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Cette fille n'est pas muette. Et apparemment, Ernest n'en a aucune idée. D'après mes brèves analyses, il semble convaincu par ce qu'il dit - si bien que cela en devient presque éreintant.
Un jour ou l'autre, sa naïveté lui portera préjudice. J'en suis persuadé. Ce n'est plus qu'une question de temps.
― Au fait, vous avez parlé de quoi avec Douglas ? me demande-t-il.
Toujours à fouiner dans les affaires des autres, Ernest ne peut évidemment pas s'empêcher de m'interroger pour récolter des infos sur ma discussion avec Doug.
Bien entendu, je ne compte pas répondre sincèrement à son interrogatoire. Pourquoi ? Tout simplement parce que je ne veux pas assouvir sa maudite curiosité.
Il devait assurément se douter que je ne lui dirais strictement rien, vouloir me soutirer des informations, c'est comme parler à un mur. Pourtant, il continue à rester là, debout devant moi, avec les yeux suppliants d'explications.
― Oh, allez ! Tu pourrais au moins me dire un indice ?
― Va te faire foutre, Ernest. J'te dirais rien, alors plaque.
Mon ton est tellement froid, sévère, presque tyrannique, que je me surprends moi-même.
― Mais, mais... Drew, tu pourrais m'aider ? Il faut lui faire cracher le morceau ! déclare Ernest avec une grande conviction.
Mon regard s'attarde sur elle, et je peux facilement distinguer son mal-être face à la situation.
À présent, puisque la lumière est allumée, je parviens à voir les traits de son visage.
Sa peau porcelaine est nettement plus claire que celle de son frère, en revanche, pour les iris, ils détiennent exactement les mêmes ; un bleu saphir remarquable.
À part ça, ces deux-là n'ont aucun point commun. Drew a un regard doux, des petites épaules, et un nez en trompette - autrement dit, l'exact opposé de son frère jumeau.
De plus, elle dégage un air d'insouciance mêlée à de l'innocence, alors que Douglas, lui, c'est plutôt l'inverse.
― Est-ce que ce serait par rapport à... enfin, tu-sais-qui ? insiste Ernest avec hésitation.
Forcément, quand il dit ça, je réalise automatiquement son allusion à ma famille - ou plutôt, à James - du coup, l'effet est immédiat. Ça me fout une colère noire ; et ce, dès lors où je me remémore sa sale tronche de bourge.
À c'qu'il paraît, c'est mon père et je dois le respecter. Mais, bon. Ce ne sont que de pures conneries. Les gens ne savent pas à quel point ce type m'a pourri la vie et qu'il continue de le faire en essayant de me recontacter.
Deux ans sans nouvelle : et c'est que maintenant qu'il se décide à me passer un coup de fil pour me proposer un dîner - que, naturellement, j'ai refusé.
Malgré l'insistance d'Ernest je l'ignore totalement. Il n'a pas à savoir que la conversation entre Douglas et moi était en rapport avec James et la présence de Drew - ou devrais-je dire, Douglas 2.0 - au sein de cette baraque qui n'est autre que la mienne.
À la base, aucune fille n'est supposée habiter dans cette résidence. Ne demandez pas pourquoi, je n'en sais rien. Ça a toujours été comme ça.
De ce fait, lorsque j'ai découvert que Douglas s'est pointé avec sa sœur, sans mon accord, ça m'a fait chier. Vraiment.
Résultat, pour cette nuit, il va devoir dormir dehors ; ne soyez pas étonné, ceci est tout à fait normal ici. Vous allez vous y habituer, faites-moi confiance !
― Ou peut-être que--
― Ta gueule, putain.
La brunette sursaute à l'entente de mes injures, tandis qu'Ernest se force à fermer sa bouche.
Clairement, j'ai encore les nerfs. Il sait pertinemment que je déteste parler de ma famille, et pourtant, il se permet sereinement de le faire. Quel crétin. Je serre les poings. Et lorsque je me tourne vers la pseudo-muette, elle n'est plus là.
J'entends l'eau coulée, et wow, elle est rapide !
― D'accord. J'arrête ! fit Ernest en levant les mains en l'air avant de reprendre. Vu ton humeur massacrante, je pense que c'est inutile de te proposer d'aller voir Alaric se battre. À moins que tu changes d'avis...
Je jette un coup d'œil à ma montre : 21:42.
Même si ma journée de travail a été épuisante, une part de moi m'incite à accompagner les gars. Ainsi, je pourrais me changer les idées - et peut-être bien engager un combat avec la première personne qui se met en travers de mon chemin.
Ceci semble être un programme plutôt pas mal.
― Je viens.
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Comme d'habitude, Alaric est en plein duel avec un challenger complètement con. Le sang gicle, les gémissements se multiplient, et les encouragements du public se font assourdissants. Étant donné que le mouvement de foule commence à devenir agaçant, au bout de plusieurs minutes, je m'écarte en m'isolant à l'arrière du hangar. Et comme pour la plupart du temps ; c'est vide.
Le plus grand calme règne jusqu'à ce que Doug ne vienne tout gâcher.
― Il gèle !
