Hello tout le monde !
Alors voilà, ce chapitre sort comme tous les samedis ^^
N'oubliez pas de passer voir la FAQ sur mon Rantbook x)
Bonne lecture
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Je tournai la tête à droite et vis Link se relever au même titre que moi. Midona ayant déjà pris sa place sur son dos. Elle flatta ses flancs.
« Bon, je vais vous aider mais c'est parce que sinon on serait vraiment trop lents, ksh » dit-elle avec un grand sourire. Pouvoir retrouver sa forme normale paraissait la soulager. « C'est dommage, après cette fois-ci, je ne pourrais plus regarder le crépuscule envahir votre monde ! » s'exclama-t-elle en soupirant.
« A notre grand déplaisir effectivement » ironisa Link en grognant légèrement. Je fronçai les sourcils, d'ordinaire, les répliques de Midona lui passaient au-dessus de la tête. Qu'avait-il depuis quelques jours ? En plus, j'avais régulièrement remarqué que sa forme lupine le rendait plus sensible. Ça allait être une vraie partie de plaisir tiens...
« Ne parle pas trop vite mon petit, peut-être que ce n'est pas fini, ksh ksh ksh » se moqua-t-elle.
« Allons-y » coupai-je en me mettant en route. Pour l'instant, les lieux n'avaient pas trop changés. Nous étions encore entre deux pans de falaises qui dessinaient un chemin tout tracé entre elles. Nous ne pouvions pas les escalader, elles étaient trop abruptes. Le seul détail qui avait changé était l'atmosphère. Les nuages noirs et les éclats crépusculaires étaient revenus hanter notre vision agrémentée d'orangé.
« Tu me suis Tp ? » s'assura Link. J'hochai vivement la tête et il commença à courir. Je le talonnai sans mal à cause de ma condition d'animal et nous fonçâmes tout droit. Notre course dura un moment avant que nous ne rencontrions quelques monstres volants. Ils étaient tous agglutinés autour d'un point précis au sol.
« Qu'est-ce que c'est ? » demandai-je intriguée.
« Il n'y a qu'un seul moyen de savoir » répliqua Link en sautant sur la masse de monstre. Elle se dispersa avant qu'il n'atterrisse, ne lui permettant d'en tuer que deux. Je bondis en l'air pour frapper le reste et les quelques-uns restants s'enfuirent en une cacophonie de cris aigus. « C'est un sac avec une lanière... » dit-il en examinant l'objet vert fait avec un mélange de tissu et de cuir.
« Qu'est-ce qu'un sac ferait ici ? Quelqu'un a dû le laisser tomber par inadvertance... Il doit être désincarné à présent... » soupirai-je. C'est à cet instant que je voulus me mordre la langue, c'était le sac d'Iria idiote ! m'apostrophai-je.
« C'est... celui d'Iria » souffla-t-il en s'en approchant. Je le vis baisser son museau à son niveau du sac et le renifler doucement. Il semblait en proie à des pensées bien sombres. Se souvenait-il d'un moment passé avec la jeune fille de Toal ? Je choisis de ne rien dire et de respecter ce petit instant de silence.
« On pourrait pister son odeur, comme avec les gosses » proposa soudainement Midona. Link se redressa et ses oreilles se tournèrent en direction de la twili, intéressé par ses dires.
« Bonne idée ! Il faut juste qu'on arrive à la mémoriser et se sera chose facile ! » m'exclamai-je en m'approchant. J'abaissai le bout de mon museau vers l'objet et le reniflai. Il y avait plusieurs odeurs, celle du sol, du sang, de putréfaction et enfin, une odeur d'humain. Link m'imita et je vis ses babines se retrousser lorsqu'il isola l'odeur du sang. Il commençait à s'énerver. « C'est bon Link, je suis sûre qu'elle est hors de danger, comme les enfants » dis-je pour l'apaiser. Son regard se tourna vers moi. Il était intimidant ainsi. J'avais l'impression que sa rage contenue débordait de son propre corps. Il était... effrayant. Je pouvais dire que ses traits lupins le rendaient menaçant, bien plus que la normale. Par instinct, je plaquai mes oreilles sur mon crâne et grognai légèrement en détournant le regard. « Tu veux bien arrêter ça ? » demandai-je en m'éloignant d'un pas.
