Je montais dans la voiture de Spencer en soufflant.
-Tu n'as pas dormi dans le jet ?
-J'ai aidé Hotch pour qu'il puisse profiter de Jack aujourd'hui.
-Tu as dormi à peine quatre heures ?
-Je vais dormir en rentrant.
-Je...
-Tu ?
-Je voulais faire quelque chose avec toi aujourd'hui.
-J'ai besoin d'une sieste. Mais on peut faire quelque chose après.
-Tu as raison, tu as besoin de dormir.
-Tu veux monter ?
-Je ne veux pas t'embêter.
-Tu ne m'embêtes jamais.
Je voyais qu'il n'avait pas envie d'être seul aujourd'hui. Et je comprenais ce sentiment plus que bien. Dans mon appartement, les premières nuits à Quantico avaient été difficiles, loin de ma famille, de mes amis, dans une nouvelle équipe qui était soudée et dont je ne connaissais rien. Ou parfois juste les soirs après une enquête, où on se demandait si ce qu'on faisait servait vraiment à quelque chose. Je sortis de la voiture et il sortit derrière moi. Mon appartement était dans sale état, de la vaisselle s'empilait, des tas de fringues étaient un peu partout. J'en pris le maximum dans mes bras pour aller le mettre dans mon panier dans la salle de bains. Il se retint de rire en me voyant faire. Je mis un short et me mis sous ma couette. Il vint se placer au bout de mon lit, un livre dans la main. Il pointa la place à côté de moi et je le laissa s'y mettre. Il colla son dos contre le mur et je me mis sur le côté, me rapprochant de lui, sentant sa chaleur malgré la couverture entre nous. Il se mit à lire, posant sa main sur mes cheveux qui reposaient sur l'oreiller, jouant avec mes mèches.
Je me réveillai, à côté de la plaque suite à ma sieste. Une douce odeur de frites me fit me lever. Spencer s'activait dans la cuisine, un tablier à moi autour de son cou. Je tirai une chaise, mettant mes mains sous mon menton pour pouvoir l'observer autant que je voulais. Il se retourna, une poêle dans une main et un ustensile dans l'autre, s'arrêtant net.
-Je ne t'ai pas entendu te réveiller.
-Je t'observais. Qu'est ce que tu fais ?
-Je te prépare un repas. Je sais que tu aimes les frites, du coup une portion cuite dans le four. Et j'ai pris du tempeh pour le faire au curry. C'est prêt d'ailleurs.
-C'est gentil...Tu es vraiment le seul qui me fait à manger.
-Je me suis dit que tu devais avoir faim. Il est passé treize heures.
Je pris l'assiette qu'il me tendit et trempais mes frites dans la mayonnaise. Il avait dû y passer du temps, je n'avais jamais aussi bien cuisiner le tempeh par moi-même.
-Tu es un vrai cordon bleu quand tu veux, c'est délicieux.
-J'ai juste suivi une recette. Tu veux faire quelque chose le reste de l'après-midi ?
-Tu veux aller à la plage ?
Une grimace passa sur son visage.
-Je n'aime pas la plage...Les germes...Le sable...
-Ok, pas la plage...
-Après, si tu veux, on peut quand même y aller.
-Non, tu n'aimes pas, on n'y va pas. Et si on allait prendre un café et se balader ? On verra bien où ça mène ? On peut même faire du sport en fin d'après-midi.
-C'est parfait.
Je me changeais pour une jupe longue et un débardeur avant d'aller dehors. Le soleil était agréable sur ma peau, je sentais encore la fatigue, je n'avais pas récupéré complètement mais j'avais cet engourdissement que l'on pouvait ressentir dans ce genre de journée. On entra dans un café où je pris un flat white et lui un café au caramel. Je fronçai les sourcils, sentant une présence par la fenêtre. J'y jetai un coup d'œil sans rien apercevoir. C'était peut-être un membre de l'équipe ou simplement un passant curieux...Ou mon boulot qui me rattrapait. On se posa et on commença à discuter de tout et de rien. Il parla du dernier livre qu'il avait lu, de l'avancée de son énième thèse, de sa mère, de trucs de geeks que je ne comprenais pas forcément. Pourtant je pouvais l'écouter parler pendant des heures, encore et encore. Le voir aussi passionné par ce genre de choses me donnait envie de le prendre dans mes bras. Il était trop bon pour ce monde. On marcha un peu avant de rentrer.
