Aime-moi (En Correction)

By chibichocolat16

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Alysson est une jeune femme à qui la vie a tout arraché. Elle est austère, antipathique, mégalomane et se mor... More

Prologue : à un fil
Chapitre 1 : Le réveil mouvementé d'Alysson : Alysson
Chapitre 2 : Une nouvelle vie pour Alysson : Alysson
Chapitre 4 : Aaron débarque à New-York : Aaron
Chapitre 5 : Les retrouvailles d'une peste et d'un duc : Aaron
Chapitre 6 : Une petite garce pleine de ressources : Alysson
Chapitre 7 : Le quotidien d'une jeune trapéziste et de son frère : Susannah
Chapitre 8 : Cauchemar : Alysson
Chapitre 9 : Altercation nocturne : Aaron
Chapitre 10 : Le profond mal-être d'Alysson : Alysson
Chapitre 11 : Sous une nuit étoilée : Susannah
Chapitre 12 : La femme qui criait au loup : Aaron
Chapitre 13 : Un cadeau pour Alysson : Alysson
Chapitre 14 : Syndrome du survivant : Alysson
Chapitre 15 : La rééducation d'Alysson : Aaron
Chapitre 16 : Ginevra, un autre fantôme du passé
Chapitre 17 : Le passé finit toujours par nous rattraper : Alysson
Chapitre 18 : Alysson revient en Andalousie : Aaron
Chapitre 19 : Une promesse brisée : Alysson
Chapitre 20 : Une nouvelle combativité chez Alysson : Alysson
Chapitre 21 : Confrontation : Alysson
Chapitre 22 : Une tournure inattendue : Aaron

Chapitre 3 : Un duc solitaire : Aaron

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By chibichocolat16

Je m'ennuie ferme.

Les jours qui se succèdent se ressemblent inlassablement entre eux. Rien ne sort de l'ordinaire. Rien ne se démarque du lot. C'est une boucle infinie, un mauvais film qu'on revit chaque jour, une chanson qu'on écoute en boucle et qui un jour, finit par nous lasser.

Je sais que n'ai pas le droit de me plaindre : je vis dans un immense château perché le haut d'une falaise et qui se dresse fièrement contre des montagnes enneigées s'étendant à perte de vue.

Lorsque je prends le temps d'admirer cette nature farouche et inchangée, je sens naitre en moi une agréable sensation d'impuissance, je me soumets face à cette nature sauvage de mon propre gré, étourdi par la grandeur de la vie.

J'apprécie cette solitude, vivre reclus ne me dérange en aucun cas, sauf que parfois, étendu sur mon lit, entouré d'un assourdissant silence avec pour seule compagnie les battements erratiques de mon cœur, je me sens affreusement seul.

Il y a des moments où perdu dans mes sombres pensées, je me demande si El Castillo d'El León (château du lion) sera un jour empli de cris de bonheur et de joie, peuplé d'une ribambelle de petits bambins qui courent dans les jardins et qui s'amusent d'un rien, insouciants du monde qui les entoure.

Le château est une très ancienne bâtisse, gardée à l'entrée par deux imposantes statues de lions en bronze, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même, sinistre, cafardeuse, qui repousse presque tout individu désireux de s'approcher de près ou de loin de l'endroit.

Parfois, les gens s'imaginent que quelqu'un qui vit dans une aussi sombre demeure ne peut être que monstrueux, ils se mettent alors à ragoter, à inventer de folles rumeurs pour nourrir la curiosité que l'endroit leur inspire, que je leur inspire également.

C'est déprimant.

- Tu peux partir, lancé-je avec lassitude à Mercedes allongée à mes côtés.

Elle me regarde avec une incompréhension totale au fond de ses yeux opaline. Elle fait la moue puis s'accroche à mon cou dans un ultime geste de désespoir.

Je la rejette sans ménagement.

- Pourquoi ? demande-t-elle incrédule. J'en veux encore.

