Nate
Riley me fixe, les lèvres pincées et les bras croisés.
Je tente de déchiffrer l'expression sur son visage, mais comme souvent, je n'y parviens pas, alors je préfère me taire et me la jouer penaud. Nos derniers SMS ont été vraiment sympas et je ne veux pas tout foutre en l'air en disant un mot de travers.
Le brouhaha se dissipe maintenant que tous les passagers ont rejoint leurs places. Nous nous retrouvons seuls dans le petit espace qui sépare les deux derniers wagons tandis que le train s'éloigne lentement du quai de la gare :
― Dis quelque chose, finis-je par lâcher.
Elle pousse un soupir puis jette un coup d'œil au billet qu'elle tient dans sa main avant de focaliser ses yeux sur celui que je tiens dans la mienne.
― T'as un billet, grommelle-t-elle, les sourcils froncés.
― Oui, acquiescé-je en usant de mon regard de chien battu pour l'amadouer car son ton n'est pas à la question mais au reproche.
― Au moins t'es en règle, réplique-t-elle d'un air exaspéré. C'est un billet en Business Premier ?
― Oui.
― Fais voir ! m'ordonne-t-elle en plissant le front d'un air sceptique.
Je lui tends le billet et la regarde le vérifier.
Ses yeux me réprimandent silencieusement, et la question que je lis sur son expression courroucée est : "mais qu'est-ce que tu fous là Nathaniel, Goddammit ?!'
Ne riez pas !
Sinon, je vais rire aussi et elle va me prendre pour le gros niais que je m'efforce à ne plus être.
― On rentrait de Canterbury, et je t'ai vue près de cette balustrade, me justifié-je sans lui laisser le temps d'ouvrir la bouche. Nick et Andy ont eu besoin d'aller aux WC, alors j'ai décidé d'aller m'acheter un café, et c'est là que je t'ai reconnue en déambulant dans la gare. J'sais pas ce qu'il m'a pris, je t'ai appelée mais t'as refusé l'appel alors sans réfléchir, je t'ai suivie et j'ai raconté un gros bobard pour passer et j'ai acheté un billet...
― La ferme, Nate ! me coupe-t-elle sèchement.
Si je vous avoue que sa façon de me dire de me la fermer m'a manqué vous pensez sûrement que je suis cinglé mais pourtant, c'est le cas.
― Désolé, gloussé-je idiotement. Euh oui, t'as pas besoin que je te raconte tout ça.
― Non, en effet, ça n'a aucun sens, maugrée-t-elle. Tu m'as vu et tu t'es dit : "hey tiens, si je la suivais, je n'ai rien de mieux à faire".
Elle pousse un long soupir exaspéré mais le petit sourire en coin qu'elle esquisse malgré elle, la trahit.
Bien qu'elle soit surprise et un peu agacée par mon intrusion dans "je-ne-sais lequel de ses plans elle compte suivre", elle est tout de même heureuse de me voir. Son visage se détend et son regard ne semble plus hostile à ma présence.
D'ailleurs, je me demande pourquoi elle est seule et pas accompagnée par "Inspecteur Inglewood aux gros bras" ?!
― On est dans le même wagon, à quelques places d'écart. Viens ! s'exclame-t-elle en ponctuant sa phrase d'un mouvement d'épaule avant de me rendre mon billet.
Je me contente de hocher la tête pour ne pas répondre un truc idiot et gâcher mes chances de pouvoir la questionner sur les raisons de son voyage.
Riley sait être dure et si je l'agace, elle m'ignorera jusqu'à Paris avant de me réexpédier de force par un train de retour !
Nous pénétrons dans le wagon et je constate immédiatement qu'hormis une vingtaine de personnes dont beaucoup d'hommes en costume-cravate, le wagon est des plus calmes. Ils sont tous le nez plongé dans un journal, un livre ou collé à l'écran d'un smartphone et ne relèvent même pas la tête vers nous.
Vive la catégorie Business Premier !
― Tu veux t'asseoir avec moi ? À priori, le siège d'à côté est libre, me sourit-elle en désignant les deux sièges au fond du wagon où personne ne s'est assis.
― Euh oui. Merci.
Je lui emboîte le pas et la regarde quitter son sac à dos avant de s'asseoir sur le siège côté fenêtre puis de le caler sur ses genoux.
Je pose le sac de voyage que j'ai emporté pour Canterbury sur le rangement à bagages puis je quitte aussi mon sac à dos que je garde sur mes genoux et m'installe sur le siège à côté du sien.
Pendant plusieurs minutes nous restons silencieux et le moment est un peu embarrassant. J'ignore si elle ressent la même chose que moi, mais j'ai l'impression que nous nous sommes quittés la veille et que notre complicité n'est pas définitivement morte. C'est à la fois perturbant mais étrangement agréable et même rassurant.
― Tu es venue à Londres à cause d'Enzo ? Au téléphone, l'autre jour, tu m'as dit qu'il était ici. C'est pour cette raison que toi aussi tu es là ?
― Respire entre deux questions, Monsieur Bavard, ricane-t-elle.
― Désolé.
― Non, j'ignorais qu'Enzo serait là, je suis venue pour ouvrir un coffre à la Banque W, répond-elle avec nonchalance.
― Comme quoi les coïncidences existent finalement, raillé-je.
― Pas du tout, il n'était pas là par hasard, il était de mèche avec cet autre Bozo, maugrée-t-elle.
Elle s'interrompt à cause de son portable qui vibre dans sa main, elle consulte l'écran et semble aussitôt contrariée.
― Quel Bozo ?! l'interrogé-je en me retenant de rire.
― Ce type, celui que je devais rencontrer, Julian le barjot ! grimace-t-elle au comble de l'exaspération.
Julian le barjot ?! Purée, j'ai envie de rire à ses explications...
Concentration Nate !
Attendez, je me souviens d'un truc...
― C'est celui dont tu m'a parlé au téléphone ? Qui était derrière les mecs qui vous ont attaqué à New York ?
