La comtesse de Lisière [EN PA...

By Magynn_33

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Fin XVIIe siècle (1680-90) Fille de comte, Élisabeth de Lisière est une harpiste de talent qui reste très aff... More

NDA (en pause)
Prologue/Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25.1
Chapitre 25.2
Chapitre BONUS
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30

Chapitre 21

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By Magynn_33

Le temps est à la chasse dans ce grand parc de Marly, où seuls quelques privilégiés entourent Sa Majesté, qui ne semble plus vouloir quitter sa monture – les cinq heures approchant.

Je me sens à la fois flattée, honorée, et un peu dubitative. Depuis ce matin déjà, dès la cérémonie du Lever, la Cour en était préoccupée. Il n'était question que de cela, l'ultime question portant sur le nom des invités.

Je ne veux point savoir comment ils ont réagi en apprenant que je faisais partie de ces cent personnes choisies.

Je regrette l'absence de mon duc et de Jules, mais je peux compter sur la famille royale pour combler ce manque.

Notamment grâce à Louis, qui m'offre un sourire de ses fines lèvres, me présentant une escarpolette (NDA = balançoire) dont la place vient de se libérer.

— Je n'en ferai rien. Je ne suis plus une enfant, protesté-je, faussement sérieuse.

— Je vous en prie Élisabeth. Pour mon bon plaisir, le ferez-vous ?

Je m'y résigne, m'asseyant sur le siège ; le jeune prince me pousse doucement, et je savoure niaisement l'instant.

Ce domaine est tout à fait plaisant, et l'étiquette bien moins stricte.

Finalement, voilà qu'on rentre de la chasse, les gentilshommes encadrent le Roi qui semble se diriger vers les jeux des jardins, soit vers nous.

Je me relève pour exécuter la révérence.

Il me couvre toujours de son regard bienveillant.

— Mademoiselle, je fais jouer demain une représentation du Bourgeois gentilhomme. Je gage que vous n'avez pu encore rire d'aucune des pièces de talents de notre bon Molière, qui nous quitta tantôt ? Vous êtes trop jeune pour cela. Vous verrez, je vous en assure le jeu et l'amusement.

— Je n'en doute pas, Sire. Je vous remercie.

Puis, après que nous ayons incliné tous deux poliment la tête, ils se dirigent vers le terrain de mail. Je crois que le roi apprécie ce jeu. On interpelle Louis afin qu'ils les rejoignent.

Alors que je les observais s'éloigner, on me surprend :

— Bonsoir Mademoiselle, je me présente à vous, Marquis de Dangeau.

L'homme d'un certain âge au visage plutôt sévère quitte son large chapeau.

— J'aurais à vous entretenir.

J'accepte. Nous voici donc à marcher le long des bassins et des quelques pavillons qui parsèment le chemin, je l'écoute attentivement.

— Rares sont ceux qui peuvent se vanter d'être un ami proche du roi. Nous sommes nés la même année, et je crois qu'il y a peu de choses dont j'ignore. J'ai à penser qu'il vous estime. J'ignore de quelle nature mais.. Il a appris pour votre.. investissement dans les affaires militaires – oui, cela a fait le tour des connétables du Royaume, et bien sachez que son unique réaction fut un fin sourire dont j'ignore l'interprétation. Peut-être en fut-il amusé..

Il s'interrompt soudain dans notre avancée :

— À la vérité, je voulais vous entretenir plutôt pour savoir comment vous percevez votre relation avec le souverain.

— Marquis, je suis d'abord honorée de cet entretien. Et je n'ai qu'un seul profond respect que réclame Sa Majesté... Il a daigné poser sur moi un regard plein de grâces et reconnaître mes talents musicaux, je lui en suis immensément obligée.
Je m'octroie parfois la pensée qu'il me porte un regard paternel, ou si celui-là s'apparente plus à de la pitié, je m'en accommode, et le reçois comme un honneur.
Savez-vous peut-être que je suis orpheline de père..

— Oui Mademoiselle, et vous m'enchantez par vos douces paroles. Monseigneur loue votre sincérité avec raison.

Il est songeur, et hésite quant à parler franchement, mais j'ai saisi :

— Marquis, j'entends vos craintes, mais je n'ai point d'ambition, encore moins l'âme d'une séductrice. Je ferais bon usage de l'amitié que le roi daigne me donner.

Il en sourit, inclinant légèrement la tête.

— Je vous en remercie Mademoiselle.

Je suis votre serviteur, n'hésitez point à me consulter si vous avez quelque trouble que je puis aider à résoudre.

Il me quitte ainsi, je reste touchée de ce qu'il vient de se produire.

Le soir venu, tout n'est que divertissement, l'air est à la fête.

Tout brille et scintille, les archers glissent sur les cordes des violons au rythme effréné et enjoué de la musique, on se délecte ainsi en petit comité des dernières gâteries ou fruits exotiques. Parmi ce foisonnement de richesse et de luxe, difficile de ne pas avoir la migraine.

