La fille du métro

By Alone_in_sadness

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Quand Rémi aperçoit pour la première fois de l'autre côté du quai une jeune femme douteuse, il va se lancer d... More

P r o l o g u e
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T r o i s
Q u a t r e
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Q u i n z e
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D i x - N e u f
V i n g t
V i n g t - e t - u n
V i n g t - d e u x
V i n g t - t r o i s
V i n g t - q u a t r e
V i n g t - s i x

V i n g t - c i n q

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By Alone_in_sadness

– Je peux y jeter un coup d'œil ? avait demandé Rémi, pointant du doigt le carnet à dessin.

– Bien sûr. Je les ai tous décortiqué un à un, et crois-moi, je n'ai rien trouvé... J'ignore ce qu'elle attendait de moi en me confiant ceci, mais j'ai échoué à ma tâche... soupira Esther, en saisissant le carnet de ses mains fripées pour le tendre au jeune homme curieux.

Ainsi, Rémi put se mettre à détailler la parure de l'ouvrage couleur verre d'eau, vieilli par les années passés entre humidité et valses poussiéreuses. Il avait ce sens de l'observation aussi bien avéré que convoité, et comptait désormais le mettre à profit. Ses yeux survolèrent l'objet porteur d'énigmes scellés par les lèvres d'une femme disparus. Chaque page était noirci par la vive emprise de la représentation artistique. Les premiers dessins dépeignaient souvent des objets vaniteux, tel un crâne, un sablier, des fleurs fanés, une porte menant vers l'inconnu. Tous des signes faisant écho à des questionnements existentiels, sûrement preuves de l'agitation émotionnelle que devait subir Ardea. Il continua son voyage parmi ces feuilles de papier, tournant les pages d'un geste minutieusement léger.

Plus il avançait d'un morceau de carbone à l'autre, plus les dessins perdaient de leur sens et devenaient purs brouillons. C'est alors qu'il s'arrêta sur un croquis. Il venait de mettre le doigt sur quelque chose d'intéressant : un portrait. Celui-ci représentait la figure d'un homme, du moins, ce qui s'apparentait à un visage. Les traits étaient si brouillés qu'il était difficile de distinguer les contours de cet individu. On dirait le mélange d'une image vaporeuse à celle d'un modèle en mouvement perpétuel. En tournant les pages encore et encore avec attention, il découvrit que le visage de cet étrange personnage qu'Ardea avait dessiné, était partout. Curieusement, il se répétait de plus en plus vers les dernières pages. Il y voyait alors un symbole, ou peut-être un indice.

– Qui est-ce ? avait-il alors demandé à Esther, pointant du doigt l'objet de son intérêt.

– Je n'en ai absolument aucune idée. Mais pour tout te dire, au début j'ai pensé qu'elle avait dessiné Marco, son compagnon... Et puis, après de longues recherches, il s'avéra que la ressemblance n'était pas flagrante. De plus, celui-ci est décédé peu après Ardea, en prison.

– Ce qui veut dire ? intervint Luna, sur un ton qui laissa transparaître son impatience.

– Qu'il s'agit d'un parfait inconnu, articula Esther sans un regard pour la jeune femme.

Rémi se mit à faire les quatre-cent pas dans la pièce, quelque peu gêné par ce détail qui selon lui était primordial. Puis, comme s'il était soudain moins tracassé, il revint s'asseoir à sa place, face à la propriétaire de ce domicile. En vérité, il n'était pas moins calme, et peinait à contenir ses questions qui lui brûlaient les lèvres. Et toutes commençaient par pourquoi ?

– Mais pourquoi irait-elle dessiner un inconnu ?

– Voilà une question que je me pose depuis des années... Je ne suis malheureusement pas en mesure d'y répondre.

– Je peux vous l'emprunter ?

– Bien sûr, tu peux même le garder. Ce carnet t'appartient Rémi, il est ton héritage.

– Merci, lui répondit-il simplement, en soulevant le poids de ce drôle d'héritage.

Il lui lança un sourire franc, qu'elle lui rendit instantanément. Cela avait beau faire quelques heures qu'ils se connaissaient, Rémi avait l'impression que leur rencontre était de l'ordre du destin, et que cette bonne femme n'avait pas été placée sur son chemin sans raison apparente.

– Je peux regarder ? demanda Luna, après s'être assise aux côtés de Rémi.

Le carnet passa des mains de Rémi à celles de Luna, dont les fines courbures ne tardèrent pas à se balader sur les reliures de l'ouvrage déjà secoué par l'agitation que suscitait sa pagination. Ces yeux semblaient alors envoutés par les divers dessins, comme si elle était irrésistiblement attirée par eux.

– Je connais ces dessins, je les aies déjà vu quelque part... souffla-t-elle, une demi seconde plus tard.

– Que signifie-t-il ? s'empressa de lui demander Esther.

Luna referma le carnet d'un geste vif, avant de prononcer sur un ton condescendant, deux mots que Rémi aurait préféré ne pas entendre :

– La mort.

Ce fut comme un souffle glaçant venant caresser leur visage figé par la peur et l'accablement. Esther et Rémi s'échangèrent un regard, silencieusement, ne sachant que penser ni que croire, comme happé par une aura glaciale de mystère. Il sembla alors que Luna était parvenu à leur ôter les mots de la bouche.

– Je vous avais dit qu'il y avait un lien avec la faucheuse... poursuivit-elle. C'est elle qu'Ardea dessinait, et c'est elle qui lui a savamment ôtée la vie.