Adossé contre le mur avec un air de désinvolture, je ne lui prête pas attention ; à la place, je me concentre sur la lecture des actualités affichées sur l'écran de mon portable. Parmi tous ces foutus articles, l'un d'eux m'intéresse.
Le titre est provocateur, et en vue des circonstances, il est également exagéré ; KHAULDER EASTWOOD, ANCIEN HÉRITIER DU GRAND JAMES EASTWOOD, A ÉTÉ ARRÊTÉ POUR AVOIR FAILLI TUER DEUX HOMMES.
Je souffle profondément et appuie sur les recommandations. Les titres sont toujours aussi désespérants.
Décidément, ces journalistes ne détiennent aucune d'originalité.
À tous les coups, ils parlent de mes actes de violence, de mes fréquentations malsaines, et de mes problèmes d'alcool.
En aucun cas, ils ne mentionnent tous les bénéfices financiers apportés par mon entreprise de vêtements venant tout juste d'entrer dans le marché international.
― Mec, tu m'écoutes ?
À ces mots, je lève ma tête vers lui, et rapidement, je range mon portable au fond de ma poche.
Ennuyé, je déclare sèchement :
― À ton avis ?
Il roule des yeux suite à ma remarque, pendant que je converge mes yeux vers les alentours désertiques.
― Je disais simplement que... laisse tomber, finit-il par dire avec un moment d'hésitation.
Je fronce les sourcils, et débute la création de plusieurs nuages de vapeur - ce qui laisse à en conclure que la température de l'air est plus ou moins basse.
Douglas, quant à lui, préfère visiblement former des nuages avec la fumée de sa cigarette.
Je le fixe, quelques instants, et lui dis :
― Pourquoi elle veut prétendre être muette ?
Presque directement, il comprend que je parle de sa sœur. Et manifestement, le fait que je sache leur secret semble être un choc. Il me regarde, les yeux écarquillés telles deux soucoupes, avant de se reprendre.
― Comment tu sais qu'elle--
― Je t'ai vu au téléphone avec elle, rétorqué-je et il marmonne doucement un juron. C'était le mois dernier, j'crois.
― Ne le dis pas aux autres ! Ils ne se doutent de rien, et c'est bien mieux comme ça, me dit-il en écrasant sa clope par terre.
― D'accord, mais à condition que tu répondes à ma question, lancé-je et il hoche vigoureusement la tête pour que je continue ma phrase. Pourquoi elle ne parle pas ?
Il déglutit et plante ses yeux dans le paysage de verdure.
― En fait, c'est... compliqué.
Contrarié, Douglas donne l'impression de ne pas connaître la réponse de ma question - qui plus est, pourtant simple. C'est son jumeau, non ? Il devrait au moins savoir ça.
― Quand on était gosses, dans les alentours de six ans, ma sœur était vraiment bavarde. Puis, à un moment donné, elle s'est renfermée sur elle-même.
Il marque un temps de pause.
― Ça a commencé par ses cauchemars... Et quand elle a arrêté de sourire, sa voix s'est progressivement atténuée.
Je parviens à déceler une profonde tristesse dans son visage. En temps normal, il n'est jamais aussi maussade et aussi... dévasté.
Il contracte sa mâchoire en essayant de se ressaisir une bonne fois pour toutes :
― C'est vrai elle n'est pas véritablement muette... Mais, depuis près d'un an, elle est incapable de parler à des inconnues. Elle arrive uniquement à discuter avec ma mère, mon beau-père et moi...
Il s'accroupit, laisse résonner un long soupir de frustration, et dit ;
― Les médecins appellent ça un mutisme sélectif. Et ils pensent que...
Douglas laisse sa phrase en suspens et passe ses mains sur son visage, tandis je me sens soudainement intéressé par cette histoire.
Bien que je savais depuis longtemps qu'il avait une sœur jumelle, Doug ne m'avait jamais parlé d'elle - ou du moins, que très rarement. Dans un sens, ça signifiait qu'il n'en avait rien à faire d'elle.
Toutefois, en voyant son état, il semble réellement se soucier de sa santé ; et c'est plutôt étonnant venant de lui, puisque d'habitude, il ne se préoccupe jamais des autres.
Soudain, sans qu'on s'y attende, Ernest débarque en trombe.
― Putain, mais qu'est-ce que vous foutez ? Je vous cherche de partout, bande de bâtards !
J'enfouis mes mains dans mes poches, et aussitôt, Douglas se lève comme si de rien n'était. Il se met de dos, afin de reprendre ses esprits et éloigner cette âme mélancolique.
― Qu'est-ce qu'il se passe ? interrogé-je en soufflant, avec lassitude.
― Attends, vous êtes sérieux là ? lâche Ernest d'une manière si brutale que ça sonne comme une insulte. (Son regard jongle entre nous deux. Je hausse mollement les épaules, tandis que Douglas semble perdu.) Bordel, pensez à regarder vos portables ! Vous cassez les couilles !
― C'est quoi le problème ?
Il murmure des mots incompréhensibles, nous fusille du regard, avant de finalement dire :
― Notre alarme incendie a été activée. Il faut qu'on rentre, maintenant !
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dites-moi ce que vous en pensez. :) 💙
ps : est-ce que c'est normal que je n'arrive pas à ouvrir les commentaires de mes fictions ?
À bientôt,
Neavys.