"Oh non, il ne peut me faire ça! Cette question est la plus intéressante!" Pensa t-elle en fronçant les sourcils. Si elle l'intimidait, peut-être qu'il changerait d'avis. Elle se sentit bête, on ne pouvait influencer Lucian. C'est lui qui influençait les autres. D'autant plus qu'à cet instant, il la regardait de haut. Un léger sourire en coin.
- D'accord, Joker. Donc, pourquoi suis-je différente?
- Cette question entre dans le sujet "Joker".
- C'est vous, enfin toi, qui l'as dit. Donc ça n'est pas exactement un sujet "Joker".
Avec le Droit, elle avait pris l'habitude de vouvoyer. Donc le tutoyer était une tâche difficile. Il sourit et cette fois, des fossettes apparurent.
- Je t'accorde cette question. Si tu me concèdes une chose. (Il attendit sa réponse, elle acquiesça de la tête) Tu es différente car sur terre, on pourrait te qualifier de "Garce". Cependant, tu es rapidement choquée. Et j'aime te choquer (il lui caressa doucement la joue). Tu es drôle, cynique et courageuse. Derrière ta carapace, vous avez un cœur tendre. Je n'ai pas l'habitude de fréquenter une personne telle que toi.
Il avait débité ces paroles d'une voix si douce qu'elle en rougit. Particulièrement car il avait réussi à percer ce qu'elle était vraiment. Alors que même elle se cachait la vérité. Elle releva la tête.
- Je ne suis pas un ange. Déclara t-elle froidement.
Il éclata de rire.
- Disons que tu es ma petite diablesse.
Il s'approcha d'elle. Cependant elle se recula.
- Je ne suis pas à toi.
Une lueur rouge passa dans son regard et cette fois son sourire diabolique l'effraya.
- Cela ne saurait tarder.
Elle posa les mains sur les hanches et le fixa. Un duel de regards commença. Pour rien au monde, elle ne baisserait les yeux. Même si son corps et son instinct la suppliaient.
- Si tu le permets. Dit-il en désignant de la main la table en verre et sans la quitter des yeux.
Elle se tourna, lui lança un regard noir et se dirigea vers la chaise la plus proche. Avant qu'elle ne la recule, il l'avait fait à sa place. Tel un gentleman.
- Tu es rapide. Constata t-elle en s'asseyant. Elle se souvint de la fois où il l'avait rattrapée dans le cabinet de Maître Béréthon.
- Oui. Je peux aussi me déplacer là où je le souhaite "en un claquement de doigt". Répondit-il en faisant les guillemets.
Il la contourna et se dirigea vers l'autre chaise. A l'extrémité de celle d'Yris. Elle avait l'impression qu'ils étaient séparés d'au moins trois mètres.
- La nature m'a plutôt bien gâté. Se vanta t-il, en se dirigeant vers sa place. Sans se tourner vers elle.
Elle leva les yeux au ciel. Le narcissique dans toute sa splendeur. Puis, il la regarda par dessus son épaule et lui adressa un sourire amusé. Naturellement, elle lui sourit. Même si elle essaya de s'en empêcher. Il s'assit sur son siège, posa les coudes sur la table et croisa les mains. Il était redevenu sérieux. "Ce mec a plusieurs personnalités. En plus d'être un psychopathe, c'est un schizophrène" songea t-elle. Immédiatement, elle ferma les yeux en se maudissant d'avoir eu ce genre de pensées. Elle était persuadée qu'il les avait entendues. C'est avec appréhension qu'elle rouvrit les yeux. Il avait toujours la même aptitude.
- Que veux-tu que je te concède?
Un sourire malicieux apparut sur son visage.
- Une seule chose (il marqua une pause) n'aies plus peur de moi à l'avenir. Je ne suis pas exigeant, je ne te demande pas de m'accorder ta confiance.
Elle s'était attendue à pire. Par ailleurs, elle ne comprenait pas pourquoi il lui parlait d'avenir alors qu'en fin de soirée, elle aurait la possibilité de lui annoncer qu'elle souhaitait qu'il sorte de sa vie.
- Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Ajouta t-il.
Elle fut outrée. Il s'était encore permis de lire dans ses pensées.
- J'accepte à l'unique condition que tu arrêtes de lire dans mes pensées.
