Le bateau longeait les côtes pour remonter vers les îles du Nord sous les cris des mouettes qui planaient au dessus de la tête des marins et des guerriers. L'ambiance n'était pas à la joie et un étrange silence régnait à bord. Les planches de bois du puissant drakkar craquaient en glissant sur les vagues. La ligne d'horizon se perdait dans les nuages bas. Le froid mordant fit frissonner l'un des hommes qui s'enveloppa dans sa cape pour tenter de se tenir au chaud. L'hiver arrivait et bientôt la glace rendrai inutilisable le delta du fleuve qui leur permettrait de remonter jusqu'au village.
A la proue du navire, un homme, devant être dans la vingtaine, observait les vagues. Grand, solide, musclé, sa longue chevelure brune, qui lui arrivait au milieu du dos, voletait derrière lui. Il portait une longue tunique brune sur laquelle était fixée une spalière de cuir au niveau de son épaule gauche. Son épaule droite et sa poitrine étaient recouvertes par une pelisse en peau destinée à le protéger en partie du froid qui régnait. Une dague et une épée à la lame large, mais courte, pendaient à sa taille, renseignant sur le fait qu'il devait s'agir d'un guerrier. En soupirant, l'homme s'arracha à la contemplation des vagues et fouilla dans une caisse pour prendre une gourde d'eau. Un autre guerrier, plus petit que lui, mais plus massif à la chevelure châtain courte et portant un collier de barbe lui jeta un coup d'œil de travers.
- Tu sais que nous rationnons tout Thendrel !
- J'en ai besoin.
- Tu ferais mieux de le jeter par-dessus bord !
Un frémissement parcouru son échine et ses doigts se crispèrent d'instinct sur la poignée de son épée. Mais, il se retint. Ce n'était ni le lieu, ni le moment de déclencher une bagarre. Il avait bien d'autres préoccupations. Le deuxième guerrier le regarda en ricanant.
- C'est dommage, une fois que je t'aurais éliminé, j'aurais bien aimé me charger moi-même de le jeter à la mer.
- Tu n'en vaux pas la peine, lui répondit Thendrel avant de gagner l'arrière du bateau.
A son passage, les autres hommes se mirent à discuter, mais le jeune guerrier ne leur prêta pas la moindre attention. Il passa notamment devant un grand guerrier roux portant une double cicatrice sur la joue droite qui le suivit du regard. Mais, Thendrel avait bien d'autres soucis en tête que les regards obliques que pouvaient lui lancer certains de ses compagnons. D'un pas rapide, il se dirigea sur la droite du drakkar et se rapprocha d'un jeune homme qui était assis contre le balustre un peu plus loin.
A en juger par son apparence, il ne devait même pas avoir atteint la vingtaine d'année. Ce dernier avait replié légèrement ses jambes pour les rapprocher de sa poitrine. Ses épaules étaient pliées dans une courte fourrure qui retombait sur son torse, ce qui ne l'empêchait pas de frissonner légèrement. Ses cheveux bruns étaient aussi longs que ceux de Thendrel et une mèche dépassant de sa fourrure lui barrait la joue gauche. Son bras droit était posé devant lui, paume ouverte, pendant que sa main gauche était plaquée sur son épaule droite. La tête en avant et les yeux clos, il semblait dormir mais, des grimaces de douleur passaient régulièrement sur son visage un peu trop blanc. Thendrel le détailla quelques secondes et s'agenouilla à ses côtés. Une réelle inquiétude lui serra la poitrine lorsqu'il posa une main sur sa joue. Sa peau était brûlante et le contact des doigts froids de Thendrel le fit sursauter. Ses yeux papillonnèrent quelques secondes et parurent perdus, puis une profonde grimace de douleur marqua son visage. Il frémit et Thendrel tenta de lui sourire.
- Excuse-moi, je voulais juste surveiller ta fièvre.
- Ça va... Murmura faiblement le jeune homme en fermant de nouveau les yeux.
Thendrel se pencha sur lui et le secoua doucement tout en sentant l'inquiétude finir de lui serrer les tripes.
- Eh non ! Alaric ! Ne te rendors pas ! Ouvre les yeux.
Le jeune homme gémit faiblement et se força à obéir, tout en ne pouvant pas réprimer un nouveau frisson qui fit trembler tout son corps fatigué. Thendrel posa sa main sur sa joue qu'il caressa de son pouce tout en se forçant une nouvelle fois à lui sourire.
- C'est bien petit frère... Garde les yeux ouverts. Regarde, je t'ai trouvé de l'eau.
Alaric frémit de nouveau et redressa la tête. Ses yeux bleus épuisés croisèrent le regard brun et plein de force de son frère ainé. Thendrel cessa de caresser sa joue et ouvrit la gourde. Alaric tendit la main gauche pour la prendre, mais ses doigts tremblaient et son frère lui baissa le bras.
- Non, laisse-moi t'aider... Tu trembles trop.
- Je vais bien, murmura faiblement le jeune homme en luttant pour garder les yeux ouverts.
- Non... Tu ne vas pas bien, lui répondit tristement son frère. Mais je suis là pour m'occuper de toi.
Doucement, il écarta la pelisse de fourrure de son épaule droite et observa la chemise tâchée de sang de son frère.
- Cette blessure s'infecte et je n'ai rien pour te soigner. Tu vas boire un peu et après je vais regarder ton bandage.
- Je n'ai pas... Commença faiblement Alaric, mais Thendrel le coupa et ajouta en replaçant la fourrure.
- Bien sûr que si tu as besoin d'aide. Ne t'en fais pas, tu n'es pas seul. Je vais prendre soin de toi.
Clôturant la conversation d'un regard appuyé, Thendrel glissa une main derrière la nuque de son jeune frère et renversa doucement sa tête à l'arrière pour l'aider à s'hydrater. Il fit glisser le filet d'eau dans sa bouche et fut satisfait de le voir boire avec envie.
- Vas-y doucement... Je ne pourrais pas prendre plus d'une gourde pour la fin du voyage et tu pourrais te rendre malade si tu bois trop vite.
Alaric ralentit avant de lui faire comprendre qu'il avait assez bu. Thendrel referma précieusement la gourde et lui sourit.
- Maintenant l'idéal serait que tu arrives à manger quelque chose. Je vais essayer trouver un morceau de pain et de la viande séchée.
- Je n'ai pas très faim, murmura le jeune homme dont les yeux se refermaient lentement.
Son frère le secoua doucement, prêt à lui faire comprendre l'importance de s'alimenter dans son état, quand le même marin avec lequel Thendrel s'était disputé pour la gourde se rapprocha et lâcha en ricanant.
- Alors ? Toujours pas mort ?
Thendrel frémit de rage devant son ton moqueur et lui lança un regard noir en demandant.
- Tu n'as rien de mieux à faire Orgon ?
- Si, je peux aider si tu veux ! S'exclama celui-ci en tirant son épée.
Comprenant que son frère était en danger, Thendrel se releva comme un ressort et se mit entre lui et le guerrier.
- Range cette lame !
- Pourquoi ?
- La vie de mon frère me regarde, je t'interdis de le menacer !
- Erreur... ça intéresse tout le monde sur ce bateau ! Les mourants on les achève, ça prend trop de place sur le bateau. Tu le sais ! C'est la règle de notre clan.
- Il n'est pas mourant.
- Tu en es sûr ? Il n'a pourtant pas l'air très brillant.
