Evan bailla longuement et s'étira en traversant l'allée centrale. Kadvael s'arrêta devant une porte, y passa son badge et l'ouvrit. La chambre était spacieuse, le parquet pâle, le plafond blanc et les murs couverts d'une tapisserie gris sombre. Un énorme lit deux places trônait à gauche, son matelas épais et ses oreillers blancs bien fournis le rendaient tout à fait attrayant. Une grosse table de nuit avec prises intégrées, lampe et téléphone reposait à sa droite. En face et à droite, deux grandes fenêtres ornées de lourds rideaux en brocart sombre donnaient sur la ville plongée dans la nuit. Une télé à écran plat sur un meuble en bois satiné faisait face au lit. Un peu plus loin, une table et des chaises avaient été installées devant la fenêtre. Enfin la chambre disposait également d'un canapé, d'une armoire, d'un miroir, ainsi que d'un accès à la salle de bain. Evan s'approcha du lit et s'étala dessus dans un soupir de bonheur. Ça changeait du lit d'hôpital et de tout ce qu'il avait déjà connu de manière général, exception faite de la chambre de Kadvael. Il était fatigué de sa journée, mais d'une fatigue saine, voir agréable. Il savourait d'autant plus cette couche et la somnolence qui le prenait. Ce n'est que l'odeur salé de l'air marin sur ses vêtements qui lui rappela qu'il voulait se doucher. Il fit un gros effort pour se redresser, Kadvael était debout face à la fenêtre, au téléphone et s'exprimait dans une langue qu'Evan ne connaissait pas. Le jeune homme se rendit dans la salle de bain. Elle était spacieuse et lumineuse. Il se déshabilla tranquillement, retira son bandage, puis le collier de sa mère qu'il posa près du lavabo. Il hésita entre la douche et la baignoire, pensa au lit et choisit la douche. Elle était large, au moins suffisamment pour y laisser entrer cinq personnes.
- Dans ce cas, on ne devrait pas éprouver trop de peine à y entrer à deux.
Kadvael était apparu juste derrière lui. Evan avait à peine eu le temps de sursauter que le démon l'enlaçait déjà pour le plaquer contre lui. Nu contre son dos, son souffle chaud caressait sa nuque et la trace de crocs qu'il y avait gravé. Evan savait déjà quel sentiment lui titillait le bas ventre lorsque il se laissa aller contre Kadvael tout en posant ses mains sur les siennes. C'était une douche pluie, l'eau coulait à flot en les délayant de sa chaleur. Le démon fit descendre une main sur le bas ventre d'Evan, puis le long de son entre jambe et celui-ci inspira dans un soubresaut. Kadvael entendait les battements lourds de son cœur et voyait chaque pigment de sa peau se réveiller à mesure qu'il le caressait, collant des baisers tièdes dans sa gorge pâle. Le corps du jeune homme avait réagi presque immédiatement, pourtant le diable ne s'en délecta pas comme il l'avait espéré. Il n'y avait plus de défi, pas de barrière mental à briser ni d'égo à humilier, Evan était déjà tout à lui sans aucune résistance. D'autant plus qu'il n'avait aucune endurance en la matière et jouissait toujours trop rapidement. Sous ses mains le sexe du jeune homme gonflait, il haletait déjà, c'était d'une facilité décevante. Kadvael fut piqué par l'ennui, un peu par l'agacement, aussi il serra un bon coup et arracha un couinement à Evan, qui se dégagea. Le diable le saisit aussitôt et le plaqua brutalement contre la vitre.
- Ne t'attends pas à ce que je sois doux avec toi, lança-t-il en lui coinçant un bras dans le dos.
Evan avait le visage écrasé contre la vitre et le pouls en catastrophe. Son corps semblait ne plus rien comprendre à ce qu'il était en train de vivre. Une sensation désagréable lui envahit la poitrine, c'était sans doute le contre coup de la désillusion, après la journée idyllique qu'il venait de passer.
- De toute façon, tu fais toujours ce que tu veux, rétorqua Evan.
