Quelques jours après la visite de Dustin, je décide de rentrer en France. Alexy doit venir me chercher à la gare.
Cela fait presque un mois que j'ai quitté la France et je n'ai toujours aucune nouvelle de ma mère...
Mon père a pourtant dû la prévenir que j'avais passé plusieurs semaines chez lui. J'ai passé un trop grand nombre de temps à me disputer avec elle, aujourd'hui j'ai besoin d'avancer d'autant plus que j'attends un bébé, dont le père ne veut plus de moi, que je n'ai accessoirement plus de meilleur ami, et que dans quelques temps, mon ventre va être trop rond pour que je puisse continuer à le cacher, ce qui ne va pas m'aider au lycée. Je suis nouvelle et enceinte, quoi de mieux pour se faire des amis ?
Si ma mère ne veut pas me parler, alors je ne ferais le premier pas. Je l'ai peut-être vexée la dernière fois mais je ne cèderai pas. Je ne veux pas qu'elle me dicte mes choix de vie tout en sachant qu'elle n'a pas fait mieux.
Je sens que cette année va être très longue...
C'est Dustin qui m'a convaincu de garder le bébé et aujourd'hui à plus de 4 mois de grossesse, il est beaucoup trop tard pour faire machine arrière. Ce bébé va naître, peu importe les circonstances. Je pense de plus en plus à l'adoption et j'ai déjà regardé plusieurs annonces de familles qui veulent adopter. Je ne veux pas laisser mon enfant à une famille d'accueil, ni même à un foyer. Je veux qu'il soit élevé et aimer dans une bonne famille qui saura prendre soin de lui.
Plus j'y pense et plus je me dis qu'il existe des centaines de famille recomposées ou dont les parents ne sont pas ensemble. Et je me dis que je pourrais rester en contact avec Dustin et mettre de côté nos histoires afin que nous puissions élever cet enfant. Après tout, on a toujours été les meilleurs amis du monde, pourquoi ne pourrions-nous pas avoir un enfant ?
Je chasse cette idée de mon esprit avant de monter dans mon train.
Je sais que j'ai énormément blessé Dustin et qu'il ne pardonnera sûrement jamais pour ça mais je n'arrive pas à oublier la façon dont il m'a parlé, ses mots raisonnent encore dans ma tête.
– Ally ! Salut ! Comment tu vas ?
– Salut Alexy, ça va, mieux.
– Oh dis donc, tu t'es beaucoup arrondi en un mois dit-elle en rigolant.
– Eh oui, comme tu peux le constater, je ne rentre plus dans rien...
Sur le chemin jusqu'à la maison, nous échangeons sur le mois passé et elle me raconte tout ce qu'il s'est passé ici en mon absence et je fais pareil de mon côté. Je lui raconte aussi la visite de Dustin. Je suis contente de voir qu'elle me soutient même si elle comprend totalement la réaction de Dustin. Elle a même proposé de m'accompagner à ma prochaine échographie, je saurais enfin le sexe du bébé.
Quand nous arrivons à la maison, seulement Zach est présent et me souhaite la bienvenue. Cependant, malgré un mois passé loin de lui, je lui en veux toujours à propos du concours de gym. Rien ne m'empêchera de découvrir ce qu'il s'est réellement produit ce jour-là.
Ce soir, alors qu'il est sorti avec Alexy, je décide de me rendre dans sa chambre afin d'en découvrir davantage. Comme toujours, tout y est absolument bien rangé et je dois faire attention de ne rien déplacer ou il saurait que quelqu'un est venu. Je commence par fouiller les étagères où sont alignées toutes ses récompenses de compétition. Rien ne semble m'alerter. Sur chacune est inscrit le nom d'un concours ainsi que la date. Je fais le tour de la chambre et ne trouve rien. Son bureau est soigneusement rangé et j'ai peur de bouger des objets. Je fouille ses tiroirs et finis par tomber sur un double fond dans l'un deux. Je le soulève et trouve un acte de décès au nom de Juliana Marie Eden Smith.