Orgon fit mine de vouloir faire un pas en direction d'Alaric et Thendrel le repoussa violement. Ce dernier perdit l'équilibre et se retrouva assis sur le pont. Bouillant de rage, il se redressa en aboyant.
- Ça tu vas le regretter !
Il brandit son arme et Thendrel sortit immédiatement son épée pour se défendre. Les deux hommes étaient sur le point d'en découdre quand une voix s'éleva puissante et grave.
- Eh bien messieurs ! Que se passe-t-il ?
L'homme qui s'approcha était grand, blond et portait une barbe fournie. Il devait bien avoir la cinquantaine et plusieurs hommes s'écartèrent rapidement pour lui laisser le passage. Derrière lui se tenait le grand roux que Thendrel avait croisé. En voyant l'homme s'approcher, le jeune homme remit son épée dans son fourreau et s'inclina respectueusement.
- Seigneur Gorval...
- Alors ? J'attends des réponses.
- Nous ne pouvons pas nous encombrer des mourants ! Trop des nôtres sont déjà morts et nous nous rationnons déjà ! Vous nous aviez dit de ne pas nous encombrer ! S'exclama Orgon.
Le seigneur se retourna vers Thendrel qui frémit et murmura à la fois comme une explication et une supplique.
- C'est mon petit frère...
Les yeux du seigneur Gorval se posèrent sur Alaric. Le jeune homme comprit qu'il était en train de juger son état et il rassembla ses forces pour tenter de se mettre debout. Il devait aider son frère... Il devait montrer à ces hommes que son état n'était pas désespéré sinon, Thendrel serai prêt à tout pour le protéger, même à se faire tuer ! Alors, il rassembla ses faibles forces et s'accrocha au bastingage pour se redresser. Il grimaça et ses jambes chancelèrent à tel point qu'il faillit passer par-dessus bord. Thendrel le cramponna par un bras et l'attira contre lui pour le soutenir.
- Laisse-moi t'aider.
Alaric frémit et plaqua sa tête contre l'épaule de son frère qui fut quand même heureux de le voir être capable de tenir sur ses jambes, bien que tout cela lui paraisse encore fragile. Puis, il sembla se rappeler du seigneur Gorval et tourna la tête vers lui tout en tenant son frère dans ses bras. Ce dernier garda le silence quelques secondes avant de demander.
- Vous partagerez une seule ration ?
- Oui, bien sûr, s'empressa de répondre Thendrel en enroulant ses bras autour de son frère.
- Alors cela ne me pose pas de problème, conclu le seigneur avant de se tourner vers Orgon. Laissez-les.
- Bien mon seigneur !
Le seigneur s'éloigna et Orgon attendit qu'il soit plus loin avant de siffler avec un air mauvais.
- Tu ne perds rien pour attendre.
Puis, il s'en alla à son tour. Toujours plaqué dans les bras de son frère, Alaric frémit et murmura d'une voix faible.
- Tu ne devrais pas les provoquer...
- Et toi, tu n'aurais pas dû utiliser tes dernières forces pour te lever.
- Il le fallait, murmura le jeune homme au moment où ses jambes refusèrent de continuer à le porter.
Thendrel s'en rendit compte et l'accompagna dans sa chute avant de l'aider à s'asseoir de nouveau. Alaric grimaça de douleur et émit une légère plainte qui noua l'estomac de son frère ainé.
- Courage mon grand, lui murmura Thendrel sur un ton où l'on pouvait entendre tout l'amour qu'il lui portait
Sa main se posa sur sa joue et glissa dans ses cheveux pour tenter de l'apaiser et de le soutenir.
- Dans moins de trois jours nous serons au port et je pourrais prendre vraiment soin de toi. D'ici là, accroche-toi.
Alaric frémit et ouvrit les yeux pour regarder son frère en essayant de lui sourire malgré sa douleur.
- Tu prends déjà soin de moi...
- C'est normal, je suis ton grand frère et en plus... C'est toi qui nous a tous sauvé... Orgon peut bien te menacer si tu n'avais pas été là, nous serions tous morts dans cette montagne.
- Tu sais que ce n'est pas forcément lui que j'avais envie de sauver, murmura le jeune homme en plissant les yeux pour tenter de rendre sa vision moins floue.
- Je sais mais regarde... Je suis là, répondit Thendrel en lui caressant doucement la joue.
Alaric sourit et frémit de nouveau. Thendrel comprit qu'il avait froid alors, il se laissa tomber assis à côté de lui. Le jeune homme crispa de nouveau sa main gauche sur sa blessure et pencha la tête en avant tout en grimaçant. Ses yeux se fermèrent. Il avait mal... Il avait froid... Et il était épuisé. Thendrel le regarda faire et passa un bras autour de ses épaules pour l'attirer contre sa poitrine.
- Allez ferme les yeux et repose-toi. Je veille sur toi.
Alaric frissonna une dernière fois et hocha la tête avant d'enfouir son visage contre l'épaule de son frère et de s'endormir. Thendrel l'observa et le berça doucement en murmurant.
- Courage petit frère... Tout va bien se passer... Je suis là....
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Thendrel ne parvenait pas à quitter des yeux la respiration irrégulière de son jeune frère. Il savait qu'il était mal et que le répit qu'il lui avait gagné après l'altercation avec Orgon serait court. Les coutumes étaient violentes et barbares dans leur peuple mais, le guerrier se jura de tout faire pour le protéger même s'il devait y laisser sa vie... Ce fut à cet instant que le jeune homme se réveilla de nouveau en sursautant. Thendrel posa une main sur sa poitrine pour l'apaiser et le regarda avec un air inquiet.
- Doucement mon grand... Que se passe-t-il ?
- Un mauvais rêve, murmura doucement Alaric en frémissant et en se blottissant plus fort dans les bras de son frère.
- C'est la fièvre, répondit tristement Thendrel. Je suis désolé de ne pouvoir t'en soulager. J'ai perdu mon sac lors de la bataille, je n'ai plus d'herbes pour lutter contre.
- Thendrel, gémit faiblement le jeune homme en tremblant légèrement. Je... suis tellement épuisé...
- Je le vois, mon grand... Ferme les yeux, essaie de prendre un peu plus de sommeil.
- J'ai tellement mal, tu sais... Je ne sais pas si je ne vais pas plutôt m'évanouir...
Thendrel sursauta et un frémissement remonta le long de son échine comme un signal d'alerte.
- Non, surtout pas, je t'en supplie... Je ne sais pas si je pourrais te protéger dans ces conditions.
- Je suis désolé, murmura faiblement Alaric avant de s'effondrer vers l'avant en gémissant.
Son frère réagit promptement et le rattrapa avant de le rallonger dans ses bras. Intérieurement, il pria pour que personne n'ai remarqué sa défaillance mais, Orgon s'approcha de lui en souriant.
- Alors cette fois c'est la bonne, dit-il en tirant lentement son épée du fourreau avec un sourire sadique.
Thendrel frémit.
- Non, toujours pas.
- Allons, je vois bien qu'il est mourant. Le moment est venu de l'achever pour alléger ce bateau.
- Non ! S'exclama Thendrel. Tu ne le toucheras pas. Il dort.
- Ah oui ! Eh bien s'il dort, réveille-le !
- Sa blessure est grave, il a besoin de repos.
- Et moi je veux que tu le réveilles pour que tu me prouves qu'il est toujours en vie.