-Tu étais comment au lycée ? Me demanda-t-il après avoir raconté cette partie de sa vie.
-J'étais transparente. Personne de mon âge ne s'intéressait à moi, à part mes meilleurs amis. On vivait notre vie tranquillement.
-Tu ne peux pas être transparente.
-Je t'assure que si. Je n'étais pas aussi sportive à l'époque, je n'avais rien pour me démarquer à proprement parler, aucun groupe à me rattacher. J'avais des bonnes notes mais je n'étais pas la meilleure. Pour le bal de promo, je n'ai reçu aucune invitation alors on a fini par y aller à deux avec Evangéline.
-Et Matthieu ?
-Il avait forcément quelqu'un à amener. Il était déjà un tombeur en dernière année.
-Je t'aurai invité au bal de promo.
-Je sais. Et on aurait dansé ensemble sur une valse.
-Je ne sais pas danser.
J'ouvris la porte de mon appartement, pris mon téléphone et mis une valse sur mon enceinte.
-Non...Je ne sais vraiment pas danser.
-C'est moi. Je ne sais pas danser non plus.
Il prit ma main, se tenant d'abord loin avant de se rapprocher pour me coller contre lui. Je posais ma tête sur son épaule, sentant son cœur battre. Il manqua de marcher sur mes pieds quelquefois et je fis de même. On resta collé tout le long de la chanson avant que ma playlist reprenne le dessus et que 505 d'Arctic Monkey résonne. Spence ne retira pas sa main de la mienne, me faisant tourner doucement ce qui me fit sourire, avant de me tirer vers lui.
-Tu sens toujours la pêche.
-C'est mon parfum, ma mère m'achète toujours le même depuis que je suis petite.
-C'est agréable. A chaque fois que je sens cette odeur, je pense à toi.
-Moi, c'est quand je sens le café ou les vieux livres.
-C'est moins séduisant.
-Moi, je trouve que si. Ça donne un certain charme.
-Arrête d'essayer de me flatter.
-C'est faux. Tu sais très bien que je suis franche.
Il haussa les épaules, se décollant légèrement, assez pour qu'il puisse me regarder, mais toujours aussi près pour que sa présence m'entoure. Il lâcha ma taille pour poser sa main dans mes cheveux. Je penchai légèrement la tête, fermant les yeux, savourant ce contact. Combien de fois ces derniers jours j'avais eu envie de l'embrasser ? C'était comme quand on goûte un nouvel aliment, j'en voulais encore et encore. Savoir ce que ça faisait de l'embrasser rendait encore plus dur le fait de ne pas l'embrasser.
-Ava...
-Spence ?
-J'ai très envie de t'embrasser.
-Pourquoi tu ne le fais pas ?
-Je ne veux pas que ça redevienne comme la semaine dernière.
-Est-ce que tu vas fuir de mon appartement après ?
-Non. Mais tout va devenir compliqué.
-Et si on prenait une parenthèse sur tout ça ?
Son regard vacilla entre mes lèvres et mes yeux. Je vis le moment où sa patience disparut, son regard redevint celui des derniers jours et je le sentis au creux de mon ventre. Sa bouche se posa sur la mienne, en douceur. Il n'avait pas la même intensité que la première fois, me permettant de savourer le contact. Il finit par poser sa deuxième main autour de mon visage, ses mains mirent une légère pression, s'entremêlant à mes cheveux. Sa langue passa la barrière de ma bouche et je jouai avec, lentement. Je sentis une douce chaleur se propager le long de mon corps, mes mains sur ses hanches. Je serrai d'avantage, pour ne pas faire autre chose. Je voulais le laisser guider ce baiser, qu'il fasse ce qu'il avait envie sans le brusquer. Il se recula, me fixant, son pouce traçant des ronds sur ma joue.
-Tu vas bien Spence ?
-Je crois que oui.
-Tu veux avoir de l'espace pour réfléchir ?
-Non...Je pense que ça ira.
-Tu veux manger quoi ce soir ?
-Des pancakes salés ?
-Je peux faire ça...