« Quoi ? » répliqua-t-il gravement. Je le fixai et vis qu'il me suivait sans se rendre compte que sa présence était étouffante.
« Rien, laisse tomber » achevai-je en continuant notre chemin grâce à l'odeur d'Iria.
« Oh, laisse-moi deviner, c'est l'odeur de ta louve ? » plaisanta Midona en parlant à Link pendant notre course. « C'est pour ça que tu réagis comme ça ? » continua-t-elle. Le loup noir jappa d'agacement.
« C'est pas le moment Midona, et arrête de dire n'importe quoi » répliqua-t-il en donnant un coup de rein. Elle fut soulevée en protestant vivement contre son manque de servitude.
« Aurais-tu peur de rendre une certaine Tp jalouse ? Ou de la perdre dans ton indécision ? Tu sais, tu ne peux pas avoir toutes les femmes qui jalonnent ton chemin » reprit-elle sans lâcher le morceau. Je me stoppai d'un coup et Link en fit de même. Il m'envoya un regard interrogateur mais je ne m'intéressai pas à lui. Je transperçai la twili du regard. « Oh, mais c'est que tu me ferais presque peur ma chère Tp » ricana-t-elle en cachant sa bouche avec sa main. « Attends, est-ce que je n'aurais pas déjà dit cette phrase ? » demanda-t-elle pensive en se grattant le menton. Puis, elle se pencha vers moi et me pointa du doigt. « Ah, si, et j'avais tout de suite retiré ces propos » se moqua-t-elle. Je grognai longuement, je ne devais pas me rendre compte de la force de mon énervement puisque Link en fut déstabilisé. Je le vis plaquer ses oreilles et piétiner sur place. Etrange comme réaction alors qu'il était le plus imposant de nous deux. Je secouai ma fourrure blanche pour me calmer et regardai droit devant moi.
« Bref, pas besoin de parler de moi comme si je n'existais pas » lançai-je avant de prendre de l'avance. Nous poursuivîmes notre route un moment avant d'arriver à une ouverture plus large. Elle donnait sur une étendue herbeuse. Nous étions de retour dans la plaine d'Hyrule. Celle au nord du château si ma mémoire ne me faisait pas défaut. Je plissai les yeux en ralentissant pour apercevoir les détails de la citadelle au loin. Elle se découpait faiblement sur le fond flamboyant du ciel, comme si elle était engloutie dans un immense feu de joie. J'en frissonnai.
« Enfin nous sommes revenus ! Je voudrais vous dire que les choses vont être vites finies mais ce serait un mensonge alors... Bonne chance ! » s'exclama Midona en s'étirant. J'ignorai sa remarque et suivis Link en direction de l'édifice en pierre. Nous traversâmes la moitié de la plaine assez facilement, elle était plus petite que la plupart des autres.
« Attention ! » s'écria Link alors que nous avancions rapidement. Il esquiva l'attaque en piquée d'un oiseau noir et je me mis sur mes gardes. En quelques instants, nous fûmes entourés. Nous combattîmes la petite armada de monstres à coup de griffes et de crocs. Il y avait des bublins du crépuscule, des oiseaux et des chauves-souris. Nous réussîmes à nous en débarrasser assez aisément mais Link se fit mal à une patte en atterrissant trop brutalement après un de ses sauts.
« Link ? » l'appelai-je avec inquiétude. Il secoua frénétiquement sa patte. « Attends, arrête de bouger » lui ordonnai-je en m'approchant de sa patte arrière gauche.
« Quoi ? C'est qu'une petite blessure, ça va rien faire, on doit se dépêcher » dit-il en se mettant à marcher en boitant. Il était encore sur les nerfs, surtout depuis la trouvaille du sac d'Iria.
« Tu es sûr, ça ne va pas empirer si on ne fait rien ? » demandai-je. Il me dépassa et se remit à trottiner.
