Même si Daryl et moi sommes quasi constamment en train de nous chamailler, nos vraies disputes sont assez rares et la plupart du temps assez violentes. Lorsque nous avons emménagé en Colombie dans notre appartement commun pour la première fois, l'intégralité de la vaisselle gracieusement offerte par Tina avait été pulvérisée lors d'un débat houleux concernant la décoration et l'aménagement de la chambre. Et lorsqu'elles sont plus calmes, elles peuvent durer plusieurs jours pendant lesquels on ne se parle quasiment pas jusqu'à ce que l'un de nous craque et revienne vers l'autre pour s'expliquer plus calmement. Je suis une fille têtue et lorsque je considère n'avoir rien à me reprocher, hors de question que je m'excuse, je peux faire la gueule pendant des heures et des heures. Mais dans le cas présent, je suis en tort et je le sais très bien. Donc, en toute logique, c'est à moi de faire le premier pas. Et bon Dieu, ça me fait chier.
Ne craque pas, ne craque pas...
Notre prise de tête date d'il y a quelques heures à peine, je pourrais très bien jouer la montre et espérer que Daryl revienne plus serein et entame la discussion. Sauf qu'après avoir passé l'après-midi seule comme une conne dans l'appartement sans même avoir Lazslo pour me tenir compagnie, je suis en train de péter les plombs.
Okey, je craque.
J'attrape mon téléphone et tape rapidement un texto à mon homme.
A: Reviens, s'il-te-plaît.
Pathétique, je sais. Mais vu la façon dont je me suis comportée, je peux mettre ma fierté dans ma poche parce qu'il va falloir que je la piétine allégrement pour me faire pardonner. Daryl me répond presque immédiatemment.
D: Pourquoi?
Je lâche un grogement agaçé. Il ne me simplifie pas la tâche, l'enfoiré!
A: Pour parler.
D: Je croyais que tu voulais que je te foute la paix.
Ah...oui, c'est vrai que j'ai dit ça. Je me mords la lèvre, embêtée.
A: Je le pensais pas... J'étais énervée.
J'attends une réponse mais elle ne vient pas. Evidemment, elle ne vient pas, je n'ai pas dit ce qu'il veut que je dise. Et ça me coûte de le faire. Je pousse un profond soupir avant d'écrire.
A: Pardon d'avoir dit ça.
Presque aussitôt, j'entends le bruit d'une clef qui déverouille la porte d'entrée et Lazslo déboule en trombe dans le salon pour se jeter sur moi, tout content de me voir. Daryl le suit, les mains dans les poches et l'air ronchon. Je n'en reviens pas!
« Tu attendais derrière la porte ?
-Ouais. »
J'hallucine !
« Mais...depuis combien de temps ?
-Une petite heure. J'attendais que tu t'excuses. »
Mais quel sale...
Non, je ne dirais pas le mot. Après tout, je suis en tort et il a de quoi exiger des excuses. Je baisse les yeux, gênée.
« Bah je l'ai fait, marmonné-je.
-Pour m'avoir dit de te foutre la paix. Pas pour avoir menti. »
Rah, il insiste en plus ! Je sens mes joues se colorer et je détourne le regard. Voyant que je n'ai pas l'air de présenter les excuses qu'il demande, Daryl tourne les talons, prêt à repartir.
« Comme tu veux.
-Non, attends ! »
Bon sang, il n'y me vraiment pas du sien ! Je prends une grande inspiration avant d'obtempérer, le regard fixé sur le mur du salon.
« Je suis désolée de t'avoir menti. Et de t'avoir parlé comme ça. C'était pas cool. »
Oui, c'est minable comme excuse. Mais Daryl semble satisfait et il hausse un sourcil avec d'acquiescer.
« Ok. »
Nous restons l'un et l'autre immobile, chacun attendant que l'autre parle. Je n'ai aucune envie de reprendre cette conversation, je préfère donc le laisser aborder le sujet qui fâche.
« Alors, pourquoi t'as menti aux flics ? »
Arf...
Finalement, est-ce qu'une nouvelle dispute n'est pas plus souhaitable que de répondre à ça ? Je me mets à me tordre les doigts, mal à l'aise.
« Je...j'ai pas envie de leur dire.
-Pourquoi ?
-Parce que je veux plus parler de ça. Je veux pas m'en souvenir. Je veux pas y penser. »
Ça fait trop mal...
