Homus devenait de plus en plus petite, alors que le poids qui compressait mon cœur, lui, grossissait.
Je m'en voulais, j'aurais dû lui dire, tout lui dire.
Que je l'aimais.
Que je ne voulais pas rentrer.
Que j'étais prête à devenir... Devenir quoi au juste ? Reine ? Peu importe, j'avais besoin de lui auprès de moi.
Est-ce qu'il m'aurait laissé partir ou bien m'aurait-il enlacé ? J'avais bien vu sa mine déçue lorsque j'étais à deux doigts de lâcher ces deux petits mots.
Deux, simples, mots.
Et ce lien qui nous unissait s'étirait, s'étirait à mesure que je m'éloignais.
Je jurais, en colère envers moi-même. J'étais trop bête. J'avais eu trop peur d'un rejet.
Comme celui de ma mère. En repensant à elle, je me souvenais de ce que j'avais fait. Et, étrangement, je ne me sentais pas coupable. Elle n'était rien ni personne dans ce monde. Boris m'avait même à demi-mot affirmé qu'elle aurait été pendue pour ses crimes.
J'avais juste écourté sa sentence.
Je secouais la tête, elle ne faisait plus partie de ce monde pour que je me préoccupe encore de son sort. Mais c'était bien à cause de cet abandon que je ne m'étais pas dévoilée à Boris, peur qu'il ne me considère que comme une compagne de sexe.
C'était stupide, il m'avait prouvé à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas que le sexe entre nous.
Je soupirais en me plaignant jusqu'à ce qu'une ombre dans les cieux me surplombe.
- Je n'aime pas quand tu fais la tête. Et pourquoi tu es sur un bateau, je t'avais pourtant proposé qu'on retourne sur Iré en volant, m'interpella Ulo.
Sa présence et ses réflexions suffirent à me redonner le sourire, un peu. J'allais dire au pilote, vu que j'étais seule sur ce bateau, de faire ce qu'il voulait. Puis, je pris place sur mon similaire.
La sensation de voler me combla et chassa mes idées noires, le temps du trajet. Car plus j'essayais de ne pas penser à Boris, plus l'image de son sourire s'affichait à moi.
Il y avait foule à mon retour, des enfants pour la plupart. J'avais la cote auprès d'eux. Et parmi le monde, je retrouvais Morgane. Elle avait été amenée ici quelques jours plus tôt.
Elle n'osa pas s'approcher par timidité et sûrement encore par honte de ce qu'elle m'avait fait subir. Alors après m'être occupée des petits monstres, j'allais à sa rencontre.
- Comment tu te sens ?
Elle haussa des épaules.
- Ça va... Merci encore. Je ne mérite...
Je la coupais dans son énième apitoiement.
- Tu es ici chez toi, lui souriai-je affectueusement.
Elle me rendit un sourire timide avant qu'un garçon ne la prenne par le bras pour aller s'amuser. Sans plus attendre, je décidais de courir jusqu'à l'auberge d'or. Avec tout ce qu'il s'était passé, j'avais un peu oublié le sport, enfin j'avais bien usé et abusé d'un autre type de sport mais...
Je me tapais le crâne. Arrête de penser à lui, me martelai-je le cerveau. Plus facile à penser qu'à faire.
J'arrivais assez rapidement à l'auberge. Ulo était parti retrouver Hodnir.
Lorsque je rentrais, il y avait Elya qui m'attendait, seule. Elle avait la mine... inquiète.
- Comment tu te sens ?
Sa réaction m'était étrange.
- On n'est pas censés fêter mon retour ? Avoir le sourire, boire, tout ça, tout ça... Pourquoi tu me regardes comme ça El' ? demandai-je même si au fond je le savais.
- Tu sais, je ne sais pas ce que je ferais si je me voyais séparée de Kenyan...
Il ne lui en suffit pas plus pour que je perde mon calme.
- Je n'ai pas envie d'en parler, d'accord ? Je ne vais pas devenir dépressive parce que je ne suis pas auprès d'un certain loup. Roi, qui plus est ! Et de toute manière, je n'aurais pas ma place à ses côtés ! Regarde-moi ! Je suis une enfant des rues, je ne mériterais pas de... de..., et je m'écroulais en sanglots dans les bras de ma meilleure amie.
Je passais le reste de la journée à me morfondre dans ma chambre, à faire de courts trajets, pour m'alimenter ou me soulager la vessie. Je réussis à me laver en fin de journée après avoir cousu et finis par me coucher.
Je me réveillais en pleine nuit, en pleine forme physique.
Je décidais de me reprendre en allant me promener au clair de lune.
Je restais quelques heures ainsi, à déambuler dans Trea, aboutissant inévitablement à la forêt d'Esberd. Je la traversais et m'assis sur le sable. Ce même sable qui m'avait accueilli quelques années auparavant et que maintenant, j'avais envie de quitter. Je me perdis dans mes pensées du passé quand quelqu'un se positionnant à côté de moi.
