J'essaye de prononcer le prénom Alex, mais aucun son ne sort. Je me saisis du bloc note, y écris le prénom d'Alex et lui tends. Il resserre la jointure de ses mains. Son visage se charge de colère.
— Le putain d'enfoiré. Tu as porté plainte ?
Je hoche négativement la tête.
— Il t'a menacé, ce pourri.
Je me saisis du bloc note et écrit quelques lignes. Il les lit avec attention, puis frappe contre un mur, je sursaute.
- Tu vas venir ici quelques jours. Je fais les grands yeux.
— Il va surement essayer de te recontacter.
Je refuse catégoriquement de m'installer chez lui, je me connais, je sais que je vais y avoir autre chose qu'une aide sans arrière-pensée. Je vais me mettre à imaginer une possible relation avec lui. Et je vais replonger tête baissée dans cette spirale infernale.
Il insiste lourdement, il me met face à ses contradictions. Je finis par accepter, juste quelques jours, le temps de pouvoir faire ma déposition et de mettre en place une mesure restrictive.
Il m'accompagne récupérer quelques affaires à l'appartement. Il reste dans un coin et m'observe remplir ma valise. Il aurait pu tant m'apporter s'il n'avait pas ses blocages relationnels. J'aimerais tant pouvoir connaître ses secrets, ses blessures, qui ont fait de lui cet artiste torturé et instable. Les miennes, je les connais, et elle me submerge dès que je m'approche d'un homme qui peut me plaire.
Il se saisit de ma valise et rejoint ma voiture. Il ne tente pas d'en savoir plus, il accepte le peu d'informations que je veux bien lui donner.
Il me prépare une chambre d'ami, je pose mes affaires dans la pièce. J'entends la porte se refermer. Il s'en va sûrement rejoindre une nouvelle conquête. Je m'assois sur le lit, mes yeux se ferment, je ne me sens pas partir. Je suis réveillée par des mains qui déposent une couverture sur moi.
— Je t'ai réveillé, je suis désolé.
Je hoche négativement la tête.
— Tu as faim ?
Je hoche positivement la tête.
Il m'adjoint de le suivre dans la cuisine. Il se met aux fourneaux, ça sent divinement bon. Je m'approche de lui pour le regarder faire. Il pose ses yeux noisette sur moi et je me laisse emporter par cette ambiance réconfortante. Il amène ses mains vers mes marques et caresse ma peau violacée.
— Pourquoi agis-tu comme ça, Tanya ?
— Et toi ?
Avec une voix chuchotante et tremblante.
On se fixe de longues secondes, désarmé.
Puis, il fait comme si de rien n'était, il dresse nos assiettes et les dispose sur l'îlot central. Il me pose des couverts. Je commence à goûter son plat et c'est comme je l'imaginais, délicieux.
— Tu aimes ?
Je hoche la tête avec entrain, ce qui le fait sourire.
On mange en silence, j'ai épuisé ma capacité d'émettre un son, j'ai essayé, mais impossible de dire quoi que ce soit. Je l'aide à débarrasser la table, dans un silence religieux. On se dirige ensuite dans son canapé. Il finit par me laisser et rejoint son atelier.
Je m'endors sur le canapé, je me réveille quelques heures plus tard par une envie pressante, en me dirigeant vers ma chambre, je vois de la lumière dans son atelier. Il n'est toujours pas sorti. J'ouvre la porte, il peint avec frénésie. Il ne prête pas attention à moi, trop immergé dans son art. Je m'approche de lui, et je pose mes mains sur ses épaules. Il sort de sa transe et me fixe.
— Tu ne dors pas?
Je hoche positivement la tête. Il s'essuie les mains sur un torchon.
— Pas besoin de m'envoyer des messages et de m'appeler, je suis à quelques mètres.
Je hoche la tête, exaspérée.
On quitte son atelier, il se dirige vers la douche, j'entre dans la chambre d'ami et tente de m'endormir. Le sommeil semble ne plus vouloir m'emporter. Je me redresse, je sors de la chambre et me dirige vers la sienne. Je sais pertinemment que ce n'est pas raisonnable. Mais me faire rejeter ne m'arrête pas, ma pulsion est plus forte.