« Tu vois, je peux déjà y aller » contra-t-il en évitant ma question. Je soufflai fortement et me mis à le suivre en vérifiant ses pas. Il paraissait faire de son mieux pour masquer sa gêne... Quel idiot celui-là. Nous gravîmes le pont en pierre qui enjambait un fleuve complètement à sec. Il ne restait plus que quelques marres d'eau par-ci et par-là au niveau du lit de la rivière. Derrière, je me laissai guider par Link qui traçait l'odeur d'Iria. Elle suivait le petit sentier pavé qui traversait la plaine. Nous étions censés la retrouver dans la citadelle, au niveau du bar de Telma. Nous dépassâmes un passage étroit et c'est alors que nous nous retrouvâmes face à une des entrées de la citadelle. Les murs que nous apercevions, et qui étaient censés protéger la ville des envahisseurs, étaient presque entièrement écroulés.
« L'odeur suit toujours le sentier » dis-je en voyant l'intérêt que portait Link aux bâtiments à notre gauche. Il secoua sa tête et se remit à avancer. Le chemin qui portait l'odeur d'Iria était rejoint par un autre venant de plus loin, puis, ils convergeaient jusqu'au pont-levis permettant d'accéder à la cité.
« Elle est dans la ville ? » s'étonna le loup noir en s'arrêtant à plusieurs mètres de la première porte. Je me stoppai à ses côtés et levai le museau pour examiner la pierre. Les murailles qui formaient la première ligne de défense de la citadelle comportait une immense arche en pierre entourée de deux tours ornées d'un fanion rouge chacune. Les créneaux en haut du chemin de ronde étaient parsemés de meurtrières au même titre que les pans de murs.
« Sûrement, son odeur ne peut pas avoir été déposée là par hasard. Elle est bien plus forte que sur le sentier... » répondis-je en me dirigeant vers les murailles.
« J'espère... » grogna-t-il gravement. C'est en passant sous l'arche que j'entraperçus la herse dissimulée dans la pierre. Derrière se tenait le pont-levis, abaissé et gardé par trois monstres armés. Dès que nos pattes se posèrent sur le bois, nos griffes émirent des petits bruits clairs qui attirèrent leur attention. « Je m'en occupe ! » s'exclama Link en s'élançant vers eux. « Midona ! » cria-t-il pour appeler la twili.
« Ksh, tu me prends pour une vieille femme sourde ? » cracha-t-elle en se préparant. Un halo écarlate parcourut par de l'électricité se forma autour d'eux. Link s'empressa de se rapprocher des ennemis pour les mettre tous dedans et, la seconde suivante, il fut projeté sur eux. J'aurais dû prévoir que tout n'allait pas bien se passer. Je n'aurais pas dû attendre en arrière. En prenant appui sur la rambarde en bois qui entourait le pont afin de bondir sur le dernier bublin, sa cheville arrière gauche plia plus qu'en temps normal. Instantanément, un couinement lui échappa et il s'écrasa au sol, coupé dans son élan. Midona se protégea de la chute en sautant de son dos mais ne l'empêcha pas d'atterrir durement au sol. Le loup noir s'affaissa devant le monstre qui en profita pour lever sa masse en métal au-dessus de sa tête.
« Link ! » hurlai-je pour le prévenir mais il était incapable de se déplacer, je le voyais bien. « Link ! » l'appelai-je de nouveau même si c'était inutile. Le bublin des ombres lâcha un cri de victoire en abaissant son arme avec violence. Que devais-je faire ?! Je ne pouvais pas bouger le corps du loup en à peine une demie seconde sans son aide ! Je ne pouvais faire ça qu'avec mon propre corps ! Je vis Link lever ses yeux bleus qui contrastaient avec sa fourrure d'ébène vers notre dernier ennemi. Midona tenta d'attraper la masse avec sa main mais le temps qu'il lui fallut pour la sortir fut trop long. Elle la rata d'un millième de seconde. Cependant, il ne se prit pas le coup.
Je lâchai un hurlement de douleur quand l'objet contendant entra en collision avec mon dos. Tout mon corps se contracta et je m'abaissai légèrement, mes pattes cédant quelque peu sous la pression. J'avais mal... affreusement mal... ça brûlait et mes os craquaient douloureusement. Je vis les yeux céruléens de la bête allongée sous moi me dévisager avec horreur, agrandis au maximum.
