Lundi 30 août, New York
Reçu de James - 9 h 14 : Coucou. Je suis désolé, j'ai un empêchement pour cet après-midi. Je dois faire un aller-retour à Los Angeles pour voir mes musiciens. On se voit demain. Je t'embrasse. James.
Envoyé à James - 9 h 37 : Pas de souci. Ça dirait à Georgina qu'on sorte ? À demain. Je t'embrasse. A.
Assise à la table de la cuisine en train de boire mon chocolat, je pose mon portable après avoir répondu à James. On ne se verra pas aujourd'hui. La question est : qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Le grand départ est pour dans dix jours et rien n'est prêt, car je passe tous mes après-midi chez James ou en balade avec Georgina. La lycéenne me trimballe d'un musée à l'autre ou d'une boutique de fringues à l'autre. N'ayant pas de sœur, Georgina m'a fait la confidence que ça lui manquait. Elle a donc décidé de m'attribuer le rôle de grande sœur de cœur. Elle veut qu'on passe du temps ensemble pour apprendre à mieux se connaître, ce qui ne me gêne absolument pas, car elle est vraiment adorable. Elle ne me l'a pas dit directement, mais je sais qu'elle a compris qu'avec son frère, on tient l'un à l'autre sincèrement.
Reçu de James - 9 h 42 : Coucou ici Georgina. J'aurais adoré, mais une de mes amies vient voir sa grand-mère pour quelques jours et on a prévu de se voir aujourd'hui. Je dois l'amener dans la boutique de fringues que tu m'as fait découvrir l'autre jour. Bisous, bisous.
Envoyé à James - 9 h 49 : OK. Profite bien de ta virée. Bisous.
Bon, je crois que cette journée va être consacrée au tri et aux cartons. Je n'ai vraiment pas envie, mais si je ne me décide pas maintenant, il faudra que je le fasse à la dernière minute et je vais oublier plein de choses. C'est sûr et certain. Et puis, qu'est-ce que je pourrais faire d'autre ? Aller voir ma mère ? Même pas en rêve. C'est à elle de faire le premier pas pour s'excuser, mais je sais qu'elle m'en veut toujours même si Liz m'a avoué que Zach lui avait dit la vérité.
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Je suis super contente de moi. En quatre heures, j'ai trié ma cave et mon cagibi. Qu'est-ce qu'on peut stocker du bazar qui ne sert absolument à rien au fil des années. Quasiment l'intégralité des deux pièces est maintenant enfermée dans des sacs poubelles. Le reste est réparti dans cinq cartons que j'ai empilés dans un coin de mon salon. Cet après-midi, ça sera ma chambre et mon salon.
L'horloge sonne quatorze heures et je récupère mon plat qui est au four à micro-ondes. Le temps de le poser sur la table et je sens mon portable vibrer dans ma poche.
Reçu de Liz - 14 h 02 : Je passerai te voir en quittant du boulot, vers17 h 00.
Envoyé à Liz - 14 h 04 : Pas de souci. Je ne bouge pas de chez moi de toute façon. À tout à l'heure.
Je pose mon portable à côté de mon plat et récupère ma fourchette. Depuis ma discussion avec James dans le magasin d'ameublement et sa révélation qu'il cuisinait, je me sens coupable à chaque fois que je sors un plat surgelé du congélateur. Si lui, la grande star à l'agenda de ministre a le temps de cuisiner, je devrais l'avoir aussi maintenant que j'ai mes journées de libres. Il faut dire que vu la mère de James, je suis persuadée qu'il a profité des bons petits plats de sa maman chaque jour de la semaine durant son enfance.
Durant la mienne, ma mère, trop accaparée par sa carrière d'avocate, n'avait pas le temps de cuisiner ni de m'élever pour dire vrai. Dès que j'ai été en âge d'aller à l'école, je passais mon temps entre la garderie du matin, l'école, la cantine, l'école et la garderie du soir. Mon père était policier et venait me chercher dès qu'il le pouvait, ce qui était assez rare, il faut l'avouer. J'étais tellement fière de lui quand je le voyais arriver à la garderie en uniforme. C'est d'ailleurs lui qui m'a donné le virus des plats surgelés, car mettre un plat au four à micro-ondes était ce qu'il savait faire de mieux. Il avait essayé de cuisiner, mais tout ce qu'il préparait était absolument immangeable. Ses tentatives ratées font partie des meilleurs souvenirs que j'ai de mon père.
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L'horloge sonne dix-sept heures alors que j'ai la tête dans mon armoire. Je suis en train de récupérer tous mes vêtements pour vider le meuble et je les balance sur mon lit quand la sonnette de mon entrée retentit. Je sors de ma chambre et rejoins la porte. Quand je l'ouvre, je suis surprise d'y voir Liz avec ma mère. Elle a omis de mentionner la présence de ma mère dans son message.
— On peut entrer ? me demande mon amie.
