Cela fait une heure que j'ai une envie pressante d'aller aux toilettes. Le problème c'est que je suis dans un camping et que je dois donc aller aux sanitaires pour satisfaire mes besoins naturels. Or, le bâtiments des toilettes est à l'autre bout du terrain de camping, à un endroit sombre et sans lumière où aucune caravane se s'installe puisque ça pue la pisse. Mais quand je me retourne dans mon sac de couchage en espérant me rendormir, je manque de me faire dessus. La solution extrême plane en évidence dans ma tête depuis un bon moment, bien que je l'ignore, mais l'envie est trop forte et je décide d'appliquer cette unique solution : se lever pour aller dans le bâtiment sanitaire. Oui, moi, Jean, le gars qui a tellement peur du noir qu'il ne sort pas un pied de son lit une fois qu'il à éteint la lumière ! Si mon frère m'entendait penser ! Il dirait qu'on m'a remplacé par une autre personne. Depuis tout petit, je refuse de marcher la nuit sans lampe, de ne pas allumer au moins mon téléphone quand je dois me déplacer dans ma maison à minuit pour une raison comme une autre. Quand je suis dans le noir, j'ai l'impression que des monstres me guettent, m'attendent, leurs sourires carnassiers esquissant un sourire de satisfaction en voyant que me déplace devant eux. Chaque recoin cache une main aux doigts crochus, chaque porte abrite un dangereux psychopathe. Un sourire me vient aux visage quand je me rappelle à quel point je suis parano dans ces moments-là. Bon, là, il est vraiment temps d'y aller parce que ça devient critique. En grognant de mécontentement (j'aime râler), je sort de ma couchette et attrape des habits à tâtons. Une fois un jean et un pull correct enfilé, je sors de la tente et me prend l'air frais de la nuit en pleine figure, comme pour bien me rappeler qu'il est deux heures du mat.
- Allez, je murmure, du nerf !
Mes tongs font un bruits de caoutchoucs quand j'avance, et mon pantalon trop vague me bat les jambes en bruissant. Je crois que ce n'est pas le mien, j'ai attraper celui de mon frère qui dort à côté de moi. La lampe torche que j'ai acheté avant d'arriver au camping est flambant neuve. Sa texture en plastique lisse me rassure, et son faisceau blanc lumineux encore plus. J'éclaire doucement l'herbe mouillé. J'évite un maximum de regarder autour de moi, pour ne pas trop penser à ce qui pourrait se cacher dans le noir, et avance le plus vite possible. Maintenant que je suis debout, autant y aller. Mais si je dois le faire, je le fais rapidement, je retourne me coucher et on en parle plus jamais. J'aurais bien pissé dans un bosquet pas loin, mais je suis entouré de voisins et je ne crois pas qu'ils apprécieraient de me voir me soulager sur leurs tentes. Un hiboux hulule au loin. Je sursaute. Puis je me gronde intérieurement pour ma peur d'enfant. Allons, il ne va rien m'arriver ! Le bâtiment austère se rapproche, les caravanes se font plus rares. Malgré moi, j'accélère le rythme et cours presque pour franchir les derniers mètres qui me séparent des marches. Elles glissent, mais je me rattrapa à la rambarde. J'y suis presque. J'ouvre la porte et m'engouffre dans une cabine. C'est à peine si je tiens jusqu'à la cuvette. Une fois que j'ai terminé, je sors et pousse un immense soupir de soulagement qui dois s'entendre dans tous le terrain. Le miroir en face de moi me renvoi l'image de mon visage fatigué. Je m'approche pour examiner mes cernes d'un œil critique, mais alors que je tâte mes joues, un grincement retentit. Je me retourne. Personne. Pourtant, ce grincement n'a pas pu se faire tout seul, et je suis sûr que personne n'est entrée puisque sinon je l'aurais vu passer devant moi. Une porte d'une cabine du fond est ouverte. Je remarque que c'est la seule.