- Ça ne doit pas trop te déplaire puisque tu reviens toujours vers moi.
- C'est toi qui reviens toujours vers moi. C'est peut-être juste pour me baiser, mais ça n'empêche que c'est...
Kadvael le retourna d'un coup et le plaqua de nouveau contre la vitre, une main autour de sa gorge. Il souriait à pleines dents, les crocs sortis et les yeux rouge vif.
- Serais-tu en train de sous-entendre que je suis dépendant de toi ?
Evan s'empourpra.
- Quoi ? Non, je... (Kadvael l'interrompit d'un baiser.)
Ils s'embrassèrent alors, le démon envahissant fouillait sa bouche sans douceur lorsqu'il lâcha sa gorge pour plaquer ses poignets contre la paroi transparente. Il se colla contre Evan, son torse contre le sien, son ventre plat et musclé contre le sien, sa peau contre la sienne, tout cela bouleversait les sens du jeune homme qui se laissait absorber par la volupté. Kadvael effectua de profonds mouvements de bassin entre ses jambes, allant et venant sans cesser de l'embrasser, encore et encore, frottant leurs sexes l'un contre l'autre. Evan se laissa aller contre lui, avançant ses hanches il cherchait le contact de Kadvael et le plaisir, lorsque le démon s'arrêta brutalement et se recula en relâchant tout. Evan demeura pantelant, l'œil rond, les joues roses et la bouche entre-ouverte, son corps stimulé brutalement coupé dans son élan. Le diable plongea ses beaux yeux dans les siens, l'eau coulait à flot le long de son torse sculptural, redessinant la courbe de ses abdominaux. Il lâcha un sourire railleur.
- Passe un bon moment sous la douche, Evan.
- Hein ? Mais attends !
Mais le démon avait déjà disparu. Evan jura pour lui même, son corps était dans tous ses états et il jeta un œil dégoûté à son sexe durci. Un pavé digital permettait de régler la température de la douche, qu'il fit descendre progressivement jusqu'à ce que l'eau soit froide. Il fallait se calmer par tous les moyens. Kadvael, pensa-t-il amèrement, ce bâtard !
Evan déposa le collier de sa mère sur la table de nuit, au moment d'aller se coucher, puis se nicha allègrement dans les draps moelleux. Une présence chaude se blottit dans son dos et l'enlaça doucement.
- Alors, on tente de s'endormir sans moi ? souffla le diable à son oreille.
Lentement, Evan se retourna pour faire face à Kadvael. Ses yeux de braise était un gouffre effrayant, une mer de lave pour y plonger. Le jeune homme détailla sa gorge halée, ses lèvres à la courbe mince et passa une main absente sur cette bouche aimée. Kadvael était si près, son souffle caressait la figure d'Evan et l'un de ses bras reposait négligemment sur sa hanche. Il s'y sentait bien, là, entre ses bras, si bien qu'il aurait pu s'endormir immédiatement et sombrer dans un sommeil sans trouble. Son amant semblait former un mur protecteur entre lui et les cauchemars de mort qui hantaient ses nuits, un nid chaud où se reposer. Il se rapprocha un peu puis se lova près du démon, passant un bras sous le sien il enfouit sa tête contre son torse et ferma les yeux.
Kadvael l'avait observé faire en silence. Il avait encore du mal s'habituer à ce changement de comportement et pourtant, il savait quels sentiments Evan nourrissait à son endroit. Il empestait l'amour à dix lieux à la ronde, un amour directement dirigé vers lui et qu'il recevait de plein fouet. Étrangement, il appréciait l'odeur du jeune homme et ses cheveux blonds juste sous le menton du diable avaient quelque chose d'attractif, quelque chose qui poussa Kadvael à y enfouir son visage pour en inspirer une grande bouffée.
Pourquoi agir de la sorte ? songea-t-il et il se ravisa.
- L'étreinte n'est pas gratuite, susurra-t-il sur un ton cruel, le moindre de mes gestes a un coût que tu n'as pas payé. Pour l'amour du diable, Evan, (Il repoussa le jeune homme), éloigne-toi.
