Il avait fini par avoir ce qu'il voulait, Voldemort, il avait fini par tuer le grand Harry Potter.
Il avait amené son cadavre, dans les bras du garde forestier, jusqu'à Poudlard, qui était en ruines.
Il l'avait amené pour qu'ils voient, pour qu'ils voient qu'il avait gagné, pour qu'ils pleurent leur ami, désormais mort, pour qu'ils pleurent leur défaite.
Pour qu'ils pleurent leur propre mort, qui n'allait certainement pas tarder à venir.
Il s'était avancé, au-devant de sa troupe, dès ses partisans, ses esclaves, et il avait parlé, oh oui il avait parlé, il avait hurlé même, hurlé ce dont il était si fier : J'ai tué Harry Potter, le garçon qui a survécu ! »
Il en était si fier, il en était si fier putain !
Et moi je ne pouvais que regarder, regarder ce spectacle, derrière mes larmes que j'essayais de cacher.
Mais à quoi bon me cacher, à quoi bon me cacher d'eux ? J'allais mourir de toute façon.
Et je crois que je ne demandais que ça, oui, je ne demandais que ça : mourir.
Car maintenant plus rien n'aurait de sens, plus rien n'aurait de sens sans Harry.
Maintenant que Voldemort était au pouvoir et qu'il n'y avait personne pour l'arrêter comme Harry, tout était foutu.
Il allait tous nous détruire, nous tuer : les sangs de bourbe, puis ceux qui se rebellent.
Il allait nous tuer oui.
Et moi je ferais partie des premiers, des premiers à mourir.
Et il me regardera crever, il regardera, ils regarderont tous d'ailleurs, mon sang impur s'étaler sur le sol.
Il avait alors dit de nous joindre à lui, ou de mourir.
Alors j'ai ris, j'ai ris aux éclats et mon rire plein de haine, de tristesse et de désespoir, avait résonné dans tout le château.
Et je m'en fichais que l'on me regarde, que Voldemort me lance un regard noir, qui voulait dire « Tu vas mourir ». Je m'en fichais tellement si vous le saviez.
Je ne faisais que rire, tout en laissant mes larmes couler sur mes joues.
Et je l'avais trouvé tellement ridicule, de nous proposer cela, à nous tous, nous qui nous sommes battus contre lui, nous qui avons vu nos proches mourir sous nos yeux à cause de lui, nous qui l'avons détesté et qui le détestons encore, nous qui les avons pleurés, qui nous nous sommes tordus de douleur face à ses sortilèges.
Nous qui voulions sa mort, plus qu'on ne peut le vouloir.
Et il nous demandait de nous joindre à lui ? Ha ha !
Je pleurerais sur la tombe de mon meilleur ami si je ne meurs pas d'ici là et je pleurerais de rire sur la tienne si j'arrive à te tuer de mes propres mains.
Je boirais ton sang dans une coupe de vin, que je lèverais en criant « A votre santé ! Lord Voldemort est mort ! »
Et je reviendrais sur ta tombe et je la piétinerais, je cracherais dessus avant de danser et rire de nouveau.
Fini les gentils justiciers, qui tentent de mettre de l'ordre dans le monde sorcier.
Moi-même, je ne suis plus comme ça. La haine me ronge les entrailles et je découperais les tiennes.
Personne n'avait bougé, vous savez, personne n'avait bougé quand il a eu l'audace de nous demander de nous joindre à nous.
Personne.
Pas même Malefoy, à qui les parents jetaient des regards insistants aux côtés de Voldemort.
Ils restaient tous figés, comme des statues sans âme, dans l'attente que la mort ne vienne à eux.
Dans l'attente que la mort ne vienne à nous.
Et on n'a pas attendu longtemps vous savez.
Il nous avait dit « Très bien, si c'est ainsi, vous allez tous mourir ce soir et rejoindre Harry Potter ».
Et je n'avais pas pu, je n'avais pas pu retenir un faux cri de joie.
Alors les sortilèges on commencés à fuser dans toutes les directions.
Ron, à côté de moi, tomba à terre, raide mort.
Je le regardais, stupéfaite. Je ne pouvais rien faire, il était mort.
Il était mort devant moi et je n'ai rien pu faire.
« Dort mon amour, dort pour toujours. »
Les pièces de l'échiquier tombaient tour à tour.
Et j'essayais de fuir cet endroit malgré tout, car je ne voulais pas finir comme eux.
Je devais le tuer, je devais le tuer pour qu'il ne puisse pas se réveiller le lendemain.