D'autres hommes se massèrent autours d'eux et Thendrel sentit que la situation allait devenir dangereuse. Posant la main sur la joue de son frère, il le secoua doucement en murmurant.
- Alaric... Réveille-toi ! Allez petit frère, réveille-toi ! Je t'en supplie, réveille-toi !
Mais le jeune homme resta inerte dans ses bras et Thendrel sentit que quelque chose de terrible risquait de se passer.
- Alaric ! Allez ! Lui murmura-t-il doucement à l'oreille. Je sais que tu es fort. Reviens. Ouvre les yeux pour moi. Alaric. S'il te plaît... Alaric, ouvre les yeux.
Mais son jeune frère ne bougea toujours pas et Orgon fit un pas de plus avec un air satisfait.
- La preuve est faite, il est mourant... Et on ne s'encombre pas des mourants ! C'est la règle !
- Non, S'exclama Thendrel en se redressant pour s'imposer entre Orgon et Alaric afin de tenter de protéger son jeune frère. Il n'est pas mourant, il est juste épuisé. Il a besoin de repos ! Je t'en supplie, il a juste besoin de repos ! Il ira mieux dans quelques heures !
- Moi j'ai plutôt l'impression qu'il est mourant ! Et je ne compte pas m'embarrasser de son corps !
D'autres types semblèrent d'accord avec Orgon et Thendrel frémit de nouveau. Le jeune homme voulu se redresser pour se mettre physiquement entre eux et son frère mais, ils ne lui laissèrent pas le temps d'agir et se jetèrent sur lui. Malgré ses cris de désespoir, Thendrel sentit des mains lui arracher Alaric des bras. Son cœur se brisa pendant qu'il se mit à hurler.
- Non ! Pitié ! Pas ça ! Laissez-le ! Pitié ! Non !
Orgon le regarda en ricanant et empoigna le jeune homme blessé et inconscient. Sa lame se posa sur sa gorge. Thendrel voulu lui venir en aide mais, trois autres types l'immobilisèrent et le forcèrent à rester debout, les bras bloqués dans le dos pour ne pas être en mesure d'utiliser ses armes. Le guerrier frémit et ses yeux ne quittèrent pas le visage trop blanc d'Alaric étendu juste devant lui. Une boule lui noua la gorge.
- Non ! Pitié ! Il est juste fatigué ! Ne fais pas ça, je t'en supplie... Pitié ! Non ! Laisse-le... Pas mon frère !
Des larmes de désespoir coulèrent sur les joues du guerrier, intriguant les autres soldats du clan. Alerté par le bruit, le seigneur Gorval se rapprocha en demandant de sa voix puissante.
- Alors ? Que se passe-t-il ici ?
- Cette fois il est mourant, dit Orgon en secouant Alaric pour montrer qu'il était inconscient. Alors je ne fais que mon devoir, dit-il en posant de nouveau sa lame sur sa gorge.
En le voyant faire, Thendrel rua pour tenter de se libérer et hurla tout en continuant de pleurer.
- Non ! Pitié ! Non ! Il est juste inconscient... Il n'entame pas vos réserves car il ne peut ni manger, ni boire... Pitié ! Ne le tuez pas... Il est tout ce qui me reste... C'est mon petit frère...
Il y avait une telle douleur dans la voix de Thendrel que même Orgon suspendit son geste. En larme, le solide guerrier s'effondra sur le sol, tombant à genoux en pleurant car il venait de comprendre douloureusement qu'il ne pourrait pas sauver son jeune frère de la barbarie de son clan. Bouleversé, il murmura tout en continuant de sangloter.
- En plus, c'est injuste parce que... Vous lui devez la vie... S'il est mourant c'est parce qu'il a vous a tous sauvé... Sans lui nous serions morts... Pitié... Ce n'est qu'un enfant... Pitié... Je n'ai plus que lui... Pitié... pas mon petit frère...
Les yeux de Thendrel ne pouvaient quitter le visage de son jeune frère étendu sur le pont du drakkar en face de lui, inerte et trop blanc. Il ne pouvait pas quitter non plus des yeux la lame qui appuyait doucement sur sa gorge, prête à lui ôter le faible souffle de vie qui lui restait... Ses larmes coulèrent plus fortement... Lui qui paraissait froid et solide se moquait bien de l'image qu'il donnait en ce moment... Toute sa vie était en train de s'écrouler. Ces hommes étaient sur le point de lui arracher la seule raison qui le poussait encore à vivre et à se battre... Alors, bouleversé par son impuissance, le guerrier murmura tout en pleurant si fort qu'il se mit à trembler.
- Pitié... Tuez-moi avec lui... Je ne veux pas lui survivre... S'il doit mourir...Tuez-moi aussi...
Thendrel ferma les yeux et ses larmes redoublèrent, pendant qu'il s'écroula à moitié, seulement soutenu par les hommes qui l'immobilisaient toujours pour l'empêcher d'agir. Orgon le regarda avec un air satisfait et sa lame s'apprêta à trancher dans la peau blanchâtre d'Alaric mais, le seigneur Gorval se pencha et lui arracha son épée des mains.
- Allez, cela suffit ! Cet homme a raison. Nous devons tous la vie au sacrifice de son frère. Ce geste là, vaut bien que nous lui accordons un instant de répit !
- Mais mon seigneur !
- Cela suffit Orgon, c'est moi qui commande.
En entendant les paroles de son seigneur, Thendrel ouvrit de nouveau les yeux et observa la scène. L'espace d'un instant, il se demanda s'il n'avait pas rêvé mais, les hommes le lâchèrent. Thendrel s'écroula à moitié assis sur le pont et lutta contre ses tremblements. Puis, le jeune guerrier se reprit un peu et fini de traverser le court espace qui le séparait de son frère à quatre pattes. Il le prit dans ses bras pour le protéger sans pouvoir s'arrêter de pleurer. Sa main se posa sur sa joue et il s'assura qu'il n'avait pas été blessé avant de redresser la tête vers le seigneur Gorval qui le regardait toujours.
- Merci pour votre clémence mon seigneur... Murmura-t-il en continuant de pleurer.
- Ma clémence ne suffira peut-être pas à le sauver.
- Je sais... Mais au moins il est dans mes bras, répondit Thendrel en caressant doucement la joue de son frère. Et il lui reste peut-être une chance de s'en sortir...
Le seigneur le regarda faire quelques secondes, touché par l'amour et la tendresse qui semblaient unir les deux frères dans un monde où seule la survie comptait. Puis, il se détourna d'eux et cria à ses hommes qui continuaient à regarder ce qui se passait.
- Allons ! Qu'est-ce que vous attendez tous ? Le spectacle est fini ! Retournez donc à vos tâches tas de fainéants ! Ce bateau ne va pas naviguer tout seul jusqu'à nos côtes !
Les hommes s'exécutèrent et Thendrel se retrouva seul, à genoux sur le pont du drakkar en train de tenir son jeune frère mourant dans ses bras. Il lui paraissait de plus en plus faible et le guerrier se mit à douter qu'il puisse tenir encore plus de deux jours. Mais ce fut à cet instant qu'Alaric frémit et ouvrit doucement les yeux. Son frère lui sourit à travers ses larmes, heureux de revoir ses yeux bleus se poser sur lui.
- Eh ! Alaric...
- Thendrel... Murmura douloureusement le jeune homme en frémissant à la fois de douleur et de fièvre.
- Ne parle pas... Gardes tes forces. Je suis là petit frère.