J'arque un sourcil, flatté par la vue cette femme fatale, totalement soumise à mon emprise. Elle est si belle que pendant plusieurs jours, je l'ai courtisée sans relâche, hypnotisé par la lueur féline au fond de son regard, embobiné par les courbes sensuelles de son corps de déesse.

Elle est sûre d'elle, confiante, ambitieuse. Mercedes est mon genre de femme : une femme fatale, capable d'ensorceler un homme d'un simple regard.

Pourtant, s'il y a bien une chose que je hais plus que tout, c'est le fait qu'on me tienne tête. J'aime l'autorité, j'aime le fait qu'on obéisse à mes ordres, les femmes insistantes ne font jamais bon ménage.

- Je vais travailler, lancé-je en baillant.

- Je peux rester avec Amadea, tente-t-elle une nouvelle fois.

- Amadea ne t'aime pas, l'informé-je en m'étirant bruyamment puis remarquant sa grimace, je lui lance : ne fais pas ta surprise.

Je me lève de mon lit puis agrippe une chemise noire que j'enfile, suivie d'un pantalon de la même couleur. J'ignore Mercedes puis entreprends de remettre mes cheveux en ordre.

Au bout de plusieurs minutes et sentant sûrement que je commence à perdre patience, elle se décide enfin à se rhabiller, pour mon plus grand bonheur.

- Tu vas finir seul dans ce château, peste-t-elle en glissant dans une robe minuscule.

Je lève les yeux au ciel.

- Tant pis, laissé-je échapper dans un soupir en me dirigeant d'un pas trainant vers mon bureau, situé à l'étage du dessus.

Mercedes est une maîtresse comme les autres, une liaison sans avenir, un visage de plus sur lequel mettre un nom dans quelques années. Elle ne sort pas du lot : elle sait se tenir, entretenir une conversation superficielle et plus que tout, elle fait semblant de s'intéresser à moi.

Je sais ce qui intéresse les femmes qui viennent me côtoyer avec leurs sourires de façade : l'argent. Pour quelle autre raison seraient-elles donc toutes soudainement intéressées par mes investissements ? La plupart d'entre elles ne savent qu'accorder leurs vêtements, et encore, il arrive que ce soit une véritable explosion de couleurs, un assortiment laid, maigre tentative d'originalité.

Ces jeunes femmes nourrissent le rêve ambitieux de devenir duchesse, femme de pouvoir, choyée de diamants et de robes éblouissantes, qui se pavanent aux bras d'un homme influent qui les exhibe comme de somptueux trophées, des oiseaux de paradis.

La plupart d'entre elles sont naïves, un brin sottes. Elles s'imaginent toujours être la bonne, celle pour qui on abandonne nos principes de base, pour qui on brise nos règles pour nous jeter corps et âme dans une relation amoureuse. Elles sont amusantes le temps que ça dure, puis elles deviennent étouffantes, elles en veulent toujours plus.

Ça ne dure jamais.

Elles repartent déçues. Sans exception.

- Tu pourrais m'écouter quand je te parle ? résonne une voix, clairement agacée.

Je lève les yeux du document que j'étudie depuis plusieurs instants et les pose machinalement sur la silhouette d'Amadea, ma plus jeune sœur, debout sur le pas de la porte, ses sourcils froncés, un sourire féroce plaqué sur ses lèvres.

Je soupire, puis d'un geste las des épaules, l'invite à continuer son monologue tout en faisant les cent pas dans mon bureau, son ventre plus rond à chaque jour qui passe. Elle attend un enfant, une fille pour être plus exacte, Annabella, qui emplira après des décennies de solitude, ces murs d'éclats de rire et de bonne humeur angélique si propres aux jeunes enfants.

- Ce n'est pas très important, finis-je pas rétorquer en arquant un sourcil.

Amadea laisse échapper un grognement de désapprobation puis soupire, visiblement agacée par mon manque d'implication dans cette conversation à sens unique.

