Diana dévisage Peter Maxwell sans rien comprendre, la douleur dans son crâne s'accentuant à force de trop réfléchir. Ses jambes ne tenant plus, elle tombe à genoux et Peter baisse son arme en gardant le regard braqué sur le cadavre de son frère. Alors tout ça n'était que du bluff ? Elle n'arrive pas à le croire. Sa tête continue d'exploser et ses mains se retrouvent à nouveau plaquées contre ses tempes. Comme sortant d'une transe, Peter reporte enfin toute son attention sur Diana et laisse tomber son arme en se précipitant dans sa direction. Il semble lui dire quelque chose mais la jeune femme ne parvient qu'à voir ses lèvres bouger dans le vide, les sons ne lui parvenant plus.
Comprenant qu'elle ne peut plus rien entendre et qu'il doit agir, Maxwell se met à chercher quelque chose du regard. Son visage s'illumine lorsqu'il la trouve finalement, mais alors qu'il a presque mis la main dessus, une déflagration retentit et il reçoit un projectile au dessus de la poitrine. Diana pousse un cri au moment où le corps de l'ancien chasseur heurte le sol et qu'il se met à tousser violemment. Malgré la souffrance qui ne la quitte pas, elle parvient à ramper jusqu'à lui et à placer ses paumes déjà empourprées sur sa blessure. Le sang se répand à grande vitesse et ne tarde pas à imbiber son tee-shirt. C'est une balle, une balle de gros calibre.
Ses tympans éclatent et pourtant elle parvient à tourner la tête et à voir une chasseuse armée d'un fusil pointer à son tour son arme sur elle. Pas encore... C'est alors qu'elle la voit détourner les yeux et poser un regard effrayé dans la direction opposée, avant d'être électrocutée et de s'effondrer à terre. C'est là qu'elle aperçoit Anne. Comme elle est la Patriarche, elle possède de plus puissants pouvoirs c'est sûrement la raison pour laquelle les effets des ultra-sons semblent avoir des répercussions légèrement moindres sur elle. Saisissant sa chance de répit, Diana se met à tâtonner à son tour afin de découvrir ce que cherchait Peter. Soudain, elle tombe sur le boîtier qu'Erik s'est servi pour activer cette torture. Elle presse alors le bouton et le calme se fait instantanément dans sa tête, libérant ses sens et sa magie confinée.
Elle a besoin de quelques secondes pour reprendre son souffle et ses esprits mais lorsqu'elle rouvre les yeux, la réalité la frappe de plein fouet. Peter est blessé. Elle se précipite à nouveau vers lui et se met à lui parler d'un ton alarmé.
- Peter ! Peter écoute-moi, garde les yeux ouverts et concentre-toi sur ma voix.
Les paupières de ce dernier papillonnent puis son regard s'arrête sur celui de Diana, une lueur de soulagement traversant ses pupilles.
- Tu es vivante, dit-il d'une voix affaiblie.
Elle hoche la tête en se forçant à rester calme. Un coup d'œil à sa blessure et elle constate que les choses se sont aggravées. La sorcière presse alors ses paumes de toutes ses forces sur l'hémorragie en faisant appel aux quelques restes d'énergie et de magie qu'il lui restent.
- Je... te demande pardon Diana.
La jeune femme se tourne vers lui et le voit grimacer sous l'effet de la douleur, les paupières à nouveau fermées.
- Je... pourquoi avoir fait tout ça, Peter ? lui demande-t-elle. Pourquoi prendre tous ces risques ?
Il rouvre les yeux et elle peut lire la sincérité dans son regard.
- Il fallait que je t'aide. Que... je me rachète auprès de toi. Le seul moyen d'y parvenir c'était de retrouver mon frère et de lui faire croire que je regrettais d'être parti et que je ne tenais pas à toi. (Il soupire) Il fallait... il fallait qu'il pense que je t'avais trahis pour lui et que je ferais n'importe quoi pour revenir à la maison. Et... et bien ça a marché on dirait.
Un faible sourire illumine son visage mais disparaît aussi rapidement, remplacé par un gémissement de douleur. Diana sent son cœur se serrer et malgré le fait qu'elle lui en veuille encore, le voir dans cet état, si proche de la mort, la terrifie. Des larmes coulent le long de ses joues et Peter lève la main pour les essuyer d'un geste tendre.
- Est-ce que ça veut dire que tout est pardonné ? demande-t-il en riant piètrement.