« Espèce de- ! » s'écria Midona en empoignant violemment le monstre. Elle le broya avant de l'envoyer par-dessus la rambarde, le faisant chuter au fond de la douve asséchée sous nous. Un craquement sec nous informa de sa mort. Je clignai lentement des yeux en me redressant sur mes quatre pattes. Chaque mouvement m'infligeait une douleur atroce. C'était ignoble...
« Tp ! » s'écria Link en se relevant avec difficulté. Je voyais bien que sa patte arrière était repliée sous son ventre pour la protéger. Il devait souffrir aussi... « Pourquoi tu as fait ça ?! Tu es folle ?! Tu n'aurais pas dû te mettre entre lui et moi ! » s'affola-t-il en tentant d'apercevoir mon dos. Il me contourna en sautillant sur ses appuis restants et je remarquai que sa queue était plaquée entre ses jambes. Il avait eu une sacrée frayeur.
« C'est bon... » murmurai-je en vacillant afin de me remettre face aux portes de la ville.
« Non, c'est tout sauf bon ! » s'écria-t-il en me montrant les crocs. Je me retournai vers lui d'un coup en retenant un jappement de souffrance.
« Comme tu le dis si bien, ce n'est qu'une petite blessure, ça ne fait rien, on doit se dépêcher » grognai-je en devenant agressive à mon tour. Il tomba des nues en entendant ma réplique, conforme à la sienne plus tôt.
« Non, j'ai clairement entendu le coup, il était tout sauf minime ! » s'emporta-t-il.
« Et alors ! » rugis-je en ouvrant grand la gueule. « Et alors ?! Tu ne peux pas juste te taire et accepter que je t'aide au lieu de m'en vouloir à chaque fois après ?! Si je suis avec toi, il est évident que je ne vais pas rester indemne ou attendre que tu prennes tous les coups ! Tu crois franchement que je vais te regarder te faire battre devant moi sans rien dire ?! Sans réagir ?! » balançai-je de toute mes forces alors qu'un grondement constant s'évadait de ma gorge. Il ne savait pas quoi dire devant mon acte de colère, c'était visible, et pourtant, il était remonté. Ses muscles tremblaient de fureur et il paraissait prêt à exploser. Je ne le connaissais pas aussi impulsif. Ses crocs étaient clairement visibles et il écumait de rage. Je soupirai pour me calmer et baissai la tête en me retournant. « Allons chercher Iria, elle ne doit pas être loin... » dis-je la voix basse.
« Hors de question ! » Son aboiement claqua à mes oreilles et résonna autour de nous. Il était violent, abrupte. J'avais rarement entendu une protestation aussi forte. Je n'osais pas parler ni bouger. J'étais immobilisée. Il avait fait taire tous les bruits qui nous entouraient. Même Midona qui paraissait sur le point de nous interrompre s'était tu. « Hors de question... » répéta-t-il plus bas. Il releva la tête et plongea ses yeux dans les miens. « Je n'irais pas aider Iria si tu es blessée » décréta-t-il.
« Allons Link, elle a besoin de notre aide... » essayai-je de le raisonner.
« J'ai dit non ! A quoi bon aller sauver quelqu'un si une autre personne est blessée ? » demanda-t-il en secouant la tête.
« Mais, je suis encore vivante, c'est bon. Nous devons au moins nous assurer qu'elle est en sécurité dans un coin de la citadelle » dis-je pour le rasséréner. Il parut réfléchir.
« ...si tu veux, mais dès qu'on l'a vue, on trouve un endroit pour se reposer. » Je soufflai fortement par les narines.
« Si tu y tiens. Je ne vais pas te trainer derrière moi. » Il me doubla et me lança un regard lourd.
« Je suis celui qui va te trainer vu ton état. Et je te préviens, je t'interdis de te battre ainsi » conclut-il avec autorité.
« Link, je- » Il me coupa avant que je ne puisse protester.