- La couleur de la chambre d'Annabella est d'une importance capitale ! s'indigne-t-elle.

- Elle ne sera même pas en mesure de le remarquer, répondis-je. C'est un bébé et je ne crois pas qu'elle puisse te dire quoique que ce soit, à part si elle parle le jour de sa naissance dans ce cas, je dois passer à l'église.

- Ha. Ha. Ha. Très drôle, ironise-t-elle. En attendant, je dois tout de même me décider de la couleur.

- Fais comme tu veux.

- Je pourrai la peindre en jaune, propose-t-elle.

Je repousse mes documents. Je viens d'abandonner tout espoir de finir mon travail en ayant ma sœur près de moi. Je soupire, résigné. Elle a toujours été très bavarde.

- En jaune ? répété-je. Pourquoi ne pas la peindre en rose comme toutes les chambres de petites filles ?

Amadea laisse échapper un cri sonore qui manque de briser mes tympans.

J'ai beau crier à qui veut l'entendre que toutes les femmes aiment le drame, personne n'arrive à la cheville de ma sœur lorsqu'il est question d'exagérer une réaction.

- Tu n'as aucune originalité ma parole ! Je plains tes futurs enfants !

Ce n'est pas comme si j'avais envie d'en avoir.

- En vert dans ce cas ? proposé-je dans l'unique but à présent de l'encourager à me laisser travailler.

Pour mon plus grand soulagement, Amadea sourit, admirative et se saisit rapidement d'un vieux carnet sur lequel elle griffonne des idées de décoration depuis des semaines.

- Tu es un génie Aaron ! s'écrie-t-elle en quittant la pièce d'un pas décidé, ravie d'avoir enfin un point de départ afin de commencer ses travaux de rénovation.

Durant quelques secondes, je regarde la porte, un pincement familier au cœur.

Il a fallu des mois à Amadea pour de se remettre de la perte précoce de son mari, Alonzo, un célèbre pilote de formule un, mort dans un terrible accident. Cette journée a marqué le début d'une longue descente aux enfers pour ma sœur, elle s'est vue retirer par la famille de son mari la maison qui lui revenait de droit, a été renvoyée du cabinet d'avocat du père d'Alonzo et a été tenue responsable de sa mort pour ne pas l'avoir empêché de concourir sauf que rien de ce qu'elle aurait dit n'aurait pu faire changer d'avis à son mari, il était passionné, un pilote farouche et l'amour des courses coulait dans ses veines.

Sa mort est un accident et aussi amère que cela puisse être, ainsi va la vie.

Amadea est forte, et bien qu'anéantie à l'idée de devoir élever un enfant seule, elle continue de se battre chaque jour, pour Annabella, le seul souvenir d'Alonzo qu'elle a tant aimé. Elle ne sera pas seule, elle aura ses deux grands frères pour veiller sur elle et bien qu'à l'autre bout du monde, Javier ne cesse jamais de l'appeler pour prendre de ses nouvelles, il semble apprécier les conversations sur la peinture plus que moi et il lui promet d'essayer de revenir en Espagne le plus vite possible.

- Je ne comprends vraiment pas ce que tu peux trouver à cette Mercedes.

- Tu es revenue ?

Je regarde Amadea s'avancer vers moi, son téléphone accroché à sa main. Elle s'affale sur une chaise puis rive son regard vers moi.

- C'est un bon coup, répliqué-je en jetant un coup d'œil désespéré à la pile de document qui traine depuis plusieurs jours sur mon bureau.

Elle laisse échapper un ricanement.

- Tu ne penses qu'au sexe ma parole, gronde-t-elle en croisant les bras autour de sa poitrine, un air mécontent dépeint sur son visage.

- Non, répondis-je sèchement. Je pense aussi à travailler et tu vois, tu me déranges un peu.

Elle me regarde, surprise.

Je jure à voix basse, regrettant immédiatement mes paroles mais il est déjà trop tard. Ma sœur se lève, le menton levé. Avec dédain, elle me foudroie du regard puis déclare avec une froideur inhabituelle :

- Tu vas finir seul dans ce château.