Et plus jamais d'ailleurs.
Alors j'ai fuis, fuis en attendant de revenir en force pour mieux le détruire.
Et j'ai couru, j'ai couru aussi vite que j'ai pu.
Des sortilèges fusaient, partout autour de moi, tant tôt pour essayer de me tuer, tantôt pour tuer une personne qui était derrière moi.
Et je ne sais pas comment, mais j'ai pu y arriver, j'avais enfin réussi à m'échapper.
Je me suis enfui.
Je me suis cachée dans la forêt interdite, qui me semblait bien vide désormais car je n'avais plus cette sensation que quelqu'un m'observe alors que je m'enfouissais de plus en plus dans cette forêt d'arbres vieux aux écorces fragiles.
Et alors que j'étais sure d'être bien trop loin pour qu'une personne ne m'attrape, je me suis laissée tomber au sol, en m'essoufflant et en laissant encore une fois mes larmes couler sur mes joues.
***
Il nous avait dit de nous joindre à lui, ou de mourir.
Il nous avait dit, de le rejoindre lui, lui qui a tué tant de personnes pour la mort desquelles nous nous sommes battus.
Oh oui, il avait osé nous le proposer, il avait eu le culot de nous demander de choisir entre la mort, et la « vie ».
« La vie », n'est-ce pas drôle ? N'est ce pas drôle de nous proposer de vivre auprès d'une personne qui cherche sans cesse à tuer, qui aime la mort et qui pourrait vous tuer en un claquement de doigts si l'envie soudaine lui vient ?
N'est ce pas drôle, de nous le demander ? Nous qui nous nous sommes battus contre ses partisans, pendant que lui se reposait dans un coin ?
Alors je vous le demande : N'EST-CE PAS DROLE ?
Granger avait ris aussi fort qu'elle n'avait jamais ris, mais il n'y avait aucune chaleur dans son rire, aucune joie, juste de la haine. Et je la comprenais.
Puis, Voldemort avait déclaré qu'il nous tuerait tous.
Et c'est alors, en voyant tous ces cadavres autour de moi, de plus en plus nombreux, écrasés par d'autres cadavres qui ne cessaient d'agrandir cette montagne aux morts, que j'ai fuis.
Oui, j'ai fuis, j'ai fuis tout en essayant de ne pas me faire repérer, j'ai fuis en espérant que personne ne m'avait vu et j'ai surtout espéré, que je n'étais pas le seul à avoir fuis.
Alors j'ai couru vers le premier endroit qui m'est venu à l'esprit : La forêt interdite.
Désormais vide, sans aucune âme de monstre quelconque ou de créature étrange.
Vide, sans âme, sans vie.
Comme moi en fait.
J'ai couru, je crois, pendant près de vingt minutes, sans regarder derrière moi, sans penser à autre chose que fuir.
Et c'est alors, en m'appuyant contre un arbre pour reprendre mon souffle, que je l'ai vue.
Hermione Granger, la fille la plus intelligente que je n'ai jamais vue, la fille que j'avais pendant des années insulté de « sang de bourbe », meilleure amie de Potter et de Weasley. La fille qui venait de les perdre, ses meilleurs amis.
Elle pleurait, accroupie par terre.
Elle pleurait.
Elle pleurait car il n'y avait rien d'autre à faire que de pleurer. Et encore une fois, je la comprenais.
Le désespoir l'avait surement envahi.
Tous les gens qu'elle connaissait, étaient en train de mourir. C'était pareil pour moi d'ailleurs.
C'est alors, que je décidais de rompre le silence, rompre le silence pesant qui régnait dans cette fichue forêt sans vie, qui semblait se remplir de souffrance lorsque Granger pleurait.
-Granger ?
Elle sursauta légèrement, tourna la tête vers moi et me regarda quelque peu surprise. Ses yeux étaient rouges, elle n'avait pas pleurée qu'à moitié, ça c'était sûr.
-Mal...Malfoy ? Qu'est-ce que tu fais ici ?
-La même chose que toi apparemment...
-Tu as fuis ?
-Je n'avais pas vraiment le choix à vrai dire.
Je vins m'assoir à côté d'elle.
-Qu'est-ce qu'on va faire maintenant, Granger ?
Elle essuya ses larmes d'un mouvement de manche.
-A vrai dire j'avais une idée, mais...ça m'étonnerais que tu acceptes de me suivre.
-Tout ce que je veux pour l'instant Granger, c'est survivre. Balance ton idée.
