Partie 2
Une fois dans ma chambre, je m'installe dans mon lit, le dossier sur mes genoux. Je suis très impatiente de découvrir ce qu'il contient. Avec hâte, je décroche la lanière en tissu beige qui retient les différents papiers mais je suis interrompue par mon portable qui vibre.
- Mais pourquoi ! Rhhooo laissez moi assouvir ma curiosité en paix !
Je regarde tout de même le message, posant de ce fait le dossier entrouvert à côté de moi.
< Lola, 11h14 : Je t'attends devant le grillage, tout est réglé :) >
< Moi, 11h14 : D'accord, Monsieur Salomon veut bien ? Comment as-tu pu lui demander vu qu'il n'est pas là ? >
La réponse se fait attendre et j'en profite pour ranger ce fichu dossier que je ne pourrai pas lire avant ce soir.
< Lola, 11h20 : Oui il a accepté. C'est Daryl qui l'a appelé, cependant il y a une condition ... >
< Moi, 11h21 : Laquelle ? >
< Lola, 11h21 : Deux armoires à glace nous accompagnent :( >
< Moi, 11h22 : Sérieux ? Bon je suppose que nous avons pas le choix... >
Je suis toujours plus à l'aise lorsque je parle avec quelqu'un derrière un écran. La preuve je me suis laissée berner à cause de simples messages. Mais malgré cette expérience j'ai tendance à être très détendue lorsque je parle par SMS. Je glisse mon porte monnaie dans un grand sac à main beige puis, après un dernier coup d'œil dans la glace, descends au rez-de-chaussé.
< Lola, 11h30 : Non en effet. Au fait, ne mange rien, Mr Salomon m'a dit qu'il y avait des restos' vraiment sympas !>
Trop aimable de sa part. Ce type n'est vraiment pas net, il a l'air vraiment trop... vif. Je repose mon sandwich que je m'étais concocté avec dépit sur le plan de travail et me dirige vers la porte d'entrée. Au passage, je vois les garçons assis sur le canapé.
- Où vas-tu ? me demande Walter en fronçant les sourcils.
- Je sors.
- On peut savoir où ?
- Nope, dis-je simplement en enfilant mes chaussures.
Sans attendre leurs réponses, je pars en direction de la porte et avant de la claquer je peux entendre Romain qui me crie qu'il faut qu'il me parle de ma téléportation de tout à l'heure. Je lui crie en retour qu'il faudrait d'abord que je veuille lui parler et que pour l'instant ce n'est pas le cas.
Je retrouve Lola devant le grand portail. Tout le long du trajet, je n'ai fait que penser à ce dossier et à ce qu'il pouvait contenir. Je suppose que c'est le dossier dont Aidan m'a parlé, celui qui lui a permis de découvrir qui je suis. Mais il m'a dit qu'il avait simplement regardé, pas qu'il l'avait volé. Donc pour conclure : j'ai volé un dossier volé. Paye ta logique !
Mais est-ce vraiment un vol de voler un objet volé ? C'est comme est-ce un crime de tuer un zombie ?
Ces questions méritent réflexions, et je les range donc dans mon cerveau pour en débattre plus tard avec moi-même.
Lola accourt vers moi pour me faire la bise. Tout d'abord surprise par ce geste je réplique en rigolant :
- Tu commences déjà à prendre des habitudes françaises !
- Oui, un peu, répond-t-elle en souriant. Je suis vraiment contente que tu aies accepté, je ne me voyais pas faire les boutiques seule avec eux deux.
Par "eux deux" elle désigne les armoires à glace sans émotion qui vont nous servir de garde du corps. Bon, génial !
Je reconnais leur visage : ils faisaient partie des gardes du corps qui étaient avec nous quand je suis sortie avec les garçons.
L'un est grand homme noiraud, avec un costume noir et un regard... noir, sérieux voire effrayant. Il regarde dans tous les sens, comme si un tueur pouvait surgir à tout moment. Il n'a pas l'air très jovial ! L'autre est tout aussi massif et musclé mais semble être beaucoup plus décontracté. Ses cheveux bruns sont ramenés en une petite queue de cheval plaquée derrière son crâne. Mais son regard est tout de même aux aguets.