Je me retournais, et il me retint, tirant sur mon bras pour que je me retourne vers lui. Il reposa ses lèvres sur les miennes un quart de seconde.
-Si tu savais le nombre de fois où j'ai voulu faire ça.
-Ne dis pas ce genre de choses.
-Pourquoi ?
-Je trouve ça vraiment séduisant.
-Je le ferai plus souvent.
-Flirteriez vous avec moi monsieur ?
-Si c'est ça flirter, alors oui.
Je le regardai par-dessus mes lunettes. Il avait un immense sourire aux lèvres, je passai la main sur son visage pour finir par ses cheveux. Il se laissa faire, gardant ses yeux sur moi. Je me détachais difficilement pour commencer à faire les pancakes. Il se posa sur un tabouret proche de l'îlot de ma cuisine, ses mains en dessous de son menton.
-J'aime quand tu es comme ça. Dis-je en faisant cuire
-Comment ?
-Heureux et insouciant.
-Je suis comment d'habitude ?
-Je ne sais pas...Plutôt triste et avec ton cerveau qui tourne à plein régime.
-Et tu n'aimes pas ?
-Si, bien sûr que si. Seulement, te voir sourire comme ça...je préfère. Surtout si j'en suis la cause, de façon égoïste.
Je mis la pâte à pancake dans la poêle, préparant un guacamole, sortant des œufs et du saumon. Spence vint m'aider pendant que je finis les pancakes. On disposa tout ça autour de la table et chacun se servit. On mangea en parlant de musique, lui m'apprenant des classiques et moi lui apprenant mon amour pour Artic Monkeys et Chase Atlantic. On se chamailla un peu et on finit par faire la vaisselle tous les deux.
-Avec tout ça, on n'a pas fait de sport. Dit Spencer.
-C'est vrai. On peut aller courir demain matin avant d'aller travailler ?
Il joua avec ses doigts, fixant le plan de travail sans lever la tête vers moi. Quelque chose clochait dans son comportement. Il faisait souvent ça quand son esprit tournait à plein régime.
-Tu vas bien ?
-Tu veux que je dorme ici ?
-Je ne t'oblige à rien. Tu peux aller dormir chez toi et venir ici demain matin. Ou dormir ici. Je n'attends rien de toi, tu comprends ça ?
-Mais...
-Pas de mais. Jamais je ne te forcerai à faire quelque chose. Tu veux rentrer chez toi ?
-J'ai envie de dormir ici. Je dors mieux quand tu es dans les parages.
-Je te prépare le canapé ?
Il continua de se triturer les mains, se tournant vers le canapé, sortant des affaires de son sac.
-Docteur Spencer Reid, je ne lis pas dans votre esprit. On va devoir apprendre à communiquer toi et moi. J'ai besoin de savoir tes envies et si tu as quelque chose en tête.
-J'aimerai bien dormir avec toi.
-J'ai envie de dormir avec toi aussi.
Il s'assit sur le canapé, je m'avançai, prenant son visage dans mes mains, dégageant ses cheveux de ses yeux. Je posais un bisous sur son front, en douceur.
-Merci. Murmura-t-il.
-Pour quoi ?
-Pour avoir autant de patience avec moi.
-Je veux juste que tu sois bien.
Il hocha la tête, prenant ma main dans la sienne pour la porter à sa bouche. J'avais juste envie de le pousser sur le canapé, d'enlever cette foutue chemise violette et de l'embrasser. Au lieu de ça, je me détournais pour aller dans la salle de bains. Je me démaquillais, passais de l'eau sur mon visage avant d'enfiler un short et un débardeur. Je vis mon reflet dans le miroir, j'avais les joues légèrement rosées, un grand sourire aux lèvres, les mains légèrement tremblantes. Je remarquais seulement maintenant que j'avais une appréhension pour ce soir. A trop m'occuper des besoins de Spencer, j'avais mis de côté mes propres peurs. Je n'avais pas dormi avec quelqu'un depuis plus de trois ans. Enfin...Je ne savais pas s'il avait dormi avec moi cette nuit. Mais ce n'était plus la même chose chez moi, après qu'il m'ai embrassé, sans Derek qui pouvait nous surprendre. Je soufflai, me regardant une dernière fois, me donnant des encouragements dans le miroir.