― Yep ! Celui-là même !
Son portable vibre de plus belle, elle regarde l'écran et semble d'autant plus énervée.
― Goddammit ! jure-t-elle à voix haute.
Shhhh ! s'exclame l'un des passagers.
Je me mords la lèvre pour ne pas rire et j'ai vraiment beaucoup de mal à garder mon sérieux.
― Désolée ! s'excuse-t-elle en levant la main à l'intention des autres passagers.
Elle regarde à nouveau son portable et pousse un soupir de lassitude.
― Un problème ? chuchoté-je en me penchant vers elle.
― Le réseau n'est pas terrible. J'attends des informations importantes, et mon interlocuteur a décidé de jouer les têtes de mule, histoire de me casser les pieds ! répond-elle à voix basse.
Je me demande bien de qui elle parle ?!
J'extirpe mon téléphone de la poche de ma veste et vérifie le réseau.
― J'ai deux barres, tu le veux ?
― Je te remercie, peut-être plus tard.
Elle se racle la gorge et grimace en déglutissant puis elle plaque la paume de sa main droite contre son front comme si elle voulait prendre sa température. Immédiatement, j'ouvre mon sac à dos et farfouille à l'intérieur pour trouver ma boîte de pastilles que je garde toujours sur moi. Je finis par mettre la main dessus et l'extirpe de mon sac. Je sais reconnaître les symptômes d'un mal de gorge et j'ai envie qu'elle remarque que je ne suis pas qu'un boulet qui s'est incrusté dans son voyage pour Paris.
Les questions me brûlent les lèvres mais je ne veux pas la saouler et je préfère la jouer fine. Elle semble suffisamment remonter sans que je n'en rajoute.
― Elles sont miraculeuses, dis-je en lui tendant la boîte.
Elle hausse les sourcils mais néanmoins elle accepte et me prend la boîte des mains avec douceur.
― Merci beaucoup.
― De rien, j'suis chanteur, j'ai un abonnement aux pastilles, raillé-je. Si je perds ma voix à seulement deux semaines de la tournée, Stone m'écorche vif !
Elle pousse un soupir amusé puis ouvre la boîte et en extrait l'une des plaquettes en aluminium avant d'en détacher une pastille qu'elle glisse dans sa bouche. Elle s'adosse au siège tout en fermant les yeux et en ayant l'air d'apprécier les bienfaits que lui procurent la fraîcheur apaisante que dégage les plantes contenues dans la pastille.
Je pose mon sac à dos à mes pieds et retire ma veste.
― Ce sont tes cordes vocales ou t'es malade ? lui demandé-je.
― J'ai trop forcé sur ma voix, elle se fatigue vite, répond-elle sans ouvrir les yeux.
― Je l'avais déjà remarqué, dis-je en l'observant avec affection.
Elle se masse les tempes en gardant toujours les yeux fermés et mon idiot de cœur tendre trésaille de joie d'être à nouveau près d'elle.
― T'as l'air vraiment fatiguée, soufflé-je inquiet.
Elle ouvre les yeux et tourne la tête vers moi.
― Je le suis, murmure-t-elle. J'ai découvert tellement de choses sur ma mère, sur Will, des choses que personne n'aurait pu deviner.
― Sur Will ?
Elle hoche la tête et semble vraiment anéantie.
Finalement, je ne vais peut-être pas avoir besoin de l'interroger, elle va se confier d'elle-même.... Enfin, je l'espère.
― Il était très différent de ce que je croyais... Il s'est servi de moi... Mon modèle n'était qu'un menteur, grimace-t-elle.
Sa voix se brise, et même si elle a mal à la gorge, à cet instant c'est son cœur qui parle. Elle serre les dents mais je remarque aussitôt les larmes qui lui montent aux yeux et qu'elle parvient néanmoins à réprimer.
― Il s'est servi de toi, répété-je en sentant l'inquiétude me saisir les tripes.
― Will était... Il était de mèche avec mon grand-père Paul. Ils se connaissaient bien avant qu'il ne rencontre ma mère et qu'ils sortent ensemble.
― Quoi ?! Mais comment ?
― Aucune idée ! Paul l'a envoyé surveiller ma mère à l'époque. Leur rencontre n'était pas fortuite. D'ailleurs, je crois que Will n'a jamais aimé ma mère. Ce n'était qu'une sorte de mission tordue. Les Whitefield ont fondé une organisation secrète luttant contre le crime dont le QG se trouve dans les sous-sols du manoir, c'est une entité indépendante mais travaillant conjointement avec la CIA, le MI6, etc... Je ne sais pas tout, ma mère a découvert tout ça après le décès de Paul et...
― C'est dingue ! soufflé-je abasourdi en la stoppant dans son monologue.
C'est quoi cette histoire de malade ?
― Will voulait m'enrôler dedans. C'est pour ça qu'il m'entraînait, poursuit-elle. Pas uniquement pour que je sache me défendre dans les rues de New York. C'était un prétexte aux ambitions qu'il avait pour moi.
― Attends, si je comprends bien il voulait que tu intègres cette organisation ?
― Mmm hmm, ma mère a consigné des informations dans un carnet, pour moi, pour que je sache la vérité. Elle a découvert des choses sur les Whitefield, sur Will...
Elle se tait et semble complètement dépassée par les événements.
Will était tout pour elle, découvrir la vérité à son sujet a dû être horrible surtout qu'il n'était même pas son père biologique.
― Raconte-moi déjà ce que tu sais, l'encouragé-je en posant ma main sur son genou.
Elle fait non de la tête et ses yeux s'emplissent de larmes qu'elle ne peut, ce coup-ci, retenir. Elle se détourne et se colle à la fenêtre tout en se recroquevillant sur son siège avec toujours son sac à dos sur les genoux qu'elle agrippe comme s'il renfermait un trésor des plus précieux.