– Luna... C'est complètement invraisemblable ce que tu racontes...

– Tu me crois folle ?

– Non, je n'ai pas dit ça, mais...

– Mais quoi Rémi ? rétorqua-t-elle.

– C'est peut-être simplement une image, l'allégorie de la mort pour...

Rémi s'était arrêté net, comme s'il venait soudain d'entrevoir une nouvelle facette de cette histoire. Il cligna plusieurs fois des yeux, le visage troublé. On aurait dit que le constat qu'il venait d'assimiler prenait du temps à passer de l'état d'idée psychique à une traduction verbale.

– Pour ? l'interrogea Luna.

– Elle savait depuis le début qu'elle allait mourir... répondit enfin Rémi.

– Quoi ? Comment ça ? s'exclama Esther.

– Je crois qu'il y avait bien quelqu'un qui hantait ses esprits, une personne qu'elle n'a jamais vu de près, mais toujours de loin... Elle était suivie, soufflât-il alors comme une évidence.

Esther n'avait pas bougé d'un pouce, comme frappée par la révélation. Elle qui pensait que son établissement psychiatrique était l'un des mieux sécurisés de la région, elle ne pouvait imaginer une seule seconde que quelqu'un avait pu s'y introduire tant de fois pour perturber ses patients.

Dans un coin de la pièce, debout, à l'écart de l'aura mortifiante que propageait la découverte du carnet et de ses secrets, se tenait Joshua, qui n'ayant pas bougé d'un pouce, scrutait par la fenêtre les quelques ombres passantes.

– Je crois que quelqu'un nous observe, signala-t-il soudain aux autres.

Luna s'approcha à son tour de la fenêtre, puis après avoir jeté un rapide coup d'œil sur l'extérieur, elle se tourna vers Rémi. Son regard glaçant s'était alors mué en reflet du sentiment de panique qui devait sans doute l'habiter à cet instant.

– Rémi, on s'en va, ordonna-t-elle sans attendre.

Elle s'était levée brusquement, faisant grincer la chaise sur le parquet en bois.

– Qu'est-ce qu'il se passe ? rétorqua-t-il, abrupte.

– Le temps presse.

La froideur de ses yeux s'était posée sur Rémi avec détermination, lui faisant comprendre qu'ils n'avaient désormais aucun moyen de rester ici une minute de plus. Elle saisit toutes leurs affaires, y compris le carnet et se dirigea vers la sortie d'un pas déterminé. Rémi n'eut nul autre choix que de la suivre, saluant une dernière fois ses hôtes, s'excusant poliment pour le dérangement, puis détalant à toute vitesse à la poursuite d'une Luna toujours aussi imprévisible.

– Qu'est-ce qu'il t'arrive bon sang ?

– Tu te souviens de ta promesse ?

Rémi opina doucement. En effet, il se souvenait bien du pacte qu'ils avaient scellé ce matin-même, en ce début de journée où Luna avait inexplicablement surgit chez lui pour lui supplier son aide. Et il avait stupidement accepté, sans savoir dans quoi il mettait les pieds. Mais il lui avait tout de même promis que le temps d'une journée, il l'emmènerait un peu partout dans Paris. Et cette ballade, loin d'être une promenade de santé, était devenu un véritable circuit.

– Alors suis-moi, et arrête de te poser des questions.

Cependant, il se souvenait aussi qu'elle lui avait donné le droit de lui poser six questions. Il ne pouvait dire combien au juste il lui en restait, mais il savait qu'il finirait par en venir à bout. Même s'il sentait qu'au fond de lui, il en savait déjà beaucoup trop. Il allait entrouvrir ses lèvres lorsque Luna le coupa net pour le ramener à la réalité.

– Tu viens ou tu préfères rester ici en attendant le déluge ? s'exclama-t-elle avec une pointe d'agacement dans la voix.

Il ne tarda pas plus et se mit alors en marche. Le dos voûté et les mains plongées dans la profondeur de ses poches, il se contenta de la suivre sans plus émettre un mot.

Ils déambulèrent dans une foule de passants qui semblait se déverser au compte-goutte, cette agitation ne fit que renforcer l'empressement des pas de Luna, qui se frayait un chemin dans cette masse humaine sans prêter attention aux jurons des civils, vexés d'être bousculé comme de vulgaires objets.

Arrivés au bout de ce terrible flot, Luna et Rémi s'arrêtèrent pour contempler la lune qui s'élevait en croissant dans le ciel. Et ils frissonnèrent sous la morsure du froid, tandis que la sombre nuit les enveloppa de plus belle.

NDA: Hi, I'm back ! Je vous poste enfin la suite de cette histoire, après de très longs mois d'absence où j'ai bien cru que l'inspiration m'avait quitté. Mais je ne pouvais songer à abandonner cette histoire ! J'espère néanmoins que vous êtes toujours présents ici et que ce chapitre vous aura quand même plu. Encore désolé pour ce long temps de pause 😅

Je tiens également a préciser que je n'ai pas encore corrigé ce chapitre, veuillez donc m'excuser la présence de possibles fautes, que vous avez par ailleurs, tout à fait le droit de me signaler.

Ps: je ne sais pas si je vais réussir à redevenir régulière... vous savez, la terminale c'est pas de tout repos !

Sur ce, à bientôt,
Des bisous, 😘
- C.

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