Oh mon dieu, non, dites-moi que c'est une blague ? Juliana, non ! Elle ne peut pas être décédée.
Je me souviens du moment où je suis tombée, ma vision était floue, tout le monde s'agitait autour de moi, j'ai entendu les pompiers, j'ai entendu que quelque chose se passait mais comment cela a-t-il pu être aussi grave ? Comment une adolescente de 15 ans a-t-elle pu trouver la mort dans un concours de gymnastique ?
Je ne peux pas croire qu'elle soit morte.
Que me cache encore Zach ?
C'est l'heure de mon échographie. Je vais enfin savoir si j'attends une fille ou un garçon. Comme promis, Alexy est avec moi. Nous patientons dans la salle d'attente quand une infirmière prononce mon nom.
- Allyana Martinson ?
- Tu m'accompagne je demande à Alexy
- Oui si tu veux
- Merci d'être là. J'aurais tellement aimé que Dustin soit là...
La gynécologue enduit mon ventre d'un gel froid et gluant avant de me montrer sur un petit écran mon bébé. Il est minuscule. J'ai envie de pleurer. A la fois parce que ce moment est émouvant mais aussi car j'aurais voulu le partager avec la personne que j'aime. Je sais qu'il aurait été heureux de voir l'échographie et de découvrir par la même occasion le sexe de l'enfant.
- Voulez-vous savoir le sexe ?
- Oui
- Très bien, regardez ici, vous voyez ? Il n'y a rien qui ressort et je peux donc vous affirmer que vous allez avoir une petite fille.
Je ne peux plus me retenir, je me mets à pleurer. Je me rhabille et sors précipitamment du cabinet avant de me retrouver sur le trottoir de la clinique.
- Ally ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Je pensais que tu étais heureuse de découvrir le sexe du bébé.
- Oui, je suis heureuse. C'est fabuleux. Mais tu ne comprends pas, tout ça me rappelle juste que j'ai perdu Dustin, j'ai perdu la personne qui compte le plus pour moi, le père de mon bébé, la seule et unique personne qui aurait dû être présente aujourd'hui. Je l'aime putain, Alexy, j'ai merdé ! J'ai besoin de lui. J'ai besoin qu'il soit là, qu'il me prenne dans ses bras comme il le fait toujours.
- Vas lui parler alors, excuse-toi, laisse ta fierté et arrête de croire que tu lui en veux pour ce qu'il t'a dit alors que c'est simplement une excuse pour ne pas avoir à faire le premier pas.
- Je me suis excusée, des milliers de fois le jour où je lui ai tout avoué. Il ne me pardonnera jamais. Tu comprends ça ? Il me déteste. Et je le comprends, je me déteste aussi.
C'est de nouveau le week-end, je dois rentrer en Angleterre. Je dois aller chez mon père. Il n'est plus question de retourner chez ma mère pendant mes week-ends et de les gâcher à nous disputer. Et puis, je ne veux pas non plus croiser Dustin.
Ce matin je prépare un sac dans lequel je mets mes affaires pour deux jours. L'air de la campagne va me faire du bien.
J'étreins Alexy sur le quai de la gare et monte dans le train. Durant le trajet je divague et me remémore mes souvenirs avec Dustin.
A chaque fois que nous allions en ville, nous passions toujours pas les petites rues, pour faire durer le trajet et nous nous amusions à nous taquiner, à courir, à nous chamailler. Ou ce jour où nous nous étions dépêcher de rentrer car il s'était mis à pleuvoir à verse. Arriver sur le pas de la porte, nous étions trempés. Je me souviens encore de la mère de Dustin qui nous avait gentiment réprimander. Il y avait de l'eau partout, on pouvait nous suivre à la trace jusqu'à la salle de bain. Ou encore, il y avait cette fois où nous étions sortis manger une glace, en sortant du glacier, nos cônes à la main, Dustin rigolait car ma glace fondait. Il ne regardait pas devant lui et s'était pris un poteau. J'avais beaucoup rigolé. Et puis bien-sûr, il y a cette fois où nous nous étions embrassés, il y a presque 5 mois maintenant. Et la rupture, il y a quelques semaines.
