J'ai dû m'absenter quatre jours de plus que prévus, le temps que mon état s'améliore un peu. Un contrôle à l'hôpital a confirmé les dires du médecin de l'hôtel, trois côtes fêlées et plusieurs traumatismes. On me conseil de limiter la danse le temps que tout rentre dans l'ordre, autant dire que c'est impossible. Pour éviter toutes histoires, j'ai donné comme explication au manager, d'une chute dans l'escalier de l'hôtel.
Le visage encore légèrement marqué par les coups reçus, c'est avec appréhension que je retourne à l'agence.
Arrivé à la salle de danse, celle-ci est encore déserte. Les garçons seront là dans une heure, j'appréhende leurs réactions.
Est-ce que Junso leur a expliqué la situation, ou est-il resté dans sa version de visite chez sa tante malade ? Si seulement j'avais pu en parler avec lui, au lieu de me comporter comme un idiot. J'ai été faible, toutes volontés m'avaient quitté. Depuis ce jour-là, je ne cesse de penser à ce qui s'est passé. L'expression de son visage empli de désir, ces gestes qui m'ont rendu fou, et sa colère.
Je suis sûr d'avoir pris la bonne décision, il faut oublier ce que je ressens. Je vais devoir être ferme et il me faudra le confronter. Je ne comprends toujours pas, comment nous en sommes arrivés là, je n'ai rien vu venir. Il est tellement difficile à cerner.
Quelqu'un entre dans la salle. Je me retourne , Kim et Jia In sont face à moi, les traits fermés. Je comprends de suite à leurs regards qu'ils sont au courant de ce qu'il m'est arrivé. Essayant de montrer le moins d'émotion possible, je leur dis :
- Vous êtes bien en avance, le cours commence dans une heure.
Après avoir jeté un regard à Jia In, Kim me répond :
- Il fallait que l'on vous voie avant Oli.
Je sens que je vais en prendre pour mon grade. Tout hésitant Kim me dit :
- On est désolés, on aurait dû tout vous dire. ça, je ne m'y attendais pas. Si vous aviez su, jamais vous ne seriez parti.
- Mais pourquoi nous avoir rien dit vous aussi ! me reproche Jia In.
- Par chance Junso vous a vu quand vous sortiez du restaurant de sa tante. S'il n'avait pas pris la décision de vous suivre pour vous surprendre, vous seriez peut-être mort à l'heure qu'il est.
C'est donc ça qu'il leur avait dit, une hasardeuse rencontre . Donc ils ne savent pas qu'il me suivait.
- Oui par chance. . .
- Promettez-nous de tout nous dire maintenant, nous ne sommes plus des enfants Oli ! dit Kim tout remonté. Si vous êtes dans cette situation, c'est un peu à cause de nous.
Je le regarde surpris.Il continue :
- Si vous étiez professeur de simples élèves , ça ne serait jamais arrivé. Il soupire et se passe la main sur le visage.
- Les garçons ! . . . je m'écris. Je vais bien maintenant. Je ne vous en tiens pas responsable et je ferais tout pour que ça ne se reproduise plus . Ok ?
Ils me sourient tous les deux, soulagés. A la demande, je leur raconte en détail ce qui m'est arrivé, enfin en partie. Je fais l'impasse sur ce qui s'est passé dans la chambre avec Junso. Au bout d'un moment le reste du groupe arrive. Tous me regardent l'air soucieux. Ils scrutent mon visage, puis devant nos expressions détendues, s'installent comme à leur habitude. Tous sauf Junso, qui rentre en dernier, avec son expression habituelle. Il m'ignore totalement, s'installe dans son coin et ferme les yeux. Dans un sens ce n'est pas plus mal, je ne sais pas si j'aurais pu lui faire face.
Les heures passent et la fin du cours approche. Mes côtes me font horriblement souffrir, je fais comme si rien n'était, enfin j'essaie. En plus j'ai autre chose en tête, cet idiot ne m'a pas lâché un mot, ni même un regard et ça me fait bien chier. Au moment de partir je me décide à lui parler, mais alors que je me dirige vers lui, il quitte la salle. Et j'ai droit à la même situation toute la semaine. Je ne sais plus où j'en suis avec lui, est-ce que je dois l'ignorer moi aussi ? Faire comme si rien ne s'était passé ?