-Le monde moldu.
***
Je ne savais pas si laisser Malefoy me suivre était une bonne idée, il était fils d'un mangemort après tout.
Mais au moment où je l'avais vu, j'ai compris qu'il était tout aussi perdu et désespéré que moi.
Alors oui, j'ai proposé à Malefoy de me suivre dans le monde moldu pour nous y cacher, car cette idée me trottait dans la tête depuis que je m'étais enfuie en courant.
Malefoy ne s'y opposa pas, et je le comprenais : tout ce qui importait, c'était survivre.
Alors je l'ai pris par le bras et nous avons transplané dans le centre-ville londonien.
Tout ce dont j'avais eu l'idée, était de trouver un hôtel, mettre des sortilèges de protection dessus, et mourir.
Non pardon, survivre.
Nous avons trouvé un hôtel sans étoile dans une petite rue au milieu de « nulle part ».
C'était parfait.
-Bonjour, une chambre et deux lits pour la survie s'il vous plaît.
La chambre n'était d'ailleurs pas luxueuse, au contraire : des toiles d'araignées suspendaient au plafond, les fenêtres étaient sales et le linge semblait avoir été utilisé une centaine de fois avant nous.
J'aurais presque cru que Malefoy allait vomir, ce qui ne m'aurait pas étonné de sa part.
-Mon carré de survie est celui de gauche, prends celui de droite.
On ne pouvait rien se dire avec Malefoy, pourquoi ? Peut-être parce que nous nous détestions depuis des années et que nous nous souhaitions la mort tous les jours auparavant. Ou peut-être est-ce parce que toutes les personnes qui nous étaient proches sont mortes, et que nous nous sommes enfuit en les laissant mourir.
En les laissant mourir...
Un flot de larmes dévala mes joues à cette pensée.
J'essayais d'étouffer mes sanglots tant bien que mal, mais c'était peine perdue.
Je me suis mise en tailleur sur mon lit, le visage flottant dans ma souffrance en
reposant sur mes mains.
J'entendis Malefoy se redresser et j'ai sentis son regard me détailler.
-Ne pleure pas, Granger...
Ne pas pleurer ? Ne pas pleurer ? Au fond de moi je voulais ne pas pleurer, j'aurais aimé que tout cela n'arrive jamais. Mais c'est arrivé. Alors excuse-moi de pleurer mes amis que ne sont que des esprits maintenant.
-Ne pleure pas... s'il te plaît...
-Vas te faire foutre Malefoy ! J'ai laissé mes amis mourir, je n'ai rien fait pour les aider, et en plus je me suis enfuie ! Je me déteste tu comprends ? J'ai tout perdu ! Plus jamais je ne pourrais être heureuse ! Et au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, Tu Sais Qui est au pouvoir maintenant, ce qui veut dire que moi, petite sang de bourbe que je suis, je vais mourir tu comprends ? Et pas seulement d'un avada kedavra, non, ça serait trop simple ça, non, je vais beaucoup souffrir ! Et tu sais pourquoi ? Parce que j'étais la meilleure amie du grand Harry Potter, que j'ai laissé mourir en m'enfuyant. En fait je mérite ce qui m'arrive au final... Et je mériterais tout autant la mort qu'il m'infligera, car je suis un monstre pire que lui !
-Tais-toi ! Tu m'entends Granger ? Tu ne mérites en rien la mort ! Tu ne pouvais rien faire, je ne pouvais rien faire ! Tout s'est passé très vite, et ce n'est pas de ta faute ! Qui c'est qui a combattu plusieurs fois Tu-Sais-Qui aux côtés de ses amis en leur étant fidèle ? Et qui est ce qui m'a sauvé de la mort alors qu'elle aurait pu me laisser pourrir dans la forêt ? Alors désolé Granger, mais tu n'es en rien un monstre, et je sais que je t'ai souhaité une centaine de fois la mort, mais maintenant, je ne la souhaite à personne, surtout pas à la personne qui m'a sauvé.
***
Pourquoi l'air me parait plus lourd ? Pourquoi chaque fois que je respire, j'ai l'impression de soulever un poids avec mes poumons ?
Parce que je vis, mais eux non.
***
Les journées semblaient interminables avec elle, je ne voyais plus la Granger forte de Poudlard, je voyais un esprit errant à la recherche de quelque chose qui pourrait la libérer de sa souffrance.
Le troisième jour, je l'avais trouvée par terre avec un couteau dans les mains.