Depuis que Daryl et moi sommes ensemble, j'ai enfin réussi à tirer un trait sur le passé et à repousser très loin les souvenirs traumatisants de mon enfance. Les faire ressortir maintenant risquerait de mettre en péril tout ce qu'on a mis tellement de temps à construire. C'est tellement plus simple de faire comme si tout ça n'avait jamais existé.
« Axelle...t'as l'occasion de lui faire payer. »
Je laisse échapper un rire incrédule. Combien de fois ai-je voulu lui faire payer ? Jamais l'idée de l'envoyer en prison ne m'a traversé l'esprit. Si je veux qu'il paye, il doit mourir.
« Ça changera rien à ce qu'il m'a fait.
-Tu préfères qu'il s'en sorte comme ça ?
-Je préfère...ne plus y penser. »
Faible.
Il y a des choses qui ne doivent jamais être racontées. Ce que j'ai subi en fait partie. Donner un coup dans les bases si fragiles de ma vie pourrait s'avérer dévastateur. Je ne peux pas m'y résoudre maintenant. J'ai enfin arrêté les anti-dépresseurs et mon suivi psychiatrique, je ne peux pas replonger dans l'horreur de mon passé. Je dois aller de l'avant. Je lève furtivement les yeux vers Daryl mais les rebaisse immédiatement, incapable de soutenir son regard.
« Je...je peux pas. J'y arriverai pas.
-Pourquoi pas ? »
Il avance de quelques pas vers moi et essaie d'attraper ma main mais je l'esquive et recule un peu, le visage baissé, la gorge nouée.
« Pourquoi pas, princesse ? reprend-il. Je te connais, y a rien que tu ne peux pas faire. »
Un léger sourire vient étirer mes lèvres alors que je sens mon cœur s'envelopper de chaleur. Je ne sais toujours pas d'où lui vient cette image qu'il a de moi, mais j'avoue qu'elle me plaît. Si seulement j'étais aussi forte qu'il le croit...si seulement je pouvais le rendre fier...
« Je peux pas en parler. Je veux oublier. »
Nier, oublier, occulter. Faire ce que je fais de mieux, pour ma propre survie. Je lève les yeux vers Daryl. J'ai l'impression de le décevoir, de le laisser tomber. Et ça me fait mal.
« Je veux juste...être normale...murmuré-je d'une voix tremblante. »
Je ne veux pas être la victime, je ne veux plus être cette enfant traumatisée qui voulait mourir. J'ai lutté pour arriver à surpasser cette blessure et j'ai peur de la rouvrir si j'en retire les pansements. Un voile passe dans les yeux des Daryl et il ouvre les bras pour que je m'y réfugie, ce que je fais sans attendre. Je me sens tellement mieux, serrée contre lui... Il embrasse gentiment le haut de mon crâne.
« T'es bien plus que normale, crevette. T'es un spécimen unique. »
Je pouffe de rire. C'est son compliment préféré depuis qu'on est allé au Musée d'Histoire Naturelle et qu'on a vu « un spécimen unique de mammouth en parfait état de conservation ». Il a trouvé drôle de me comparer à l'animal, et depuis, je suis officiellement une espèce en voie d'extinction. Je lui mets un petit coup dans le ventre, pour la forme.
« Va te coucher, le paléontologue. »
Il rit et m'embrasse doucement tout en passant une main dans mes cheveux.
« Bonne nuit, mammouth.
-Pauvre type. »
***
Et non, vous ne rêvez pas, deux parties en une fois! xD J'ai un peu plus de temps en ce moment et l'inspiration a daigné me revenir, donc je publie deux parties aujourd'hui pour me faire pardonner des publications chaotiques de ces dernières semaines <3
Le tome 1 de Fire & Gasoline a dépassé 82k vues et c'est juste énormissime et je suis trop contente et j'ai du mal à respirer tellement c'est génial et vous êtes des amours <3 Cela signifie également qu'on se dirige lentement mais sûrement vers les 100K et pour cette occasion j'aimerais vous faire un cadeau! Dites moi ce qui vous plairait dans les commentaires! Je pensais faire une sorte de FAQ dans laquelle vous pourrez vous adresser directement aux personnages, vous en pensez quoi?
Gros bisous à tous :-*
B85