Instinctivement je me mis sur la défensive. Elle était comme moi ! Comment avais-je pu ne pas le remarquer ? Maintenant que j'y pensais, tous les signes étaient là : elle mangeait peu, fuyait le soleil et presque aucune chaleur n'émanait de son corps. Comment avais-je pu être aussi aveugle ? Tous mes muscles étaient tendus, j'étais prête à bondir au moindre mouvement hostile. Elle avait conscience du malaise, et posa son repas. À ma surprise, au lieu de se préparer au combat, elle me sourit simplement et dit :
- En dix ans d'enlèvement de jeunes à Alamandra, ils ne sont tombés sur aucun corbeau, puis tout à coup ils en prennent deux à la suite... Alors, ça y est ? Alamandra est converti ? C'est devenu un village de corbeaux ?
Je fus complètement déstabilisée par son calme face à cette situation. Elle savait ce que j'étais depuis le début, c'était pour cela qu'elle ne m'avait pas laissée seule dans la meute de louves. Pour casser le silence, mon ventre intervint en grognant bruyamment ; deux mois sans manger faisaient leur effet, même si j'étais habituée à jeûner.
- Tu en veux ? me proposa-t-elle, en me tendant une parcelle de viande, Je ne pourrai jamais manger cette baleine toute seule.
Je ne pus resister, mes instincts prient le dessus et je lui arrachai le repas des mains. Je remarquai entre les bouchées qu'elle était un peu étonnée par ma bestialité. Je m'en fichais, j'étais focalisée sur la nourriture. Elle semblait comprendre ma situation. Sans doute elle aussi avait essayé de ne pas manger, elle avait dû être humaine à une époque, elle.
- Depuis combien de temps tu jeûnes comme ça ? Tu sais, faire un régime n'améliorera pas l'épreuve du corset, j'ai déjà essayé. C'est toujours aussi serré, m'informa-t-elle en grignotant.
- Deux mois... Et toi, tu vis ici depuis un moment, non ? rétorquai-je, un peu vexée qu'elle ait cru que je voulais simplement faire un régime.
- Ça doit faire près d'un an maintenant, mais les premiers six mois je pouvais encore me contenter de la nourriture humaine, répondit Maria en jetant un os par dessus son épaule, puis elle enleva son tour-de-cou pour laisser paraître deux points rouges comme la marque de morsure d'un serpent et ajouta : Ça n'a pas encore cicatrisé, même après tout ce temps... Deux ans que je me trimballe des colliers et des bandages pour le cacher et en espérant que ça partira. Les corbeaux ont attaqué ma famille, je me croyais chanceuse de m'en être tirée, mais en fait c'est moi qui ai pris le pire. Et toi, elle date de quand, ta morsure ?
- Jamais.
- Comment ça "jamais" ? me demanda-t-elle, perplexe.
- Je n'ai jamais été humaine. Je suis originaire du village des vampires, j'ai été chassée et j'ai été accueillie par la Maison Verte à Alamandra, expliquai-je sommairement.
- La Maison Verte... Alors Martha t'a recueillie malgré ta nature. Bonne vieille Martha... soupira-t-elle. Dans quoi t'as encore fourré ton nez ?
- Tu la connaissais à l'époque ? l'interrogeai-je, la bouche pleine.
- Bien sûr ! Je vivais aussi à la Maison Verte. Où crois-tu que je sois allée après avoir reçu ça ? me rappela-t-elle en pointant son cou du doigt, Je m'appelais Proxys à l'époque, mais comme les nobles n'arrivaient pas à prononcer mon nom pour x raison, ils m'ont obligé à le changer.
- C'est toi Proxys ?! m'exclamai-je un peu trop fort, envoyant des postillons un peu partout, Mais Martha m'avait dit que tu étais partie faire des études à Asalas ?