Somme toute, j'étouffe.

Je parviens à me frayer un chemin jusqu'aux extérieurs, je m'appuie contre une colonne, reprenant mon souffle.

Je m'avance un peu, m'approchant des parterres d'eau, tout en faisant attention à y rester suffisamment éloignée – les souvenirs sont encore là.

La fraîcheur du crépuscule restaure, je m'avance innocemment dans l'allée jusqu'au premier pavillon, que des voix étouffées me parviennent.

Je m'interromps, baisse la tête, et reste silencieuse.

— Oh je vous en prie, nine, je ne vous dirais rien, ahah.

— Enfin, très chère, ce n'est point ainsi que l'on vous a appris à nous remercier...

La voix d'Étienne, l'ami de Louis-Alexandre.

Il lui baise la main, continuant de murmurer de sa voix doucereuse.

Je retire de moi cette vue.

Je me maudis de m'être aventurée, j'avance de quelques pas précautionneusement, avant de me hâter de rejoindre la soirée au pavillon principal.

N'avait-elle pas un accent étranger ? Le même que celui de la cousine de mon duc ? Nous aurions des invités germaniques ?

On commence à me tordre le ventre, je crains n'avoir surpris quelque chose qu'il ne fallait surtout pas que je voie.

Il faut que je me recentre sur la soirée. Je vois qu'on joue aux cartes, je vais m'y joindre.

C'est alors que Louis-Alexandre, richement vêtu, apparaît dans mon champ de vision, aux buffets. Il se sert une coupe, rapidement rejoint par son ami Étienne.

Je commence à me persuader qu'ils fomentent quelque complot.

Je quitte les joueurs de bassette, pour doucement, m'approcher des pyramides de fruits, derrière, de sorte qu'ils ne puissent me voir. Je les écoute d'une oreille attentive :

— Elle n'a rien voulu me dire, je n'y entends rien, se plaint le jeune Étienne.

— Parce que vous n'êtes pas comme Jules. Lui sait s'y prendre avec les femmes..., maugrée-t-il.

— Jules, et toujours Jules, veuillez cesser, il n'est plus avec nous. Le comprenez-vous ? s'agace-t-il, avant de reprendre plus bas : Par ailleurs, je crains que son intrigante d'amie ne m'ait surprise avec elle...

— Comment ? Est-ce là une plaisanterie ? s'emporte-t-il. Vous n'êtes définitivement qu'un incompétent !

— Je m'en occuperai... Ne m'avez-vous pas dit qu'elle nous avait suffisamment compromis ? Et puis, aucun de nous ne l'avons dans notre cœur.. Elle nous a volé votre Jules, le Roi l'estime sûrement davantage que vous, qui êtes de son sang, et...

— Assez. Brisons là.

Faites ce que vous avez à faire, conclut-il sèchement.

Je me hâte de me retourner, et de me centrer sur les massepains, le cœur battant.

Les voyant s'éloigner, je reprends mon souffle. Une sorte de mal au cœur me prend, un léger frisson me parcourt. Assurément, il y a quelques affaires qui se montent, puisque je puis les compromettre.

Je dus mentir à Mélanie qui percevait bien mon air préoccupé, à dire vrai, j'ai tardé avant de pouvoir trouver le sommeil.

J'ignore si je veux en savoir plus, je crains désormais leurs menaces, je les crois capables de tout.

Je tins toute la journée à Marly, et la soirée théâtrale où l'on me plaça aux côtés de Louis. Je me souviens que mon père louait les talents de Molière, je mesure maintenant ses paroles, ce petit négociant est risible, la scène sur les Turques encore plus.

Je crois que le roi se réjouit de mes rires.

Non, j'amplifie les choses, tout ne tourne pas autour de moi... Bien que ce soit ce que certains doivent penser.

À notre retour à Versailles, on s'empressera de raconter chaque détail de ce séjour..

Rentrée alors à mes vrais appartements, je prends le temps de respirer, en admirant la vue sur le grand canal, le soleil se devine à peine dans l'horizon rosé.

Mais c'est en hâte que je retrouve mes deux amis et leur conte cette singulière soirée de la veille. Je les ai invités à me rejoindre dans mon antichambre.

Le visage de Jules s'assombrit, pendant que Jérôme vient chercher ma main afin d'entrelacer nos doigts.

— J'ai toujours trouvé Étienne sans aucun scrupule ni principe. J'avais toujours une sorte de méfiance à son égard..

Quant à cette jeune femme peux-tu me la décrire ?

— Blonde, un fort accent étranger, elle était plutôt grande..

Il passe une main dans son duvet blond.

— Je crains savoir de qui il s'agit...