Comme pour lui montrer qu'il serait toujours là pour s'occuper de lui, Thendrel glissa une main sous son dos et le porta doucement pour revenir s'installer prêt de leurs affaires le long du bastingage. Alaric se laissa faire et déposa doucement sa tête sur l'épaule de son aîné qui resta assis pour le tenir dans ses bras. Ce ne fut que là qu'il remarqua les yeux rougis et les larmes de ce dernier. Il prit un air intrigué et lui demanda.
- Mais que s'est-il passé ?
- J'ai failli te perdre, murmura Thendrel en sanglotant, mais maintenant tout va bien.
Une larme coula sur la joue de Thendrel et Alaric réussi à lever une main pour la poser sur son visage et l'essuyer.
- Ne pleurs pas... Cela ne te ressemble pas...
- J'ai failli te perdre, répéta doucement le grand guerrier, alors tu sais, je m'en moque... Tu vois, Alaric... Même si je suis dur, froid et même parfois autoritaire et un peu injuste avec toi, c'est pour ton bien... Parce que ce monde est violent et que je suis terrorisé à l'idée de te perdre toi aussi... Ajouta-t-il en se remettant vraiment à pleurer. Parce qu'il faut que tu saches que tu es la chose la plus précieuse de ma vie... Je t'aime tellement mon petit frère... Même si je ne te le dis pas souvent... Je t'aime...
- Je le sais, murmura Alaric en continuant à essuyer les larmes de son frère. Je t'aime moi aussi grand frère...
- Alors accroche-toi, je t'en supplie... Ne m'abandonne pas... Ne me laisse pas seul...
- Je fais ce que je peux tu sais... Mais je suis tellement épuisé... Murmura Alaric en gardant la main sur la joue de son ainé. Ça me fait tellement mal quand je respire...
- Je le vois, accroche-toi... Nous allons nous en sortir petit frère. Je te le promets.
- Je sais... Si tu me le dis, j'ai envie de te croire... Tu ne m'as jamais mentis, murmura doucement Alaric avant de baisser la main et de se rendormir d'épuisement dans les bras de son ainé.
Thendrel l'observa glisser dans un sommeil agité et le serra plus fort contre lui en murmurant dans un sanglot.
- Oui, Crois-moi... Nous allons nous en sortir...
Ce fut à cet instant que quelqu'un se planta devant eux. Thendrel sursauta et leva la tête. Le seigneur Gorval le regardait, intrigué de voir ce guerrier, qu'il savait redoutable, continuer à pleurer pour ce frère qui lui semblait bien mal en point. Il ressentit aussi de la gêne à les toiser de toute sa hauteur et il s'accroupit devant eux en tendant une couverture.
- Le froid ne doit pas l'aider à aller mieux. Tiens-le au chaud.
Thendrel frémit de surprise et prit la couverture d'une main tremblante en bredouillant.
- Merci mon seigneur...
Ce dernier hocha la tête pour lui faire comprendre qu'il n'avait pas à le remercier et lui demanda.
- Il te faut autre chose ? Tu as de l'eau pour le faire boire régulièrement et compenser tout le sang qu'il a perdu ?
- Je... J'ai une gourde, répondit le jeune homme de plus en plus intrigué par la sollicitude de son chef de clan. Avec la restriction, je...
- Pas de restriction pour lui. Il en a besoin pour survivre. Prends toute l'eau dont tu as besoin. Je te donne bien volontiers une partie de ma part et je ne serai pas le seul.
- Mais... bredouilla Thendrel de plus en plus surpris par la réaction de son chef de clan.
- Surtout n'hésite pas à me dire si tu as besoin de quelque chose, ajouta Gorval en posant une main sur son genoux.
- Merci mon seigneur, répéta une nouvelle fois Thendrel.
- Arrête, c'est normal...
Thendrel ne répondit rien et Gorval dévisagea son guerrier. Ses traits étaient tirés et son teint trop pâle. Il ne paraissait pas blessé mais, il ne semblait pas aller bien non plus. Sa main pressa un peu plus fort son genou pendant qu'il lui demanda d'une voix ferme mais, douce.
- Et toi ? Tu as bu ou manger quelque chose depuis que nous avons pris la mer ?
Thendrel baissa la tête et le seigneur comprit. Il soupira et détacha la gourde qu'il avait à la taille.
- Bois un peu. Tu as l'air épuisé toi aussi. Qu'est ce qu'il va devenir si tu meurs de fatigue ?
- Merci, murmura Thendrel tout doucement en prenant la gourde des mains de son seigneur.
Au passage ce dernier ne répondit pas mais, nota les doigts légèrement tremblants du jeune homme épuisé. Il tentait de le cacher, mais il avait besoin de repos et d'une vraie nuit de sommeil. Thendrel but deux petites gorgées d'eau et se rendit compte à quel point il avait soif, mais il ne voulait pas paraître impoli devant l'homme qui lui avait permis de sauver la vie de son frère. Alors, il en prit juste une troisième et rendit la gourde à Gorval qui le regarda.
- Maintenant il faudrait que tu manges, toi aussi tu as besoin de reprendre des forces, ça se voit.
- Je n'ai pas très faim mon seigneur, répondit Thendrel qui venait de percevoir un violent frisson traverser le corps de son frère toujours allongé dans ses bras.
Gorval ne répondit rien, mais il l'avait lui aussi remarqué. Il tendit le bras et sa main se posa sur le front du jeune homme blessé sans le réveiller. La moiteur de sa peau trahissait son état de santé précaire.
- Il a de la fièvre. Il faudrait refaire son bandage. J'ai un onguent qui pourrait limiter la propagation de son infection.
- Vous savez, vous n'êtes pas obligé mon seigneur, murmura Thendrel. Les autres risquent de ne pas comprendre.
- Je me fiche de ce qu'ils comprennent ou pas. Tu as raison... Il nous a sauvés la vie. Cela mérite que l'on prenne soin de lui... Prends tes affaires, tu vas venir t'installer prés de moi comme ça tu pourras dormir un peu toi aussi. Tu en as besoin et comme tu seras sous ma protection personne ne viendra l'égorger dans tes bras.
Thendrel frémit. C'étai vrai qu'il était fatigué mais, il ne pouvait pas se permettre de se reposer avec Orgon et ses hommes dans les parages. C'était trop dangereux pour la vie d'Alaric. La proposition de son seigneur était si alléchante. Il ne pouvait pas la refuser.
- Merci mon seigneur.
- Arrête de me remercier. Viens !
Le seigneur prit le sac de Thendrel et les armes d'Alaric pendant que le jeune homme posa doucement la main sur la joue de son frère.
- Hey... Ouvre les yeux quelques minutes.
Alaric frémit et tourna la tête vers son frère en gémissant. Il le vit lui sourire malgré ses yeux encore rougit par ses larmes et ne pu s'empêcher de penser qu'il le préférait comme ça.
- Que se passe-t-il ?
- Faut que je te déplace, excuse-moi si je te fais mal.
- Ce n'est pas grave, répondit Alaric en posant sa tête contre l'épaule de son frère.
Thendrel le souleva doucement du sol et rejoignit le seigneur Gorval au centre du bateau.
