Il ne se souvient de rien. Le moment où je réalise ces six mots, ma tête flanche immédiatement. Je ne comprends pas, j'aurai voulu qu'il m'embrasse à mon réveil, ou entendre quelque chose qu'il ne m'a jamais dit. Quelque chose de différent, différent de ma réalité.
"Je te déteste, je te déteste pour avoir envie de toi quand il ne faut pas, je te déteste pour m'avoir foutu en l'air. Je devrais pas être avec toi mais je choisis de l'être, je te déteste de m'avoir fais ça."
Ces mots ne m'ont jamais quittés. Après les avoir entendu de sa bouche, je sais que j'ai ressenti quelque chose que je n'ai jamais connu. Après ça, c'était comme si on me relevait du sol, j'ai vraiment ressenti quelque chose, mais il a fallu que ça s'arrête. Mon petit monde s'est écroulé à cause du whisky. C'était des illusions créées d'alcool et de stupidité, elles n'ont jamais existé. Calum n'aura jamais ce genre de sentiments à mon égard. C'est vrai, je suis qui ? Personne, je ne veux rien dire. Une personne bourré m'a juste dit que je la rendait folle. Je n'existerai jamais comme les filles du lycée. Personne n'aime les épaves et les déchets voués à l'échec. Personne.
- Euh, qu'est-ce que tu veux ? demande Calum me sortant de mes pensées.
- Ah, euh, je mords ma lèvre, des nuggets et un burger s'il te plait, avec des frites.
Nous avons tous deux mangé en silence, pas parce que nous n'avons rien à nous dire, mais parce que nous crevions la dalle visiblement. Je n'ai rien mangé depuis hier soir et si on mettait une pizza sous mon nez, je la finirai en un claquement de doigts. Je ferme les yeux et laisse les frites fondre dans ma bouche, elles sont délicieuses, parfaites. Je ne veux pas les avaler pour garder ce goût. Quand j'ouvre les yeux, Calum me fixe en rigolant.
- Quoi ? dis-je
- Ton amour pour la bouffe est vraiment différent, il rigole
- J'ai faim
- Ouais ouais.
Je lui vole quelques frites et il essaye de m'en empêcher, trop tard. Nous rigolons en jouant avec notre nourriture. J'aime ce côté de sa personnalité. La grosse tête populaire que je connaissais s'efface tout doucement. Je trouve ça drôle quand il fait semblant. C'est comme si avec moi, il était le vrai lui. J'ai l'impression de le connaitre mieux que les personnes qui le côtoient au quotidien. À chaque fois qu'il me regarde, je vois autre chose, je me sens mieux avec lui, je me demande si je lui fais la même chose.
- Je savais pas que t'aimais All Time Low, je dis en regardant son t-shirt
- Ils sont doués, il prend une gorgée de coca, j'aimerais bien être comme eux un jour.
- Je suis sûre que t'es doué aussi, j'admets, il rigole
- Tu m'as jamais vu joué, ce qui me fait réaliser toutes les fois où j'ai refusé
- Tu changerai ton point de vue sur les bassistes inutiles, rajoute-t-il, je lève les yeux au ciel et rigole
- C'est quand votre concours truc ? Vous avez travaillé sur une chanson ou ? je continue de demander pour garder la gêne loin de moi.
C'est évident qu'il essaye de se souvenir de la nuit dernière. Bien sûr je veux qu'il se souvienne. Tout ce qui s'est passé signifie tellement pour moi, c'était le truc improbable de toute une vie. Jamais je n'aurai cru que quelqu'un me dirait ça un jour. Je veux savoir s'il pensait ce qui m'a dit. Mais une part de moi a peur qu'il se souvienne. Et si il réalise que ce qu'il a fait était complètement con, tout ça à cause de l'alcool ? S'il se souvient de tout et s'excuse parce qu'il ne pensait rien de ce qu'il m'a dit. Ça me briserai le cœur. Laisser la vérité derrière serait bien plus facile, mais je veux résoudre ce mystère. Je peux tout garder pour moi mais ça me ferait mal de savoir que tout était sous l'effet de l'alcool. Je me suis sentie différente et je ne veux pas que ça s'arrête.
Il a commencé à me parler de la compétition mais j'étais noyée dans mes pensées. Je faisais semblant de l'écouter mais je ne comprenais plus ce qu'il me disait.
Faire semblant. C'est comme si on m'avait poignardé droit au cœur quand je reviens à la réalité. Je me sens débile pour tout ça. Et en même temps heureuse. Je l'utilise, il m'utilise. On est ensemble à cause de ce marché débile. Je ne pensais pas que ça irait si loin. Tous les jours, je me réveille avec ce quelque chose en moi, qui me rend heureuse. J'ai de l'espoir, je me sens vivante. Je n'ai jamais été aussi heureuse de toute ma vie, comme si j'avais trouvé les pièces manquantes de mon puzzle, mais je ne vois pas quelles sont ces pièces. Il me rend heureuse et vivante. Ça pourrait être possible ? J'ai peur de ressentir ces choses, mais je veux briser mes murs et le laisser entrer. Je n'ai jamais été aussi confuse à propos de ma vie. J'y vais toujours à l'instinct. Mais maintenant, mon cœur s'y met. Je suis perplexe, et je sais pas ce que je dois choisir. Je suis contente, mais apeurée. Je veux qu'il reste loin mais je me sens incomplète sans lui. Et le garder à mes côtés me tue. Mais je sais que s'il s'éloigne, j'en mourrai vraiment.
- Et c'est comme ça que Michael et moi sommes devenus potes, j'ai un peu insisté, dit-il en rigolant, t'as écouté au moins ?