Je l'ai secouée, je lui ai crié dessus pour qu'elle se rende compte de la connerie qu'elle allait faire.
Mais elle ne m'entendait pas.
Elle mourrait à petit feu intérieurement, et ça se voyait.
Ça faisait bizarre de me le dire, mais la voir ainsi me faisait mal.
J'aurais voulu retrouver la Granger d'avant, car je me sentais seul.
Seul dans cette chambre, avec un fantôme sourd-muet pour « compagnie ».
J'aurais voulu faire quelque chose, moi Drago Malefoy, j'aurais voulu la faire sourire ne serait-ce qu'un instant, juste pour être sûr que je n'étais pas seul, et qu'elle était là.
Mais elle n'était pas là.
Elle est morte le jour de la bataille de Poudlard, avec ses amis.
Ce qui était avec moi, n'était qu'un corps flasque rampant sur le sol à la recherche d'une lumière.
Qu'allais-je faire ? Comment allais-je vivre ? Honnêtement, mourir aurait été mieux.
Le soir du quatrième jour, Elle prit vie.
Elle prit vie pour encore pleurer, pour hurler tout ce qu'elle avait retenu durant quatre jours.
Alors je l'ai prise dans mes bras. Car de toute façon, il fallait survivre, et c'était ensemble qu'on devait le faire.
Mais j'en doutais. J'en doutais de jours en jours.
Car la vie ne me semblait être plus qu'une blague.
Et j'ai aimé la prendre dans mes bras, et j'ai aimé sentir ses larmes dévaler dans mon cou, et j'ai aimé sentir ses bras frêles m'entourer aussi fort qu'ils pouvaient dans l'espoir de s'accrocher à la vie.
Et j'ai aimé la sentir, et j'ai aimé tout ce qui était lié à elle.
Peut-être était-ce parce que cela faisait quatre jours que nous étions enfermés dans la même chambre.
Mais je m'en fichais, car « aimer ça » c'était la seule chose que j'aimais, car tout le reste était détruit.
***
Qui l'aurait cru ? Qui aurait cru qu'un jour, je prendrais Malefoy dans mes bras et que j'aimerais ça ?
Cela faisait huit jours que nous survivions.
Et cela en faisait quatre, que j'aimais quelque chose dans ma « vie ».
Alors je lui ai dit « je t'aime ». Je l'ai dit comme ça, sans réfléchir. Et il m'avait dit que lui aussi.
Alors nous nous accrochions l'un à l'autre, pour « vivre » ou au moins pour respirer.
Mais un jour j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas dire : « le nom », « son » nom, en le maudissant.
Et ils sont tous apparus dans la chambre, tous, comme dans mes nombreux cauchemars, en détruisant fenêtres et murs sur leur passage.
Ils nous encerclaient, moi et lui.
Alors mon seul reflexe, a été de prendre le couteau qui était sur la table de nuit, où Malefoy l'avait laissé lorsqu'il me l'avait arraché des mains. On s'est regardés, et il a su ce que je voulais faire.
Alors je me suis enfoncée le couteau dans le cœur et il fît de même.
Nous nous sommes libérés, avant qu'ils nous condamnent à vivre dans la souffrance, en respirant le même air qu'eux.
***
Car je ne t'ai jamais aimé, je ne t'aime pas et je ne t'aimerais jamais.
Mais durant ces jours-là, tu as été mon pilier.
Ensemble nos corps sont morts ce jour-là,
Mais tu sais tout aussi bien que moi, qu'en réalité nous sommes morts bien avant cela.
J'ai reposé ma tête sur ton cœur, en espérant de vivre,
Même si je savais que cela m'était impossible.
A toi, qui dans ce trou noir m'a paru être la seule âme joyeuse,
L'illusion d'un amour m'a permis de finir « heureuse ».
Car on ne s'est jamais aimés, on ne s'aime pas et on ne s'aimera jamais.
Mais durant ces jours-là, nous avons été nos piliers.
Ensemble nos corps sont morts ce jour-là,
Mais nous savons, qu'en réalité nous sommes morts bien avant cela.
Nous avons reposé nos têtes sur nos cœurs, en espérant de vivre,
Même si on savait que cela nous était impossible.
A nous, qui dans ce trou noir avions l'air d'être les seuls esprits joyeux,
L'illusion d'un amour nous permis de finir « heureux ».
***
Car pour moi, mon je t'aime a été un merci.
Et pour toi, ton je t'aime a été un pas de quoi.