Je relevais le regard sur Taze, surprise.
- Ce sera trop tard.
- Pardon ? m'exclamai-je perdue.
- Si tu abandonnes maintenant, alors que tu as encore une chance avec ton loup, ce sera trop tard. Et tu t'en mordras les doigts le reste de tes jours.
- Qu'est-ce que tu en sais toi ? me renfermai-je.
- Je paie le prix de mon abandon chaque jour. Et crois-moi, je n'étais même pas lié. Je sais que toi et moi, on n'est pas vraiment amis, ni des connaissances, mais tu es importante pour Elya, qui est notre dirigeante. Alors, je n'aimerais pas que ma dirigeante se sente mal à cause de tes états d'âmes.
Je ris jaune.
- Dit celui qui l'a haï sans aucune raison toute sa vie.
- Et j'avais tort, mais j'avais mes raisons. Enfin bref, j'essaie de me racheter comme je peux et si cela doit passer par l'intermédiaire de toi, alors qu'il en soit ainsi.
Sur ces mots, il repartit, comme il était arrivé, sans un bruit. Cette soudaine confidence, de la part du gars le plus impassible que je connaisse, pire que Luc de surcroît, me chamboulais un peu. Parce que ça avait de l'importance. Taze avait sûrement fait un effort pour venir me parler, et moi je restais plantée là, à ne savoir quoi faire.
Finalement, je repartis en direction de ma chambre. L'aube venait à peine de se lever et découvris ma valise encore rangée au pied de mon lit.
Je n'osais pas l'ouvrir, c'était bête, ce n'était qu'un objet. Mais si je commençais à la déblayer, alors ça signifierait la fin. Ou du moins, mon renoncement.
- Haaaaa ! criai-je contre un oreiller.
Pourquoi être amoureuse était-il si compliqué ?
Je passais la journée à ruminer et à faire des tours de gardes ou encore à faire mon compte rendu de mon séjour à de nombreuses personnes. Passant certains passages, qui n'intéressaient personne d'autres que moi.
Une seconde journée passa de la même manière.
Puis au troisième matin, un bruit sonore me réveilla. Une voix, plutôt féminine et agaçante à souhait me tira de mon profond sommeil.
Je cherchais la source de ce son mais ne trouvait rien, puis je me rappelais du morceau de miroir qui devait traîner quelque part dans mon bazar. Je le retrouvais finalement au-dessus de mon lavabo et la personne qui me fit face n'aida pas à me mettre de meilleur humeur.
- Typhaine, dis-je comme simple salutation.
- Bonjour Syfia. Je ne te dérange pas ?
Si !
- Non, il y a un souci avec les enfants dragonniers ? l'interrogeai-je par réflexe.
Si ce n'était pas pour les enfants, pourquoi m'appellerait-elle ?
- Euh... Je vais aller droit au but. Boris s'est terré sous sa forme animale dans les bois. On sait où il se trouve, mais il est impossible de le ramener. C'est comme s'il... était en deuil.
Sa phrase me coupa toute envie de rigoler.
Boris... en deuil ? De... moi ? C'était... logique, on était liés... Mais de là à ce qu'il fasse une sorte de deuil !
- J'arrive dans la journée.
Puis je raccrochais. Il y avait urgence, un roi était en train de perdre les pédales. Je m'habillais en vitesse et fis un seul pas dehors que déjà Elya et Kenyan m'attendaient, un portail ouvert à côté d'eux.
- Ramène mon stupide frère à la raison. Et si tu veux rester là-bas pendant...une durée indéterminée, tu peux.
Mon dirigeant se rapprocha de moi et posa ses mains sur mes épaules.
- Syfia, tu es libre de tes choix. Tu peux rester là-bas, on est qu'à un portail de distance, si on a besoin de toi, on t'appellera.
Je hochais la tête sans vraiment comprendre ce qu'il me donnait, trop obnubilée par la stupidité du loup avec lequel j'étais liée.
J'allais passer dans le portail quand une main se posa sur mon poignet. Je me retournais face à Elya.
- Ce n'est pas un adieu, crois-moi que j'abuserai des portails pour venir te voir !
Je ris et vis arriver au loin Luc. Il portait une valise.
Ma valise.
Il me la tendit et m'enlaça.
- S'il n'assume pas son rôle de te protéger, je lui refais le portrait.
Je pouffais et lui donnais une petite tape sur l'arrière du crâne. Et c'était lui le grand frère pour dire de telles âneries.
Je passais finalement à travers le passage magique et me retrouvais face à Miella et Typhaine.
- J'étais sûre que tu arriverais dans la seconde ! s'extasia-t-elle.
- Ha oui... j'avais oublié les portails. Mais passons, où est-il ?
