Le Vœu d'être meilleur

By GeoffreyBourdin

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Tout le monde a un jour voulu être meilleur, passer outre ses défauts et devenir quelqu'un d'exceptionnel. Je... More

Prologue
Tout commence quelque part
Le projet
Une jolie blonde
Lakeland
Ethikos
Le maître de Lakeland City
L'étoffe d'un héros
Nos chers disparus
Désillusions
Réflexions et regrets
Déductions
Rapprochement
Conséquences
Une nuit d'enfer
Face-à-face
Ce qui nous fait avancer
La dame de cœur
Que seriez-vous prêt à faire...
Pour celle que vous aimez ?
La chute
Questions sans réponses
Le premier jour
Le second jour
La troisième aube
Feu et sang
L'homme le plus puissant de Lakeland City
Bonus n°1: une récompense, un dessin et de la publicité!
Interlude: Antériorité
Le guerrier aux yeux orange
Retour au pays
L'affectation
Hollow man
La fille des airs
Le soldat d'ébène
Plus ample connaissance?
L'oasis fortifiée
Le projet Apogée
Premier envol
Les martyrs du bout du monde
Un premier pas en enfer
La bataille pour Edmonton
De Charybde en Scylla
Menace blindée et nerfs d'acier
Bonus n°2: le Vœu fait peau neuve!
Née pour mourir
L' Autre
Cœur et courage
Blackout
À l'ombre d'un cerisier
Le grand voyage
De l'autre côté du désert
Le traqueur solitaire
Absolution
Connais ton ennemi
Quand vient la nuit...
Ce qu'il reste de l'homme
La fureur clanique
Dernière sortie
Athabasca
Le treizième régiment
Piège mortel
America's last stand
Fort McMurray

Les guerriers des clans

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By GeoffreyBourdin

« Bien sûr qu'ils ont moins de moyens que nous ! Mais ce qui fait des guerriers des clans des combattants si redoutables est le fait qu'ils soient déjà condamnés. Ils lancent des assauts suicidaires que des braves types avec une famille n'oseraient même pas concevoir. Ça les rend plus dangereux que n'importe quel fusil. Je te le dis mon gars, ne te fais pas avoir, même s'il y en a qu'un seul qui s'avance vers toi avec juste un couteau, n'hésite pas, descend-le. »

Shérif Digger Jones.

***

Avril 2019, quelque part dans l'Alberta, Canada.

La viande commençait lentement à rôtir au-dessus du feu. John Leckner se réjouit d'être parvenu à l'allumer si vite, lui et sa petite troupe pourraient manger un repas digne d'un roi ce soir. Du moins, selon leurs standards. Du bœuf ramené tout droit du sud, de la ville d'Edmonton. La première bidoche non irradiée depuis des mois.

Les flammes orangées baignaient la clairière d'une lueur rassurante, comme si la tombée de la nuit ôtait étrangement l'allure inquiétante de ce paysage meurtri. Au sud, se devinaient les reliefs acérés des falaises artificielles du cataclysme. La lumière blanche de la Lune se reflétaient sur la roche de granite, la faisait presque paraître couverte de neige.

Les mutants s'affairaient au préparatifs du repas et de la veille à venir. Le lieu qu'ils avaient choisi semblait idéal, John le savait. Cette large clairière quasiment dépourvue d'arbres offraient un terrain découvert où une quelconque présence indésirable serait vite aperçue par les veilleurs. Néanmoins, une telle position les rendrait aussi plus facilement repérables par la faune hostile du nord du continent. Aussi, sans se contenter d'un seul feu de camp, plusieurs autres étaient embrasés à intervalles réguliers, en cercle, de façon à protéger les mutants d'une attaque d'animaux sauvages. Une telle méthode était coûteuse en bois, mais ce n'était pas la matière qu'il manquait le plus, et cela valait mieux que la mort de tout le groupe.

Ils n'étaient plus les êtres vivants les plus dangereux de cet écosystème.

John se redressa et s'assura que tous les brasiers étaient bien allumés. La forêt environnante ne montrait aucun signe de mouvement. Parfait.

— Bon allez mes cailles, ça va bientôt être bon pour la viande, venez bouffer! annonça-t-il.

Sa petite expédition d'une dizaine de guerriers accourut comme un seul homme, se bousculant presque comme des enfants dans une joie immature. On croirait presque qu'ils n'avaient pas mangé depuis des années. Le chef de la troupe se réjouit de les voir ainsi. Le sourire n'illuminait pas souvent leurs visages, et ceux-ci, à la lueur du feu, semblaient presque normaux. Comme avant que tout ça ne commence.