- C'est ce que je devais faire, mais les nobles m'ont kidnappée sur le chemin. Je n'avais pas envie de lui dire ce qui s'est passée alors je l'ai laissé croire que tout s'était passé comme prévu. somma Maria. Tu es un vrai corbeau... J'imagine que tu m'aurais dit ça il y a deux ans, j'aurais probablement essayé de te tuer, mais là on discute autour d'un repas... C'est incroyable comment un changement de circonstances peut faire varier nos alliances, n'est-ce pas ? ironisa-t-elle en prenant une nouvelle bouchée.
Nous mangeâmes un moment en silence, je regardai par la fenêtre, la nuit était belle et les étoiles étaient de sortie depuis que les nuages étaient partis. Je récupérai mon masque qui était tombé à terre lorsque j'avais vu Maria. Soudain, je pensai à nos différences, si elle était née humaine alors elle avait dû apprendre à se nourrir de ses pairs.
- Tu n'as pas eu de mal à t'habituer ? À manger de la viande je veux dire ?
- Pfffff ! Évidemment qu'au départ je ne voulais pas y croire, l'idée de devenir comme... bah, comme toi me dégoûtait. Tu as bien entendu toute la propagande anti-corbeau qui est vénérée comme la parole des Grâces, le Chef du Village qui donne la chair de poule et tout... Mais je sentais bien mon sang bouillir la nuit, le soleil commençait à devenir insoutenable, le soir je me sentais comme si c'était l'heure de se réveiller, alors quand j'ai commencé à remarquer qu'après chaque repas j'avais de plus en plus faim, je m'y suis résignée. N'empêche que la première proie n'a pas été agréable... Au départ je cherchais à justifier ce que je faisais était juste, je faisais en sorte de ne manger que les individus pervertis et vraiment horribles — il y en a plein par ici — mais après, c'est devenu une habitude qui change en fonction des occasions. Ma seule règle personnelle est de ne pas tuer les enfants.
Elle était sereine en parlant de ce passé assez troublant, ce qui me rendait mal à l'aise. Je commençais à me demander si la transformation avait affecté sa santé mentale comme elle l'avait fait pour beaucoup de ses prédécesseurs. À en croire les témoignages, à moins d'avoir la chance inouïe d'être attaqué par un vampire avec un type sanguin compatible au sien, la réécriture de son code génétique était accompagné d'une douleur infernale qui s'étendait sur plusieurs mois. Je repensai aux tableaux qu'il y avait à l'entrée de la Maison Verte ; la Proxys souriante qui s'y trouvait avait tellement peu de ressemblances avec la femme qui mâchouillait un morceau de doigt obèse que je doutais franchement si R, Last, ou même Martha la reconnaîtraient. Comme si elle avait lu dans mes pensées, Maria me questionna, un peu inquiète :
- Ils ne savent pas que je suis là, hein ? Ils n'ont aucune idée de ce que je suis devenue ?
- Ils n'en savent rien, pour eux, tu es plongée dans tes études à Asalas, affirmai-je, ramenant ma robe de chambre rouge un peu plus près de moi, la nuit commençait à devenir fraiche.
- Tant mieux ! souffla-t-elle soulagée, Je n'ose pas imaginer la réaction de Last si elle apprenait ce qui m'est arrivée, et pour Martha qui déteste et les nobles et les corbeaux, va savoir ce qu'elle irait faire... D'ailleurs, ils sont au courant pour toi ? Tu as pu leur dire ?
- Martha, Jacob et R sont au courant, mais personne d'autre. On a préféré le cacher à Last, elle est toujours un peu fragile quand on parle de vampires.
- Oui, c'est sans doute mieux ainsi... Pauvre Last, elle était si petite quand elle nous a rejoints... Elle vole toujours des cerises à R ?
Une fausse normalité s'était installée entre nous, Maria prenait des nouvelles de ses amis d'avant, se remémorant des épisodes drôles où R protégeait férocement son stock de guimauve... J'oubliai presque que le repas que nous partagions était tout sauf conventionnel. L'ambiance était conviviale, nous bavardions comme si nous ne faisions que partager un thé. C'était uniquement lorsque Maria s'immobilisa et me fit signe de me taire que la situation reprit la gravité qui lui était due.