Nous montons dans la voiture après qu'un des gardes du corps/chauffeurs nous ait gentiment ouvert la portière en souriant.
Ils sont peut-être sympas au final ? La berline noire roule à vive allure sur l'autoroute.
Les sièges en cuirs sont tellement confortables que je pourrais me fondre dedans. J'ai l'impression d'être le premier ministre dans sa limousine. Il y a tellement de place que je peux étendre mes jambes sans qu'elles ne touchent le siège du conducteur. Tout est luxueux et suinte la richesse. Il y a même un téléphone intégré. Bien que de nos jours ça ne soit plus utile car tout le monde à un portable. Ça reste tout de même hyper classe. Après quelques minutes, je me rends compte que ce n'est pas le même chemin que la dernière fois quand j'étais allée en ville avec les garçons.
- Heu, excuse-moi Lola, mais où allons nous ?
Elle lève son regard de son téléphone.
- Bah en ville... Tu ne te souviens plus ? Toi le super cerveau ?!
- Si, si je me souviens, lui dis-je en rigolant. Mais je suis déjà allée en ville et ce n'est pas ce chemin...
- Ah oui c'est parce que nous allons dans un plus grande ville, me rassure-t-elle.
- Ahhh Je comprend mieux, laquelle ?
- Absolument aucune idée !
- Tu ne sais pas où on va ?
- Nope. Mais demande à Finn, c'est lui qui conduit.
Donc cet homme sérieux s'appelle Finn ? Très joli prénom et peu commun.
- Excusez-moi de vous déranger, mais où est-ce que nous allons ?
- Nous ne sommes pas autorisés à vous indiquer le nom mademoiselle.
- Mais...
L'autre garde du corps m'interrompt et dit :
- Je m'appelle Noah, ne prêtez pas attention à Finn, il est un peu ronchon et un tantinet soulant.
- Je ne suis pas ronchon, je fais juste mon boulot. Contrairement à toi, réplique-t-il en lançant à son voisin un regard lourd de sens.
- Tout ça ne m'aide pas à savoir où nous allons...
Finn me répond qu'il ne sait pas. En effet, son souffle se fait moins régulier et il agite ses mains dans tous les sens, signes évidents de nervosité et donc de mensonge. Mais c'est stupide vu que c'est lui qui conduit...
Mais pourquoi personne ne veut me dire où je suis ? Entre les barbelés, les noms des villes que je ne vois jamais et l'obligation d'avoir des gardes du corps quand on sort et bien d'autres choses, tout cela devient vraiment bizarre.
- On est désolés, vous savez ?
- De quoi ?, demandé-je sans comprendre sa question.
Il retourne son corps massif vers moi et Lola qui sommes à l'arrière de la voiture ; le craquement du cuir suit.
- Finn et moi étions là le jour de ton "agression", et nous ne t'avons pas défendu...
Je baisse la tête, car il me rappelle de mauvais souvenirs que j'aurai préféré oublier.
- Je ne vous en voulais pas, c'était à moi de faire attention, pas à vous. J'étais sûrement habillée comme une aguicheuse, et il en a profité. J'ai tendance a attiré les gars avec des mauvais intentions.
En fait je me sens honteuse et salie d'avoir donné cette image de moi et je me replonge bien malgré moi dans ses souvenirs que je voudrais oublier en sachant très bien qu'ils resteront à jamais gavés dans ma mémoire.
- Ah non ! Je ne suis pas d'accord. Si vous vous êtes une aguicheuse alors je suis une fille ! Et je peux vous assurer que ce n'est pas le cas. J'ai bien un organe masculin entre les jambes, dit-il d'un semi-sourire.
- Je... merci, balbutié-je les joues rougissantes.
- Ne rejette jamais la faute sur tes habits, sur ton physique ou encore sur ta manière d'être maquillée. Je ne supporte pas les gens qui font ça. C'est comme si un gars dit : "J'ai violé cette fille, parce qu'elle était en jupe". C'est stupide, tu as le droit de t'habiller comme tu le veux sans pour autant faire toujours attention à ce qui t'entoure.