Je ne sais pas comment agir, j'ai peur d'être trop familier avec elle et de rouvrir mes blessures causées par notre rupture mais je ne peux pas ignorer la peine que j'ai lu dans ses yeux. J'attrape doucement sa tresse et m'amuse avec la pointe en grattant son dos avec.
― Ça te fera du bien d'en parler, lui assuré-je d'une voix douce pour la convaincre.
― Nathaniel, proteste-t-elle avec de renifler.
Je pouffe de rire à cause de la façon spéciale qu'elle a toujours de prononcer mon prénom malgré tout ce qu'il a pu se passer entre nous.
Elle s'essuie la joue à l'aide du revers de sa manche puis elle inspire et expire lentement pour se détendre.
― Tu devrais prévenir Nick, sinon tu vas passer un sale quart d'heure à ton retour, dit-elle en reprenant son attitude d'A.P.R. insubmersible.
― Bof, je n'ai pas pris de billet de retour, si je ne reviens pas, il ne pourra pas me faire une leçon de morale ! raillé-je en haussant les épaules.
― Nate, t'as déconné en me suivant, soupire-t-elle.
― Je le sais, mais j'suis curieux, c'est comme ça. Tu le sais n'est-ce pas ?! répliqué-je d'une voix grave.
― C'est le moins qu'on puisse dire, Monsieur Curieux, ricane-t-elle.
Nous échangeons un long regard complice qui me déstabilise bien que je fasse de mon mieux pour ne rien laisser paraître. Elle pose son sac sur le sol, se lève et quitte son imper' qu'elle étale sur l'appuie-tête.
― Que vas-tu faire à Paris ? l'interrogé-je en me montrant aussi sérieux que possible.
Je veux qu'elle se rende compte que j'ai changé, que j'ai mûri et que je ne suis plus ce mec naïf et romantique qui ne voyait en elle qu'une princesse avec qui se caser. Quoi qu'elle aille faire à Paris, je veux l'aider.
― Rencontrer ton père, répond-elle en haussant les épaules. Inutile que je tourne autour du pot. Je crois qu'il détient les informations que ma mère n'a pas écrites. Elle dit que je peux lui faire confiance.
― Mon père ? grimacé-je en gardant mon calme.
Elle hoche la tête et pose sa main sur la mienne.
― Ton père est à Paris, dit-elle de son air le plus sérieux.
― T'en est sûre ?
Elle ré-hoche la tête et ses yeux émus me prouvent qu'elle dit la vérité.
― As-tu découvert des choses sur lui, des choses graves ? balbutié-je en sentant mon rythme cardiaque monter dans les tours.
― Non, au contraire, ton père était l'amour de ma mère, et je crois qu'il était aussi le sien, déclare-t-elle d'un air triste. Ils avaient vraiment des projets d'avenir.
Je m'aperçois du chemin intérieur qu'elle a parcouru. Avant, Riley aurait été en colère, mais là, à l'évocation de la relation de nos parents, elle semble vraiment peinée pour eux.
― Ma mère était malheureuse, elle a toujours eu des sentiments pour Jake qu'elle a refoulés et qu'elle a ensuite éprouvés pour ton père. Elle n'a jamais eu de chance en amour.
Jake ?!
Comme dirait Andy, combien d'épisodes j'ai raté ?!
― Fais pas cette tête, se moque-t-elle en me donnant un coup de coude complice qui me fait chaud au cœur.
― Mais je croyais qu'avec Jake c'était juste une nuit de consolation ?
― À moitié, elle était vraiment dingue de lui. J'ignore ce qu'il en était du côté de Jake, il m'a raconté cette nuit comme une erreur pour lui, mais il sait cacher ses émotions alors peut-être que leurs sentiments étaient réciproques, va savoir...
― Ah bah ça alors ! soufflé-je abasourdi.
― Oui.
Le silence s'installe entre nous et je comprends qu'elle a découvert beaucoup de choses qui ont remis en question ses certitudes.
― Ma mère n'a jamais voulu me faire de mal, dit-elle d'un air presque apaisé. Toute ses méchancetés, ce n'était que pour me sortir des griffes de Will. Elle faisait tout pour saboter son acharnement à faire de moi une arme pour intégrer l'organisation. Son comportement odieux n'était pas gratuit, elle voulait que Will croit dur comme fer que je le choisirais quoi qu'il se passe alors elle faisait tout pour que je la déteste. Will ne l'aurait jamais laissé m'emmener avec elle en cas de divorce et moi j'étais tellement sous son emprise que je serais restée avec lui. Du coup, il ne se serait douté de rien quand elle et moi nous aurions décampé.
― Je vois, dis-je éberlué par son récit.
― C'est pour cette raison qu'elle a décidé avec ton père de faire croire qu'ils allaient s'enfuir ensemble pour convaincre Will qu'il aurait bientôt le champ libre. La vidéo de nos parents filmée dans le bureau de Katherine n'était qu'un set-up, elle était montée de toute pièce, elle savait que Will l'observait.
― Ah bah ça alors.
― Oui. La seule chose que je ne comprends, c'est pourquoi elle a choisi de balancer sur cette vidéo que Will n'était pas mon père biologique, elle savait qu'il la regarderait donc pour moi je trouve ça stupide...
― Peut-être pour le faire enrager et lui rendre le mal qu'il lui avait fait.
― Oui sûrement.
― Mon Dieu, Riley, cette histoire est incroyable, soufflé-je abasourdi.
― Incroyable, répète-t-elle en baissant la tête et en retirant sa main de la mienne.
Elle s'interrompt et semble se perdre dans ses pensées. Je remarque aussitôt que ses jambes tremblent et je sais que si nous n'étions pas dans un train, elle ferait les cent pas comme je l'ai déjà vu le faire.
Nous restons silencieux. Sans réfléchir, je prends sa main et en caresse le dos avec mon pouce pour tenter de la calmer un peu. Ses jambes finissent par cesser de trembler. Elle m'adresse un signe de tête reconnaissant et lorsqu'elle vient caler sa tête contre mon épaule, j'ai toute la peine du monde à ne pas me mettre, moi aussi, à pleurer.