A proximité du mât, il y avait quelques marches qui menaient à une sorte de petite cabine sans porte permettant au seigneur de se mettre à l'abri en cas de pluie. Quatre ou cinq hommes pouvaient y tenir assis les uns à côté des autres. Thendrel regarda son seigneur déposer ses affaires dans un coin et comprit qu'il voulait qu'il s'installe dans l'abri avec lui. Il frémit et descendit les quelques marches avant de s'agenouiller dans un recoin en essayant de prendre le moins de place possible. Il s'assit et installa son frère dans ses bras. Le jeune homme gémit et lui murmura doucement.
- Il s'en passe des choses quand je dors.
- Oui... C'est vrai... Mais ce n'est pas grave. Rendors-toi. Tout ira bien maintenant.
Alaric hocha la tête et ferma les yeux. Thendrel frémit. Ses bras se nouèrent autour des épaules de son frère qui reposait sur sa poitrine et toute la fatigue et les stress des dernières heures s'abattirent sur lui, le vidant d'un coup. Lui aussi se sentait de plus en plus épuisé. Sa vue devenait floue par moment et le jeune homme savait qu'il avait besoin de repos... C'était inévitable. Cela faisait déjà une journée entière qu'ils avaient reprit la mer pour rentrer chez eux et il ne s'était pas accordé un seul instant de repos. La vie d'Alaric était sa seule priorité mais, maintenant qu'il se sentait à l'abri, sa fatigue venait le tourmenter, tout comme la légère douleur qui remontait dans sa nuque et tambourinait à ses tempes. Il devait se reposer. Sa tête se pencha pour s'appuyer sur le sommet du crâne de son jeune frère dont la joue reposait à la base se son cou et ses yeux se fermèrent doucement. Il avait besoin de repos.
Gorval le vit s'endormir à son tour en seulement quelques secondes et déplia la couverture pour recouvrir les deux frères avant de se servir un verre sans les quitter des yeux. Il allait veiller sur eux. Il allait les aider parce que c'était la meilleure chose qu'il y avait à faire. Parce que pour une fois la vie allait prendre le pas sur la mort et l'amour sur la haine... Parce que c'était ce qu'il devait faire... Et que son clan avait besoin d'espoir...
Le roi termina donc son verre en les regardant se serrer dans les bras mutuellement et releva la tête en entendant des bruits de pas descendre dans sa direction. L'un des hommes qui l'accompagnait toujours se faufila dans l'étroite cabine et s'agenouilla pour lui parler. C'était le grand guerrier roux qui avait croisé plusieurs fois Thendrel. Il dévisagea les deux frères endormis dans le coin et demanda à son seigneur.
- Est-ce que tu es sûr que c'est ce qu'il faut faire ?
- Regarde-les Storm. Ce ne sont que deux gamins totalement épuisés. L'un risque de mourir de ses blessures et l'autre de fatigue si je ne fais rien pour les aider.
- Mais ce n'est pas une tradition du clan et tu le sais Gorval, certains sont étonnés.
- Ecoute, nous rentrons chez nous mais le moment n'est pas triste... Nous avons remportés une grande victoire aujourd'hui. Une victoire que nous devons uniquement au sacrifice d'Alaric. Alors les traditions peuvent être changées... Je ne me vois pas abréger la vie de celui à qui nous devons la notre. Il est si jeune... et puis... Regarde-les... As-tu déjà vu un tel amour fraternel toi ?
- Non, répondit Storm. Mais Orgon est fou de rage et il tente de monter les autres contre toi.
- Et qu'en disent-ils ?
- Ils disent que tu es leur chef à tous et qu'ils te suivront dans toutes tes décisions.
- Dans ce cas pourquoi tu as l'air inquiet ?
- Je me méfie d'Orgon.
- Moi aussi... C'est une vipère... Pourquoi crois-tu que je viens de les installer prêt de moi ?
- Alors qu'est ce que je fais ?
- Surveille-le et s'il ne se calme pas, passe-le par-dessus bord. Je ne le laisserais pas empoisonner l'esprit de mes hommes.
- Mais mon seigneur ! Il est l'un de vos hommes.
- Certes mais si je dois choisir entre la vie de celui qui va nous permettre de vivre en paix et celle d'Orgon qui hurlait que nous devons nous replier pour essayer de nous sauver, mon choix sera rapide... Et ce pleutre n'aura pas ma voix.
- D'accord... Je retourne le surveiller.
- Oui et tiens moi au courant de ce qui se passe.
- Ce sera fait mon seigneur.
Storm se redressa et jeta un coup d'œil aux deux frères.
- L'un comme l'autre n'a pas l'air au mieux.
- Je sais, ramène-moi aussi un peu à manger que j'essaie de leur faire reprendre des forces.
Le guerrier hocha la tête et remonta sur le pont.
Quand Storm remonta de nouveau sur le pont, il remarqua un attroupement et paru contrarié. Le bras droit du seigneur Gorval était un grand gaillard roux à la haute stature qui portait une double cicatrice horizontale sur la joue droite juste au dessus de sa barbe. Il était de loin le plus imposant des hommes sur le bateau et certains guerriers, pourtant loin d'être peureux, s'écartèrent rapidement en le voyant approcher car tous savait qu'il fallait mieux ne pas se mettre en travers de sa route, sutout quand il paraissait de mauvaise humeur. D'un pas rapide, il se rapprocha donc du groupe et ne fut pas étonné de voir Orgon en train de continuer à essayer de faire comprendre aux autres que le seigneur Gorval n'agissait plus dans l'intérêt du clan en protégeant la vie d'un mourant et en ne respectant plus les règles ancestrales. Agacé par autant de mauvaise foi, le grand roux fit un pas vers lui en lui demandant.
- Toujours la même rengaine Orgon ! Comptes-tu arrêter de déverser ta bile immonde un jour ou l'autre ?
- Ça te va bien de me demander ça Storm. Toi tu ne risques pas de devoir donner ta part de nourriture à un mourant.
- Comment oses-tu me dire ça ?
- Tu es le bras droit de notre seigneur, nous savons tous que les restrictions ne touchent pas son entourage.
- C'est misérable ce que tu dis !
- Mais c'est la vérité !
- Ah oui ! Eh bien est-ce que tu as pris le temps de me demander si cela me gêne ? Tu pourrais être surpris par ma réponse !
- Tu serais prêt à te sacrifier pour quelqu'un qui sera mort avant même d'atteindre nos côtes ?
- Sauter un repas pour sauver la vie d'un gamin épuisé et blessé ne me dérange pas. J'ai suffisamment de réverses pour ne pas mourir de faim ni de soif en deux jours ! Et toi aussi !
- Tu sais bien que ce n'est pas ce que je veux dire !
- C'est pourtant ce que tu sous-entends.
- Il y a des règles chez nous ! Des règles ancestrales léguées par nos ancêtres ! Tout le monde doit les respecter !
- Des règles ?
- Oui ! Nous ne sacrifions pas les vivants pour les morts !
- Ecoute-toi donc ! Tu es pathétique Orgon ! Tu n'as jamais eu la moindre considération pour une vie sur cette terre à part la tienne. Peut-être que c'est pour ça que tu hurlais comme une fillette qu'il fallait se replier alors qu'Alaric, qui a l'âge d'être ton fils, à foncer droit sur le chef pour le tuer ! Il a fait preuve d'un courage que tu n'auras jamais et il a non seulement remporté son duel mais, cela nous a permis d'écraser enfin les Granks et de libérer nos terres de leur violence et de la mort qu'ils viennent y semer depuis des dizaines d'années !
- Il n'est pas le seul à avoir combattu !