C'est la deuxième fois en quelques heures que l'on me sort cette phrase et pour la deuxième fois, je rétorque :

- Tant pis.

Je reprends mon travail, calmement, penché sur une dizaine de documents en tous genres. Pourtant, parfois, à mon grand plus damne, je repense à cette phrase : Tu vas finir seul dans ce château. Je ne suis pas du genre sentimental, n'ayant vraisemblablement été amoureux qu'une seule fois dans ma vie, à une époque qui remonte à loin et bien que n'ayant jamais été dérangé par ma solitude auparavant, aujourd'hui, à trente-trois ans, je me sens seul.

Je ne crois pas plus que ça au mythe qui dit que chaque personne est destinée à rencontrer son âme sœur dans ce bas et vaste monde, il n'y a pas d'âme sœur mais seulement des personnes amoureuses, deux, trois, peu importe, désireuses de faire fonctionner une relation, elles font des compromis, des sacrifices et à la fin de la journée, elles sont simplement heureuses d'être ensemble.

C'est ça, l'amour je présume. Il n'en connait point de symptômes. Lorsqu'on est amoureux, on le sait, on regarde autour de nous et on sait. Pas besoin de coup de foudre ou autres niaiseries du genre, on est attiré par le physique en premier, c'est vrai mais on ne tombe pas amoureux d'un corps, on tombe amoureux d'un rire, d'une fâcheuse manie de plisser les yeux lors d'un sourire, d'une âme. J'ai entendu dire que l'autre est beau parce qu'on l'aime et pas l'inverse.

Je mentirai si je disais que je n'avais pas envie de ressentir cet amour passionnel, cette fougue pour une personne, de l'aimer au point d'en étouffer, de la chérir et d'en ressentir la réciprocité. De ressentir le bonheur dans les choses les plus simples de la vie comme un bon verre de chocolat chaud, drapés devant la télévision à regarder de vieux films de noël.

Peut-être suis-je sentimental après tout, ce n'est pas une honte en soi.

La sonnerie de mon téléphone retentit, m'arrache à ma rêverie. Je souris lorsque je découvre le prénom de David affiché sur l'écran.

- Comment tu vas ? demande-t-il d'une voix chaleureuse.

Le fait que David soit marié m'a toujours surpris, lui qui a un jour maudit le mariage est tombé raide dingue de Savannah, une jolie jeune femme, gentille et un peu ennuyeuse avec son envie de toujours bien faire. Ils ont une fille, Eleanor et je n'ai jamais vu mon ami autant apprécier la vie qu'il mène.

- Je vais bien, répondis-je machinalement, les jambes étendues devant moi. Et ta famille ?

- Eleanor va bien, commence-t-il, une pointe de fierté dans sa voix. Elle est très heureuse et très excitée à l'idée d'ouvrir ses cadeaux de noël. Savannah est enceinte aussi, un fils ! On l'appellera Chase !

Je reste muet quelques secondes, le temps d'avaler cette incroyable nouvelle.

- Félicitations !

- Merci et on s'est dit que vu que tu passais à New-York la semaine prochaine, tu devrais passer noël avec nous.

- Ça sera avec plaisir...

Je raccroche, lève les yeux au ciel et laisse mon esprit voyager. Je suis ravi pour mon ami, infiniment heureux qu'il ait un enfant mais au plus profond de moi, dans la partie la plus sombre de mon être, je ressens de la jalousie, je n'en suis pas fier mais le nier serait un mensonge flagrant et j'ai toujours prêché l'honnêteté, du moins envers moi-même. Résultat, j'ai la trentaine, un immense château mais personne avec qui le partager, pas d'enfants, pas de progéniture pour l'égayer malgré mon désir de l'avoir : au final, je voudrai bien avoir une famille, je ne supporte plus cette solitude...

Mais qui pourra me supporter ? 

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