Je m'en veux d'être aussi émotif, mais c'est comme ça, je n'y peux strictement rien. Je sais à quel point Riley est forte, alors lorsqu'elle se montre vulnérable, cela est d'autant plus troublant et bouleversant.
― Merci Nate, c'est pas si mal que tu sois-là, finalement, murmure-t-elle.
― De rien, j'avais tellement envie de voir la Tour Eiffel qu'il fallait que je saute dans ce train, raillé-je.
Elle pouffe de rire contre moi et ça me fait encore plus chaud au cœur.
Pendant un long moment, nous restons l'un contre l'autre tandis que le paysage défile sur le côté.
― Je suis épuisée, soupire-t-elle.
― Tu devrais dormir un peu. Je te réveillerai à l'arrivée.
Elle relève la tête et ses yeux sondent les miens. Le moment est tellement chargé en émotion que j'ai la chair de poule et les battements de mon cœur se font de plus en plus anarchiques.
Je suis persuadé que même dans une décennie, il subsistera toujours cet attachement que nous avons l'un pour l'autre. Il s'est créé un lien profond entre elle et moi et ce lien ne se rompra jamais.
Elle ouvre son sac à dos qu'elle a glissé entre ses pieds et en extrait un carnet Moleskine.
― Lis-le, si tu veux tout savoir c'est ce qu'il y a de mieux à faire, déclare-t-elle en me tendant le carnet.
Je comprends aussitôt que ce carnet est celui dont elle m'a parlé et qu'à l'intérieur se trouvent les confessions de sa mère.
― Tu en es sûre ? lui demandé-je.
― Oui, lis-le. Lorsque nous nous sommes rencontrés, je t'ai confié des choses que je n'avais jamais dites à personne. Je ne l'ai pas oublié, me sourit-elle.
Je hoche la tête, dépassé par ce que je ressens à me retrouver avec elle dans ce train alors que c'est moi-même qui me suis mis dans cette situation.
Bien joué Nate !
― Tu as le droit de connaître toute l'histoire, me sourit-elle. Tu as autant besoin que moi de savoir que ton père n'était pas le méchant de l'histoire, pas plus que ne l'était ma mère. Je sais que ça te ronge qu'il soit parti comme ça.
Elle a raison, point à la ligne.
― Je te remercie.
Je prends le carnet tandis que Riley se cale contre la fenêtre.
― Viens contre moi, tu seras mieux, dis-je conscient de dépasser sûrement les bornes.
Elle fait non de la tête mais ne semble pas fâcher.
― Donne-moi plutôt ton portable, je vais prévenir Nick, et je reviens, dit-elle en ayant l'air tout aussi troublé que moi.
J'obtempère et lui donne mon téléphone.
Esquive-t-elle ma compagnie ?
Elle se faufile gracieusement jusqu'à l'espace où il est possible de passer des appels sans déranger les autres passagers, me laissant seul avec le carnet entre les mains.
J'attends quelques minutes, puis avec précaution, j'ouvre le carnet en appréhendant un peu ce que les pages noircies de la très belle écriture féminine de Katherine vont me révéler. Je commence ma lecture avant de la stopper car j'ai la désagréable impression de fourrer mon nez dans ce qui ne me regarde pas. Et puis, piqué par ma curiosité légendaire, je me résous finalement à me plonger dans les mémoires d'une femme aussi intrigante que l'était la mère de Riley.
Une heure plus tard...
Je dépose le carnet sur mes genoux, et me frotte la nuque en ayant du mal à digérer les confessions que mes yeux ont lues. Riley n'est pas encore revenue alors je me cale à sa place et regarde défiler le paysage à travers la vitre :
Entre les amours contrariés de Katherine et cette petite fille qu'elle a eu de Will et qu'elle a fait adoptée sans lui dire car il était un menteur et peut-être même pire; mon père qui semble être bien différent de ce que je croyais, et cette organisation secrète nommée VIGILANCE... Comment Riley fait-elle pour ne pas péter un câble ?!
En parlant de Riley, elle revient enfin avec deux gobelets fumants dans les mains.
― Je t'ai apporté un thé, me sourit-elle.
― Cool, merci.
Je mets en place la tablette de mon côté pour qu'elle puisse poser les gobelets. Avant de s'asseoir, elle me rend mon portable qu'elle avait glissé dans la poche arrière de son jean.
― Tu as eu le temps de tout lire ? me demande-t-elle en prenant le carnet que j'ai laissé contre le dossier de mon siège.
― Oui.
Elle le range dans son sac puis prend son gobelet avant souffler dessus pour en faire refroidir le thé qu'il contient.
― Je suppose que tu as un millier de questions, me sourit-elle.
― Non, tu m'as dis toi-même que tu n'avais pas certaines informations, donc je suppose que j'en sais autant que toi.
― Mmm, pas tout à fait. Ce type, ce Julian, il fait partie de VIGILANCE. Il est allé vivre au manoir de ma grand-mère après le décès de sa mère. Elle faisait partie des agents assassinés sur la liste.
― La liste trouvée par Adam ?
Elle hoche la tête.
― La mère de Julian n'était autre que Gwendoline McKay, elle bossait pour le MI6, m'explique-t-elle.
― MI6 ?! Carrément !
― Oui.
Je ne me suis pas intéressé plus que ça à cette liste, du coup, j'ignore quelles étaient les autres personnes hormis Will et le père d'Adam...
― D'ailleurs pourquoi t'es solo ? C'est bizarre qu'Adam ne soit pas là... tenté-je.
― Il s'est passé quelque chose de grave, il avait plus important à faire, dit-elle en regardant ses genoux comme si elle était mal à l'aise et qu'elle voulait éviter de parler de lui.
Mesdames et Messieurs, votre Eurostar va bientôt arriver en Gare du Nord. Des tickets de métro et de RER sont disponibles à l'achat en voiture bar.
L'annonce dans les hauts-parleurs interrompt notre discussion.