Il s'enfonça dans le dossier de l'immense chaise, en faisant tourner ses pouces. Il réfléchissait en la fixant.
- Je ne peux contrôler ce pouvoir.
- Je ne te crois pas.
Il s'avança sur la table et appuya de nouveau les coudes en souriant.
- Tu n'as pas d'autres choix que de me croire.
Il l'énervait à un point! Elle préféra ne plus le regarder et analyser la table. Sur celle-ci était posée une argenterie au complet ainsi que deux bouteilles de vin rouge et de vin blanc.
- J'ignorais tes goûts donc j'ai demandé au cuisinier de faire un medley.
Même si cela était impossible, lorsqu'il disait des mots en anglais, il était encore plus attirant. Elle avait hâte de voir les plats qu'il allait proposer. Elle attendait alors qu'il appelle les serveurs.
- J'ai demandé à ce qu'on nous laisse tranquilles. Nous serons que deux, toute cette soirée.
Elle leva brusquement la tête vers lui.
- J'espère que tu n'as pas peur. Dit-il en se caressant le menton.
- Non, car vous avez négocié ce point. Enfin, tu! Ahhh ce tutoiement m'agace! Répondit-elle en se penchant pour attraper la bouteille de vin rouge.
Elle s'en servit en faisant exprès de ne pas lui en proposer. Cependant, cela ne le dérangea pas car lorsqu'elle reposa la bouteille, il fit un mouvement de la main et la bouteille glissa lentement vers lui. Elle en resta bouche bée. Avoir ce genre de pouvoir devait vraiment faciliter la vie. Elle l'examina pendant qu'il se versait un verre. Il était l'un des plus bel homme qu'elle ait vu. Malheureusement, c'était Lucifer. Elle eut envie de rire. C'était si improbable que cela arrive à quelqu'un ce genre de situation!
Dès qu'il fut servit, il leva son verre, elle fit de même puis ils goutèrent au vin. Il était excellent mais elle refusa de lui préciser. Il reposa son verre et la fixa. Il ne faisait que cela en fait et ça commençait à la gêner. Dommage qu'elle ne lisait pas dans les pensées. Ensuite il leva doucement les mains et les tapa deux fois. Soudain, l'argenterie se remplit de mets. Elle eut l'impression d'être dans Harry Potter. Son regard alternait entre tous ces plats essayant de ne pas en manquer un. Tout semblait appétissant. Il ne manquait quasiment rien, il y avait du poulet, les meilleurs morceaux de bœufs, du porc, toutes formes de pommes de terre ou encore quasiment tous les légumes. Elle réfléchissait à ce qu'elle allait prendre. Ce choix était bien plus cornélien qu'au restaurant.
- J'ai demandé au cuisinier de faire simple. Pas de repas gastronomique. J'espère que cela te convient.
- C'est parfait! S'exclama t-elle d'un ton bien plus enthousiaste qu'elle l'aurait voulu.
Par ailleurs, ce qui la surpris fut la réaction de Lucian. Il lui souriait d'une telle façon, quasiment enfantine, comme si elle lui avait fait le plus cadeau. D'un côté, c'était sûrement la première fois qu'elle était gentille avec lui.
- J'adore la cuisine française. Sers-toi.
Elle n'hésita pas une seconde et se servit dans les plats autour d'elle. Même si elle essayait de faire de petites portions, son assiette se remplissait considérablement à vue d'œil. Elle leva les yeux vers Lucian, il avait pris uniquement du poulet et des haricots verts. Et surtout il semblait amusé.
- Les français ont une habitude typique, ils se servent en petites portions. La gourmandise. La taquina t-il en amenant son verre de vin à sa bouche.
Elle lui tira la langue et prit une dernière cuillère de pommes noisettes. Puis elle remarqua le plat typique du Nord près de lui: La carbonnade Flamande. Avant qu'elle ne fasse une réflexion, il bougea la main et le plat s'avança vers elle.
- Je te remercie. Je verrai après avoir fini mon assiette si j'ai encore de la place.
- J'espère pour toi car elle est excellente!
- Au fait, depuis quand es-tu sur terre? Demanda t-elle en attrapant son verre de vin.
Il regarda vers la droite. Signe qu'il réfléchissait. Puis se focalisa à nouveau sur elle.