Evan leva vers lui deux yeux limpides, élargis par la déception et l'étonnement. Il n'y avait qu'à croiser son regard pour voir que quelque chose s'était déchiré à l'intérieure. Toute la physionomie de Kadvael se referma jusqu'à former une expression froide, proche du dédain.
- Tu n'es que trop similaire à tous les autres, déclara-t-il. Prévisible, faible et ennuyeux à mourir. (Evan ouvrit la bouche pour parler, mais fut incapable de produire un son.) Tu fais dans l'exubérance et tes douleurs n'ont de maître que tes surenchères. Je dois avouer que la théâtralité que tu appliques à ta conduite commence elle même à m'ennuyer.
- Va te faire foutre ! explosa Evan en se redressant. Je n'exagère rien ! (Deux grosses larmes roulèrent sur ses joues pâles et il les essuya d'un revers de la main.) Va te faire foutre ! cria-t-il et Kadvael explosa de rire. Va te faire foutre ! VA TE FAIRE FOUTRE !
Evan se redressa et courut récupérer ses habits. Je suis vraiment trop con, pensa-t-il en s'habillant à la hâte, j'aurais jamais dû le croire, j'aurais jamais dû le laisser entrer dans ma tête !
Il tremblait, le cœur en catastrophe et les joues trempées, tout son corps était violemment secoué par ses sanglots. Pourtant, il connaissait cette souffrance, ce sentiment de rejet et d'abandon, le déchirement que provoque le mépris lorsqu'il vient de l'être aimé. Mais Kadvael ne le dédaignait pas même autant que lui l'aimait. Non, car à ses yeux, il ne représentait rien et c'était là la clef de voûte de cette tragédie. Le diable ne pouvait pas aimer, mais il ne le haïssait pas non plus. Il n'accordait à Evan qu'une indifférence tranquille, comme on le fait pour les objets sans valeur.
Il se dépêchait encore lorsque deux bras passèrent atour de ses hanches et l'enlacèrent.
- Lâche-moi ! explosa le jeune homme en se débattant. Putain de merde, LÂCHE-MOI !
Kadvael le saisit fermement et le projeta sur le lit. Un sourire large étirait ses lèvres, il était ravis et Evan en fut horrifié. Ça y était, il était de nouveau désirable à ses yeux, il se débattait et Kadvael prenait un malin plaisir à le maîtriser. Il n'était plus question de s'ennuyer, il n'y avait plus d'amour mielleux, caressant, écœurant jusqu'à l'insipide. C'était une douleur et une détresse déchirantes qui habitaient tous les traits d'Evan. Le diable s'assit sur lui et arracha son t-shirt, Evan se débattait encore et pleurait à flot. Il était trop blessé pour désirer, trop souffrant pour vouloir autre chose que de s'abandonner à la douleur. Il lutta encore et en vain, contre une force inégale à la sienne, il sentait les mains chaudes de Kadvael le saisir puis l'empoigner, ses lèvres s'écraser contre les siennes, sa langue courir dans sa gorge puis ses crocs s'y planter. Tous les frissons de plaisir que provoquait son contacte se mélangeaient à sa désolation, enfermant le jeune homme dans un supplice sadique.
Le démon le mordait à sang. Encore et partout, de façon anarchique. Lorsqu'il se redressa au dessus de lui, il sembla à Evan qu'il voyait son véritable visage pour la première fois. Ses yeux rouges luisaient d'un éclat malsain, enfin un sourire énorme et cruel mangeait sa figure, dévoilant ses crocs sanglants. Il relâcha les poignets d'Evan pour lui retirer son pantalon, le jeune homme en profita pour se redresser mais fut violemment repoussé contre le matelas.
- Tu m'avais promis... !
Kadvael leva les yeux vers son humain. Evan fixait sur lui deux yeux tristes et immenses qu'aucun reproche ni aucune déception n'animait. Il l'aimait encore et ce malgré tout ce que le démon lui faisait subir, il savait ce qu'il aimait et avait accepté toutes ses facettes, même les plus ignobles d'entre elles. Evan avait cessé de lutter, son corps pâle et dénudé présentait une bonne dizaine de marques de crocs encore saignantes. Le rouge sur sa blancheur avait quelque chose de satisfaisant aux yeux de Kadvael. Evan était à lui, il était sa chose.