― Wow, je n'ai pas vu ces deux heures passer, soufflé-je.
― Oui.
Elle consulte l'écran de son téléphone.
― Qu'as-tu prévu de faire concrètement ? l'interrogé-je.
― Une voiture nous attend. Logan a finalement décidé de m'aider et il a fait le nécessaire, me sourit-elle en quittant son écran des yeux.
Logan.... Ah oui, son ex du FBI !
― Génial, dis-je avec enthousiasme bien que sans connaitre ce type, il ne me plaise pas.
Ouais, je sais, j'suis pathétique, mais je déteste tous les mecs qui ont pu l'approcher de près ou de loin. Ne cherchez pas à comprendre, ça n'a aucune logique !
D'ailleurs, j'ai l'impression qu'il s'est passé un truc entre elle et l'inspecteur de mes deux et je n'y crois pas un seul instant qu'il l'ait laissée venir seule à Paris pour rencontrer mon père... Il y a anguille sous roche comme dirait ma grand-mère.
Nous descendons du train, je suis Riley à travers la Gare du Nord tandis qu'elle consulte simultanément son portable. Je distingue un plan et en déduis que c'est certainement ce Logan qui la guide à distance. Il est midi, et il y a un monde pas possible et un boucan d'enfer.
― Faudrait pas te perdre, ricane-t-elle en passant son bras autour du mien.
― C'est clair, si tu me paumes dans Paris, t'auras des problèmes ! la taquiné-je.
― Dois-je te rappeler que tu t'es incrusté dans mon voyage, je ne suis plus ton A.P.R. donc si tu te paumes, ce sera uniquement de ta faute, grogne-t-elle en resserrant son bras fermement autour du mien.
― Si tu me broies les os, tu seras obligée de me soigner, raillé-je en haussant les sourcils.
― La ferme Nate ! Sinon je te jettes dans la Seine !
Je ris tout seul tandis qu'elle m'entraîne dans les méandres de la gare d'un pas rapide et assuré, visiblement impatiente de quitter les lieux.
― Dois-je comprendre que tu as fait disparaître des mecs en les jetant dans tous les fleuves du monde ? m'esclaffé-je essoufflé.
― P't'être bien, répond-elle en haussant les sourcils. Un jour, tu me verras dans un épisode de "Snapped, les femmes tueuses" !
Je ris de plus belle et bien qu'elle garde son sérieux, je vois dans ses yeux que je l'amuse comme avant. J'ai l'impression de la retrouver comme lors de notre première virée à Atlantic City et je suis soulagé qu'elle ne soit pas rancunière malgré mes conneries.
D'ailleurs, je ne sais toujours pas si elle est au courant pour les menaces sur la voiture d'Adam, et je ne compte pas remettre le sujet sur le tapis.
Nate, t'as plutôt intérêt à faire profil bas !
― La sortie est par là ! m'indique-t-elle après un long périple dans les couloirs souterrains de la gare.
Nous émergeons enfin à la lumière du jour et empruntons l'une des portes qui débouchent sur le parvis. Le ciel est nuageux mais laisse passer quelques rayons de soleil.
Riley relâche mon bras ankylosé et s'avance sur le parvis pour scruter les voitures garées le long du trottoir tandis que j'observe les immeubles qui nous entourent.
― Comment s'appelle ce genre d'immeubles ? l'interrogé-je.
― Ce sont des immeubles Haussmanniens, répond-elle en relevant le nez de son portable.
Elle m'adresse un sourire que je lui rends probablement en ayant l'air d'être le mec le plus stupide de la planète car, à cet instant précis, je réalise que nous sommes vraiment à Paris.
Paris, ville lumière,
Paris capitale de la mode,
mais surtout Paris, ville de l'amour.
Je la regarde s'avancer vers un homme en costume noir à la cravate parfaitement en place, se tenant devant une berline de luxe et j'en déduis que c'est sûrement notre chauffeur.
Béatement, j'admire Riley s'entretenir avec ce chauffeur dans un français fascinant, et même si je me suis fait une raison, (plus ou moins) et qu'entre elle et moi tout est fini, elle restera toujours la femme la plus incroyable de ma vie.
― Nate, dégèle et ramène-toi ! m'interpelle-t-elle à voix haute en agitant la main.
Je trottine jusqu'à elle et monte à sa suite sur la banquette arrière après avoir déposé mon sac de voyage dans le coffre de la berline. Le chauffeur referme la portière et s'installe derrière le volant puis démarre et s'engage sur la route.
De nouveau, ma belle ex A.P.R. est absorbée par son portable et elle pianote des messages tout en soupirant.
― Quel est le programme ? l'interrogé-je.
― On va aller se caler chez un ami. J'ai eu des informations sur ton père, et il possède un restaurant qui n'ouvre qu'à 18H30, pour le service du soir.
― Wow, un restaurant ? Sérieusement ?!
― C'est une brasserie pour être exacte, dans un très beau quartier, regarde !
Elle me tend son portable où s'affiche sur l'écran une photo de la devanture de ladite brasserie.
― Wow, j'en r'viens pas ! soufflé-je abasourdi. Le Charlotte ?!
― C'était le deuxième prénom de ma mère.
― Punaise, je n'en reviens pas, dis-je en passant une main dans ma tignasse. Il a refait sa vie à Paris et ouvert une brasserie ! J'en r'viens pas.
― Tu radotes, ricane-t-elle moqueuse.
― Déso', mais c'est dur à avaler.
Je scrute la photo en ayant du mal à réaliser que mon père est devenu restaurateur à Paris.
― Ça va aller ? me demande-t-elle d'une petite voix inquiète.
J'essaye de garder mon calme, mais je sens cette bonne vieille rage me saisir comme à chaque fois que je pense à ce tocard de lâcheur.
― Cet espèce de salaud, quand je pense qu'il nous a abandonné pour ça, grogné-je entre mes dents.