Typhaine me débarrassa de mes affaires, serviable. Elle était vraiment étrange. Elle baissait même la tête !
Je ne pus m'attarder sur elle que déjà Miella me demanda de la suivre. Je le fis.
- Alors comme ça il est en deuil ? continuai-je à tourner ces mots dans mon esprit.
- Oui, répondit Miella en grimaçant.
Je soupirais, je devrais lui remettre les pendules à l'heure.
- Tu sais Syfia. Je suis contente qu'il t'est trouvé. Je t'aime bien, me révéla-t-elle avant de m'enlacer à son tour.
Une chance que je n'avais rien contre les personnes tactiles !
Nous marchâmes encore un peu, en silence, jusqu'à ce qu'elle me laisse sur un sentier, des vêtements pour habiller Boris dans mes bras.
- Tu le trouveras au bout.
J'acquiesçais d'un mouvement de tête et elle repartit en sens inverse.
Je pris une grande bouffée d'air frais.
- C'est parti, prononçai-je à voix basse pour m'encourager.
Je profitais un peu de la nature. Boris pouvait bien attendre encore un peu, je n'avais pas fait de deuil moi... Juste une petite déprime, rien comparé à un deuil.
Les loups étaient trop dans l'excès.
Au bout de quelques minutes, je le trouvais. Il était allongé, son beau poil se levant au rythme de sa respiration. Je me retins de justesse de me jeter sur lui. J'aimais beaucoup le loup de Boris, il était d'une belle douceur.
J'arrivais jusqu'à lui, me plaçant devant son museau. Je donnais un léger coup dedans et affichais mon regard le plus méchant. Le loup se releva et me montra ses crocs avant de me tourner le dos et de poser ses fesses à la limite de mes pieds.
Il osait m'ignorer !
- Alors c'est comme ça ? Je fais tout ce chemin pour te ramener à la raison et tu oses me montrer tes fesses ?! En d'autres circonstances, ça m'aurait plu mais là ! Et en plus de tout ça, tu fais un deuil ! Un deuil Boris ! Je ne suis pas morte bordel ! Tu te rends compte ! C'est comme si, comme si...
Dans mon discours, j'avais fait les cent pas et c'est de dos que des bras puissants se refermèrent sur mon ventre.
- Comme si ?
Je sentis le rouge colorer mes joues.
- Comme si j'étais ta compagne.
- Tu l'es, dit-il en inspirant mon odeur sans s'en cacher.
- Boris... Je suis sérieuse là..., tentai-je de le ramener de sa rêverie.
- Et moi donc. Ces jours passés sans toi, ça m'a...
- Trois jours, ce n'était que trois jours, le coupai-je.
- Trois jours, trois heures, trois minutes, c'est pareil, me rectifia-t-il.
Je soupirais me détendant en me retournant contre lui, je n'avais pas remarqué que je m'étais tendue.
- Je disais... ça m'a ouvert les yeux. Je t'aime Syfia, et je ne veux pas me séparer de toi. Plus jamais.
Je souris franchement et il me vola un baiser sur la commissure de mes lèvres.
- Je t'aime aussi Boris.
Je ne m'attendais pas à ce que ce soit aussi facile à dire. C'était naturel, logique, rationnel. C'était l'évidence même.
Puis, je me rappelais un détail important.
- De là à faire un deuil, tu te rends compte de l'image que ça me donne ? Et puis, je ne suis pas morte quand même !
Je me retournais en ayant oublié un autre détail important. Il était nu.
- Non tu ne l'es pas, j'ai bien senti ton coup de pied, me taquina-t-il en me faisant un bisou esquimau, me tenant la taille, alors que je me reculais en lui tendant les habits.
- Habille-toi.
- Quoi ? Mais...
- Tu t'habilles et tu subis la punition que je vais t'offrir pour avoir cru que je t'abandonnerai, sortirent tous seuls mes mots.
J'écarquillais une seconde les yeux.
J'avais vraiment dis ça ?
Oui.
Parce que je savais que j'allais revenir à lui.
Peu importait les mers ou les forêts qui nous séparaient, les rangs ou les ornements, je l'aimais pour ce qu'il était.
Il sourit et réussit à me voler un baiser avant de s'activer à se rhabiller.
Je lorgnais ses belles fesses musclées avant de me ressaisir.
Oui, j'aimais vraiment Boris pour tout ce qu'il était.
* * *
Hey !
J'ai vraiment adoré écrire cette fin de chapitre 😂
Ces trois jours d'éloignement entre Boris et Syfia, ça vous a fait peur ?
Boris en deuil ? XD
Et ces retrouvailles, dignes d'eux non ? 😍
À la semaine prochaine pour la fin de ce tome 😢 et les informations concernant la publication du tome 3 ^-^
Des bisouuus♡