Du couloir adjacent venait des "clip clap" résonnants de chaussures à petits talons qui se posent sur le parquet ciré. Quelqu'un arrivait, et vite. Nous n'avions pas le temps de cacher le corps. Je m'emparai de mon masque tandis que mon amie me tirait sur le poignet. Elle me mena un peu plus loin dans le couloir, s'arrêta devant une tapisserie qu'elle poussa d'un mouvement de bras. Derrière se trouvait un vieux escalier en pierre couvert de poussière, sans doute réservé aux valets ; nous nous y réfugiâmes de façon à pouvoir surveiller le corps dans être vus. Mon cœur battait si fort que je ne serais pas étonnée si la personne l'entendait à dix mètres. Les pas s'approchaient et nous pûmes apercevoir une faible lueur jaunie de bougie vaciller. Me préparant au pire, je mis le masque kitsune, je réunis mes cheveux en chignon et je mis la grande capuche soyeuse de ma robe de chambre pourpre ; ainsi, si jamais quelqu'un me surprenait ici, on ne me reconnaîtrait pas.
Enfin, une jeune soubrette munie d'une lanterne déboucha de la droite et se tourna pour avancer dans notre direction. En posant les yeux sur le corps inerte que nous avions laissé derrière nous elle émit un cri terrifié et manqua de s'évanouir. La lampe lui glissa des mains et se brisa dans un fracas terrible. Un valet affolé accourut aussitôt et eut un haut-de-cœur horrible en voyant la scène. Peu à peu, les nobles dans les chambres voisines vinrent voir d'où venait le tumulte nocturne. Une affreuse panique fit vibrer le couloir comme un nid de guêpes enragés. Soudain, une voix masculine se distingua du bourdonnement apeuré :
- Mais quelle sorte de bête aurait pu faire une telle horreur ?!
- Comment a-t-elle fait pour entrer ? Nous sommes au cinquième étage ! renchérit un autre.
- Elle est peut-être encore tout près !
- Ce n'est pas une bête, mais un homme ! fit remarquer une femme, le souffle hâché, Regardez, il y a une empreinte de main sur le sol !
Il y avait en effet une trace de main pourpre sur le plancher en bois... Ma main. Je regardai ma paume claire, elle était écarlate et gluante, je n'avais pas fait attention. Grave erreur. Si je l'avais tout simplement brouillé en partant, les nobles auraient supposé que cette scène était l'œuvre d'un animal ; mais comme je l'avais laissé, un interrogatoire allait forcément s'en suivre. Je regardai Maria d'un œil désolé, elle me souffla un petit "ce n'est pas de ta faute". Pourtant, ça l'était, je nous avais mises toutes les deux en danger.
Malgré leurs airs effarés, les nobles se firent une joie de conjecturer sur les aléas du sort de leur compagnon. D'un coup, la cacophonie générale s'interrompit pour laisser place à une voix grave et grinçante, comme si celui qui parlait avait des gravillons dans la gorge :
- Au lieu d'imaginer des histoires farfelues, appuyez-vous sur les faits ! Nous aurons ainsi plus de chances d'attraper le coupable.
- Docteur Griffmann ! s'étonna un riche, Vous êtes revenus du front ?
La main de Maria qui était posée sur mon épaule se crispa, cette personne l'effrayait. La foule s'était tournée pour regarder un grand homme au visage osseux et aux larges épaules carrées. Il avait de longs cheveux ondulés noirs dont les pointes étaient abîmés et graisseux. Un chapeau haut de forme masquait ses racines, mais j'imaginais qu'elles étaient elles aussi en piteux état. Il portait une blouse blanche soignée par dessus un uniforme sombre en cuir. Il repoussa ses lunettes carrées plus haut sur son nez avec son annulaire et commença à parler :
- En effet, je viens d'arriver, je me rendais à ma chambre. Revenons à cette affaire. Cette empreinte de main par exemple, elle ne correspond pas à celle de notre cher M. De Villey, c'est donc celle du meurtrier. Vu sa taille, je dirais qu'il est très peu probable qu'elle appartienne à un homme adulte. Cependant, la force nécessaire pour tuer un homme de cette façon barbare surpasse de loin les capacités d'un enfant et de la plupart des femmes ici.