Diana secoue la tête en souriant bêtement. Il n'a pas changé tant que ça finalement. Ses répliques sont toujours aussi agaçantes et son sourire prétentieux. C'est le même Peter qu'elle a rencontré il y a quelques mois au Plaza Hotel dans son costume à mille dollars et qui l'a interpellé de la plus arrogante des manières. C'est le même à qui elle a fait promettre de ne plus jamais l'abandonner.
- Est-ce que j'ai l'air d'une femme qui pardonne ? réplique-t-elle en rentrant dans son jeu.
Cela paraît lui faire plaisir et son visage s'illumine.
- Non... pas vraiment. Mais avec moi, toutes les exceptions sont autorisées, après tout, c'est moi qui suis au bord du précipice.
Malgré son sourire, ses paroles glacent le sang de Diana. Il ne peut pas mourir. Mais lorsqu'elle regarde à nouveau sa blessure, elle se rend compte que rien ne s'est amélioré. Sa magie ne fait plus effet. Elle est à bout de forces.
- Arrête. Tu vas t'en sortir, lui affirme-t-elle d'un ton le plus convaincant possible.
- Diana Greyson, la femme et la sorcière la plus têtue que cette planète ait jamais portée, plaisante-il.
Autour d'eux, les affrontements ont repris depuis quelques minutes déjà, néanmoins, Diana sait qu'il ne reste pas beaucoup de temps avant que tous les chasseurs ne soient battus. Mais à cet instant, ça n'a pas d'importance.
- Et toi l'homme le moins drôle et le plus arrogant que personne ait jamais vu.
- Tu ne cessera donc jamais d'avoir le dernier mot ? lui reproche-t-il gentiment. Alors même que je suis sur le point de mourir ?
Les mains de la sorcière sont à présent entièrement tâchées du sang de Peter. Cette vision lui donne la nausée et la peur de le perdre la paralyse. Encore cette impuissance ! Quand sera-t-elle capable de sauver les gens qu'elle aime ?!
- Tais-toi. Je ne veux pas que tu dises ça.
- Je t'aime.
Ses mots la prennent de court et elle plante son regard dans celui de son propriétaire. Son cœur manque un battement quand elle comprend qu'il est sincère. Mais cela ne fait que rendre les choses encore plus dévastatrices. Elle ne veut pas le perdre. Pas après qu'il ait dit ces mots là et qu'elle ressente la même chose.
- Je t'aime aussi.
Sa voix se brise et elle se penche vers lui pour l'embrasser profondément. Ses lèvres salées rencontrent celles au goût métallique de Peter et elle souhaite que ce moment dure une éternité. Lorsqu'elles se séparent, c'est comme si une partie de Diana savait qu'elle ne serait plus jamais complète. Quelle est cette citation déjà ? Peut-être nous sentons-nous vides car nous laissons derrière nous des morceaux de nous-même dans chaque choses que nous avons aimées. Elle ne se rappelle plus où elle a lu ça mais ces mots prennent tout à coup tout leur sens. On donne tellement... qu'à la fin il ne reste plus de nous qu'une coquille vide.
Non.
- Je peux encore te sauver, lui dit-elle brusquement. Je dois te sauver !
Peter tente de la raisonner mais elle ne veut rien entendre. Les mains pressées au dessus de sa poitrine, elle tourne la tête vers le ciel étoilé et entame une incantation. Ses mots sont fiévreux et son débit rapide. Sa gorge est asséchée mais elle se force à articuler chaque mot avec force. Il faut que ça marche. Mais elle sent que ce n'est pas assez. Elle est vidée, comme si on lui avait aspiré son essence même et que peut importe les efforts qu'elle pourrait faire, rien ne pourrait y changer. Elle s'apprête à céder aux supplications de Peter lorsque deux mains rejoignent les siennes et qu'une voix familière se met à psalmodier les mêmes paroles latines. Son regard rencontre celui de George et le soulagement et la reconnaissance s'emparent de la jeune femme. Son vieil ami lui lance un sourire réconfortant et à deux ils rassemblent leurs dernières forces pour guérir l'ancien chasseur.
Le vent balaie violemment les cheveux sombres de Diana et elle ressent la magie crépiter au bout de ses doigts et chauffer ses paumes contre la blessure de Maxwell. Ce dernier se cambre et grimace en sentant la balle se frayer un chemin vers l'air libre, hors de son corps. Comme un bébé qu'on expulse à la naissance, le bout de métal est éjecté et la plaie se met à cicatriser peu à peu. Diana entend la respiration de Peter reprendre un rythme normal et son corps retomber sur le sol, soulagé.
