Un fusil était posé sur son épaule, sa longue cape défraîchie battait aux vents. Caché sous un turban couleur d'argile, l'on ne voyait de son visage qu'une menaçante paire d'yeux clairs, fixement rivés sur le jeune homme.

Celui-ci sentit se tordre son estomac. Son euphorie n'avait duré qu'un instant.

Tous deux demeurèrent immobiles et, quelques secondes durant, s'échangèrent un silencieux regard. Le temps parut s'arrêter et l'on n'entendit plus que le plaintif sifflement d'une rafale, dansant dans la large tunique de l'étranger.

– Que fait un homme seul et sans monture, lança soudain une voix, au beau milieu du désert ?

Laaov tourna la tête et découvrit avec stupeur trois autres silhouettes, postées ci et là au sommet des murailles. Tous armés. Deux bandaient un arc, tandis que le troisième tenait un glaive à la lame rouillée.

Il se recula d'un pas. Que pouvait-il leur répondre ? Il ne savait rien, ni sur eux, ni sur cet endroit. Il ne savait rien de ce qu'il faisait là, ni d'où il se rendait ... ni même de qui il était.

Ses lèvres demeurèrent closes, aussi closes que l'était sa mémoire. Leurs regards inquisiteurs, férocement braqués sur lui, lui glaçaient le sang.

– Tu ne parles pas notre langue ?

Le jeune homme n'osa pas acquiescer.

– Faites-le entrer, il n'a pas l'air dangereux, lança l'un d'entre eux.

– Et si c'était un piège ? rétorqua un autre.

– Il n'est pas armé. Regardez-le, il fait peine à voir. Faites-le entrer, donnez-lui un peu d'eau.

Laaov ne bougea pas d'un pouce. Cela signifiait-il qu'il était enfin sauf ? Il n'osa y croire.

Sautant les marches deux par deux, l'un des archers descendit du haut de sa muraille et s'approcha de lui. Sa silhouette, bousculée par le vent, était fine et menaçante. Il y avait, en elle, quelque chose de rude, de sauvage ... de cru.

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