« De toute façon, nous entrons en ville, ça m'étonnerait qu'il y ait des monstres. » Je grognai faiblement pour toute réponse et je le suivis dans la cité. Par chance, les portes en bois étaient entrouvertes, ce qui nous permit de nous faufiler à l'intérieur. Je ne disais rien, Midona qui avait choisi de nous accompagner en flottant à cause de nos conditions non plus. Link venait de nous faire taire. Je ne l'avais jamais vu aussi... en colère pour une telle broutille. Je l'avais vu inquiété pour les enfants et Iria lorsqu'ils s'étaient faits enlever. Je l'avais vu énervé à l'enlèvement de Colin. Je l'avais vu faible face à certains adversaires... mais enragé comme ça ? Jamais... C'en était bouleversant. Voir une émotion aussi puissante exprimée par quelqu'un qui vous est proche est déstabilisant... Je veux dire que, ce n'était pas la première fois que j'étais dans une telle situation, il n'aurait pas dû réagir aussi violemment. Dans les mines, ça n'avait pas été facile et pourtant il était resté assez calme. J'avais même été extrêmement désagréable... Alors, qu'est-ce qui valait ce degré de fureur ? Face à moi en plus ? Etait-il à fleur de peau à cause d'Iria ? J'avais bien compris qu'il était pressé mais, dire qu'il se fichait de la voir au final, c'était contradictoire. Je secouai ma tête et arrêtai de fixer les pavés du sol. Il me donnait un mal de crâne. Franchement... pensai-je en relevant les yeux vers lui. C'est à ce moment que j'aperçus la Grande Place de la citadelle d'Hyrule sur laquelle nous venions de déboucher.
« Par toutes les déesses... » souffla Link en écarquillant les yeux. Je pouvais le comprendre. La citadelle entière était parcourue par les particules crépusculaires et des esprits désincarnés emplissaient l'espace. Je me surprenais à les suivre des yeux et certains allèrent jusqu'à me foncer dessus, traversant de part en part ma fourrure blanche. Je ne pouvais pas les décompter. Etaient-ils une centaine ? Ou un demi-millier ?
« Ksh, c'est navrant mais au moins on est au calme » déclara Midona. Je levai mes yeux vers eux.
« Comment est-ce que tu peux dire ça ? » m'indignai-je.
« Quoi ? Vous n'alliez pas vous balader sous forme de loups au milieu d'une foule » dit-elle en haussant les épaules. « A moins que tu préfères être prise en chasse ma chère Tp » se moqua-t-elle en dardant son iris rouge sur moi. Je l'ignorai et inspectai un peu plus l'endroit alors que Link cherchait à démêler l'odeur d'Iria parmi toutes celles qui tapissaient le sol. Les devantures des magasins étaient désertes et la fontaine surmontée par l'insigne des déesses et de la Triforce était le seul mouvement visible. Le château projetait une ombre inquiétante sur toute la citadelle. Il était complètement noir et se découpait sur le ciel ardant. Cela lui donnait un air lugubre...
« L'odeur d'Iria continue par-là ! » s'exclama le loup noir en se redressant devant une des rues qui partaient de la Grande Place. D'ailleurs, la ville me paraissait bien plus grande que celle du jeu. Il y avait plus de personnes et une bonne dizaine de rues qui n'existaient pas de base. C'était mieux, une grande ville était toujours plus intéressante, n'est-ce pas ? Comparé à notre Paris, ce n'était rien, mais après tout, ils ne connaissaient pas la mondialisation par ici...