- Non, c'est vrai... Mais il est le seul à s'être sacrifié... Il a gagné le droit que nous prenions soin de lui.
- Il ne passera pas la nuit !
- Alors il mourra dans la dignité et non pas égorger comme un porc que tu saignes une veille de jour de fête. Il mourra dans les bras de son frère entouré d'amour et de respect. Parce qu'au final, ce que tu sembles oublié c'est que là-bas c'est un enfant qui est en train de mourir... Il a à peine plus de 17 ans... Comment peux-tu avoir envie de trancher la gorge d'un enfant qui va mourir pour t'avoir sauvé ?
Autour d'eux un murmure commença à s'élever et Storm poursuivit de sa voix rauque et caverneuse.
- S'il doit mourir, laisse-le donc s'endormir dans les bras de son frère. Si comme tu le penses il ne passera pas la nuit, il n'entamera donc pas beaucoup tes précieuses réverses.
Orgon voulu protester mais Storm fit un pas en avant vers lui et sortit son arme pour le menacer.
- Maintenant cela suffit Orgon ! Ecoute-moi bien ! Soit tu arrêtes tout de suite, soit je te passe par-dessus bord. Tant que je serai sur ce bateau, personne ne sera plus barbare que les Granks, dont nous venons enfin de nous débarrasser.
Puis, il se redressa et regarda les autres hommes. Certains reculèrent de deux pas en voyant la colère au fond de ses yeux.
- Regardez-vous ! Êtes-vous inculte ou simplement une bande d'ignorants ? Vous ne comprenez donc pas que c'est de lutter contre eux depuis plusieurs générations qui a fait de nous ce que nous sommes ! Nos traditions violentes viennent de là et uniquement de là... Mais, désormais, les Granks ne seront plus jamais une menace, car nous les avons vaincus pour de bon ! Nous sommes libres, par Thor, ne l'oubliez pas... Nous avons combattus pour pouvoir enfin le devenir et nous les avons vaincus !
Son regard se posa sur les hommes qui le regardaient sans rien dire. Il se tourna sur la droite et continua son discours.
- Alors, je vous fais une proposition, laissons la miséricorde et l'amour prendre le pas sur la violence et la haine. Vous êtes vraiment prêt à écouter ce que dit cet homme et à le suivre ? Vous êtes vraiment prêts à égorger un enfant mourant dans les bras de son frère en larmes ? Si c'est le cas, vous êtes capable de faire quelque chose que moi je ne peux pas faire parce que... dés que je pose les yeux sur son visage épuisé, je pense à mon fils qui est resté au village et qui est à peine plus jeune que lui...
Storm ne perçu aucune réponse claire mais, les autres guerriers se mirent vivement à parler entre eux avant de se séparer pour reprendre leurs différentes tâches. En voyant son auditoire se disperser, Orgon frémit de rage et sortit un poignard avant de sauter sur le dos de Storm. Mais, le grand guerrier fut plus rapide. Il se retourna vivement et empala brutalement l'homme qui tentait de le tuer. Sa lame ressortit dans son dos et Orgon bascula en avant. Storm lui posa une main sur l'épaule et lui murmura.
- Tu vois, tu viens de nous faire économiser une ration. Je ferais en sorte qu'elle soir pour Alaric.
Orgon frémit et voulu parler mais, du sang se mit à couler de sa bouche et il ne pu dire un mot. Storm le repoussa violement du pied pour retirer sa lame et le corps de l'homme s'écroula sur le pont. Il gémit quelques secondes puis se figea, il était mort. Storm jeta un coup d'œil à son corps puis cria aux autres guerriers qui venaient d'assister à la scène.
- Allons ! Balancez-moi ça par-dessus bord qu'il aille servir de ration aux poissons ! Au moins, il servira à quelque chose !
Deux soldats hochèrent la tête et ramassèrent le corps de l'homme qu'ils jetèrent dans les flots sans la moindre hésitation. Storm le regarda flotter quelques secondes, en souriant légèrement, avant de disparaître et pensa soudainement à la demande de son seigneur. Alors, il se dirigea vers les provisions pour prendre un peu de pain et de viande séchée.
De sa petite cabine, le seigneur Gorval perçu légèrement la dispute entre Orgon et Storm mais, il n'y prêta pas vraiment attention. Les choses les plus préoccupantes se jouaient ici, dans cette cabine. Sa main se posa sur le cou d'Alaric et la moiteur de sa peau l'alarma. Il n'allait pas bien. Il devait refaire son pansement. Alors, il se pencha sur lui et le secoua doucement.
- Eh, mon garçon, ouvre les yeux.
Alaric frémit et entrouvrit légèrement les yeux en grimaçant à cause de la douleur. Sa vision fut floue quelques secondes puis, il reconnu le visage qui était penché au dessus de lui. C'était celui du seigneur Gorval. Le jeune homme frémit et gémit légèrement en tentant de se redresser pour l'honorer comme il le devait, mais, le seigneur posa la main sur son bras pour qu'il reste allongé dans les bras de son frère tout en lui souriant avec bienveillance.
- Chutt... Ne bouge pas trop fort, regarde.
Alaric leva la tête et vit que Thendrel s'était endormi. Il sourit et baissa la tête vers le seigneur.
- Il a besoin de se reposer lui aussi. Il est toujours là pour prendre soin de moi mais au final, il se néglige.
- Je sais... C'est pour ça que je prends soin de vous.
- Merci mon seigneur...
- Ne me remercie pas, c'est normal mon garçon.
Alaric frémit et ses yeux se refermèrent doucement mais le seigneur Gorval l'empêcha de s'endormir à nouveau.
- Eh non, ne te rendors pas. Je t'ai réveillé parce que je voudrais changer ton pansement. J'ai un onguent qui peut limiter l'infection et t'aider à aller mieux.
- Vous n'êtes pas obligé mon seigneur.
- Je sais... Mais tu as besoin de soin et j'ai quelque chose qui peut te soulager un peu alors c'est normal, répondit le seigneur Gorval en lui souriant. Je vais t'aider.
Alaric lui rendit timidement son sourire, intrigué par l'attention que lui portait son chef de clan. Puis ses yeux se portèrent sur son frère qui semblait dormir profondément.
- Je ne sais pas comment faire mon seigneur. Si je bouge je risque de le réveiller et je ne voudrais pas le réveiller. Il ne l'avouera jamais mais il est épuisé. Il a besoin de dormir lui aussi.
- Je sais bien que vous êtes épuisé tous les deux. Sa peau est aussi blanche que la tienne. Nous allons essayer de te redresser doucement sans le réveiller, d'accord ?
Alaric hocha la tête et Gorval l'empoigna par le bras gauche pour l'aider à se redresser. Le jeune homme gémit faiblement mais cela ne réveilla pas Thendrel qui continua à dormir.
- Il est vraiment épuisé, dit Gorval en souriant.
Alaric s'autorisa à lui rendre son sourire avant de grimacer. Le seigneur posa une main sur son épaule.
- Allez, je vais essayer de faire vite.
Avec l'aide du jeune homme assis devant lui, le seigneur retira la pelisse et la chemise du jeune blessé. Le bandage fait par Thendrel était tâché de sang séché et de sang frais ce qui renseigna tout de suite Gorval sur la gravité de la blessure du jeune homme. Il saignait encore ce qui n'était pas bon pour lui. Son corps souffrait et se fatiguait. Glissant un bras dans son dos, il le guida pour qu'il s'allonge sur le sol en pensant que se serai plus facile pour le soigner. Puis, avec précaution, il retira les bandes et fut étonné de ne l'entendre émettre que quelques gémissements de douleur. Il faisait preuve d'une maîtrise de soit et d'un sang froid que peu de monde possédait.