- Depuis une soixantaine d'année. Je voyage. J'apprends les coutumes, les mœurs des pays. D'où mes nombreuses maisons un peu partout dans le monde. Cependant la France reste l'un de mes pays préféré.
Il devait être obligatoirement un homme cultivé. Elle se garda de lui faire ce compliment. S'il n'était pas Lucifer, elle aurait pris plaisir à lui poser des questions jusqu'à temps qu'elle l'épuise.
- Tu retournes souvent... en... Enfin tu sais?
- En enfer? Lorsque mon père me le demande.
- Comment le fait-il?
- Les ailes que j'ai dans le dos me brûlent.
- Sérieusement? Demanda t-elle en suspendant ses couverts au dessus de son assiette.
- Oui. (Il se mit à rire) Elles ne me servent pas uniquement à me déplacer.
- Tous tes serviteurs en possèdent?
- Uniquement ma garde rapprochée. Celle que tu as vu en descendant de l'ascenseur.
Elle avait l'impression de se perdre dans ce flot d'informations. De plus la conversation ainsi que la situation était irréelle. Elle était à la table du diable et il répondait à ses questions. Elle se rendait compte qu'ils n'avaient rien en commun. Ils pensaient différemment, vivaient de façon opposé et n'avaient pas les mêmes priorités. C'étaient deux mondes qui se rencontraient.
- En fait à l'origine mon père vivait là haut. Son ennemi l'a déchu mais ses fidèles serviteurs l'ont suivi jusqu'en enfer. La meilleure chose qu'il leur soit arrivée!
- Vous les voyez souvent ceux d'en haut?
- Non. Il vaut mieux que nous nous évitions. Nous nous rencontrons qu'en cas de stricte nécessité. Expliqua t-il d'un ton froid.
- C'est toi qui était en haut de l'immeuble devant chez moi la dernière fois?
Il sembla surpris de cette question mais retrouva rapidement son air hautain.
- Oui. Tu m'intriguais, je voulais en apprendre plus sur toi.
Elle, l'intriguer? Elle n'était qu'une simple mortelle. Si elle lui demandait des explications, il esquiverait certainement en répondant qu'elle était différente. Elle baissa alors la tête et ils se mirent à manger silencieusement. Tous les plats lui procurèrent une explosion de saveur dans la bouche. Cela était absolument délicieux. A la moitié de son assiette, une question lui traversa l'esprit.
- As-tu le droit d'expliquer tout ceci à une humaine?
Lucian posa les couverts sur la table et de sa serviette se tapota la bouche.
- Non. C'est pourquoi tu garderas ses confidences pour toi.
- Ou sinon? Tu me tueras? Le taquina t-elle.
Il perdit son sourire et elle comprit que la réponse était oui.
- Non pas moi. Mais mon père n'hésiterait pas.
Elle avala sa salive. Elle allait devoir garder ce lourd secret pour elle.
- Pourquoi me les dire alors?
Il s'enfonça dans son fauteuil et croisa les mains.
- Joker. Répondit-il en souriant malicieusement.
Elle souffla et se concentra pour finir son assiette. Elle jeta un coup d'œil à la carbonade flamande. Elle trempa le bout de sa cuillère dans la sauce et la gouta. Divin! Cependant, elle préférait être raisonnable et s'abstenir.
- Toi aussi tu possèdes quelques péchés capitaux comme vous les appelez. Ria Lucian.
Elle leva les yeux vers lui. Elle ne pouvait le nier.
- Oui comme tout le monde.
- En tout cas, j'espère que tu as celui de la luxure. Répondit-il en se mordant la lèvre inférieure.
Elle rougit et baissa la tête. Elle se concentra sur ses genoux. Elle pensait que la distance entre eux la soulagerait et pourtant il l'intimidait bien plus. Dès qu'elle levait les yeux, il la fixait de manière sérieuse.
- Veux-tu danser? Demanda t-il en tendant la main.
- Il n'y a pas de musique.
Il frappa des mains et les premières notes de "Nessun Dorma" interprétée par Andrea Bocelli résonnèrent dans la pièce [MEDIA]. Dès que la voix du Ténor se fit entendre, elle eut des frissons. Elle eut l'impression qu'il prenait possession de toute la pièce. C'était l'une des rares chansons où elle ressentait parfaitement les émotions qu'elle faisait passer.