« J'arrive ! » répondis-je immédiatement. Je grimaçai en me mettant en route à cause de mon dos. Ça m'handicapait dans tous mes mouvements... Heureusement que j'étais habituée à ma condition de bête ou j'aurais eu quelques problèmes en plus. Je vis Link m'étudier avec insistance mais il ne dit rien. Tant mieux. Nous nous engouffrâmes dans la rue et descendîmes quelques escaliers avant de nous retrouver en face d'une boutique. Ses larges portes en bois étaient fermées et l'odeur d'Iria y faisait un aller-retour. « Elle a dû passer par ici pour faire des courses. C'est que tout va bien... » soupirai-je. Je ne savais pas pourquoi mais... j'avais été inquiète. Tout ne se passait pas comme dans le jeu alors... elle aurait très bien pu... Enfin, bref. Nous sillonnâmes les rues en slalomant entre les esprits. Bien que nous puissions passer au travers, cela me donnait une sensation désagréable de froideur. C'était assez terrifiant de passer tout droit sur des êtres humains soit dit en passant. Quelques rues supplémentaires et nous débouchâmes sur une allée marchande. Plusieurs étales longeaient l'axe et les vendeurs s'attelaient à vanter leurs produits aux passants. Il y avait des fleuristes, des bouchers, des poissonniers, un potier et même un alchimiste. Je n'eus pas le loisir de continuer à examiner les boutiques pour enregistrer les plus intéressantes, Link pivota brusquement dans une petite ruelle.
« Là ! » cria-t-il en sautant au bas des deux volées de marches.
« Attends ! » m'exclamai-je en descendant doucement les escaliers. Je n'allais pas me risquer à sauter alors que mon dos était en compote. Il était réellement inconscient... Nous arrivâmes dans une petite cour intérieure en pierre contenant des caisses en bois et un accès vers un établissement dissimulé dans une avancée en pierre. C'était le bar et l'odeur allait droit dedans. Link ralentit et se dirigea prudemment vers la devanture du bâtiment. Il y avait une affiche qui disait : 'Taverne de Telma' avec une petite pancarte modulable 'C'est ouvert !' accrochée en dessous.
« C'est bloqué... » râla-t-il en étudiant la porte mais elle était mal enclenchée. Il suffit au héros de la saisir à l'aide de sa griffe pour la tirer vers lui et l'ouvrir. « Je ne sais pas s'il y un danger dedans, fais attention. » J'hochai la tête et pénétrai à l'intérieur à sa suite. La taverne était un peu plus grande que je ne le pensais. Elle était carrelée au sol et sur les murs en bois s'étalaient des dizaines d'étagères. Elles étaient recouvertes d'ingrédients ou d'objets décoratifs et sûrement commémoratifs. Le bar était à droite et occupait un pan de mur entier. Il devait regorger de boissons en tout genre et les tabourets disposés devant semblaient tendre la main aux buveurs. Derrière se trouvait un meuble pour ranger les bouteilles et des étagères remplies de nourriture. Au milieu, il y avait un énorme espace vide qui devait servir de piste de danse puisque à gauche se trouvait une estrade en bois. Elle n'existait pas normalement. Au fond se trouvait plusieurs tables et chaises séparés de la salle par deux rideaux attachés aux murs.
En entrant, il nous fut facile de repérer les sept esprits désincarnés. Ils formaient deux groupes. Les quatre gardes étaient en arrière, vers les rideaux alors que les trois autres étaient sur notre gauche. Link se dirigea immédiatement vers le rassemblement où était Iria. La jeune fille était assise sur un tonneau face à une caisse allongée où reposait un petit enfant alors qu'une femme les surveillait.
« Iria ! » s'écria-t-il en se précipitant vers elle. Malheureusement, elle ne pouvait pas l'entendre. Je le rejoignis et je remarquai l'air accablé de l'adolescente. Elle gardait ses poings fermés sur ses cuisses et fixait intensément le jeune garçon alité. C'était un Zora, sa morphologie écailleuse le prouvait.
« Elle ne t'entendra pas » coupa Midona en se rasseyant sur son dos. Il ne l'écouta pas et se concentra sur la conversation des deux femmes.
« Vous pensez qu'il va s'en sortir ? » demanda Iria.
« Calme-toi ma petite, j'ai fait appeler le médecin » lui répondit la plus âgée en mettant ses poings sur ses hanches. Je reconnus aisément Telma, la gérante du bar. Elle avait pas mal de forme et ne se gênait pas pour les mettre en avant grâce à sa tenue décolletée. « Un enfant Zora ici... c'est pas commun... » continua-t-elle en baissant la tête, abattue. Elle paraissait dépassée par la situation. En même temps, je la comprenais.
« Je n'avais jamais vu l'un d'eux... » se confia Iria en étudiant les traits singuliers du garçon.