Lorsque j'ouvre les yeux, je suis arrivée à Londres et vais prendre mon deuxième train pour aller chez mon père.
Presque une heure après, je suis enfin arrivée à destination.
Après les retrouvailles avec toute la famille, je dépose mes affaires sur mon lit et mon père m'annonce que nous irons nous promener en début d'après-midi. Il veut me montrer la cabane qu'il a construite avec son propre père quand il était enfant.
Il est encore tôt et je décide donc d'aller me promener en ville.
- Ally ?
Je tourne la tête et aperçois Kévin non loin de moi et fait mine de ne pas l'avoir vu. Il se rapproche :
- Ally ? C'est bien toi ? Wow, j'ai bien failli ne pas te reconnaitre. Tu as coupé tes cheveux ?
Je me retourne et lui fait face.
- Salut, Kévin.
- Tu as l'air d'aller... bien dit-il
- C'est le cas. Je suis désolée mais je dois y aller.
- Attends ! Je suis désolé ! J'ai appris que tu avais rompu avec ton copain. Tu sais les nouvelles vont vite dans les petits villages.
- Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Tu apprends que je suis seule et tu accours tel un preux chevalier ? Je t'ai déjà dit non Kévin.
- Le prend pas comme ça, je voulais simplement voir si tu allais bien et ... il marque une pause et reprend, wow, tu es enceinte ?
- Non, j'ai abusé de la bière. Maintenant tu m'excuse mais j'ai des choses à faire.
Après cet entrevu rapide. Je rentre à la maison et nous allons manger après quoi mon père et moi allons sortir nous promener.
Il est un peu plus de 13 heures quand nous quittons la maison.
- Alors ? Tu ne m'as pas dit, c'est une fille ou un garçon ? commence papa tout en marchant à côté de moi.
- Une fille.
- C'est super, tu rêvais d'avoir une petite fille.
- Oui mais c'était avant... Maintenant, je ne suis même plus sûr de garder le bébé.
- Quoi ? Ally tu es folle. C'est ton enfant ...
- Et celui de Dustin dis-je en le coupant.
- Certes mais tu ne peux pas l'abandonner et le laisser se demander toute sa vie pourquoi sa mère l'a laissé dans une famille qui n'est pas la sienne. Que crois-tu qu'il va penser ? Il va croire qu'il n'était pas assez bien pour mériter de rester auprès de sa mère, alors qu'il n'était qu'un nourrisson. Ally, ta mère n'est peut-être pas aussi clémente que moi au sujet du bébé, mais elle ne veut pas que tu l'abandonne non plus et si on ne t'a pas monté la tête sur l'avortement, c'est parce que nous serons toujours là pour toi et pour le bébé peu importe les conditions, même s'il n'y a pas Dustin.
- Mais papa, elle a besoin d'un père, tout comme moi j'ai besoin de toi. Je ne peux pas la priver d'une meilleure vie, avec deux parents qui l'aiment.
- Mais toi, tu l'aime ton bébé ?
- Évidemment.
- Alors tu seras une merveilleuse maman pour elle et elle t'aimera tout autant pour l'avoir gardé près de toi alors que la situation était difficile. Elle ne pourra jamais t'en vouloir de ne pas avoir de papa.
- Je vais être une mère ados, comment je vais pouvoir assumée seule ?
- On sera là nous, ta mère, Phill, et moi et même tes frères et sœurs. Tu as une grande famille qui t'aime.
Notre discussion prend fin lorsque nous arrivons dans une forêt. Nous continuons d'avancer et je peux découvrir une maison, enfin non, une cabane en forme de maison. Elle est en bois, et elle ne doit faire plus de 15 mètres carrés. Ce qui est déjà grand en soi pour une cabane. Mais elle n'est pas nichée dans un arbre comme je l'aurais cru. Elle est coincée entre deux grands chênes massifs et ressemble beaucoup à un chalet dans la montagne. Elle possède une porte d'entrée et une fenêtre.