- Désolée, je fais un demi-sourire, j'viens juste de me souvenir d'un truc pour le lycée, c'est rien.
- Toi, t'intéresser au bahut ? Il me fait rire
- Viens on finit et on va quelque part, je suggère
- Où ça ? me dit-il en mordant dans son burger
J'ignore sa question et me concentre sur ma nourriture, comme je lui ai dit ce matin, je voulais faire quelque chose de nouveau, de différent et d'inédit. Je me demande pourquoi ses yeux s'illuminent après mes mots, on dirait qu'il y a quelque chose derrière tout ça. Calum est vraiment étrange des fois, et c'est intriguant.
Nous sortons et marchons, sans savoir où aller. Le silence règne.
- Je sais quoi faire, dit finalement Calum, je lève les yeux dans sa direction
- Quoi ? je demande en souriant
- Tu verras.
Il attrape ma main et commence à courir. Je me laisser aller, toute sourire et hypnotisée par la situation. C'est surement la première fois que je ressens quelque chose de différent quand il serre ma main. Je n'arrête pas de la regarder, je ne peux pas demander meilleure vue. La façon dont il l'a pris, c'est comme un moyen de rester en vie. Il me tient fermement.
Un sourire s'échappe immédiatement de mes lèvres quand nous nous arrêtons devant un parc d'attraction. Nous nous arrêtons de courir, mais il n'a pas lâché ma main pour autant. Je n'avais pas prévu de lâcher la sienne non plus. Il me regarde me lance un doux sourire que je lui rends, je le rassure sur le fait que j'aime son idée. Il agrippe ma main encore plus fort et commence à la caresser avec son pouce. Je savoure ce moment. J'essaie de photographier chaque instant dans mon esprit pour ne jamais oublier ces moments magiques. Nos mains sont entremêlées alors que nous entrons dans cet endroit qui respire la joie. Que demande le peuple. J'aime ça. Je nous aime.
- Je vais pas essayer de te gagner une peluche géante, il admet, je le regarde, l'amusement présent sur nos visages.
- Mais je veux faire quelque chose, il prend une grande respiration et presse ma main plus fort, quelque chose que je n'ai jamais fait avant.
Je suis ses yeux et remarque le roller coaster. Mes yeux se reposent sur lui et je souris, le laissant comprendre que je ne laisserai pas, peu importe ce qu'il arrivera. Je suis peut être petite mais je n'ai pas peur de la hauteur, j'adore comment les attractions me font voler. C'est comme si on m'emmenait loin, de toutes les conneries de ma vie. Et là, je suis avec la personne qui me rend la plus heureuse du monde, qui me demande d'aller avec elle. Je me détesterai toute ma vie si je devais dire non.
- J'adorerai !
Je sens son corps se crisper quand nous nous rapprochons de nos places, je n'ai pas lâché sa main. C'était confortant et je veux qu'il ressente la même chose. Je n'ai jamais su pourquoi les gens avaient peur des trucs comme ça, Cal fait peur a presque tout le monde au lycée, il a ce qu'il veut, tout le monde a peur de lui, et on dirai que c'est le dernier jour de sa vie. Je ne lui ai pas montré mais je commence à m'inquiéter. Je sais qu'il veut le faire et si je lui demande, il va penser que j'ai peur. Mais je n'ai pas peur. Tant que je suis là, agrippée à sa main, tout ira bien.
- T'es prêt ? je lui demande
Il prend une grande inspiration et me souris
- Toujours.
Nous nous asseyons à nos places assignées et descendons les sécurités. Calum a l'air pâle et effrayé, mais je continue de lui sourire pour être sûre qu'il aille bien. Quand tout est prêt, il glisse ses doigts entre les miens encore une fois.
- Me lâche pas.
Je lui souris et agrippe sa main fermement
- Jamais.
Ça commence à bouger et je continue de lui sourire largement, ses yeux sont fermés et sa grippe devient plus ferme. Je commence à caresser sa main avec mon pouce pendant que nous prenons de la hauteur, je sens sa respiration devenir irrégulière. Il a vraiment peur, je veux qu'il sache que tout va bien.
- Ouvre les yeux ! je crie, on va bientôt descendre !
- Non ! il répond
- Calum ouvre les yeux ! je crie en souriant, c'est le meilleur moment !
Je le regarde tandis qu'il ouvre lentement ses yeux, il condamne ma main dans la sienne en me regardant. Il mord sa lèvre et tourne les yeux en direction de l'attraction. Ça commence à descendre, me redonnant ce sentiment familier.
- Putain !
Nous criions et éclatons de rire tous les deux. Il garde les yeux bien ouverts et apprécie visiblement la promenade. Son expression est quelque chose que je n'oublierai jamais. C'était parfait. Terminé, j'ai la tête qui tourne un peu mais je l'ignore. Calum saute hors de son siège joyeusement et m'aide à sortir. Quand je mets les pieds au sol, il me souris et me prend dans ses bras. Ce câlin familier que j'ai adoré, qui me donne ce sentiment familier et tous ses papillons et artifices qui explosent à l'intérieur. Je m'appuie sur son torse, laissant son odeur m'envahir. J'adore cette sensation.
- Merci
Je ne lui réponds pas, mais je préfère resserrer son étreinte. Nous restons comme ça un moment. Il a affronté une de ses peurs, et il l'a fait grâce à moi. Je suis tellement fière de savoir que je peux le rendre heureux moi aussi. Ce sentiment d'être inutile et sans intérêt disparaît. Calum ne rate jamais une occasion de me faire sentir mieux qu'avant. Et franchement, je ne peux pas nier le fait que j'aime ça.
Il me complète.