Je me décale et laisse les deux femmes entrer avant de claquer la porte. On rejoint mon salon, sens dessus dessous et où une montagne de sacs poubelles se trouve devant une petite vingtaine de cartons empilés. Je ne dis rien et vois ma mère grimacer et froncer les sourcils. Je n'attends pas qu'elle me demande des explications et attrape le bras de Liz pour la conduire dans ma chambre.
— Tu m'expliques ?
— Elle est arrivée juste derrière moi, se justifie-t-elle en regardant les vêtements entassés sur mon lit.
— Liz ! je m'écrie, car je sais qu'elle ment, qu'elle me ment.
— Bon d'accord, soupire-t-elle en se tournant vers moi, je lui ai demandé de m'accompagner te voir, car vous devez absolument discuter. Tu pars dans quoi ? Quinze jours ?
— Dix.
— Encore pire ! Et elle n'en sait rien. Tu dois lui dire.
— Je ne suis pas prête à entendre ses excuses.
— Alex, elle sait la vérité, écoute ce qu'elle a à te dire. Et puis il faut que tu lui dises toutes les bonnes choses qui te sont arrivées depuis la dernière fois que vous vous êtes vues.
— Tu es impossible ! je crie en sortant de ma chambre.
Je rejoins le salon suivi de près par mon amie et retrouve ma mère assise sur le canapé.
— Je t'écoute, je dis en me plantant devant elle.
— C'est plutôt à toi de m'expliquer... Ça, reprend-elle en désignant mon bazar.
— C'est très simple, je souris, je quitte New York. Je rends mon appartement dans neuf jours et un brocanteur m'a racheté tous les meubles. Je fais du tri pour savoir ce que je garde et ce que je jette ou vends. À ton tour.
— Tu quittes New York ? répète ma mère surprise.
— Tu m'as bien fait comprendre que je devais grandir et bien, c'est ce que j'ai fait. Et j'ai appris que quand une porte se ferme, une autre s'ouvre quelque part.
— Tu aurais quand même pu m'en parler avant de prendre cette décision, me reproche-t-elle.
— Je sais que Zach t'a tout expliqué concernant l'annulation de notre mariage, mais tu n'as pas trouvé bon de m'appeler pour t'excuser. Je ne vois pas pourquoi je t'aurais demandé ton avis. J'ai trente ans, comme tu aimes à me le rappeler, et je fais mes propres choix en mon âme et conscience. Et contrairement à ce que tu crois, je les assume complètement.
— C'était à toi de m'expliquer, Alexandrine. Zach a été un amour de prendre tous les torts, mais j'ai compris pas mal de choses dans son discours.
— Super, je souris faussement, tu vas peut-être pouvoir m'expliquer pourquoi il s'en est rendu compte que maintenant qu'il ne m'aimait pas alors qu'on était ensemble depuis quasiment dix ans.
— Ce n'est pas ce que je voulais dire.
— Je sais ce que tu voulais dire, même si Zach t'a absolument tout expliqué, chose que je n'ai pas eu la chance d'obtenir, tu penses toujours que c'est de ma faute si le mariage n'a pas eu lieu.
— C'est quand même toi qui étais absente ! Tu ne peux pas dire le contraire.
— Parce qu'il m'avait larguée la veille ! Je pensais que s'il avait eu le courage de m'envoyer son foutu SMS, il avait eu le courage de prévenir tout le monde !
— Tu ne crois pas que c'était plutôt à toi de nous prévenir ? Tu te reposais trop sur lui, soupire-t-elle en hochant la tête.
— Je n'y crois pas, je rigole faussement en passant mes deux mains sur mon visage. Quoi que je dise, tu prends toujours la défense de Zach. Je sais que tu as toujours rêvé d'avoir un garçon, mais je te rappelle que c'est, malheureusement, MOI ton enfant. Et que comme toute bonne mère, tu es censée prendre MA défense, pas celle de ton ex-beau-fils.
— Maintenant, tu insinues que je ne suis pas une bonne mère, s'écrit-elle choquée.
— Je n'insinue rien.
— Bien, si c'est comme ça, je m'en vais. Discuter avec toi ne sert à rien, tu ne comprends jamais rien de toute façon.
Je ne relève pas sa pique, car je sens que je vais péter un câble. Ma mère, après avoir embrassé la joue de mon amie, quitte mon appartement sans un regard en arrière. Tant qu'elle n'aura pas compris que je n'y suis pour rien dans l'annulation de mon mariage, on ne pourra pas avoir une vraie conversation.
— Je suis désolée, s'excuse Liz la porte à peine fermée. Je pensais qu'elle avait pigé que c'était Zach le fautif.
— Je ne t'en veux pas, je lui annonce en rejoignant la cuisine pour lui faire un café, et cette discussion ne m'étonne même pas. Si elle avait compris, elle m'aurait appelée dès qu'elle avait eu l'explication de Zach.
— Alors tu l'as fait ? me questionne-t-elle avec un sourire en s'installant au bar.
