1861
Il était à peine cinq heures du matin mais Madame Hopkins s'activait déjà en cuisine. D'ici une demi-heure, son mari et ses enfants se réveilleraient, affamés. Sur la table, les attendaient de délicieux pancakes, tout droit sortis de la poêle. Tout doucement, la nature se réveillait. Le soleil transperçait les rideaux, les oiseaux entonnaient leur chant rituel. Les mains sur son ventre rond, la mère se fit la réflexion que ce serait une belle journée.
Les narines chatouillées par la délicieuse odeur sucrée qui émanait de la pièce attenante, Sophie émergea. Elle n'avait aucune idée d'où elle se trouvait. Intriguée, elle envoya valser son édredon et se leva. D'un regard, elle sonda la pièce, décorée en toute sobriété et ceinte par des murs de bois. L'ameublement était rudimentaire : à peine un lit et une coiffeuse. Par ailleurs, il n'y avait pas de porte. La chambre était séparée de la cuisine par un simple rideau en toile de jute.
La jeune fille, dépitée, essayait tant bien que mal de tirer des conclusions de ses observations lorsqu'elle entendit une femme fredonner, à quelques mètres d'elle. Songeant qu'elle pourrait peut-être la renseigner, elle écarta le rideau et alla la rejoindre.
Effectivement, une femme était en train de chantonner, debout face à une bassine d'eau fraiche. La seconde pièce, très semblable à la première, était agrémentée d'une table en bois clair, ainsi que de quatre chaises. Dans un coin, s'agitait un fauteuil à bascule sur lequel la mère avait posé son tricot.
— Excusez-moi ? l'interpella Sophie.
La femme se retourna et lui sourit de toutes ses dents.
— Tu t'es levée tôt. Ton père et ta sœur ne devraient plus tarder.
— Comment ça... mon père et ma sœur ? se risqua-t-elle.
— Tu n'as pas l'air très bien réveillée, Violette. Tu es sûre de ne pas vouloir te recoucher un peu ?
Et soudain, l'évidence frappa Sophie de plein front. Après le futur, c'était le passé qui se rappelait à elle. Son voyage ne faisait commencer. Et elle était loin, très loin de pouvoir rentrer chez elle.