― On a besoin de connaître sa version de l'histoire, je crois que ton père était en danger et qu'il n'a pas vraiment eu le choix.
― Ah ouais ?! m'agacé-je.
― T'en prends pas à moi. Je sais que c'est compliqué, mais faut que tu te maîtrises sinon j'irais seule, réplique-t-elle d'une voix calme.
― Hors de question que tu y ailles sans moi, protesté-je aussitôt.
― Et il est hors de question que tu pètes un câble et que ça se finisse en Fight Club. Je t'ai à l'œil Nathaniel, dit-elle en pointant un doigt menaçant.
Je pouffe de rire devant son expression plus que sérieuse.
― T'en fais pas ! J'ai appris deux trois trucs grâce à Nick, un coup bien placé et hop au tapis ! fanfaronné-je.
Elle me fixe de ses grands yeux bleus en réprimant un sourire moqueur.
― OK, Nathaniel la terreur. J'ai hâte que tu me montres ça.
― J'ai le droit de taper mon vieux ? gloussé-je en imaginant très bien la scène.
― Bah ça dépendra de ce qu'il nous dira, ricane-t-elle.
― Et s'il meurt d'une crise cardiaque en nous voyant ?
― Pense pas au pire, grimace-t-elle.
― Bah tu ressembles vachement à Katherine.
― Sans blague ?! Et toi, tu ne crois pas qu'il risque d'avoir un choc de te voir avec dix ans de plus ?
― On verra bien, acquiescé-je en haussant les épaules.
Nous échangeons un regard qui nous fait éclater de rire.
― C'est pas drôle ! proteste-t-elle tout en continuant de se marrer.
― T'as raison, il a fait le mort, manquerai plus qu'il nous claque dans les doigts, raillé-je hilare.
― Nate ! glousse-t-elle en me filant un coup de coude réprobateur.
Je cesse de rire bien qu'un sourire idiot continue de flotter sur mes lèvres. Riley cale son dos contre le siège et entrouvre sa vitre tandis qu'une musique d'ambiance résonne dans chacun des hauts-parleurs intégrés aux portières. La voiture roule lentement dans les petites rues parisiennes et laisse ainsi le temps de contempler l'architecture française.
Je consulte l'heure sur mon portable et réalise qu'il n'est que 14H00.
― Tu crois qu'on aurait le temps d'aller voir la Tour Eiffel ? l'interrogé-je avec espoir.
― On n'est pas là pour faire du tourisme, réplique-t-elle en farfouillant dans son sac à dos. Il va falloir que je change mon billet de retour et il faut que j'en prenne un pour toi. Plus vite nous serons rentrés, mieux ce sera. J'aurais dû contacter Logan avant de me lancer impulsivement dans cette escapade, soupire-t-elle d'un air frustrée.
Elle se fige et son regard fixe le vide pendant plusieurs secondes.
Brrr Brrr !
Son portable vibre bruyamment et la tire du néant.
― C'est B, dit-elle en vérifiant l'écran.
Je hoche la tête et la regarde prendre l'appel :
"Hey ma citrouille comment vas-tu ? [...] Oui... À Paris."
À l'autre bout du fil, j'entends B répondre un "QUOI" incrédule suivi d'une phrase en espagnol dont je ne saisis pas le sens.
Riley est donc bien venue à Paris en catimini.
"Fallait que j'aille rencontrer Matteo alors j'ai pris un train [...] Nope, pas encore. Et toi, est-ce qu'Enzo a dit quoi que ce soit d'utile ? [...] OK, écoute, dès que je suis posée, je te rappelle, là je suis en voiture et ce n'est pas l'idéal pour se raconter tout ça. [... ] D'ici vingt minutes. À tout de suite.
Riley me regarde avec des yeux désolés qui m'inquiètent :
― Qu'est-ce qui se passe ? l'interrogé-je l'estomac subitement noué.
― Enzo a tenté de se suicider avant-hier, et hier soir un mec a voulu l'achever à l'hôpital.
― QUOI ?! Il a tenté de se... et un mec a voulu le... ?! C'était ça la chose grave ?
Les mots n'arrivent même pas à sortir de ma bouche.
― Oui. Et t'avais raison, déclare Riley en baissant les yeux. L'autre jour au téléphone, quand tu me disais que tu étais inquiet pour lui. Il était plus instable que je ne le pensais.
― Mince, j'aurais préféré me tromper. Ce n'est pas de ta faute, dis-je en posant ma main sur la sienne et en la tapotant affectueusement.
― Il connaît ce type, ce Julian, et depuis pas mal de temps, Enzo doit savoir des choses qui l'ont sûrement mis en danger. B nous en dira plus. Hier soir, elle était venue lui rendre visite et elle a stoppé son agresseur.
― Tu penses que c'est ce mec qui a voulu le tuer ?
― Un de ces larbins. Julian veut venger sa mère, il est prêt à tout pour retrouver ton père car il est sûr qu'il sait quelque chose. Il s'est servi d'Enzo, ce dernier n'étant plus utile, il a peut-être jugé qu'il était temps de se débarrasser de lui.
― OK. Pfff, quelle histoire. Attendons d'écouter ce que B a découvert.
― Oui.
La voiture ralentit puis remonte une rue dont les bâtiments qui la jouxtent sont fait d'arcades magnifiques tandis que de l'autre côté s'étend une sorte de grand jardin à la clôture surmontée de pics dorés.
― Où sommes-nous ?
― Rue de Rivoli, répond Riley.
― C'est magnifique. C'est quoi là ? dis-je en pointant la clôture du doigt.
― Le jardin des Tuileries.
― Tu es déjà venue avec Maddie ?
Elle acquiesce d'un signe de tête.
― Maddie a un ami qui va nous recevoir, nous allons rester chez lui en attendant d'aller à la brasserie de ton père.
― Elle est dans ce quartier ?
― Non, ricane-t-elle. Elle est à Montmartre. On a besoin de se poser dans un lieu calme le temps que "le Charlotte" ouvre ses portes.
