— Tu es mal barrée, amour ?
Les lumières du laboratoire venaient tout juste de s'éteindre et de me laisser dans une noirceur presque complète. La lueur d'un écran d'ordinateur et les bruits douteux émis par les machines autour de moi constituaient ma seule compagnie. Enfin, ça aurait été le cas si ça n'avait pas été de Spike qui s'amusait à faire des commentaires absurdes sur des faits évidents. Il était posé au fond de la salle, dans l'obscurité, à me regarder avec impuissance. Je commençais vraiment à croire qu'Angel avait raison et que je perdais la raison. Néanmoins, parler à Spike ou à la projection que mon cerveau se faisait de lui, était ma seule occupation.
— Comment t'expliquer ? soupirai-je en fixant le plafond. En plus d'être enchaînée à une civière, mes amis pensent que j'ai perdu la boule. Qu'est-ce que tu en penses ?
— J'en pense que tu es mal barrée.
Je lui lançai un regard noir.
— Tu sais quoi ? dis-je tout en affichant un faux sourire. Je vais te dire quelque chose que je ne t'ai pas dit depuis longtemps... La ferme !
Je laissai ma tête retomber sur mon oreiller.
Spike se contenta de lever un sourcil ironique, comme à son habitude – de son vivant. Il ne manquait jamais une occasion d'afficher cette moue qui me faisait penser que je l'exaspérais, parfois.
— Qui sait ? Tu n'aurais peut-être pas dû boire autant ?
— Je me passerai de tes appréhensions, répliquai-je.
— Je pensais que tu buvais pour me voir. Si je suis là, pourquoi tu n'en profites pas ?
Je fronçai les sourcils. Cette question me retourna l'estomac et des larmes se formèrent dans mes yeux. Toutefois, je ne savais pas si c'était l'idée que je sois en train d'halluciner ou d'imaginer qu'il soit vraiment là qui me faisait autant de peine. Dans tous les cas, ma réponse passa très mal au travers de ma gorge :
— Parce que tu n'es pas là.
Je fermai les yeux pour éviter de le voir, de voir son expression, de voir sa posture nonchalante dans le coin de la pièce. Alors que je tentai de me changer les idées avec les fléaux de couleurs qui dansaient sur le tapis noir de mes paupières closes, j'entendis le claquement de ses bottes de motard approcher de mon « lit ». Sans prévenir, il me détacha.
— Si. Je suis là.
J'ouvris les yeux, interloquée. Ses doigts vinrent entrelacer les miens pour m'aider à me hisser. Je me retrouvai alors debout, au milieu du laboratoire, face à lui. Je n'arrivai pas à comprendre ce qui se passait, mais une chose était certaine...
Je le touche.
Je ne suis pas folle.
Il existe. Il est là.
Je lâchai sa main et posai la mienne contre son torse, sous son manteau de cuir, et j'eus un sourire incontrôlable.
— C'est impossible, soupirai-je en levant les yeux vers lui. Mais... pourquoi les autres ne t'ont pas vu ? Pourquoi je suis la seule à pouvoir te voir ?
Il secoua la tête, aussi dépité que moi.
— Je n'en sais rien. Au moment où tout s'est effondré et que j'ai cru partir en poussière, j'ai eu plusieurs flashs. Je me suis retrouvé à plusieurs endroits ; le bus, la chambre, enfin... Celle dans laquelle on s'était retrouvé ensemble, quelques nuits avant la bataille. C'est la première fois que j'arrive à faire quelque chose avec mes foutues mains.
— Qu'est-ce que tu es alors ? Un fantôme ?
— Comment veux-tu que je le sache ? proféra-t-il de son arrogance habituelle. Tout ce que je sais, c'est que tout devient noir dès que je m'éloigne de toi. À moins que tu veuilles que je te hante jusqu'à la fin des temps, il faudrait penser à une solution pour y remédier.
Je regardai la porte d'entrée, suspicieuse.
— Il faudrait déjà savoir comment et pourquoi c'est arrivé.
Sur ces mots, je songeai également qu'il fallait commencer par retourner à l'endroit où tout avait commencé ; Sunnydale.