John se revoyait emmener sa fille à l'école primaire. Ils remontaient la rue principale de leur petite bourgade, où tout le monde se connaissait et s'appréciait. Ils saluaient Smith l'éleveur de chiens, disaient bonjour à Vince le policier, qui leur répondait toujours d'un grognement désintéressé. Mais cela les amusaient plus que les décourager. Ils passaient ensuite à côté des champs du père Renver, toujours de blé dorés avant qu'il ne décède tragiquement avec sa femme. Sa femme qui concoctait des remèdes à base de plantes qui avaient plus d'une fois sauvé sa petite progéniture en l'absence de médecin. Des gens sympas.

Puis vinrent les étoiles, la blessure et le poison.

Il se revit déposer le corps déformé de sa fille, qui venait d'avoir treize ans, dans un trou qu'il avait creusé lui-même dans son jardin. Tout le monde croyait que c'était contagieux, personne n'avait voulu la prendre en charge, lui assurer des obsèques convenables. Il se remémorait avoir prononcé quelques mots, fabriqué une grossière croix en bois. Et le son de la pelle qui raclait la terre devenue ennemie, qui accablait les vivants et ravissait les morts.

Le rictus de joie sur son visage s'évanouit brusquement.

— Ça suffit ! Fermez vos gueules, il y en aura assez pour tout le monde ! tonna-t-il.

L'euphorie générale retomba aussitôt alors que le petit groupe se servait de manière équitable.

— Ça va, joues pas trop au petit caporal non plus, marmonna Vince.

Son ton dédaigneux et hautain, ainsi que son fort penchant à faire comme bon lui semble avait le don d'exaspérer John. Le meneur savait qu'il représentait une menace pour tout groupe dans lequel il était intégré, mais son savoir faire au niveau des armes se révélait bien utile. Mais il ne digérait toujours pas le coup foireux d'Edmonton.

— C'est pourtant moi qui mène cette mission, si t'es pas content, t'as qu'à manger à l'extérieur du cercle, appât à grizzlis !

L'ex-policier blêmit, si la chose était encore possible au vu du teint pâle qu'arboraient les mutants relativement épargnés. Les ours du nord du pays ne furent pas ménagés par le poison, et si les mâles adultes demeuraient déjà avant cela parmi les plus grands prédateurs terrestres du globe, les animaux mutés qui avaient émergé des grottes étaient devenus de véritables machines à tuer qui ne faisaient pas la distinction entre viande irradiée ou non. Une fois les non-mutants partis, la raison pour laquelle les villes claniques furent fortifiées au possible n'était plus les hommes... La perspective d'être dévoré par une de ces créatures fit rejeter à Vince tout idée de contrarier John davantage.

Profitant de ce calme retrouvé, John coupa un généreux morceau de viande et le mit dans un plat rudimentaire.

— Je vais nourrir la cargaison, je reviens, dit-il.

— Pas la peine de gaspiller de la bouffe, fit Vince.

— Si on la ramène pas vivante à Yellowknife, Seth nous fera traverser le grand lac avec des palmes en béton. Puisque tu sembles dans la contradiction ce soir, tu feras le premier tour de garde.

Vince cracha par terre de rage mais resta muet devant sa punition.

— Pourquoi s'emmerder à la ramener ? questionna une guerrière, on n'a qu'à la tuer de suite, on vivrait plus longtemps. On pourrait goûter son sang et servir Seth plus longtemps.

Le naturel avec lequel ces horreurs pouvaient être déclarées dans les terres claniques ne choquait plus ses habitants depuis longtemps.

— Tout le clan doit en profiter, c'est trop rare pour qu'on se puisse se permettre de négliger des frères, lui répondit un autre guerrier. Par la grâce de Dieu et notre foi en Seth, il nous faut être patient.

— Comme tu dis. Nous ne sommes pas des animaux. Pas encore. conclut John.

Le chef de la troupe de mutants se leva puis s'éloigna du groupe en direction du seul tronc qui s'élevait du centre du campement. À son pied était prostrée une petite forme gesticulant à peine à l'approche de son visiteur. De solides liens reliaient ses deux poignets et la maintenaient attachée à l'épaisse écorce. Une couverture de laine recouvrait son corps fébrile frissonnant sous la fraîcheur de la nuit printanière canadienne. La jeune fille rousse était à peine éclairée par son éloignement du feu. John s'accroupit devant elle en lui tendant le plat garni de viande.