Il m'a sorti sa tirade d'une traite sans s'arrêter une seule fois et je dois dire que je me sens mieux. Lola semble d'accord avec lui puisqu'elle agite la tête de haut en bas. Noah reste stoïque et ne semble pas vouloir entrer dans la conversation.
J'aurai tellement eu envie d'entendre ça la dernière fois... Ne repense pas à ça Cassi, m'intimé-je.
- Je - un raclement de gorge me fait volontairement m'interrompre - merci.
- Mais de rien... princesse.
Je lui lance des éclairs avec mes yeux mais j'aimerais tellement en avoir dans les mains pour qu'ils arrêtent tous de m'appeler princesse. Mais il faut quand même que j'évite de souhaiter des choses en se moment parce qu'elles ont tendances à se réaliser...
- Pourquoi tout le monde t'appelle comme ça ? me demande Lola.
- J'en ai strictement aucune idée ! C'est Daryl qui a commencé, puis le docteur psychopathe, et ensuite les garçons et maintenant vous, dis-je en désignant Finn du bout de mon doigt.
- Ce n'est pas poli de montrer les gens du doigt !
- Je m'en fiche ! Ça ne l'est pas non plus de m'appeler par un surnom que je ne veux pas entendre, surtout que je n'ai aucun titre princier !
Finn, qui est toujours au volant, éclate de rire de façon tonitruante qui correspond bien à sa carrure.
- Ah petite chose... Tu me fais bien rire !
- Bravo princesse, me félicite Noah, tu as réussi à faire rire Finn en même pas dix minutes de trajet.
Il m'a fallu sept mois pour y arriver.
- Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle, dis-je d'un ton tranchant.
C'est Finn qui me répond d'un ton calme.
- Au début Daryl a voulu t'appeler comme ça car il s'est dit qu'une gamine de dix-sept ans voudrait forcément faire sa diva, surtout si c'est la plus puissante. Mais quand il t'a rencontré, il a vu en toi une personne gentille, attentionnée, qui n'a pas eu une vie facile mais qui a tout fait pour ne pas avoir l'air misérable. De plus tu es la plus puissante des toutes les personnes de l'Institut. Même si tu ne connais pas ton pouvoir, tu les domineras tous et de loin. Tu es donc comme une sorte... de princesse.
Ils ont un dont pour les tirades ces deux-là ! Mais je comprends mieux le pourquoi du comment.
- Je me serais bien passé de ce pouvoir, je donnerais tout ce que j'ai pour pouvoir retourner à ma vie d'avant.
- Tu es sûre ? Là où tu n'avais qu'une amie qui a fini par, elle aussi, te rejeter ? Ici tu es parmi les "tiens". Personne ne te rejettera.
Ce n'est pas tout a fait vrai... Aidan, Walter, Stanley et Romain m'ont eux aussi fait du mal alors qu'ils sont comme moi. Dans ma tête je me dis que j'en fais peut-être un peu trop pour une si petite histoire. Mais chaque jour apporte sa réaction différente par rapport à ces insultes, il met donc dure de prendre une décision comme je suis bipolaire dans ce domaine. Comme je ne sais pas quoi lui répondre, je porte mon regard vers la fenêtre pour regarder le paysage et réfléchir à ses propos. Je n'ai même pas pensé une seconde à comment il avait pu savoir pour Cheyenne.
Si il y a un truc que je n'ai jamais voulu faire, c'est ma diva. Je ne supporte pas être au centre de l'attention et comme je l'ai dis, je me passerais bien de ces pouvoirs incontrôlables. Je n'aime pas du tout la phrase "une sorte de princesse". Je ne me considère pas au dessus des autres, je trouve même que ma super mémoire est un handicap. Je déteste me mettre en avant et j'évite de parler de ma mémoire tant que je le peux.
Lola et Noah commencent à parler de leur vie respective et Finn lâche de temps en temps des commentaires. Mais moi je reste contre la vitre à ruminer mes pensées.
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Merci à EugenieVCL de m'avoir corrigée.