Alaric frémit une nouvelle fois et sa vision noircie quelques secondes mais il parvint à s'empêcher de perdre connaissance. Gorval fini de retirer le bandage et grimaça en découvrant la profonde plaie qui occupait la partie supérieure droite de la poitrine du jeune garçon. La lame qui l'avait transpercé était dentelée et, en ressortant, elle avait déchirée profondément ses chairs.
- Oh mon garçon...
- Elle n'est pas jolie, n'est ce pas ?
- Non... Mais je vais m'en occuper.
La plaie était profonde, laide, boursoufflée et infectée. Le seigneur prit un linge humide pour la nettoyer du mieux possible et essayer de limiter la propagation de l'infection au reste de son corps mais il savait que ce serai difficile. Sous ses doigts, il sentait le corps du jeune homme se tendre mais, il parvenait à retenir ses cris de douleur pour ne pas réveiller son frère. Gorval était de plus en plus admiratif. Il fini de nettoyer la blessure et prit un pot dans son sac. L'onguent était une pâte blanchâtre à base d'herbe cicatrisante et antiseptique qu'il appliqua généreusement sur la plaie. Il sentit les muscles d'Alaric se nouer et un gémissement échappa de ses lèvres.
- Ne t'en fais pas, j'ai bientôt fini.
Le jeune homme hocha la tête et frémit avant de demander d'une voix faible et fatiguée.
- Mon seigneur, vous le soutiendrez ?
- Qu'est ce que tu dis ?
- Mon frère... Quand je serai mort... Vous le soutiendrez ?
- Allons, tu ne vas pas mourir !
- Si... Répondit faiblement Alaric en grimaçant de douleur pendant que son corps se cabrait légèrement à cause de la souffrance.
Il déglutit et continua d'une voix encore plus faible.
- Je le sens dans tout mon corps... L'épuisement, la douleur, la fièvre... J'essaie de résister mais, je ne tiendrais plus longtemps... Je ne rentrerais jamais chez nous
Le jeune homme se tut et respira bruyamment par la bouche, tentant de donner plus d'oxygène à son corps de plus en plus fatigué. Le seigneur se sentit touché de le voir dans un état aussi précaire et lui répondit en se penchant un peu plus au dessus de lui.
- Il ne faut pas dire ça mon garçon.
Le seigneur Gorval fini sa phrase en serrant fermement la main du jeune blessé pour l'encourager. Au passage, il nota que ses doigts étaient anormalement froids et comprit qu'il lui disait la vérité. Le jeune homme serra en retour la main du seigneur et lui demanda de nouveau d'une voix tremblante.
- Vous prendrez soin de Thendrel ? Il sera dévasté... et tout seul, ajouta le jeune homme en ayant du mal à retenir ses larmes. Je sais que ça va le détruire de se retrouver seul... Vous prendrez soin de lui, mon seigneur ? S'il vous plaît...
- Oui, ne pleurs pas... Je serai là pour le soutenir... Ma famille deviendra la sienne même si cela ne pourra pas lui enlever la douleur de te perdre. Il t'aime tellement...
- Moi aussi... C'est mon grand frère...
- Il était prêt à se faire tuer pour te protéger d'Orgon... Il leur a demandé de le tuer pour ne pas te survivre...
- C'est pour cela que je ne veux pas qu'il soit seul... Il ne le mérite pas, pleura doucement Alaric, bouleversé non pas par la perspective de sa mort mais, par la douleur qu'allait ressentir son frère de se retrouver seul.
- Il ne le sera pas, répondit Gorval en posant une main sur sa tête pour tenter de l'apaiser.
- Merci...
Alaric réussi à contrôler ses larmes et Gorval termina son pansement en enroulant sa blessure dans des linges propres. Puis, il l'aida à se redresser et à remettre sa chemise et sa pelisse. Le jeune homme grimaça et empoigna fermement le bras du seigneur.
- S'il vous plaît... Dites-moi... C'est bien une promesse, ce que vous m'avez faites ?
- Oui, c'est une promesse.
- Vous la tiendrez ?
- Je te le promets mon garçon.
Alaric hocha doucement la tête et recula pour se laisser tomber avec précaution dans les bras de Thendrel qui dormait toujours. Il déposa doucement sa tête sur son épaule et murmura en fermant les yeux.
- Je t'aime grand frère... Essaie d'être heureux...
Les yeux d'Alaric se fermèrent et Gorval sursauta en comprenant qu'il venait de perdre connaissance. Il se pencha au-dessus du jeune homme et glissa ses doigts dans son cou. Un soupir de soulagement lui échappa et il fut heureux de sentir son cœur continuer à battre même s'il le trouva faible. Il ne pouvait pas mourir... Il devait trouver un moyen de le sauver.
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La nuit commençait à tomber lorsque Thendrel se réveilla en sursautant. Il grimaça légèrement et porta la main à son front avant de reporter son attention sur Alaric toujours allongé dans ses bras. Son visage lui paru encore plus blanc et il frémit en posant une main sur sa joue.
- Eh ! Alaric ! Ouvre les yeux ! Alaric !
Mais le jeune homme ne bougea pas. Thendrel sentit la terreur lui nouer l'estomac et, en tremblant de manière incontrôlable, il glissa ses doigts dans son cou tout en continuant à l'appeler.
- Alaric ! Je t'en prie ! Ouvre les yeux ! Réveille-toi !
Sous ses doigts, dont il ne pouvait pas arrêter le tremblement, il sentit battre son pouls mais, il était faible et filant. Une cruelle vérité s'imposa à lui et il frémit avant de se mettre à pleurer.
- Alaric... Non ! Pitié !
Alerté par le bruit, le seigneur Gorval se glissa dans la petite cabine et trouva le jeune homme en train de se mettre à pleurer. Une ride d'inquiétude barra son front pendant qu'il s'agenouilla en face de deux frères.
- Thendrel ? Que se passe-t-il ?
- Je... Je n'arrive pas à le réveiller, murmura Thendrel dans un souffle à peine audible entre deux sanglots.
- C'est normal, répondit Gorval tristement. Il a perdu connaissance.
- Quand cela ?
- Après que j'ai refait son pansement.
Thendrel frémit de nouveau et demanda en écartant la pelisse et la chemise tâchée de sang de son frère.
- Vous avez refait son pansement ?
- Oui. Je t'avais dit que j'avais un onguent pour essayer de limiter son infection.
Le guerrier hocha la tête et observa le pansement propre qui s'imbibait déjà légèrement de sang. Puis, il replaça la pelisse et la couverture sur les épaules de son petit frère avant de demander.
- Il était conscient ?
- Oui...
- Il fallait me réveiller...
- Mais tu avais besoin de sommeil... ça se voit que tu es épuisé toi aussi. Tu es si blanc.
- Ma fatigue n'est pas importante. Il était conscient, sanglota doucement le guerrier.
- Oui et il voulait que tu puisses te reposer toi aussi...
- J'aurais tout le temps après... J'aurais voulu lui parler une dernière fois... voir ses yeux... Il a les mêmes qu'avaient notre mère...
- Pardonne-moi. J'aurais dû le laisser te réveiller, c'est vrai. Je voulais que tu te reposes et... je ne pensais pas qu'il était aussi mal.