— Amy ? Tu as faim ? dit-il, c'est ta part.

— Va au diable.

Même si la voix était faible, la réponse avait cinglé comme un coup de fouet. John ne se laissa pas décourager et finit par s'asseoir en face de la téméraire méta-humaine en laissant le plat à portée de main. Il savait que la jeune fille avait bien sur toutes les raisons du monde de ne pas se montrer coopérative.

— Ta main va bien ? risqua-t-il.

Amy se saisit vivement de son assiette et la mit à l'abri d'une éventuelle reprise du mutant.

— Qu'est-ce que ça peut te faire ? On sait toi et moi comment ça va finir.

— Tu n'as qu'à utiliser ton pouvoir pour te sauver, suggéra John.

La méta-humaine écarta son cocon laineux et commença à dévorer de ses doigts les morceaux de bœuf rôtis. John nota le pansement sali recouvrant sa main gauche –visiblement, la plaie n'était pas saine. Elle ne frissonnait pas qu'à cause du froid. Et à un âge si peu avancé et dans son état, elle n'irait de toute façon pas bien loin même si elle parvenait à s'échapper.

— On a raflé quelques antibiotiques à Edmonton, je t'en donnerai demain matin avant de reprendre notre route.

— Vous n'avez qu'à me tuer de suite qu'on en finisse ! Profitez bien des deux mois de sursis que ça vous apportera, bandes d'ordures !

Cette fois, elle avait crié. Les discussions qui se tenaient au coin du feu à une dizaine de mètres cessèrent brusquement.

— C'est pas l'envie qui nous en manque, pisseuse ! lui asséna la voix sévère de Vince.

John s'efforça d'ignorer ce débordement alors que le groupe se renfrogna en se renfermant dans ses conversations.

— Écoute Amy, nous devons te ramener à Yellowknife, c'est un fait. Ton destin t'attend là-bas, c'est aussi un fait. Mais d'ici là, nous nous devons de prendre soin de toi et tu ne nous facilite pas la tâche.

Amy se renveloppa dans sa couverture en continuant à dévorer son repas.

— Pourquoi vous faites ça ? demanda-t-elle, désespérée, si vous ne pouvez pas me laisser vivre, au moins laissez-moi mourir!Ne jouez pas avec moi comme un chat avec une ficelle !

John était impressionné de la certaine maturité de cette enfant. Quatorze ans à peine et elle faisait déjà preuve de plus de lucidité que bien d'adultes. Ce qu'il était advenu de ces terres avait forcé les enfants à grandir si vite... ou à périr.

John approcha son visage de celui de d'Amy et abaissa le col de son blouson de cuir.

— Tu vois ça ? fit-il en exposant la tatouage vert sur son cou, c'est la même que celui que tu portes. Nous sommes du même clan, et ce jusqu'à ta mort. Et ce que font les membres d'un clan, c'est de veiller les uns sur les autres.

La paume meurtrie d'Amy ne put s'empêcher d'effleurer ses propres motifs spiralés de vert, puis, résignés, ses yeux se braquèrent sur l'herbe jaunie de la clairière.

— Alors laisse-moi partir John Leckner. Coupe cette corde et laisse-moi m'en aller.

John se passa la main dans ce qu'il restait de ses cheveux épars sur son crâne abîmé.

— Tu sais bien que c'est impossible. Tu as encore un rôle à jouer, même s'il est macabre. Au moins tout ça a donné un but à ta vie. Nous, nous n'en avons pour ainsi dire aucun. Dieu t'a donné ce don, parmi les autres, d'être une bénédiction pour les tiens. Pourquoi cela t'est-il si insupportable ?

— Un don ? Je n'ai pas choisi, à aucun moment. Je n'ai pas choisi d'avoir ce pouvoir. Je n'ai pas choisi de mourir pour ça. Ça peut se refuser un don !

La méta-humaine envoya voler son assiette désormais vide dans un fracas sonore.

— Je sais ce que se disent tout ceux qui ont muté, il ne me voient pas comme une bénédiction, non... Ils sont jaloux ! Ils se disent que j'ai eu de la chance !

Amy se roula en boule sur le côté et se prépara à dormir.

— Les seuls chanceux sont ceux qui sont morts, John Leckner.

Le chef se doutait que la fièvre et le désespoir parlaient sans doute tout autant que la jeune fille, mais il ne pouvait s'empêcher de songer au fait qu'elle avait raison. Les mutants étaient affligés de vie ridiculement brèves et de corps difformes. Les méta-humains étaient sacrifiés pour les premiers. Il restait ceux qui avaient disparus et qui n'avaient pas eu à subir cet enfer.