Une fois qu'elle est sûre qu'il est sauvé, la sorcière stoppe l'incantation et pose ses mains sur le visage du jeune homme pour s'assurer qu'il est conscient et qu'il est bien vivant.
- Je vais bien Diana, la rassure-t-il en essayant de s'asseoir. Tu m'as sauvé la vie. Enfin, vous, m'avez sauvé la vie.
Il dévisage tour à tour Diana et George avec un expression béate et de profonde gratitude.
- C'est normal après ce que tu as fait, dit George en désignant Erik. Merci.
Peter lui adresse un sourire reconnaissant avant de saisir la main que Diana lui tend pour l'aider à se relever. Ses yeux se posent sur le cadavre de son frère et la jeune femme voit son visage s'assombrir et la tristesse traverser son regard. Même si elle souhaitait voir Erik mourir, elle regrette que Peter ait dû le faire. Malgré les horreurs qu'il a commises, il restait son frère. Elle n'imagine pas à quel point cela doit être difficile. Elle prend la main de Peter et la serre dans la sienne dans un signe de réconfort. Puis ils se tournent tous les trois vers le centre de la clairière.
Le reste des chasseurs survivants est encerclé de toutes parts par les sorciers. Pris au piège, ils ne peuvent plus s'échapper et Diana constate à leurs expressions qu'ils l'ont également compris. Elle remarque également Anne, sa toge déchirée et salie par la terre et le sang s'approcher de leurs ennemis, ses paumes crépitant d'une énergie qu'elle s'apprête sûrement à utiliser contre eux. Tenant toujours fermement la main de Peter, Diana se dirige vers le cercle aux côtés de George.
- Que comptes-tu faire Anne ? l'interroge-t-elle une fois parvenue à sa hauteur.
- Finir le travail, rpond-elle en faisant crépiter ses boules d'électricité davantage entre ses doigts.
Mais alors qu'elle est sur le point d'exécuter les survivants, son regard tombe sur les mains entrelacées de Diana et Peter et elle dirige soudainement ses poings sur ce dernier d'un air menaçant. Instinctivement, la jeune femme se place devant celui qu'elle aime pour le protéger de la Patriarche.
- Mais quelle mouche t'as donc piquée ?! lui lance Anne, le regard plein de haine lorsqu'elle dévisage Peter une seconde fois. C'est un chasseur !!
Diana se crispe et se met en position défensive.
- Faux. Il n'est plus avec eux depuis longtemps et il vient de nous aider à les vaincre, objecte-elle férocement. Il n'est pas notre ennemi.
La Patriarche lâche un rire de dédain et la colère déforme ses traits pourtant délicats.
- Tous les chasseurs sont nos ennemis. Voyons Diana, ne me dis pas que tu as été assez bête pour t'amouracher de l'un d'entre eux ?
Tous la dévisagent avec animosité et elle se colle davantage à Peter, terrifiée qu'ils ne le lui arrachent.
- Il a tué Erik. Il nous a tous sauvé la vie.
Le regard de Anne se durcit.
- C'est un chasseur, peut importe ses actes aujourd'hui ! rugit-elle, perdant le contrôle. Il ne peut pas vivre ! Il a tué les nôtres !
- Et nous avons tué les siens ! Ne voyez-vous pas que personne ne s'en sort gagnant dans cette guerre ? Nous ne sommes pas si différents de lui ! Nous aussi nous avons commis des atrocités. À commencer par toi Anne !
Cette fois, la rage la défigure totalement.
- Comment oses-tu ?
- Est-ce toi qui a tué Alan ? Erik disait la vérité ?
- Quoi ? Tu ne vas pas croire ce qu'un chasseur, un meurtrier qui a assassiné froidement la moitié de notre famille, t'as dit ?! Entends-tu seulement ce dont tu m'accuses ? Tu es folle !
Mais Diana ressent quelque chose qui lui fait penser le contraire.
- Tu as dit que je saurais quand j'aurais besoin de ton aide. Et peu de jours après qu'Alan se soit fait tué, je finis par venir ici, faire ce que tu voulais depuis le début. De plus, les chasseurs sont du genre à se vanter de toutes les horreurs qu'ils commettent, or ils m'ont par deux fois révélé qu'ils n'avaient aucune implication dans son meurtre. Alors à ton avis, Anne, qui dois-je croire ?