- Elle doit s'être ouverte toute seule, je soupire.
Quand je suis stressé, je parle souvent à voix haute. Par pur manie, je m'avance vers cette porte qui m'a fait sursauter et je la referme. Cette fois, je m'assure que le loquet est bien poussé, il devait avoir été juste posé. Je pousse la porte : elle ne s'ouvre pas. Bien, elle est à l'évidence fermé. Un frisson me parcourt le dos sans que j'en sache la raison, mais je me dit qu'il est temps de rentrer. Soudain, quand je me retourne, il y a de nouveau ce grincement. Puis un bruit de souffle, comme une respiration. Shhhh. Mon cœur rate un battement. Comme dans un rêve, je me retourna lentement et... vois la porte du fond ouverte. C'est impossible, je l'ai pourtant bien fermé ! J'amorce un pas vers elle, puis me ravise. L'ambiance glauque commence à me peser, je préfère partir maintenant que de rester une minute de plus. Je cours presque jusqu'à l'entrée et saisit la poignée. Mais le nouveau grincement qui retentit me fait faire volte-face. Cette fois, la porte s'est refermé et une autre s'est ouverte. Shhhhh. De nouveau ce souffle d'air profond, qui me fait froid dans le dos. Si j'avais un doute il y a quelques instants, j'en suis à présent certain : quelqu'un s'amuse à me faire peur. J'ai toujours été un peureux, et mon frère en profitais bien quand j'étais plus jeune, mais là je sens la colère monter en moi d'un seul coup. Pas question de me laisser faire devant ce qui est probablement un gamin mal élevé ! Je me précipite vers cette porte ouverte et m'apprête à faire irruption dans la cabine, mais une vision d'horreur m'arrête immédiatement : une main dépasse de la porte. Mais cette main n'est pas humaine. Elle possède de longs doigts crochus, des griffes noire recourbés aux bout desquels goutte du liquide rouge. Du sang. Je hurle et fais un bond en arrière. Après la main sort un bras, puis une épaule. Un drap blanc le recouvre. Shhhh.
- Qui... qui êtes-vous ?
Ma voix n'est plus qu'un filet. La chose ne me répond pas, se contentant de s'avancer encore plus hors de sa cachette. Mes jambes sont tétanisés, je n'arrive pas à m'enfuir et pourtant c'est ce que je devrais faire. Shhhh. Shhhh. SHHHHHH. Il souffle de plus en plus fort. J'ouvre ma bouche pour hurler et ferme les yeux en voyant un corps bondir vers moi...
- Ha ha ha ha ha ha ha ! Ce que t'as eu peur !
La voix de mon frère résonne soudain dans mes oreilles, moqueuse et surréaliste. J'ouvre les yeux. Son bras est enveloppé dans un déguisement formant une main de monstre.
- Je me suis caché dans les toilettes avant toi quand j'ai entendu que tu y allais. Vraiment, t'as flippé !
Mon frère rit de plus belle, comme si c'était une bonne blague. Mais moi je trouve ça stupide.
- T'es vraiment con ! Tu te rends compte que ça aurait pu très mal tourner cette histoire ! Et tes souffles là, Shhhh shhh shhh !
Shhhhhh.
- C'est encore toi ? je m'écris, en colère.
Mais il me regarde avec étonnement et secoue la tête. Persuadé que c'est lui, je lui lance un regard noir. Mais il y a un nouveau souffle et là je vois bien qu'il n'a pas ouvert la bouche. Soudain, la porte du fond s'ouvre. C'est vrai qu'en y repensant, mon frère s'est caché dans la deuxième cabine, pas la dernière. Alors qui s'amusait à l'ouvrir ? Nous nous regardons, effrayés, puis nous nous tournons vers le bruit et la cabine ouverte. Shhh. Une main griffue en sort.
- Oh non, dites moi que ce n'est pas vrai ! je crie.
La tête de monstre qui sort m'informe que si.