John se releva et retourna en direction de son petit groupe. Tous plaisantaient d'une humeur bonne enfant, mais tous demeuraient des guerriers des clans, leurs armes à feu ou à projectiles toujours à portée de main, et leur tatouages tribaux sur leurs cous. Leurs diverses infirmités n'incommodaient plus John depuis fort longtemps. La plupart n'arboraient qu'un teint maladif , quelques furoncles et une perte de cheveux variable. Mais plus ils demeureraient en ces terres, et plus cela allait s'aggraver, et ils finiraient par mourir.

Tous autant qu'ils sont.

Les rires céderont la place aux cris d'horreur alors que leurs dents tomberont. Leurs doigts se courberont comme des griffes avides de vengeance. Leur peau se lézardera de cicatrices et deviendra rosée voire violette. Peut-être même quelques excroissance osseuse ou cartilagineuse pousseront de leurs articulations. En tout cas, ce qu'il restera de ces hommes et ces femmes ira se heurter aux remparts des villes fortifiées de ceux qui les avaient abandonnés. Et alors seulement, un coup chanceux mettrait heureusement un terme à leurs existences avant qu'ils ne deviennent des bêtes avides de chair pareilles à celles qui parcourent cette contrée.

Mais pour l'heure, John chassa de son esprit ces horribles songeries alors que le prêtre-guerrier prononça la prière qui clôt la repas.

— Amen, conclut celui-ci. Gloire à Seth.

— Gloire à Seth ! reprit instantanément le groupe avant de se disperser pour s'envelopper dans leurs duvets.

Seul Smith demeurait à l'écart de ce semblant de convivialité. L'anxieux éleveur paraissait en permanence essayer de calmer son animal agité. John Leckner ne souhaitait pas qu'il soit mis à l'écart par des gens comme Vince et alla le rejoindre à la limite du cercle enflammé.

— Quelque chose ne va pas Smith ? Demanda-t-il.

— Je... Tex n'a pas l'air bien John, j'ai peur qu'il ne survive pas jusqu'à Fort McMurray.

John ne put s'empêcher un sourire discret. Dire de ce berger allemand muté depuis des années, qui perdait ses poils par poignées et qui semblait posséder tous les parasites de la région qu'il n'allait pas bien était sans doute l'euphémisme du siècle. Malgré cela, la férocité et le flair de cette bête avaient maintes fois servis au groupe. Et John savait que Smith accordait plus d'importance que tout à l'élevage de ces animaux, il en avait toujours été ainsi. La perte de son dernier animal depuis la catastrophe serait sûrement un déchirement pour lui. Célibataire endurci, ses chiens étaient sa seule source d'attachement.

Le dénommé Tex agitait la queue de manière nerveuse, grognant et jappant envers une menace invisible.

— Il sent quelque chose ? Des loups ? Un grizzli ? questionna John.

— Non je ne pense pas, avança Smith, on les aurait vus dans la clairière, et Tex a appris qu'ils ont peur du feu, il ne serait pas si inquiet.

— Il est peut-être juste fatigué et malade. Tu ne devrais pas t'inquiéter.

Smith calma son animal d'une légère caresse sur le front, même si celui-ci ne quittait pas des yeux les falaises rendues blanches par la Lune.

— John, j'ai eu tout le loisir de dresser mes animaux d'une façon qui serve le clan. Mes chiens me parlent, me disent des choses, et je les écoute. J'ai appris à leur faire confiance.

L'éleveur se tourna et braqua son regard stressé vers celui de son ami.


— Je crois qu'on nous suit.


***

Hey! Salut et tous, et pardonnez-moi d'avoir été si long. Travail personnel oblige, j'ai dû mettre mon histoire en pause le temps de clore ce chapitre fatiguant. Je peux ainsi peu à peu revenir et vous proposer un petit chapitre en attendant la reprise véritable courant septembre.


Il se peut que le niveau ait un peu baissé du fait de mon inactivité, j'espère chers lecteurs que vous ne m'en tiendrez pas rigueur. Par ce chapitre, je vous en montre un peu plus sur les mystérieux et tribaux clans mutants! Vous y trouverez de plus divers indices sur l'intrigue, et diverses références sur les chapitres précédents. Je pense faire un autre chapitre d'ici la fin de semaine.

En vous souhaitant bonne lecture, chimiquement vôtre, Kara Warren.

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