Gabin
Mes recherches ont été infructueuses et mes maintes discussions avec ma mère ont été houleuses. Cependant, depuis que je me suis expliqué avec Fabrice, tout semble aller pour le mieux. Nous nous entendons bien, nous partageons des moments assez inexplicables. Il est très en colère envers sa femme. Il aurait aimé qu'elle lui en parle car il n'a jamais compris pourquoi nous nous entendions aussi mal. Il pensait que c'était des histoires banales de différends entre nous mais il était bien loin d'imaginer l'ampleur des événements.
Il m'a rassuré, m'a expliqué qu'avec Lily-Rose, tout se passait bien et que dès qu'elle pouvait, elle passait son temps avec elle. J'ai pourtant du mal à croire qu'elle puisse changer ainsi. Cette femme est bipolaire ou bien ? Pour essayer de ne pas ruiner mes journées à penser à mon père et à toutes les solutions possibles et imaginables pour le retrouver, je mets à jour mes techniques de drague avec Mila. Jamais je n'ai été confronté à une femme aussi têtue et résistante. Je suis quand même Gabin Marchal !
Me voilà à mettre en place mon prochain plan pour la séduire. J'ai usé mes ressources avec elle mais je ne lâcherai pas le morceau. Ce n'est quand même pas n'importe qui. C'est la première fille pour qui j'ai des sentiments. Je ne peux pas passer à côté. Il est temps que je mette à la corbeille le personnage orgueilleux et adepte de la luxure que je suis si je veux plaire à une jeune femme comme Mila qui est sans nul doute moins extravagante que les nanas que j'ai pu baiser.
Je me suis masturbé une bonne dizaine de fois avec son image dans ma tête. Pourquoi cette brunette ? C'est encore flou aujourd'hui mais je ne compte pas laisser cette incertitude durer. Elle ne peut pas me résister plus longtemps. Je vais réussir.
***
Ce soir, alors que je ne suis pas censé récupérer Lily à la patinoire, je m'y rends. Je croise Fabrice qui a décidé, tout comme moi et sans concertation de notre part, de rester au cours. Nous nous installons sur les gradins, un café entre les mains.
-Elle est tellement belle, ma petite princesse.
-Elle a trouvé son domaine, je peux te l'assurer. Mila et Isabelle vont l'emmener loin.
-Tu as vu cette aisance ? Me dit non sans fierté Fabrice. Elle est si gracieuse. Tu es venue la voir ? Tu restes souvent ?
-C'est seulement la deuxième ou troisième fois. Mais j'avoue que ce soir, je ne viens pas seulement pour ma petite sœur.
-Je vois, sourit-il.
-Ce n'est clairement pas mon genre. J'ai plutôt un style de vie... mouvementée. Mais j'imagine que ma génitrice a dû t'en faire part. Mon adolescence a été plus que troublée.
-La faute à qui. Ma colère n'est pas encore passée. Je me pose des centaines de questions. Et si elle avait agi pareil avec Lily-Rose ? Ou si elle s'apprête à le faire ? As-tu continué la lecture ?
-Oui. Elle a eu un déclic quand j'ai prononcé mon premier «maman » puis elle n'a pas cessé d'écrire qu'elle était comblée. Un deuxième déclic dans le sens inverse a dû avoir lieu car je n'ai clairement pas un tel souvenir de ma mère.
-Elle cache très bien son jeu. Jamais je n'ai remarqué quoique ce soit pouvant m'indiquer... tout ça, dit-il faisant un geste avec ses mains.
-Je ne vais pas te dire ce que tu dois faire mais protège Lily. C'est tout ce que je te demande.
-Je le fais déjà, Gabin. C'est ma fille, mon trésor.
-Elle est comme la prunelle de mes yeux, je réponds. Je l'aime bien plus que moi-même. Et pourtant...
Il rit à mes paroles et nous nous reconcentrons sur le cours que donne Mila et Isabelle. Les autres enfants s'en sortent évidemment très bien mais personne ne peut nier que ma petite sœur est meilleure. Je reste scotché par ce qu'ils arrivent à faire alors qu'ils ont tout juste six ans. C'est dingue !
Le cours se termine sur une note acrobatique. Lily est folle de joie en me voyant, elle traverse la patinoire d'une traite et me saute au cou. Je crois qu'aucun frère sur cette Terre n'a plus de chance que moi.