Le quartier où nous sommes semble si chic que le prix de l'immobilier est sûrement démentiel. Même si mon père a toujours trouvé du fric, il n'en a sûrement pas assez escroqué ou volé pour se payer quoi que ce soit dans le coin.
― Montmartre, répété-je en essayant de le dire du mieux possible.
Elle hoche la tête et lève le pouce en signe d'approbation quant à mon accent français de composition.
― Merci Patrick Watson, dis-je fier de moi en pensant à sa chanson "Je te laisserai des mots"
― Il est canadien, glousse Riley toujours aussi moqueuse.
― Ouais c'est pareil.
Elle éclate d'un rire spontané qui me réchauffe une fois de plus le cœur. Je ne savais pas vraiment comment se passeraient de possibles retrouvailles, et j'avoue ne pas être déçu.
― Ta gorge va mieux ?
― Yep, tes pastilles sont vraiment miraculeuses.
Nous échangeons un sourire complice.
― Nous y sommes ! s'exclame Riley d'un air joyeux en pointant du doigt une porte cochère majestueuse.
Le chauffeur s'arrête en double-file afin que nous puissions descendre. Je suis Riley diligemment sur le trottoir puis la regarde sonner à l'interphone.
"Allô", répond une voix masculine.
"C'est Riley, tu ouvres ?"
"Tout de suite" répond la voix avec enthousiasme et avec un fort accent britannique.
La porte se déverrouille dans un bruit strident, Riley pousse la porte que je retiens ensuite pour entrer à mon tour.
Nous pénétrons dans un immeuble Haussmannien cossu dont la cage d'escalier composé d'un imposant escalier circulaire est une véritable oeuvre d'art. Les marches sont parées d'un luxueux tapis bleu foncé d'une propreté impeccable et le garde corps en fer forgé est agrémenté d'ornements délicats.
― C'est au deuxième, me sourit Riley.
Elle ouvre la marche et grimpe prudemment l'escalier en se tenant à la main courante moulurée. Nous parvenons rapidement au deuxième étage où nous nous arrêtons devant une porte portant le numéro 10.
Riley sonne à la porte qui s'ouvre aussitôt sur un mec plutôt jeune, portant des lunettes qui lui donne un air rassurant et studieux. Ses cheveux bruns foncés sont bien coiffés, il porte un pantalon noir de ville et une chemise blanche aux manches retroussées dévoilant des avant-bras musclés et une Rolex de blindé à son poignet gauche. Ses yeux bruns semblent ravi de voir une certaine blonde qu'il s'empresse de serrer dans ses bras en m'ignorant complètement, signe qu'il n'est pas seulement un ami de Maddie et qu'il connaît très bien Riley.
― Gabriel, souffle-t-elle sans dissimuler sa joie de le voir
― Riley, ça fait un bail ! répond-il d'une voix grave en resserrant son étreinte autour d'elle.
― M'en parle pas, s'esclaffe-t-elle en ayant l'air tout aussi heureuse de le voir.
― Je suis tellement heureux de te voir, glousse-t-il comme un abruti.
― Moi aussi.
Mais c'est qui encore celui-là ?! Ne me dites pas que c'est encore l'un de ses ex ?!
― Tu nous présentes, lui sourit-il après l'avoir enfin relâchée et en me désignant d'un signe de tête.
― Gabriel, je te présente Nate, Nate je te présente Gabriel.
Nous échangeons une poignée de main et un sourire poli. Le dénommé Gabriel nous invite à entrer dans ce qui semble être son appartement et nous remontons un couloir parqueté jusqu'à un salon où chaque mur est décoré de trois tableaux anciens qui doivent valoir une fortune mais que je trouve particulièrement moches mais remarquablement alignés.
Ce type doit être du genre maniaque !
― Belle collection de tableaux, lui sourit Riley.
― Je te remercie, je suis marchand d'art depuis un an, et parfois j'emprunte un tableau pour quelques semaines, répond-il tout excité. J'adore mon métier.
Je ne ris pas mais ce n'est pas l'envie qui m'en manque. Comment peut-il être aussi enjoué alors que les tableaux sont affreusement glauques ?!
― Je me souviens que tu m'en avais déjà parlé à l'époque, de ton ambition à devenir marchand d'art, poursuit-elle en lui adressant un regard affectueux.
― Oui c'est vrai. T'as toujours eu une sacré mémoire, lui sourit-il.
Un silence passe, le regard de Gabriel se fixe sur moi :
― Je suppose que toi aussi tu es agent de protection rapprochée, Nate ?
Mon regard croise un court instant celui de Riley qui ne semble pas avoir envie de le dissuader du contraire et de lui raconter toute l'histoire. J'avoue être flattée qu'il pense que je puisse exercer ce métier alors je joue le jeu.
J'ai bien fait de passer mon temps à la salle de sport à côté des répètes pour la tournée. Me voilà gaulé comme un bodyguard ! Si Andy était là, il ricanerait comme une hyène...
― Oui en effet, je suis nouveau dans le métier, Riley est ma formatrice, acquiescé-je en haussant les sourcils.
Après mon rôle de futur banquier de Wall Street dans l'Upper East Side, me voilà A.P.R. à Paris, j'devrais peut-être faire du cinéma ?!
Gabriel tout sourire, gobe mon mensonge sans sourciller et surtout ne cherche pas à en savoir davantage.
― Asseyez-vous, je vous sers quelque chose à boire, à manger ? nous propose-t-il avec courtoisie.
― Non merci, répond Riley en posant son portable sur la table basse et en s'asseyant sur le canapé.
― Nate ? me demande-t-il.
― Juste un verre d'eau, je te remercie.
― Pas de souci, je te ramène ça tout de suite.
Gabriel nous quitte un instant alors j'en profite pour questionner Riley.
― Il est jeune pour être un ami de Maddie et vous avez l'air de très bien vous connaître, dis-je en m'installant à côté d'elle sur le canapé.