- Wow, papa, elle est magnifique cette cabane !
- On a passé un été entier à la construire avec ton grand-père, je devais avoir 11 ans. Je rêvais d'une cabane dans la forêt mais je ne voulais pas qu'elle soit dans un arbre. Alors ton grand-père m'a construit un vrai royaume caché entre les arbres.
Papa ouvre la porte et j'aperçois un canapé ainsi qu'un fauteuil qui nous font dos. Un petit salon a été aménagé à l'intérieur, je trouve ça trop joli. Je n'arrive pas à croire que papa m'ait caché l'existence de ce lieu. Je lève les yeux et je vois Alexy qui se lève du canapé.
- Alexy ? Mais qu'est-ce que tu fais là ?
A peine ai-je eu le temps de poser ma question qu'une deuxième personne se lève du canapé : Dustin.
- Qu'est-ce qu'il se passe ici ? m'exclame-je Alexy ? Qu'est-ce que tu fais là et pourquoi il est là ?
- Il ? Merci Ally ça fait plaisir de voir que j'existe toujours à tes yeux crache Dustin. D'ailleurs, je ne sais pas moi non ce que je fiche ici. C'est ton père qui m'a appelé pour que je vienne l'aider à réparer la cabane et j'ai trouvé Alexy.
- Et oh vous deux vous n'allez pas commencer à vous battre interviens Alexy.
- Qu'est-ce qu'on fait là Alexy ? dit-on en cœur.
Alexy et mon père sont maintenant côte à côte près de la porte d'entrée. Ce dernier prend la parole :
- Vous allez avoir un enfant tous les deux et vous n'arrivez même pas vous regarder. Je vous ai vu grandir ensemble et jamais une dispute ne vous a séparé. Vous vous êtes toujours réconcilié, et là, au moment le plus important de votre vie, vous avez décidé de ne plus vous parler et ça fait trop longtemps. Je suis désolée Ally, je sais que je suis ton père et que c'est enfantin de te faire ça mais quand Alexy m'a appelé pour me dire ce qu'elle avait en tête j'ai accepté parce que je ne supporte plus de te voir malheureuse.
Sur ces paroles, ils sortent tous les deux de la cabane nous laissant Dustin et moi, seuls.
- Alexy ! Tu as intérêt à me laisser sortir de là, je te préviens que tu vas le regretter dis-je en tambourinant sur la porte.
- Non, vous sortirez quand vous pourrez enfin vous parler et vous pardonner.
J'entends la clé tourner dans la serrure et leurs pas se font de plus en plus lointains. Je n'arrive pas à croire qu'ils nous fassent ça. Nous enfermer tous les deux dans l'espoir que l'on se parle.
Je me retourne et vais m'asseoir dans le canapé. Dustin quant à lui fait les cent pas dans la pièce.
Je triture un bout de ficelle qui dépasse de la manche de mon gilet en guettant l'horloge dont les aiguilles bougent au ralentit. J'ai l'impression que je ne vais jamais sortir d'ici. Je suis fatiguée et j'ai mal au ventre. Mais d'après ma gynéco, c'est normal et ça va passer avec le temps. J'ai tellement envie de dormir. Je m'allonge sur le canapé et ferme les yeux.
- Doit bien y avoir une sortie, c'est qu'une cabane.
A peine le temps de fermer les yeux, que Dustin tourne en rond à la recherche d'une deuxième issue. Mais c'est peine perdue. Je connais mon père, il ne nous aurait pas enfermés ici sinon. Leur but et qu'on parle, pas qu'on s'enfuit.
Puisqu'il faut parler autant que je me lance :
- Il n'y a pas d'autre sortie lancé-je.
- Ah oui ? Et comment tu peux le savoir, tu connais tout sur tout maintenant ? En tout cas le sexe n'a plus aucun secret pour toi !
- T'es vraiment con Dustin ! Ils nous ont enfermés là parce qu'ils veulent qu'on parle et pas qu'on trouve une issue tu connais mon père. Alors parlons ?