- Tu m'avais promis une illusion, souffla Evan avec un air à cheval entre la tristesse et l'hébétude.
- Oui, répondit simplement Kadvael, et tu payes pour cette illusion. Tu me dois un esclave.
Le visage d'Evan se tordit sous un nouvel afflux de larmes. Il se détestait, se trouvait pitoyable, mais c'était lui même qui s'était laissé prendre au piège et il ne pouvait plus qu'accepter son sort. Un sentiment lourd dans sa poitrine semblait s'être posé sur son cœur, un sentiment qui mit fin à ses dilemmes intérieurs : la résignation.
- Fait ce que tu veux, souffla-t-il d'une voix enrouée.
Kadvael sourit. Il adorait cette vision, ce visage, cette beauté... Dire qu'il avait toujours considéré la beauté humaine comme parfaitement fade et indigne d'intérêt. Comme il le trouvait beau, à présent, dans son supplice et dans ses larmes.
- Non, répondit Kadvael sur un ton vicieux, tu fais ce que je veux.
Evan se raidit, fixant sur Kadvael un œil défiant. Il se redressa lentement, encore tremblant, des traces rouges marquaient ses poignets là où le démon l'avait saisi. Comme il lui semblait fragile ! Sa pâleur avait des allures de porcelaine, ses yeux bouffies n'arrivaient même plus à pleurer et il respirait par soubresauts. Il n'en pouvait plus, Kadvael le sentait, son humain n'avait plus la force de lutter et son âme vacillante menaçait de se briser d'un instant à l'autre. Après tout ce qu'il avait vécu, toutes les souffrances accumulées, il s'était accroché au Diable comme au mât d'un bateau à la dérive, il y avait mis tous ses espoirs et s'était vu violemment rejeté. Pire, il était humilié, méprisé et moqué par une personne qu'il adorait ouvertement. Il n'avait plus rien, ni fierté, ni amour propre, plus rien d'autre qu'une douleur lancinante et vive. Kadvael l'observait d'un œil curieux et intéressé. Ce n'était pas la première fois qu'il s'amusait à consumer une âme et pourtant, celle-ci dégageait quelque chose de spécial. Un sentiment nouveau lui prenait les tripes chaque fois qu'il voyait sa victime s'enfoncer d'avantage dans la déchéance, un sentiment qui l'animait pour la toute première fois et qui le surprit, chose qui ne lui était pas arrivée depuis des millénaires. Kadvael était ravis, égayé par son nouveau jouet. Il saisit le visage d'Evan dans sa main, écrasant ses joues entre son pouce et ses autres doigts, lorsqu'il fixa son regard bien droit dans le sien.
- Je t'avais dit que tu finirais par faire absolument tout ce que je te demanderai.
Une mimique douloureuse passa sur le visage d'Evan. Il comprenait à présent, il comprenait que Kadvael se révélait complètement parce qu'il avait achevé de le piéger, parce qu'il s'était rendu indispensable. Depuis le début, il avait enchaîné Evan à lui, il s'était présenté en renfort même malgré son ostensible cruauté. Il avait donné au jeune homme la sensation d'avoir de la valeur, d'être important aux yeux de quelqu'un. Après tout, c'était lui que le Diable avait choisi, lui que le Diable avait sauvé, lui parmi des milliards d'autres ! Et inconsciemment, Evan avait nourris l'espoir d'être spécial à ses yeux.
Un sourire incertain poignit légèrement sur le visage de Kadvael.
- J'ai raison, pas vrai ? chuchota Evan.
Kadvael souffla par le nez.
- Je dois admettre que je suis découvert.
Le visage d'Evan se tordit encore et il laissa poindre un sourire désespéré.
- Tu peux te féliciter... (Il renifla.) Tu as gagné Kadvael.