Trois jours encore, et toujours aucune réaction de sa part, je n'en peux plus. Alors qu'il est sur le point que quitter le cours, je l'interpelle :
-Junso !
aucune réaction.
- Junso ! Il faut qu'on parle !
Il s'arrête sans même me regarder :
- Je n'ai rien à te dire . . .
Et il quitte la pièce.
" Ha non tu vas pas t'échapper comme ça ! "
Je cours et le rattrape dans le couloir.
- Tu vas t'arrêter ! De suite ! Que tu le veuilles ou nous tu vas écouter ce que j'ai à te dire !
Takuya qui est juste devant lui se retourne et me regarde surpris par ma colère, et repart en se dépêchant. Je m'approche de Junso, et l'attrape par l'une de ses manches. Sans réaction de sa part, je l'attire dans les douches qui sont à proximité. Une fois la porte passée, Il arrache sa manche de ma main et me jette son fameux regard noir.
- Tu m'emmerdes à la fin ! Je n'ai rien à te dire !
- He connard, tu la fermes maintenant et tu m'écoutes ! Putain qu'est-ce que tu peux être chiant!
Je soupire et j'essaie de retrouver mon calme.
"Alexandre tu te calmes, ça sert à rien de s'énerver."
- Bon il faut vraiment qu'on parle de ce qui s'est passé à l' hôtel. Je crois . . .
- Tu ne crois rien du tout , il ne s'est rien passé à l'hôtel ! C'est clair ?
- Comment ça il ne s'est rien passé ?! Je commence à bouillir de rage. Je te rappelle que c'est toi qui as commencé !
Il m'attrape par le col et me plaque contre le mur. J'ai le souffle coupé, et ma douleur aux côtes s'enflamme.
- Ecoute-moi bien, comme tu n'as pas l'air de comprendre je vais te le dire une bonne fois pour toutes. Tu te souviens, je t'avais dit que je ferai tout pour que tu m'appartiennes ? Bah ce jour-là, j'ai juste profité de la situation, c'était tellement facile . . .
Je le regarde avec effroi , pendant qu'il m'adresse son sourire au coin, et continue :
- Vraiment ?. . . Tu t'imagines quoi ? . . . Qu'on allait vivre une grande histoire d'amour ?
Ma colère monte d'un coup, je le repousse et lui hurle dessus :
- Tu as profité de la situation ? Sérieusement ? Mais putain tu es pire que ce que je pensais ! T'es qu'un enculé !
Sans que je m'en rende compte mon point s'abat sur son visage. Sa tête recule, un bruit se fait entendre (sûrement son nez). Il se redresse en s'essuyant la lèvre avec le pouce et me sourit à nouveau comme un connard.
- Tu ne sais même pas à quel point ! me dit-il la lèvre en sang . J'ai tenté ma chance, et sans tes remords de merde j'aurais pu tirer mon coup. Mais bon sans rancunes on en reste là. Maintenant ne me fait pas chier, va te chercher un mec pour te faire prendre et arrête de me casser les couilles, c'est clair !
Il ouvre la porte et se barre. Sous le choc je le regarde faire avant de me laisser glisser sur le sol. Même les coups reçus ce jour-là ne m'ont pas fait aussi mal, c'est comme s'il m'avait poignardé dans le coeur.
Pourquoi ?! Pourquoi j'y ai cru. . .
Non, non, non, ce n'est pas possible. Je me répète en me passant la main dans les cheveux.
Ce regard qu'il avait, ce n'est pas possible. je me repasse son visage après l'agression, ses larmes, ses cris.
Ce n'est pas possible, je n'ai pas pu imaginer tout ça . . .
Recroquevillé sur moi-même, je sers mes jambes entre mes bras et pose ma tête sur mes genoux en essayant de me calmer. Je ne sais pas combien de temps je suis resté dans cette position, mais au bout d'un moment je me relève, je fixe le miroir en souriant et dis :
- Bon, Tu veux jouer à ça? Ok on va jouer . Tu n'as pas pu m'avoir, mais moi je te louperais pas, Junso. Je te garantis que tu seras à mes pieds en me suppliant de t'aimer . . .