- Je n'ai pas envie de parler avec toi Allyana. Je ne te connais pas !
Ses mots me blessent. Je n'aurais jamais cru qu'il pourrait faire preuve d'une aussi grande indifférence à mon égard. Et le fait qu'il continue à m'appeler par mon prénom me fait l'effet d'un coup de poignard en plein cœur. Jamais il n'avait osé m'appelé comme ça. Même lors de nos pires disputes, il n'avait jamais osé. Mais je ne dois pas pleurer. Je dois rester forte et lui montrer qu'il ne m'atteint pas ou il aura gagné.
- Mais putain Dustin ! Ouvre les yeux ! Je suis désolée pour tout ce qu'il s'est passé d'accord ? Tu m'en veux certes c'est une chose mais tu vas avoir un enfant ! Et ce bébé a le droit d'avoir un père, un père qui l'aime et qui ne passe pas son temps à se disputer avec sa mère.
- Qui est-ce qui me prouve que c'est le mien hein ?
- La preuve c'est que quand on était tous les deux, on n'a pas réfléchit, on voulait ce qu'on a fait et on ne s'est pas protégé parce qu'on était bien tous les deux. On n'a pas eu envie de penser à ça. Je te jure que c'est ton bébé et celui de personne d'autre. Je n'aurais aucun intérêt à te mentir là-dessus. Tu ne me parle même plus, je n'aurais pas continué de te dire que tu es le père sinon. J'aurais préféré partir.
- Qui me dit que tu t'es protégé avec ton gigolo ? Qui me dit même qu'il n'y en a pas eu plusieurs ?
- Arrête de me traiter de pute ! T'es sérieux ? Tu crois vraiment que je couche avec n'importe qui ?
- Je ne sais pas, je ne sais plus rien de toi ! Comment je peux savoir que tu n'as pas couché avec moi juste pour avoir un plan cul ? Qui me dit que tu ne m'as pas mentis sur tout ce que tu m'as dit ?
- Tu crois que je t'ai mentis quand je t'ai dit que je t'aimais ?
Il ne répond pas. Cette dernière allusion me détruit de l'intérieur. J'ai envie de pleurer mais je ne peux pas, pas devant lui.
- Est-ce que je t'ai déjà menti ? Sincèrement, tu m'as déjà vu te mentir ?
- Non avoue-t-il
- Alors pourquoi est-ce que tu ne me crois pas ? Pourquoi pour la première fois de ta vie tu ne me pardonne pas ?
Un long silence s'installe. Cela fait déjà plus d'une heure que nous sommes là, en train de nous battre verbalement. Il se retourne et me tourne le dos. Il fait le tour de la pièce avant de venir s'asseoir sur le fauteuil à côté du canapé. Il semble réfléchir mais ses mains trahissent sont anxiété. Il se triture les doigts et tape du pied sur le sol. Il a l'air stressé et aussi ennuyé.
Je m'allonge sur le canapé, dans la même position qu'auparavant. Je plie légèrement mes genoux qui remontent sous mon ventre naissant. Je me passe une main sur le ventre et sens qu'il a beaucoup grossit depuis 4 mois. Je ferme les yeux et pense à notre relation. Une larme roule doucement sur ma joue. Je n'arrive pas à croire qu'il pense que je l'ai manipulé, que je ne l'aime pas. Oui je m'en veux de ce que je lui ai fait, mais jamais je ne lui ai mentis, et encore moins sur mes sentiments. Je l'aime. Je l'aime tellement que j'ai pris la décision de ne pas avorter pour lui, c'est lui qui m'a convaincue de garder le bébé. Pourquoi aurais-je accepté de voir mon corps changer à ce point, de subir toutes ses nausées et cette fatigue si je ne l'aimais pas ? Pourquoi il ne voit pas tout ça ?
Les yeux toujours clos, je me calme, ma respiration ralentit, et revient à un rythme normal.