J'émis un petit grognement indigné à cette remarque, mais en l'occurence le stéréotype de la femme faible m'éloignait un peu de l'échafaud : étant et enfant et femme, j'étais la dernière personne qu'il suspecterait si on en arrivait aux interrogatoires. À en juger par sa méthode, ce type n'était pas idiot et n'était pas du genre à perdre ses moyens face à une scène difficile, il allait faire l'enquête, j'en étais sûre. Il continua malgré les plaintes des aristocrates comme quoi il s'exprimait de façon un peu trop directe :
- Comme nous nous trouvons au cinquième étage, je doute que quelqu'un de l'extérieur ait pu s'infiltrer jusqu'ici s'il ne connaissait pas les lieux...
- Docteur, vous n'insinuez tout de même pas que...intervint une soubrette tremblante.
- Je n'insinue pas, Mademoiselle, j'accuse clairement l'un d'entre vous d'un meurtre, déclara Griffmann en s'agenouillant pour tâter le corps du bout de ses doigts fraîchement dégantés, Et non seulement cela, mais le tueur ne doit pas être très loin, le corps est encore chaud.
Je retins ma respiration, un silence lourd engouffra la galerie suivant cette affirmation. Je vis avec horreur les yeux du docteur sinistre parcourir le sol autour du corps, sonder le plancher luisant puis s'immobiliser subitement en apercevant une petite traînée de gouttes ocres qui menaient à notre cachette. Je me maudis intérieurement, j'étouffais tandis qu'il se relevait lentement, l'air grave et demanda à haute voix :
- Dites-moi, vous qui vous cachez derrière la tapisserie... À quelle vitesse courez-vous ?
Je sentis Maria détaler, ce docteur la terrifiait. Un battement solitaire de mon cœur fit palper mes veines. Le temps avait ralenti. Alors voilà donc la terreur que ressent le lapin en apercevant un loup. Un éclair parcourut mon corps et mes muscles se mirent en mouvement de leur propre accord. Je fis volte-face et je m'élançai dans l'escalier, priant que j'allais me retrouver dans une partie du château que je connaissais. Des pas lourds sur les marches derrière moi m'indiquèrent que j'avais ce Griffmann sur mes talons.
Je débouchai sur une pièce ronde avec une sortie à droite, une autre à gauche. À mon malheur, il m'était complètement inconnu. Sans réfléchir, je fonçai à gauche au grand galop. Si j'arrivais à trouver un chemin vers le rez-de-chaussée, je pourrais les perdre dans le jardin. Je priai Audacia en me jetant vers une nouvelle ouverture à droite. Mon poursuivant avait beau être seul, cela ne me rassurait pas ; ce regard empli de haine était gravé dans ma mémoire : il voulait ma peau, et il savait exactement comment se la procurer de la façon la plus douloureuse possible.
Soudain, j'entrevis une lueur d'espoir : un escalier descendant en spirale servant aux valets comme celui de tout à l'heure. Je bondis dessus, manquant de me fracasser contre le mur opposé. Je tournai en rond encore et encore, sautant de quatre marches à chaque pas. D'un coup, je butai contre une porte en bois massif. C'était bien trop tôt pour être arrivé au rez-de-chaussée. Sans m'y attarder, je poussai furieusement la poignée rouillée et je sentis le désespoir me gagner : elle était fermée à clé. C'était un cul-de-sac... Je cognai la barrière de tout mon poids, mais rien, elle ne bougea pas d'un pouce. Les pas se rapprochaient. Plus le choix, aux grands maux, les grands moyens.