― Il a d'abord été son assistant durant deux ans, puis ils sont devenus amis. J'ai eu l'occasion de le fréquenter durant un voyage à Rome.
Italie + Riley = Gabriel l'Ex qui lui a appris la langue !
― C'est avec lui que tu as appris l'Italien ? l'interrogé-je d'un ton neutre pour ne pas paraître jaloux.
― Mmm hmm, acquiesce-t-elle nonchalamment en vérifiant son portable.
― Vous êtes restés en contact, c'est cool, dis-je entre mes dents.
Elle n'a pas le temps de répondre que Gabriel revient avec mon verre d'eau et d'un dessous de verre qu'il pose sur la table basse.
Un vrai maniaque, ce mec...
Je le remercie et m'empare du verre que je bois d'une traite tant j'ai soif et je suis contrarié de me retrouver dans l'appart' d'un de ses ex.
Bienvenue au club des Ex : Nate !
Après Jeremy, voici Gabriel, sans oublier Logan (je me demande bien qu'elle tête il a, celui-là ?!)
Pffff, J'ai ma dose !
Je croise les bras et m'adosse au canapé.
Pendant quelques minutes, Riley et Gabriel discutent de leur vie et ça m'agace tellement que je n'écoute pas un traître mot de ce qu'ils se racontent. Mon esprit vagabonde et mes pensées se concentrent sur ce restaurant que possède mon père. Je suis toujours furieux contre lui et j'ignore comment je vais réagir lorsqu'il sera face à moi, mais la perspective de le revoir me donne déjà mal au ventre.
― Ça va Nate ? me demande Riley d'une voix inquiète.
Sa main posée sur mon épaule me ramène à la réalité et je m'efforce de lui sourire car je ne veux pas passer pour un mec faible face à ce type assurément posé et intellectuel parlant sûrement plusieurs langues, expert en Art et en je-ne-sais-quoi d'autres.
Le portable de Riley vibre avec force et fait trembler le verre vide sur la table. La photo de B s'affiche sur l'écran et me donne l'opportunité de ne pas répondre à la question. Riley accepte l'appel et active le haut-parleur :
"J'en reviens pas que tu te sois barrée à Paris, Pétasse ! Et sans moi qui plus est !" ricane B.
"Désolée poulette, je n'ai pas réfléchi", s'excuse Riley.
"Ouais, j'm'en doute, espèce de grande perche !"
B se marre, visiblement de bonne humeur.
"Tu es seule ?" lui demande Riley.
"Oui, Sam est avec Adam et Jake. Je ne leur ai pas dit que je t'avais eue au téléphone et que tu t'étais barrée à Paris."
"Merci B, de bien appuyer le fait que je me sois barrée à Paris !" maugrée Riley.
"De rien, ma chérie" glousse-t-elle moqueuse.
"Si tu peux garder le secret autant que possible ça m'arrangerait"
"OK, pas de souci. Je te fais confiance mais quand ils rentreront il faudra bien que je leur dise quand ils verront que tu manques à l'appel."
"Je sais. La brasserie de Matteo n'ouvre qu'à 18 heures, Logan m'a réservé une table pour 20 Heures.
"Logan t'as filé un coup de main ?!" s'exclame B d'une voix très étonnée.
"Oui, je suis chez Gabriel, il nous héberge le temps d'y aller."
"Chez Gab... Mais tu fais une réunion avec tes ex ou quoi ? s'esclaffe B.
"Tu ne crois pas si bien dire" pouffe Riley.
"Attends, t'as dit nous, t'es avec qui ? l'interroge B.
"Euh... Bah... J'suis avec Nate.
"QUOI, j'hallucine ?! NATE !
Salut B" glissé-je d'une voix enjouée.
"Mais comment... Mais t'es pas censé être à Canterbury ?!
― J'étais à la gare et j'ai vu Riley et..
― Tu raconteras tout ça après ! m'interrompt Riley. "B peux-tu nous dire ce qu'il s'est passé hier avec Enzo ?"
"Oh oui, mais j'espère que t'es bien assise parce que c'est du lourd !"
"B, balance ce que tu sais" lui intime Riley.
"OK, comme tu veux... Julian est le fils de Will." répond-elle d'une voix grave.
"Pardon ?!" s'exclame Riley en écarquillant les yeux.
"C'est la vérité. Will et Gwendoline étaient ensemble, il y a très longtemps"
"My God !", soupire Riley déconfite.
Le silence s'installe et rend l'atmosphère pesante.
Ce type dont m'a parlé Riley serait donc le fils de Will, mais c'est complètement dingue !
― T'es sûre, B ?", dis-je pour rompre le silence
"Oui je le suis."
Les yeux de Riley lancent des éclairs tant elle semble furieuse.
"Donc Julian me veut pour achever la tâche de Will." soupire-t-elle.
"Enzo m'a affirmé que Julian est complètement obsédé par toi, depuis des années", poursuit B.
"Des années ?! Mais quelle horreur ! Raconte nous précisément ce qu'Enzo t'a dit" grimace Riley.
"OK, allons-y !" soupire-t-elle.
Nous l'entendons prendre une profonde inspiration avant d'expirer bruyamment. Riley et moi échangeons un regard entendu et nous nous penchons sur le téléphone posé sur la table basse comme si nous voulions mieux entendre ce que notre amie s'apprête à nous raconter. Accoudés sur nos genoux, nous attendons qu'elle démarre son récit tandis que Gabriel quitte la pièce, se sentant visiblement de trop ou pas concerné ni même un peu curieux.
"Très bien, je me lance..." souffle B d'une voix calme.
***
🥳 Hello Friends !!! J'espère que vous allez bien en ce début Novembre ?!
Je coupe là pour que le chapitre garde une longueur convenable (LOL) mais ne vous inquiétez pas, on se retrouve très vite pour découvrir ce qu'Enzo a raconté à B avec un Flashback de la nuit précédente comme on l'aime !!
Prenez grand soin de vous, merci pour vos étoiles & vos commentaires
XoXo, Jen ❤