- Je ne peux pas vous en vouloir... Vous les avez empêchés de le massacrer... Qu'est ce qu'il a dit ?
- Qu'il t'aimait, répondit le seigneur avec une boule au ventre.
- Moi aussi je l'aime... Mon petit frère... J'aurais tellement voulu lui dire certaines choses avant que...
Thendrel se tût, incapable de finir sa phrase et se mit à pleurer plus fort en enroulant ses bras autour des épaules de son jeune frère.
- Ne t'en fais, tu auras d'autres occasions de lui dire. Il va s'en remettre, tu verras.
- Non, murmura douloureusement Thendrel. Il ne se réveillera plus. Il agonise... Les battements de son cœur sont de plus en plus faibles... Sa respiration de plus en plus difficile et douloureuse. Il ne se réveillera pas. Je vais le perdre lui aussi.
Thendrel posa sa main sur la joue de son frère et la caressa doucement tout en continuant de pleurer.
- Au final, tout ça aura emporté nos parents, nos deux frères ainés, notre petite sœur... Je les aimais tous tellement... et maintenant, je suis seul... Parce que je vais le perdre lui aussi... Je déteste être seul... Par pitié, ne me laisse pas seul... A quoi ça me sert de vivre, si je n'ai plus personne ? ... Mon petit frère... pleura plus fort le jeune homme. Il ne fallait pas me suivre. Tu aurais dû rester au village... Mais nous nous étions juré de ne jamais se séparer alors tu es venu... et je vais te perdre toi aussi... Je n'aurais plus rien...
Il se tut et continua à pleurer en posant sa tête sur le haut du crâne d'Alaric. Il avait besoin d'entendre battre son cœur et de le savoir encore en vie même s'il savait qu'il n'en avait plus pour longtemps. Thendrel ferma les yeux et continua donc à pleurer.
Le seigneur Gorval aurait voulu lui dire quelque chose pour l'encourager et qu'il retrouve espoir mais, un seul regard sur le corps d'Alaric l'en empêcha. Thendrel avait raison. Le jeune homme était en train d'agoniser. Il avait beau tout tenter pour essayer de tenir, au final c'était son corps qui l'abandonnait doucement. Sa fièvre ne tombait pas, preuve que l'infection continuait de se propager et ses tremblements n'annonçaient pas une issue heureuse. Gorval frémit à son tour et se sentit triste. Il aurait tellement aimé une autre fin que celle qui se dessinait, mais il n'avait pas les moyens de lutter contre cette violente fatalité. Alors sa main se posa sur l'épaule de Thendrel et il la pressa pendant que le jeune homme continuait de pleurer, totalement dévasté de voir mourir lentement dans ses bras la seule famille qui lui restait...
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Le soleil se levait lorsque quelque chose tira brutalement le seigneur Gorval de son sommeil, quelque chose qui lui vrillait les tripes. Il se redressa d'un bond et se tourna vers les deux frères. Alaric était toujours allongé dans les bras de Thendrel et ils semblaient dormir tous les deux, seulement l'estomac de Gorval se noua. C'était cela... quelque chose n'allait pas. Il s'agenouilla vers les jeunes gens et glissa ses doigts dans le cou d'Alaric. Son corps tout entier frémit lorsqu'il se rendit compte de la froideur de sa peau. Son teint blanchâtre n'était plus lié à sa fatigue. Ses doigts eurent beau chercher pendant plusieurs secondes, il n'y avait plus de pouls. Son cœur avait cessé de battre. Le jeune homme était mort pendant la nuit dans les bras de son frère. Cette simple constatation lui fit mal. C'était injuste. Il ne méritait pas de mourir...
Les yeux de Gorval se portèrent alors sur Thendrel. L'espace d'un instant, il imagina la douleur que ce dernier allait ressentir en se réveillant. Il avait veillé son frère pendant plusieurs jours, le protégeant de la barbarie sauvage de quelques uns avec toute la force dont il était capable, mais, au final, il s'était endormi d'épuisement quand celui-ci avait rendu son dernier souffle. Le seigneur se maudit. Il aurait dû le réveiller quand il avait changé le pansement du jeune homme... il aurait dû permettre aux deux frères de se dire une dernière fois à quel point ils s'aimaient.
Machinalement, il posa une main sur l'épaule de Thendrel pour le réveiller et se figea. La peau de son cou était froide... Aussi froide que celle de son jeune frère... Ce n'était pas normal. Le seigneur bondit et attrapa le jeune guerrier par les épaules avant de le secouer doucement.
- Thendrel ! Thendrel !
Il le secoua plus fort mais n'obtint pas de réaction. Sous le choc, il glissa ses doigts dans le cou du jeune homme et frémit en ne sentant pas battre son cœur. Il le secoua un peu plus mais dû finalement se rendre à l'évidence. Thendrel était mort lui aussi.
Alerté par le bruit, Storm se glissa dans la cabine et demanda à son seigneur avec un air inquiet.
- Que se passe-t-il ?
- Ils sont morts dans la nuit, répondit Gorval d'une voix étranglée à cause de l'émotion.
- Comment ça ils sont morts ? S'étonna Storm.
Il savait qu'Alaric était gravement blessé mais, il ne s'expliquait pas la mort de Thendrel.
- Comment Thendrel peut-il être mort ? La peine de sentir son frère mourir dans ses bras ?
- Non, ça ce n'est pas possible ! Répondit Gorval en inspectant le corps du plus âgé des deux frères.
Machinalement, il releva la pelisse qui cachait une partie de son bras droit et son de son épaule. Il remarqua une déchirure dans sa chemise et se figea. Il l'écarta et découvrit une coupure... Une simple coupure rouge et boursoufflé. Une égratignure qui ne pouvait pas causer la mort de quelqu'un à moins que... Le seigneur suspendit son raisonnement et se tourna vers son bras droit.
- Les Granks... Certaines de leurs armes sont empoisonnées... C'est une simple coupure mais cela a suffit pour permettre au poison de se diffuser dans son corps lentement et inexorablement.
- Mais pourquoi il n'a rien dit ?
- Il était inquiet... Tellement inquiet pour Alaric qu'il ne s'est pas méfier d'une coupure qui avait dû lui paraître superficielle... Il devait avoir mal pourtant mais, il n'a rien dit... Nous avons tous mis la pâleur de sa peau sur sa fatigue et son inquiétude pour son frère sans vraiment remarquer qu'il allait mal lui aussi.
Storm ne dit rien, profondément touché par la mort des deux jeunes gens étendus en face de lui.
- Ça devrait être moi Storm...
- Qu'est ce que tu dis ?
- Alaric nous a tous sauvé et Thendrel... Thendrel a été blessé en me protégeant mais je n'y pas fait attention... Ces deux enfants sont morts pour que nous puissions vivre...
Les deux hommes se turent quelques secondes, bouleversés par le constat cruel qu'ils venaient de faire. Au bout de plusieurs minutes, Storm se tourna vers son seigneur et demanda dans un souffle.
- Qu'est ce que nous allons faire des corps ? Je refuse de les jeter par-dessus bord.
- Moi aussi... Nous ne pouvons pas leur faire ça... Nous allons les ramener chez nous et nous les mettrons en terre ensemble... dans les bras l'un de l'autre et... Nous allons honorer la mémoire de ces deux enfants qui ont offerts leurs vies pour que nous puissions enfin vivre en paix...