Papa... Alexy... Pourquoi vous nous avez infligé ça ? Il ne me pardonnera jamais et vous le savez ! Tout le monde pense que je suis une fille facile qui couche partout maintenant, et je suis certaine que la mère de Dustin me déteste. Elle a pourtant toujours été ce qui se rapprochait le plus d'une mère pour moi. D'ailleurs, je n'ai toujours pas reparlé à la mienne... Il faudrait que je passe la voir avant de rentrer, enfin si on sort un jour de cet endroit de misère.
- Je t'aime Ally et c'est pour ça que je ne parviens pas à te pardonner, même si je te crois.
Dustin a prononcé cette phrase dans un chuchotement. Il doit probablement penser que je dors. Je garde les yeux fermés et je sens qu'il se rapproche de moi. Il caresse délicatement ma joue en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
- Tu es ce qui m'est arrivé de mieux dans la vie All, et j'aimerais tellement que cette histoire de mec soit fausse. J'aimerais vivre près de toi jour et nuit et pouvoir veiller sur toi et le bébé. Je te crois quand tu dis que je suis le père mais je hais le fait que quelqu'un d'autre t'ai touché. J'aimerais tellement tout recommencer, repartir de zéro avec toi et oublier tout ce que tu as pu me dire sur ce gars... Je t'aime.
Il enlève sa main de ma joue et s'apprête à partir mais je le retiens. Mes yeux s'ouvrent à moitié et j'attrape son poignet avant qu'il n'est le temps de dégager son bras :
- Je t'aime moi aussi Dustin.
- Désolé, heu je pensais que tu dormais dit-il en se dégageant.
- Je ne dormais pas, et j'ai entendu tout ce que tu as dit.
Il est mal à l'aise, je le sais, je le vois, parce que je le connais par cœur et qu'il a le regarde fuyant, il n'ose plus me regarder et recommence à triturer ses doigts.
- Je suis désolée, je ne voulais te mettre mal à l'aise.
- Pourquoi tu n'as pas dit que tu ne dormais pas ? Pourquoi tu m'as laissé me ridiculiser ?
- Te ridiculiser ? Mais de quoi ? Quand tu as commencé à me parler en croyant que je dormais, j'avais envie de savoir ce que tu allais dire et ce que tu pensais réellement. Dustin se racle la gorge et j'ajoute : viens t'asseoir à côté de moi Dustin et parle-moi s'il te plait.
Il s'exécute et nous nous retrouvons tous les deux en tailleur, face à face, dans le canapé. J'attrape sa main et la pose délicatement sur mon ventre.
- Tu ne peux pas encore la sentir, mais elle grandit vite.
- Elle ?
- Oui.
- Une petite fille ? Pour de vrai ? dit-il plein de joie.
Un sourire se forme de nouveau sur son visage, ce sourire que je n'avais pas vu depuis si longtemps, ce sourire qui me fait complétement craqué. Je relève la tête pour le regarder, il a les yeux rivés sur sa main, sur mon ventre.
- Tu rêvais tellement d'une petite fille, je me souviens quand on était petit tu prenais ta poupée et tu disais que c'était ta fille, elle s'appelait Julia dit-il sans lever sa tête.
- Oui... mais celle-ci n'est pas une poupée et sans père, je pense que je vais la faire adopter.
Je sais que Dustin va détester l'idée que son enfant soit élevé par des inconnus, c'est pour cela que je lui en ai parlé. Je veux qu'il réagisse et qu'il se rende compte que c'est son enfant aussi.
- Quoi ? Non ! Jamais je ne laisserais mon bébé dans les bras de quelqu'un d'autre !
- Tu viens d'avouer que tu es le père.
- Je sais... Je croyais que tu m'avais entendu ? Je te l'ai dit, je te crois mais je ne peux pas imaginer que quelqu'un d'autres t'ai touché et plus que ça.
- Je suis vraiment, sincèrement désolée Dustin. Écoute, je lui ai dit que je ne voulais plus le voir ni même lui parler. Je n'étais vraiment pas moi-même à cette période tu le sais, je t'en prie pardonne-moi.