-Mon grand frère ! s'écrie-t-elle.
-Tu étais très jolie, ma princesse.
-Papa, tu m'as vu toi aussi ?
-Bien sûr, je suis resté tout le cours. Tu es très douée ma puce.
-Je te laisse avec ton papa, je dois parler à Mila, je dis à ma petite sœur.
-Tu es amoureux ? me demande-t-elle avec assurance.
-C'est une histoire de grand.
Fabrice rit à côté de moi. Je dépose Lily sur un siège des gradins et me dirige vers Mila, non sans craintes. Je dois la faire céder à tout prix. Bordel, je n'ai pas baisé depuis trop longtemps à cause d'elle. Je suis en manque. Je prends mon courage à deux mains et quitte à me faire insulter ou frapper, je tente une nouvelle fois ma chance. Je n'ai rien à perdre et tout a gagné. Du moins, je l'espère.
-Encore toi ? Des mecs cons, j'en ai connu mais têtu comme toi ? Jamais !
-Si seulement, tu acceptais de m'écouter autour d'un café.
-Et pourquoi je ferais ça ? Je n'en ai pas envie. Tu es envahissant, tu es insistant et tu me fais flipper à continuer à m'interpeller de la sorte.
-Ce n'est pas du tout mon but. Je te l'assure. J'ai juste envie que tu comprennes mon comportement et après tu pourras bien faire ce que tu veux.
-Tu ne lâcheras pas le morceau hein ?
-Non. Car tu es la première pour qui j'ai des sentiments. Et j'ai l'impression que le fait que je te l'ai avoué, ça ne t'a fait ni chaud, ni froid. Pourtant, quand nous nous sommes vus début décembre, on n'aurait pas dit...
-Tu penses que c'était le bon moment ? Enfin, je ne sais pas, tu aurais peut-être pu réfléchir un peu.
-Le lendemain de notre rendez-vous, j'ai appris des choses qui changent tout ce que j'imaginais sur mon enfance.
Elle se tait et prend une grande inspiration. Je dois m'attendre à recevoir une gifle ou non ? Parce que, si c'est bien le cas, je fais demi-tour illico-presto. Je ne suis pas non plus masochiste. Elle ne fait pourtant rien, elle a juste son regard posé sur moi, sans aucune expression et je me sens désarçonné face à une telle attitude. Mais merde, est-ce que j'ai vraiment perdu mon sex-appeal ? Ou Mila est la fille la plus compliquée du territoire ? Je n'ai pas de chance. Je dois tomber amoureux de la seule fille qui n'a pas envie de moi. Il me suffit pourtant de passer le pas de la porte d'un bar pour avoir dix numéros de gonzesses en chaleur.
Elle me passe devant et part sans rien ajouter. C'est bien une des premières fois que je lui cloue le bec. Merde alors, est-ce que je l'ai blessé ? C'est vrai, je ne connais pas son histoire. Peut-être a-t-elle une vie de famille compliquée. Pourtant, nous avons beaucoup échangé lors de notre rendez-vous et il me semble bien qu'elle était proche de sa famille.
Les jours passent sans que je ne tente quoique ce soit. J'ai l'impression que c'est peine perdu de toute manière. Je me consacre à mon travail et attends avec un stress grandissant la réponse de notre client qui tarde à venir. Il a été décidé que rien ne soit communiqué au reste de l'équipe et nous continuons à travailler mine de rien. Il est dur de mentir à mon ami mais si cela peut me permettre d'avoir une promotion, je ferais tout. Hugo comprendra probablement. J'ai besoin de réussir professionnellement si ce n'est pas amoureusement. Les deux seraient évidemment le mieux.
***
C'est au milieu de la nuit à trois heures dix-sept précisément que j'ai eu une illumination. Ne me demandez pas pourquoi car moi-même, je n'en sais rien. Je dormais pourtant, enfin, il me semble et j'ai eu cette idée.
Un peu folle, peut-être. Risqué, assurément. Nécessaire, certainement. Qui ne tente rien n'a rien. C'est l'une des seules choses que ma mère n'a jamais cessé de me répéter. Il est inutile de vous dire, qu'après avoir cogité pendant près d'une heure pour élaborer un plan, je n'ai pas pu me rendormir. Je ne tiendrais pas la journée si je ne prends pas de vitamines. Il est à peine six heures quand je lève finalement. J'avale plusieurs cafés jusqu'à ce que je parte au travail. J'ai eu le temps de faire un brin de ménage, bien matinal.
