Point de vue Ken.
Je ne pouvais m'empêcher de regarder Ambre dans la lueur des lampadaires. Sa démarche était calquée sur la mienne, elle marchait d'un pas décidé, dans ses pensées. Je la trouvais vraiment très jolie, pas d'une de ces beautés que l'on voit dans les magasines. Non, elle avait cette allure féline qui la rendait d'une sensualité exubérante. Ce qui m'avait frappé dans la boîte, c'était ses yeux. J'avais vu leur couleur à travers la fumée des bédos, des cigarettes, malgré les effluves de l'alcool, malgré toute l'agitation. Ces cheveux était le genre de crinière qu'un homme rêvait de pouvoir caresser lors des mots chuchotés la nuit, sa lèvre, pourtant enflée, n'en restait que plus séduisante encore. Elle capta alors mon attention et me jeta un regard réprobateur. Je détournai le regard et restai silencieux. Si je voulais que mon charme opère, il fallait que la joue fine.
-Tu vas bien?
-Pourquoi j'irai mal ? demanda t-elle, en haussant les épaules.
-J'en connais qui serait encore en train de pleurer ou pire, qui ce serait évanoui sous le choc.
Elle grogna et secoua ses épais cheveux avec un petit rire sucré.
-C'est n'importe quoi! Sneazz et Phal sont arrivés à temps, alors je devrais plutôt m'estimer heureuse.
Je hochais la tête, c'est vrai, pas bête. Elle était difficilement charmée celle-là. Je pris ma patience à deux mains et réfléchissais à quelles cartes je pourrai jouer.
-J'aurai aimé être là, je l'aurai fumer ce petit salopard. D'après ce que j'ai entendu, c'est Marc qui t'as fait ça?
Elle acquiesça, silencieuse.
-Je lui en parlerai la prochaine fois que je le verrai.
-Ce n'est pas la peine, merci Nekfeu.
Eh merde, elle m'avait appelé Nekfeu et pas Ken comme je lui avais demandé. Je soupirai, n'insistai pas et vis alors qu'elle était essoufflée. Nous avions faits quelques kilomètres à une allure rapide et elle ne s'était même pas plaint.
-Tu veux que l'on s'arrête un peu? la questionnai-je, jouant cette fois-ci la carte du preux chevalier.
Elle me remercia du regard et entra dans un parc, elle fit quelques pas et s'assit sur un banc. Elle respira un moment comme ça, de façon saccadé. Je voyais ses pupilles scruter le jardin qui nous entourer avec frénésie. Elle me fit légèrement peur, que cherchait-elle ? Et sans que je sache pourquoi, elle fondit en larmes, comme ça. Je m'inquiétai, pensant qu'elle faisait un bad, près à prendre mon téléphone et appeler Sneazz. Mais non, elle n'était pas en bad, elle était juste très triste. Et je le voyais. Je fus pris d'un élan de compassion, car à cette instant, cette crinière et cette allure de lionne fière avait laissé place à un petit chaton en détresse.
Point de vue Ambre.
Les larmes dégoulinaient, je n'eus même pas la force de repousser Ken. (Putain je l'appelai Ken !)
-Qu'est-ce que..
Je ne lui répondis pas. Comment pouvais-je lui expliquer? Vider mon cœur était impossible, il y en avait trop, il y avait tellement de sentiments en pagaille que j'aurai eu peur d'exploser, d'imploser de l'intérieur dès la première lettre du récit de mon chagrin. Alors je me tus, ne dis rien et restai là, les yeux fermement clos, l'oreille collé au manteau de Ken. Je sentis alors que son coeur battait tellement fort que je l'entendais travers sa doudoune. J'eus un petit sourire à travers mes larmes et essayai de remettre les choses à leur place. Cette tristesse qui m'avait tiraillée toute la soirée était tout d'un coup sortit en raison du lieu. Ce parc était celui dans lequel ma mère m'emmenait lorsque je portai encore des jupes et des tresses. Je revis derrière la balançoire, sa grande silhouette mince, sa chevelure dorée, ses grands talons qui claquaient sur le parquet de la maison. Je revis aussi le fantôme de la carrure de mon frère jumeau, Luc, qui déjà à l'époque me dépassait d'au moins trois têtes. Il était si fort qu'il grimpait aux arbres avec une facilité déconcertante. Je relevai la tête et observai Ken qui ne disait rien. A ma surprise et à mon grand plaisir, il ne me regardait pas moi, il fixait le ciel et c'est là qu'en suivant la destination de ses iris, je vis qu'il neigeait. Ce 13 Décembre ( car oui, nous avions dépassés les minuits ), il neigeait sur Paris. Une fine pellicule de flocons avait déjà recouvert nos cheveux. Nous nous regardâmes et rîmes ensemble.
-Je crois qu'il est temps de rentrer. murmurai-je , mes yeux plongés dans les siens.
Il me fit un signe d'approbation et nous repartîmes dans les rues de Paris. Quand nous arrivâmes au détour d'une rue, je sentis son corps se tendre légèrement à coté de moi.
-Nous arrivons à la station de métro qui te ramènera en banlieue mais surtout, ne me quitte pas, ça craint les blempro ici, donc reste posée et dis rien.
Il passa un bras autour de mes épaules, son geste m'étonna mais je décidai de garder le silence comme il me l'avait ordonné. En marchant, je me rendis alors compte que je perdais mon jean, le bouton s'était déchiré et la matière se détendait doucement sur ma taille pour glisser lentement. Je m'arrêtai alors et essayai tant bien que mal de le faire tenir avec ma ceinture. Ken se retourna et arrondit un sourcil, puis il éclata de rire quand il comprit. Je lui lançai un regard courroucé et me démenai avec ma ceinture dans un combat éperdu. Il se mit alors à genoux et m'aida. Nous étions encore en train de rire comme deux gosses quand le métro arriva.