- Je n'y arrive pas Ally...
- Au moins tu ne m'appelle plus Allyana, c'est un progrès.
- Oui.
Il m'a dit qu'il aimerait recommencer notre histoire à zéro. Et si je veux qu'il me pardonne un jour alors je dois lui faire oublier mon erreur. Je lui tends la main et dis :
- Bonjour, je suis Ally, enchanté !
- Qu'est-ce que tu fabrique Ally ?
- Tu m'as dit que tu aimerais que l'on recommence à zéro, alors je me présente.
- Tu es folle dit-il en esquissant un sourire.
- Au moins je te fais rire.
Nous avons joué comme ça pendant une bonne demi-heure, nous avons tout recommencé depuis le début et nous avons effacé le passé. On s'est remémoré nos moments passés ensemble et nous avons bien rigolé. On a passé notre temps à imiter et rejouer les scènes de notre enfance, de notre rencontre à notre début d'histoire d'amour. Nous avons décidé tous les deux qu'il fallait effacer de notre histoires les mauvais moments, c'est pourquoi nous ne rejouons pas notre dispute après que je l'ai vu ne pas embrasser la pouf du fast-food ainsi que la partie où tout a basculé entre nous. On se concentre donc sur les bons moments. On se remémore nos réactions quand nous avons joué à la roue de tous les défis pour la première fois depuis des lustres, puis la nuit que j'ai passé chez lui après ma dispute avec ma mère, ainsi que toutes les autres nuits des vacances car je ne voulais plus rentrer. Puis arrive le moment de notre premier baisé de couple. Nous arrêtons de parler, et la pièce devient calme. Je cherche les yeux de Dustin qui sont rivés sur mes lèvres. La distance physique qui nous sépare et n'existe bientôt plus. Je sens sa respiration près de moi et mes yeux dérivent sur ses lèvres sur lesquelles il passe sa langue avant de mordiller sa lèvre inférieure. Mon cœur s'accélère et bientôt nos lèvres sont scellées. J'ignore lequel de nous deux a embrassé l'autre, et à cet instant, tout s'immobilise, le temps et l'espace. Nos langues se battent dans un duel frénétique et ses lèvres chaudes ne se détachent plus des miennes. Il a le pouvoir de me faire succomber. Je sens des millions de papillons dans mon bas ventre et je peux affirmer qu'il ne s'agit pas du bébé. Je suis inconditionnellement amoureuse de cet homme.
Nos bouches se délient et nous nous regardons comme pour savoir si nous avons fait le bon choix. Je ne réfléchis pas plus et je sens déjà ses lèvres à nouveau sur les miennes. Ses mains glissent le long de mon dos tandis que j'attrape ses cheveux, sa main se retrouve bien vite sous mon t-shirt et remonte pour trouver mon soutien-gorge. Il me fait basculer sur le dos, je me retrouve maintenant allongé sur le canapé. J'entreprends d'ouvrir sa ceinture afin qu'il puisse retirer son pantalon. Nous continuons à nous embrasser quand j'entends un gémissement grave s'échapper de sa bouche. Je suis au septième ciel. Il commence et déboutonner mon jean quand des voix se font entendre à l'extérieur. Nous nous rhabillons et nous asseyons dans le canapé.
- Tu crois qu'ils sont revenus nous chercher ? dis-je
- Je pense que oui.
- Ecoute Ally, je ... il ne faut pas que quelqu'un apprenne ce qu'il vient de se passer. J'ai besoin de garder ça pour nous s'il te plait. Je veux qu'on recommence bien, et j'ai besoin d'essayer sans que personne ne le sache.
- Je comprends. Je ne le dirais pas. Promis. Mais on leur dit qu'on se parle, juste pour le bébé ?
- Oui
Dustin coupe court à la conversation car quelqu'un entre dans la cabane :
- Alors ? Vous êtes réconciliés ? demande Alexy
- On va essayer... pour le bébé.
- Super ! Au moins vous ne vous crierez plus dessus et c'est une bonne chose.