Le démon relâcha son visage, glissa une main dans son dos et le ramena contre lui.
- Je sais, lui souffla-t-il à l'oreille.
Il se recula, saisit son menton dans sa main et appuya son pouce contre ses lèvres. Evan serrait les dents, aussi il tira un peu pour forcer le passage puis glissa son doigt dans sa bouche. Le démon appuyait sur sa langue lorsqu'il s'enfonça jusqu'à le faire tousser.
- Ouvre la bouche Evan, ordonna-t-il, et sers t'en.
Une vague douleur passa sur le visage du jeune homme qui, baissant la tête, fixa des yeux honteux sur ses mains. Kadvael retira son pouce et lui passa un doigt sous le menton.
- Allez, l'exhorta-t-il.
Kadvael s'assit sur le bord du lit, légèrement en arrière et nonchalamment appuyé sur ses mains. Evan leva les yeux vers lui, vit son regard moqueur, le petit sourire qui lui tordait la bouche et les baissa immédiatement. Le diable était satisfait. Il l'observait avec un délectation malsaine, lorsque son humain se laissa glisser lentement à bas du lit et s'agenouilla. Il s'approcha, se positionna entre les jambes de Kadvael, prit une grande inspiration et tendit la main vers son sexe. Puis la rabattit.
- Vraiment Evan, ça ne va pas te mordre, se moqua Kadvael, j'ai beau être un démon je n'ai pas de crocs à cet endroit.
- Vu le nombre de fois où ça m'a explosé le cul tu devrais comprendre que je m'en méfie, ironisa Evan sans lever les yeux.
Kadvael explosa de rire.
- Par les Enfers, Evan ! Tu ne t'arrêtes jamais... ! s'esclaffa-t-il. (Il secoua doucement la tête et sourit pour lui même.) Allez, n'use pas de tes sarcasmes pour te défiler.
- Je sais pas comment faire, rétorqua le jeune homme.
- C'est en faisant qu'on apprends. (Un mimique contrariée et honteuse passa sur le visage d'Evan.) Tu vas voir, ça n'a rien de compliqué.
Evan dut faire un gros effort pour saisir le sexe de Kadvael et en approcher son visage. Dire que cela semblait tellement simple pour beaucoup de gens... ! Mais là, en cet instant, il avait tout sauf envie de contenter le Diable et encore moins de se soumettre pour satisfaire son sadisme. Il tira un peu la langue et en passa un coup rapide sur la verge du démon, avant de reculer son visage avec un air dégoûté. Ça n'avait pas vraiment de goût et il sentait le sexe de son partenaire réagir à son contact, aussi il ferma les yeux puis s'efforça de réitérer l'opération. Il lécha, une, deux, trois fois, lorsqu'il entendit glousser.
- On dirait un chaton.
- Merde ! s'agaça Evan et il s'éloigna.
- Eh eh... ! (Kadvael saisit Evan par les cheveux.) Il ne me semble pas t'avoir ordonné d'arrêter.
Le jeune homme fit la moue et porta sa main sur celle que le démon maintenait à l'arrière de son crâne. Il voulut la retirer mais en voyant sa tentative, Kadvael resserra sa prise et tira lentement pour lui redresser le menton. De cette manière, le jeune homme pouvait difficilement échapper à son regard. Evan posa deux yeux confus et purs sur le magnifique visage qui se penchait au dessus de lui.
- Evan... (Il avait suffi d'un mot de Kadvael pour que le cœur du jeune homme se serre et il maudissait l'incoercible inéluctabilité de ses sentiments.) Tu ne veux pas que je parte, n'est-ce pas ?
Une vague glaciale passa dans la poitrine d'Evan.
- Non ! s'empressa-t-il. Non... Je vais le faire.
Un large sourire poignit sur le visage de Kadvael et il le relâcha tranquillement. Avec une résolution toute nouvelle, Evan ferma les yeux et enterra définitivement son amour propre. Après tout, ça ne devait pas être si difficile. Il prit le sexe de son partenaire comme il le put et d'un seul coup, le fourra dans sa bouche.
