Je m'essuyais le front d'un revers de manche rapide, tout en coupant les dernière roses. Jetant un regard à la vitre située au fond de la petite salle où je me trouvais, j'aperçus le ciel d'un bleu limpide. Je souffla, désespérée à l'idée de ne jamais voir cette journée se terminée. Mon envie le sortir devenait difficile à contenir. Je passa une main dans dans mes cheveux emmêlés, m'attardant sur les pointes fourchues - il faut vraiment que j'aille me faire couper les cheveux - pensais-je.
Durant l'heure suivante, je lorgnais sur ma montre si souvent, que j'avais l'impression d'être figée dans le temps. Une vraie torture. Quand celle ci m'indiqua 17 heures, un sourire apparut sur mes lèvres. Je défis le noeud de mon tablier rêche et le posa sur un vieux tabouret en bois. Je jetta les détritus dans la poubelle, nettoya la table à la vas-vite et enleva mes gants de jardinage. Attrapant mon sac d'une main, je sortis de la pièce et traversa la boutique.
- Alice, viens ici ! M'interpella Catherine de sa voix aiguë.
Alice, c'est moi. La belle fille de Catherine Trémaine, la femme que mon père avait choisit pour remplacer ma mère, morte à ma naissance. Cette femme avait également introduit deux autres filles d'environ mon âge dans ma famille. Jeanne et Anastasie, deux petites pestes qui, pendant que leur mère m'obligeait à travailler allaient faire des sorties. Mon père était mort d'une crise cardiaque à mes douze ans, me laissant anéantie et pour seule famille ces trois femmes. Malgré tout je me refusais de l'appeler " mère ".
- J'arrive. Dis-je en me dirigeant vers le fond de la boutique de fleurs, là d'où provenait la voix. Je ne voulais pas l'énerver ou provoquer une énième punition pour rien.
- Range-moi tout ça avant de partir comme une voleuse. M'ordonna-t-elle, désignant une vingtaine de cartons empilés les uns sur les autres.
Serrant les dents, je hocha la tête. Elle ne perdait pas une minute pour me trouver du travail celle-là.
- Et quand tu seras à la maison, tu repassera le linge propre. Dit-elle en haussant un sourcil parfaitement épilé.
- Pas de problème, Catherine. Grinçais-je, agacée.
- Encore heureuse qu'il n'y en ai pas ! Tu vis dans ma maison. Termina-t-elle sèchement avant de claquer la porte d'entrée, faisant tinter la clochette, et me laissant seule dans la boutique.
Vielle peau. Je rageais, si seulement quelque chose pouvait changer ma vie ...