Mes ailes jaillirent de mon dos dans une rafale d'énergies confuses qui remplirent presque entièrement l'étroite cage d'escalier. Après ce repas, elles me paraissaient plus solides, plus capables, plus concrets, elles flamboyaient et se tordaient dans tous les sens. Je les pointai vers la porte, et je la fis exploser. Elle vola en arrière avec un fracas assourdissant. Ma force m'était revenue, et c'était effrayant... Je ne pus trop réfléchir aux implications de ma puissance retrouvée, le temps me manquait : si mon chasseur avait par chance perdu ma trace, avec tout ce vacarme il m'avait forcément retrouvée. Je me trouvais au premier étage, dans les loges de particuliers non loin des appartements privés des Di Sonatia, dont ma chambre. Si je parvenais à la rejoindre, je serais sauvée. J'hésitais cependant, si le docteur me voyait entrer dans mes appartements, c'en était fini de moi. Non, il fallait absolument que je le semasse avant.
Je considérai le nouvel environnement, en face de moi se trouvait une ligne de fenêtres qui donnaient sur le jardin, un labyrinthe de haies et d'arbustes que je connaissais par cœur à force de m'y éclipser. Je pourrais m'échapper là-dedans. Je courus jusqu'au rebord et je regardai en bas ; quatre mètres environ me séparaient du sol gravillonnée de la cour. Je pourrais survivre à une chute de quatre mètres...
Un cri enragé dans mon dos pressa ma décision, je fis surgir mes ailes de nouveau, cette fois-ci, elles étaient plus grandes et je pus les déployer entièrement dans ce grand couloir aéré. Je les obligeai à se fracasser contre les carreaux fragiles. Comme d'immenses serpents désorientés, elles se balancèrent brutalement de droite à gauche, d'avant en arrière sans aucune précision, créant d'énormes failles dans les murs autour et brisant les fenêtres à côté que je ne visais pas. Je dois admettre que malgré ma peur, ce sentiment de puissance, de chaos que je contrôlais, que j'avais engendré, était grisant. Je me déchaînais librement comme une jument qui avait réussi à jeter son cavalier.
Un petit tintement en bas m'apprit que le verre était tombé dans la cour. Je grimaçai à l'idée de devoir sauter sachant que j'allais atterrir sur des piques transparents. Quatre mètres me paraissaient soudain très grands. Mais j'avais plus le choix, mon désordre bruyant avait alerté d'autres nobles. Je m'accroupis dans l'encadrement, le vent nocturne fouettait mon masque et un sifflement résonnait dans mes oreilles. Je pris une longue inspiration, m'avançai par centimètres, fermai les yeux et m'élançai dans le vide.
Pendant un court instant, j'avais l'impression de flotter... puis le granit me ramena sur terre. Je dus me mordre la lèvre pour ravaler un gémissement. Ma cheville avait absorbé le pire du choc et était en sale état et ma main droite s'était percée sur un fragment de verre. Je me retournai pour vérifier que mon poursuivant n'avait pas lui aussi pris l'option du saut de l'ange. Il m'observait du premier étage, le visage stoïque ; j'avais l'impression qu'il pouvait me voir sous mon masque, mais j'étais soulagée de pouvoir me dire que ce n'était rien de plus qu'une impression. D'autres nobles curieux s'amassaient autour de lui pour contempler la scène et découvrir l'origine du tumulte, mais aucun d'entre eux n'avait l'air de vouloir se décider à me poursuivre.
Je me levai en vacillant, prenant gare à ne pas trop m'appuyer sur ma cheville blessée. Je boitai hâtivement jusqu'au premier buisson, me dissimulai derrière et émis un soupir. J'avais écarté le danger dans l'immédiat : il était impossible que les aristocrates me reconnussent de jour, et en ce qui concernait le docteur, je devrais être tranquille quelques jours au moins, le temps qu'il interroge tous les garçons assez forts pour avoir commis le crime.
J'attendis une heure, le temps de m'assurer qu'on ne me cherchait plus. Quand il devint évident qu'on avait pensé que j'étais déjà loin et personne n'arrivait de derrière les arches, je me permis de marcher lentement vers les loges Di Sonatia, cette fois-ci faisant attention à ne pas laisser de traces derrière moi. Discrètement, je remontai au cinquième étage, entrai dans la chambre de Hunter et je tombai à moitié morte sur le lit. Je délaissai le masque qui m'avait sauvé et je m'endormis aussitôt, le ventre plein pour la première fois depuis deux mois.
---- Fin du chapitre 23 ----