- Doucement, doucement... ! Tu t'y prends n'importe comment.
Evan pensa la réponse qu'il ne pouvait pas formuler, ce qui ne manqua pas d'amuser Kadvael. Il était arrivé exactement où il voulait. Evan aurait fait n'importe quoi sous la menace de perdre le diable. Il n'aimait pas ce qu'il faisait mais il ne le détestait pas non plus et ce, uniquement parce qu'il s'agissait de Kadvael. Il faisait une chose qu'il ne se serait jamais cru capable de faire et il se donnait du mal pour s'y prendre correctement. Il sentait sur lui le regard de Kadvael, aussi insistant et charnel qu'un contact sensuel. La main du démon plongea alors dans ses cheveux, glissa le long de son crâne et d'un coup, le poussa vers l'avant pour l'obliger à aller au bout de sa manœuvre. Le jeune homme en question eut un hoquet de surprise en sentant le tout s'enfoncer jusque dans sa gorge, aussi il se mit à tousser, Kadvael le relâcha et il se retira immédiatement.
- C'est comme ça que tu dois t'y prendre, lui dit le démon sans cesser de sourire.
Evan inspira une nouvelle fois et reprit son action là où il l'avait laissé. Il suçait doucement, Kadvael gonflait dans sa bouche lorsqu'il plongea sa main dans ses cheveux afin d'accentuer ses vas et viens le long de son sexe. Le diable se délectait et avançait le bassin pour chercher le plaisir. Voir Evan réduit à un tel état de soumission lui faisait un effet formidable et, en dépit de sa maladresse, sa langue et ses lèvres faisaient un excellent travail. Plus la sensation de plaisir grandissait, plus Kadvael brûlait de le prendre.
- Evan, arrête-toi.
Le jeune homme se rétracta presque instantanément et leva deux yeux larges vers Kadvael.
- C'est pas bien ?
Le diable gloussa, le regard vif et luisant, lorsqu'il saisit Evan juste sous les bras et le souleva comme s'il n'eut rien pesé. Alors il le projeta sur le matelas, le jeune homme se redressa pour se donner l'impression d'un semblant de contrôle, mais fut vivement retourné et plaqué contre le montant du lit. Kadvael se colla contre lui, saisit fermement ses hanches et glissa son visage dans le creux de son cou. Il sentait bon, il était délectable, terriblement désirable.
- Tu risques fort de crier, lui souffla-t-il à l'oreille, je veux que tout l'hôtel t'entende.
- T'es obsc... Ah !
Evan poussa un cri de surprise et de douleur que probablement tout l'hôtel avait entendu. Kadvael était entré en lui sans préliminaire, provoquant un mélange violent de souffrance et de plaisir malsain, que tout son corps retraduisait par de profonds frissonnements. Le diable ne lui laissa pas même le temps de s'en remettre et commença à aller et venir en lui. Ses coups de hanche frappaient à l'intérieur dans une pointe de douleur et des sensations voluptueuses envahissaient ses membres. Il tremblait, s'agrippait d'une main ferme au montant du lit avec l'impression que toutes ses forces se laissaient absorber. Et Kadvael ne faiblissait jamais, allant et venant à un rythme infernal, lui arrachant des cris qu'il était incapable de retenir.
- KADVAEL ! cria-t-il et le ventre du diable se contracta de plaisir.
Kadvael s'enfonça insidieusement jusqu'à ses chairs et frappa ses nerfs, arrachant un nouveau cri au jeune homme. Il fit glisser ses mains sur ses côtes, palpa sa peau avec une brutalité sensuelle, sentant son partenaire trembler sous lui. Il alla si fort que les jambes d'Evan flanchèrent, aussi le démon passa un bras autour de lui pour l'empêcher de s'effondrer et le jeune homme s'y accrocha comme à sa vie. Le démon jouissait d'absolument tout, de l'acte, de la beauté d'Evan, de l'état dans lequel il le mettait et de la dévotion soumise qu'il lui vouait. Il était à lui, sa chose qu'il pouvait prendre et jeter, chérir et détruire, il adorait ça !