« C'est normal, ils ne quittent que très rarement leur lac. Je me demande si cela a un rapport avec l'incident dont ces soldats parlaient tout à l'heure... »
« Peut-être mais... » commença Iria avant de tourner la tête vers nous. Pourtant, elle ne nous vit pas, son regard passa tout droit à travers Link pour se ficher au sol. Elle paraissait sur le point de pleurer. Le loup noir tendit un peu plus son museau vers la jeune fille mais il ne pouvait la consoler.
« Ah ! Quelles émouvantes retrouvailles ! Ou peut-être que j'exagère un peu, ksh ksh ksh » se moqua-t-elle en flattant les côtes de Link. « Pardon, j'avais oublié qu'aucun d'entre eux ne peut sentir ta présence » rit-elle alors que les deux femmes devant nous paraissaient désespérées.
« Midona, arrête avec ça... » soupirai-je en m'approchant du petit garçon Zora.
« Ksh, tu n'as même pas une once d'humour ma chère Tp » se plaint-elle. Je posai mes deux pattes avant sur la caisse pour me surélever et apercevoir le visage du malade. L'effort m'envoya une décharge dans tout le corps.
« Je pense que nous n'avons pas le même sens de l'humour surtout » lui répondis-je sans la regarder. « Effectivement, il est très mal en point » conclus-je en me rabaissant. « Il est complètement sec et il respire difficilement. » Link dévisagea Iria une dernière fois avant de se détourner d'elle.
« On n'y peut rien » souffla-t-il en allant voir la délégation de soldat. Ils semblaient se faire remettre en place par leur supérieur qui se tenait devant eux.
« Ce n'est plus possible ! Les habitants nous envoient des montagnes de lettres de doléances parce qu'ils ne peuvent plus se rendre prier à la source de l'Esprit » s'exclama rageusement leur supérieur en faisant claquer le bout de sa lance contre le carrelage. « Allez voir ce qu'il s'y passe ! C'est un ordre ! Je vous ai déjà montré l'emplacement sur la carte tout à l'heure ! Exécution » s'égosilla-t-il devant les trois autres. Ils baissèrent honteusement la tête en la secouant frénétiquement.
« Sauf votre respect chef, c'est trop dangereux » clama l'un d'eux sans oser le regarder.
« Ils disent pleins de choses étranges à propos de cet endroit ! Comme s'il était hanté ! » s'écria un autre en se rongeant les ongles.
« Qui m'a foutu une bande d'incapable pareille ! Dépêchez-vous et allez vérifier ! » s'énerva-t-il. Ils refusèrent une nouvelle fois. « Franchement, engagez-vous dans l'armée qu'ils disaient, vous dirigerez qu'ils disaient. Ça sert à quoi de diriger des mauviettes... » s'exaspéra-t-il en s'appuyant sur son arme plus grande que lui. Je levai les yeux au ciel.
« Ils sont vraiment effrayés » lâchai-je en voyant le plus petit d'entre eux faire profil bas. « Tu penses qu'ils diraient quoi si une fille le faisait à leur place ? Surtout dans votre société » murmurai-je pour moi-même. Link rit en examinant la carte.
« Tout le monde n'est pas comme toi, complètement aveugle au danger » se moqua-t-il.
« Tu peux parler » grognai-je en le rejoignant.
« Ksh, vous êtes tous les deux assez idiots pour foncer tête baissée tant que l'autre est en mauvaise position » décréta Midona pour égaliser les scores. Je ne dis rien et Link non plus. Elle semblait avoir touché un point sensible. Nous regardâmes attentivement le point rouge sur la carte.
« On pourrait y aller » proposai-je en levant les yeux vers le loup noir.
« Je pense aussi mais pas aujourd'hui. On doit se reposer avant pour que nos corps se réparent » suggéra-t-il.
« Tu crois qu'une nuit sera suffisante ? » demandai-je en plissant les yeux. Il hocha la tête.
« Une nuit et un bon repas devraient nous aider à récupérer des forces. Au moins jusqu'à ce qu'on redevienne normaux. A ce moment on pourra se soigner correctement » exposa-t-il. Je fus d'accord avec lui et nous décidâmes de nous reposer dans un coin du bar. Link réussit à subtiliser un morceau de viande que nous partageâmes pour le repas. Puis, je m'endormis.