Fille d'un riche bourgeois désormais anobli par les affaires administratives, sa mère était hollandaise – son père a contracté un deuxième mariage –, mais surtout, beaucoup ignore qu'elle est proche de son cousin hollandais. Lui-même proche des princes..

Après l'ambassadeur anglais, une Hollandaise.. Que fait-il donc de toutes ces informations ? Il les revend ? Dans ce contexte d'une guerre qui semble inévitable, cela saurait être un marché plutôt lucratif..

— Si je sais tout cela, poursuit-il, c'est que Louis-Alexandre me l'avait dit jadis, il avait pu ainsi se renseigner sur un ambassadeur hollandais, je ne sais plus dans le cadre de quelle affaire..

— Pardonnez-moi, mais ce que j'ai retenu du discours d'Élisabeth est surtout que cet Étienne a assuré qu'il s'occuperait d'elle, reprend Jérôme bien soucieux.

— Ils ont vraiment des choses à cacher, Jules. Il faut les démasquer. Je le sens, il y a là quelque intrigue.

Il acquiesce gravement.

— S'il faut, j'irais m'entretenir avec lui. Pour le moment, l'heure est avancée, tâchons de dormir. Monsieur, Élie.

Nous acquiesçons de concert, et nous en retournons.

Finalement, mon duc me surprend en m'envoyant un billet alors que nous venons de nous séparer.

Me voici donc devant son hôtel particulier.

On m'ouvre.

À peine entrée à l'intérieur, que me parvient une mélodie jouée au clavecin.

Cette mélodie.

Elle me va droit au cœur, me saisit, et amène mes yeux à se gorger de larmes.

— La musique de mon père..

Je m'approche de l'origine du son, d'un pas lent. Les souvenirs défilent.

Je le revois l'écrire, sa plume en main, souriant à ma vue et me demandant quel accord je préfère...

Je découvre mon Jérôme concentré sur les touches.

Il remarque ma présence.

Nos yeux se croisent.

Émue, et fragile émotionnellement, mes larmes coulent, je murmure :

— C'était magnifique..

— J'y travaille depuis quelque temps, je voulais vous faire ce cadeau, me dit-il ému lui-même.

J'essuie mes yeux tant bien que mal, touchée, souriant un peu.

— C'est un très beau cadeau.

Parfois, il faut seulement se souvenir d'où l'on vient, et qui reste à nos côtés.

Je m'avance vers l'instrument, il me laisse son tabouret et s'en prend un autre.

— Vous pouvez me le jouer de nouveau ?

Il acquiesce, et amène doucement ma tête sur son épaule.

Je ferme les paupières, savourant sa présence, la musique qui débute.

Il est parvenu à ôter tout trouble de mon esprit.

Je me rends compte qu'il est parvenu à combler une partie de ce vide qu'avait laissé en moi le décès de mon père, qui m'empêchait de profiter de la vie.

Je décide de reprendre le morceau avec lui, un peu amusée, nous tardons à nous synchroniser.

Sous un faux accord précédant un instant de silence, je relève la tête vers lui. Mes yeux dans les siens, la fenêtre derrière teint la pièce de dorée.

Il m'est si cher.

Mes bras viennent l'entourer affectueusement.

— Merci Jérôme, dis-je avec une voix d'enfant.

Je sens sa main qui me caresse le crâne, sur lequel il vient ensuite déposer un baiser.

— N'ayez plus l'esprit préoccupé.

Après quelques longs instants délicieux passés de la sorte, il se lève, et s'en revient avec un livre à la main.

Intriguée, il me fait signe de m'asseoir à ses côtés sur le sofa.

— Ceci Mademoiselle, est la garantie pour moi de pouvoir vous entendre rire.

Je vous présente un de mes livres favoris en ce qui concerne la littérature française, dit-il avec un léger sourire en coin.

Il l'ouvre à la première page, je découvre un ensemble de textes médiévaux.

— Des fabliaux ? Oh, que j'ai pu en lire avec Jules ! Certains sont vraiment amusants.

Innocemment heureuse de ces récits en vers, nous rions ensemble.

Nous prenons le souper, la conversation est facile, profitant l'un de l'autre.

L'heure est fort avancée. Nous ne voulons plus nous quitter, et l'idée ne semble même pas nous traverser l'esprit, même lors de certains moments de silence.

Je le remercie tellement pour cette soirée, la peur ne m'atteint plus. J'ai donc pour ainsi dire tout oublié de cette affaire avec Étienne et Louis-Alexandre.

Il m'apaise tout à fait.

Je ressens ce quelque chose qu'on appelle passion, ou encore amour, de si puissant, du seul fait de se sentir aimée.

La tête reposée sur son torse, j'entends son cœur battre, et sa voix me murmurer doucement :

— Que je puisse vous chérir et vous soutenir comme vous l'avez fait pour moi. Ce dont je vous remercie.
Je vous aime, Élie.

— Moi aussi, profondément.

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