- Mmh... Tu vas me rendre fou, lui souffla-t-il à l'oreille.
- Et toi... Tu vas me... Casser en deux-ah !
Kadvael l'embrassa dans le cou et fit glisser une main jusqu'au sexe d'Evan, qu'il saisit fermement. Le jeune homme ne tenait plus qu'en s'appuyant contre le diable, son corps plein de plaisir ne tenait pas le rythme. Le démon était capable de continuer plus longtemps, d'aller bien plus loin encore et c'était pour lui tout le charme de cet acte. Car bientôt, Evan ferait une chose qui l'amènerait au comble de sa jouissance.
- Kadvael... ! gémit-il d'une voix dolente. Stop... Pitié !
- Mmh... Plus fort, ordonna le démon.
- PITIÉ !
Et le diable se laissa aller à l'intérieur du jeune homme dans un frisson d'extase. Il relâcha tout, les genoux d'Evan flanchèrent et il se laissa tomber sur le dos, à bout de souffle. Une douleur lancinante lui tenaillait le bassin. Il suffoquait, en sueur, les yeux fixés sur le plafond. Couché comme il l'était en travers du lit, il sentit que Kadvael se levait et tourna la tête. Le démon s'en allait, indifférent, se dirigeant sans doute vers la salle de bain. Il fallut à Evan quelques minutes pour se remettre, lorsqu'il trouva la force de se redresser et de se coucher dans le bon sens, sous le drap. Il se sentait sale, mais n'avait ni la force ni la volonté de se lever pour se laver. Il était exténué, sur la plan physique comme sur le plan émotionnel. Ses paupières tombèrent d'elles même et il comprenait, en s'endormant, ce qu'il était devenu. Un esclave.
Eh eh, petit être, on ne s'endort pas tout de suite.
- Bordel Kadvael, marmonna Evan sans sortir la tête de l'oreiller, pour l'amour de Dieu laisse-moi dormir...
- Dieu n'a rien à voir dans cette affaire, quant à son amour, il m'importe peu. En revanche, tu sais que tout engagement auprès de moi à valeur de contrat et tu as accepté certains termes qui impliquent une obéissance inflexible.
Evan, toujours couché, la tête enfoncée dans l'oreiller et les yeux clos, laissa échapper un profond soupir.
- Mm... Qu'est-ce que tu veux... ? Sérieusement, je crois que je vais mourir si je me lève.
- Tss... Tu ne crois pas que tu en fais un peu trop ?
Evan ouvrit les yeux et braqua sur Kadvael un regard lourd de reproche.
- Et c'est toi qui parles ? maugréa le jeune homme. Tu t'es défoulé sur moi, je vais mourir je te dis.
Kadvael pouffa, fit trois pas vers le lit et une fois à bonne hauteur, prit Evan dans ses bras.
- Personne ne va mourir, rétorqua-t-il en emmenant le jeune homme avec lui. Tu n'as qu'à dormir si ça te chante, mais avec moi, dans la salle d'eau. Il serait fâcheux que le contrat se rompe, tu ne penses pas ?
Pour toute réponse, Evan enfouit sa tête dans le cou du démon et s'endormit presque instantanément.
*
Evan dormait encore, couché sur le côté. Il se sentait émerger hors du sommeil et, d'une main tatillonne, chercha devant lui une quelconque présence, mais ne trouva qu'une place vacante. Il ouvrit les yeux. Un levé de soleil entrait à flot par toutes les fenêtres, inondant l'immense chambre d'hôtel. Bientôt, il vit une silhouette se découper dans son champs de vision. Kadvael avait passablement enfilé un peignoir, lorsqu'il vint s'asseoir auprès de lui et qu'il lui caressa gentiment la joue. Evan l'observait, ce visage nappé d'une ombre et auréolé par la lumière de l'aube avait quelque chose d'apaisant. Le démon avait revêtu son masque de bienveillance, il répondait à sa part du contrat et après la nuit qu'Evan venait de passer, le jeune homme avait bien l'intention d'en profiter.