PDV Link
Je fis un dernier tour du bar pour vérifier que rien ne pourrait nous surprendre. La femme qui s'en occupait, si jamais bien compris, l'avait déjà fermé. Ainsi, nous étions tranquilles. Les soldats étaient rentrés chez eux et elles avaient recouvert le... Zora, je crois, avec une couverture avant de monter dans leurs chambres à l'étage. Les lumières étaient éteintes mais je voyais parfaitement bien dans le noir grâce à ma forme animale. Je m'y étais étonnement bien accoutumé, elle était forte et pratique pour se battre. Pas étonnant que Tp gagne en puissance lorsque nous étions comme ça... Je levai le museau mais ne parvins pas à apercevoir celle que je cherchais. Midona était partie se coucher dans un coin en hauteur hors de notre vue. Je décidai enfin de revenir vers la louve au pelage blanc.
Je m'allongeai à ses côtés et pressai mes flancs contre elle afin de lui communiquer de la chaleur... et aussi parce que j'aimais dormir près d'elle. J'en avais pris l'habitude et ne pas l'avoir juste là quand j'allais me coucher me perturbait. Puéril hein ? Autant que ma crise sur le pont tout à l'heure. Je posai mon regard sur la jeune fille à ma droite. Je n'avais pas supporté qu'elle se fasse blesser à cause de ma maladresse. Elle n'avait pas pris qu'un petit coup. J'avais vu la douleur sur son visage. Elle qui ne montrait pas grand-chose à l'ordinaire... La colère m'avait subjugué. J'avais complètement occulté Iria de mon esprit, il n'y avait eu plus qu'elle. Qu'elle évoque la jeune fille m'avait énervé. Elle était blessé putain ! Et elle parlait de quelqu'un d'autre ! Pourquoi ? A cause de moi, c'était certain. Elle pensait qu'Iria était ma priorité mais... il n'en était rien... C'était elle la première chose à laquelle je pensais. Iria pouvait bien rester aux mains des monstres une seconde de plus si c'était pour que Tp ne se reçoive pas un coup mortel. Je m'en fichais.
Mes yeux dérivèrent sur la marque qui ornait son front. Elle était magnifique, même ainsi... Cette personne assez forte pour me suivre jusqu'au bout du monde... Je ne méritais pas qu'elle soit là et pourtant... Je voulais pouvoir l'aider autant qu'elle m'aidait. Seulement, elle refusait de s'ouvrir à moi, comme si un danger rôdait au-dessus de sa tête. Je sentais bien qu'elle ne disait pas tout. Il restait des moments où les choses ne s'emboitaient pas correctement. Je l'avais bien vu dans les mines... A la rigueur, c'était au même titre que moi, je gardais quelques secrets enfouis. Peut-être que je lui en parlerai à un moment mais je ne m'en sentais pas le courage maintenant. Elle le ferait sûrement un jour aussi ... Cependant, je lui faisais confiance envers et contre tout, comme elle me l'avait demandé mais c'était naturel pour je ne savais quelle raison, elle n'avait pas besoin d'en faire la demande. Ses actions parlaient pour elle. Je lui avais dit dans les mines, les yeux dans les yeux. Je ne jouais pas.
Je me moquais de ma propre personne. Je vivais des montagnes russes à cause d'elle en ce moment. Mes sentiments étaient complètement indécis et j'hésitais à mettre des mots dessus. En plus, j'avais remarqué que dès qu'elle entrait en jeu, tout prenait une dimension plus forte. J'avouais que mes actions avaient été un peu disproportionnées mais... Je ne pouvais pas autoriser qu'elle soit blessée. Pas devant moi et encore moins pour moi.
C'était étrange comme sensation, pensai-je en enfouissant mon museau dans sa fourrure. Ils pouvaient tous aller au diable, je la protégerai.
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Et voilà ! Nous avons enfin retrouvé Iria !
En plus, nous avons eu le droit à un petit discours intérieur de Link sur ses sentiments, vous a-t-il plu ?
Luna