— Tu parles de quoi ? je demande surprise dos à elle et devant la cafetière.
— Rendre ton appartement. Je ne pensais pas que tu irais jusqu'au bout. Tu as aussi rendu sa bague à Zach.
J'ai omis le passage où je l'ai vendue pour trois fois son prix à un prêteur sur gages à Los Angeles.
— Tu as vendu ta robe de mariée.
Autre mensonge. En rentrant de Los Angeles, je me suis amusée à en faire des confettis. C'était vraiment libérateur de reporter toute ma colère sur elle.
— Et maintenant tu rends ton appartement, continue-t-elle alors que je pose la tasse devant elle.
— C'est la suite logique. Je veux me débarrasser de tout ce qui me rappelle ma relation avec Zach. J'en ai besoin pour tourner définitivement la page.
— Tu es hyper courageuse, Alex. Je ne sais pas si j'aurais été capable de faire un centième de ce que tu as ou vas faire.
— Je ne pensais pas l'être, mais cette rupture m'a permis de découvrir énormément de choses sur moi-même.
Il n'y a pas que la rupture. Mais je préférerais me planter un pieu dans le ventre plutôt que de lui avouer que la présence et surtout l'amitié de James a été d'une précieuse aide pour ça. Aussi.
— Je suis si fière de toi, m'affirme-t-elle avec un sourire sincère.
— Moi aussi, je suis fière de moi, je lui réponds avant qu'on éclate de rire en même temps.
Ici dans cette cuisine, à regarder Liz rigoler, je me rends compte que je ne lui en veux plus. Elle a commis une erreur, et contrairement à ma mère, elle l'a compris et s'est excusée.
— Je t'adore, je lui dis, car c'était la phrase qu'on se disait toujours après nos disputes et qui permettait de savoir que l'autre ne nous en voulait plus.
— Moi aussi, je t'adore, me sourit-elle avant de se lever.
Elle vient me rejoindre et on se tombe dans les bras, ce qui nous permet d'enterrer définitivement la hache de guerre.
— Tu as besoin d'aide ? m'interroge-t-elle après qu'on se soit lâchées.
— Si tu veux, je souris. J'allais trier mes vêtements, si tu veux en récupérer...
— Avec plaisir, se réjouit-elle avec un grand sourire.
On retourne dans ma chambre et après avoir fini de vider mon armoire en enlevant la boîte contenant la robe blanche que James m'a offerte, je me tourne vers Liz.
— Qu'est-ce que c'est que ça ? me questionne-t-elle en la désignant.
— Juste une robe, je lance en la posant sur mon bureau où il y a déjà la boîte contenant les cuissardes et la sacoche contenant la pochette.
— Je peux ? demande-t-elle alors que je suis retournée près du lit.
Elle n'attend pas mon accord et ouvre la boîte où le nom de la maison de haute couture s'affiche. Je la vois écarquiller les yeux sous la surprise et enlever les protections avec délicatesse.
— Waouh, s'exclame-t-elle en récupérant la robe courte. Elle est sublime.
— Fais-y gaffe, elle vaut une blinde.
— Tu m'étonnes. Comment tu as pu te payer ça ?
— Cadeau de James, je lui avoue, car je ne trouverai jamais un mensonge assez gros pour expliquer la présence de ces vêtements chez moi.
Elle range la robe avec prudence et récupère la seconde boîte.
— Ces cuissardes sont incroyables, sourit-elle alors que la marque de luxe s'affiche sous ses yeux ébahis.
Elle range les chaussures et jette un coup d'œil à la pochette griffée, elle aussi.
— Et il y a une veste en cuir. La rose dans l'entrée.
Liz sort de la chambre et revient quelques secondes plus tard, elle semble perplexe.
— Ce sont aussi des cadeaux de James, je lui confesse avant qu'elle me pose la question.
— Ah, mais oui ! Tout s'explique ! annonce-t-elle en sortant son portable de sa poche.
Elle farfouille dedans en cliquant à de nombreuses reprises avant de me montrer une photo de la soirée où j'ai été avec James à Los Angeles et où je portais cette tenue. Même si on ne voit pas mon visage, on voit bien ma main dans celle de James.
— C'est toi avec lui. N'est-ce pas ?
— Effectivement.
— Tu m'avais pourtant dit que vous ne vous étiez pas beaucoup vus.
— Liz, quand on en a discuté, notre amitié n'était pas au mieux de sa forme. Je ne savais pas si je pouvais encore te faire confiance. Donc je t'ai dit le strict minimum.
— Et maintenant, tu vas me donner la version longue j'espère, sourit-elle.
Je dirai plutôt la semi-longue. Je vais passer sous silence sa venue dans mon appartement, le failli baiser à Los Angeles et surtout toutes les occasions manquées. Tout comme mes sentiments, car même moi, je ne suis pas encore certaine de savoir de quoi il en retourne.
— Bien sûr, je souris.
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