Je ne fais que penser à ce plan et commets plusieurs ratés. Merde, cette fille alors ! Je rentre chez moi bravant le froid hivernal et revêtis un survêtement. Je me prépare une poêlé de légumes et avale l'assiette devant une série sans intérêt. La fatigue a pris le dessus sur moi.
Après avoir passé une bonne nuit, je pars directement en ville pour me trouver une tenue. J'ai presque la même garde-robe qu'une fille accro au shopping. Après plusieurs boutiques et rien au compteur, je commence à être frustré. Et Gabin Marchal frustré, ça n'a rien de bon. Je rentre encore dans l'une d'entre elle qui parait un peu plus luxueuse que les autres. Un vendeur arrive immédiatement vers moi.
-Bonjour monsieur, avez-vous besoin d'aide ?
-Je cherche une tenue complète.
-Très bien, suivez-moi. Quels sont vos goûts ?
-J'avais dans l'idée un pantalon, pas de costume, noir avec une chemise colorée.
-Très bien, alors je peux vous proposez ce style.
-Non, je n'aime pas.
-Celui-ci peut-être.
-Je peux essayer.
Il me présente trois pantalons et quatre ou cinq chemises avant que je ne passe en cabine. Après presque une heure d'essayage, j'arrête mon choix sur un bas style jeans qui reste pour autant très classe. Je choisis une chemise de couleur vert d'eau. Elle dessine ma musculature à la perfection. Je prends même une nouvelle paire de chaussures et paie la note. Le vendeur m'octroie une réduction et je quitte les lieux. Il est treize heures quand je m'installe à un snack. J'avale mon kebab et mes frites avant d'aller chez le coiffeur. Il est temps que je me fasse une petite coupe.
Je rentre chez moi à l'heure du goûter. Une douche et une série plus tard, je m'habille avec ma nouvelle tenue. Il est dix-huit heures. Je commence à stresser. Je mets mon plus beau manteau et une écharpe dans les tons de gris.
Je n'omets pas de passer devant le miroir avant de claquer la porte. Je ne suis vraiment pas trop mal ! Si avec tout cet attirail, elle ne bronche pas, il y a un souci. Je me démène pour lui plaire, elle va peut-être bien réagir, non ?
Je dévale les escaliers de mon immeuble bien rapidement. Heureux, amoureux. Même si elle n'est qu'à quelques pas de chez moi, je prends le chemin inverse et me rends au centre-ville. Les transports en commun sont bien vides pour un samedi soir. Je trouve une place assise et me laisse emporter par la musique de la radio. Je descends au bout de quelques arrêts et rentre dans le premier fleuriste que je trouve.
La boutique est quasiment vide.
-Bonjour, je venais pour un bouquet de roses.
-Je n'ai plus rien, excusez-moi.
-Merci quand même. Bonne soirée.
-A vous aussi, monsieur.
Après deux boutiques et le même discours, je commence à déchanter. Je rentre dans une autre, bien plus grande et qui semble encore fournie en fleurs. Une jeune adolescente arrive vers moi et me salue souriante.
-Bonjour, je voudrais un bouquet de roses.
-Rouges ou une autre couleur ? Et à quel nombre ?
-Rouges. Le nombre à vraiment une incidence ?
-Bien sûr, monsieur, il y a une signification.
-Et vous me conseillez quoi ? Je demande perplexe.
-Cela dépend de l'occasion. Est-ce pour votre petite amie, votre femme, pour une demande en mariage... ?
-Oula, je n'en suis pas à ce stade... C'est plus une histoire... pour qu'elle devienne ma petite amie.
Quel âge à cette gamine ? Seize ans ? Elle doit être en formation et je me sens complètement ridicule face à sa connaissance. J'avais entendu parler d'un truc dans le genre mais je ne pensais pas que ça existait réellement. C'est fou ça, qui a inventé un tel système ?
-Alors, peut-être que nous pourrions partir sur douze roses.
-Et il existe un nombre pour dire pardon ?
-Quinze, dit-elle avec assurance.
-Alors j'en veux quinze.
Elle prépare mon bouquet dans le silence et me le montre.
-Il est parfait !
Je paie et remercie la jeune fille.
-Joyeuse Saint-Valentin ! En espérant qu'elle vous pardonne.