Cette dernière prend un air effaré et indigné.
- Ta sœur bien sûr ! Ceux qui t'ont élevée après la mort de ton père et qui se sont occupés de toi !
- Je crois surtout que tu étais prête à n'importe quels sacrifices pour avoir la guerre que tu voulais tant. Même si pour cela tu devais tuer un humain. Je me trompe ?
Les deux sorcières se défient du regard mais Diana n'a aucune intention de lâcher l'affaire. Anne est allée trop loin.
- Si ce que Diana dit est vrai, alors ce que tu as fait est impardonnable Anne, déclare George gravement.
L'attention de cette dernière se reporte sur son ancien ami.
- Et coucher avec l'ennemi l'est tout autant ! rétorque-t-elle en pointant un doigt accusateur sur la jeune femme.
- Je ne suis pas votre ennemi, dit Peter en s'avançant d'un pas. Je n'ai plus rien à voir avec ce qui était autrefois ma famille. Je suis différent.
La Patriarche secoue la tête, ne voulant rien entendre.
- À mes yeux vous êtes tous les mêmes.
Ses poings se mettent à nouveau à grésiller et elle lance une boule d'énergie dans la direction de l'ancien chasseur. Mais Diana est plus rapide et elle renvoie l'onde électrique à son expéditeur qui se la prend en pleine poitrine et manque de trébucher. Quand elle s'est à nouveau stabilisée, elle pose des yeux remplis d'animosité sur la sorcière.
- C'est pour Alan, articule Diana. Il ne méritait pas ce que tu lui as fait.
Anne fait cette fois apparaître une boule de feu dans sa main, prête à s'en servir contre elle.
- Je te l'ai dit : on doit tous faire des sacrifices en temps de guerre. Nous avions besoin de toi et tu avais oublié pourquoi on devait se battre. Je n'ai fait que t'administrer une piqûre de rappel et le reste ce sont les chasseurs qui s'en sont chargés.
L'horreur se lit à présent sur les traits de Diana.
- Tu te rends compte de ce que tu dis ? Depuis quand tuons-nous pour parvenir à nos fins ?
Elle adresse cette question au reste du clan comme un défi. Les autres restent muets mais semblent réfléchir à ses paroles.
- Depuis que nous sommes contraints par eux de le faire ! s'écrie Anne en pointant du doigt les chasseurs survivants.
Diana secoue la tête de gauche à droite. Elle n'a jamais été aussi déçue. Elle pensait qu'Anne était une sorcière puissante et juste. Elle pensait que l'élire Patriarche les conduirait vers la victoire et que les choses allaient enfin changer ! Mais c'est George qui avait raison. Un chef de guerre ne fait pas forcément un bon guide et un bon conseiller.
- Rien ni personne ne t'obligeait à tuer cet homme, Anne. C'est toi qui est allée trop loin cette fois.
- Écarte-toi de ce chasseur Diana ! la prévient-elle.
- Jamais.
Anticipant son geste, la galeriste la désarme et plaque la lame de sa dague sur la gorge de la Patriarche. Tout le monde retient son souffle et Anne se met à rire.
- Tu vas vraiment me tuer Diana ? Je suis votre Patriarche, sans moi vous ne pourrez pas survivre. Nous formons une famille. Depuis quand tuons-nous notre famille ?
La colère et le dégoût submergent la sorcière alors qu'elle plonge son regard dans celui de Anne. La guerre a fait d'eux des tueurs alors qu'ils n'en étaient pas. Ils ont commis des actes tout aussi affreux pour se défendre, oubliant qui ils sont, se perdant dans cette vague étouffante de haine et de vengeance. Et à cause de cette guerre incessante, ils ont perdu leur identité. Et Anne a commis l'irréparable. Pas parce qu'elle est profondément mauvaise, non, mais parce qu'elle ne connaît plus rien d'autre que ça. Parce qu'elle ne résonne plus en tant que personne sensible et compatissante comme elle l'a été autrefois, mais comme une femme rongée par la douleur et le chagrin, par la perte et la colère. Elle a arrêté de vivre pour survivre, mais cet instinct a dépassé ses limites. C'est à se demander : jusqu'où sommes-nous réellement prêts à aller pour survivre ?
- « On ne pardonne pas ma sœur, on se venge. » Tu t'en souviens ? Tu penses toujours que c'est un bon mantra ?
- Je crois que c'est une règle essentielle si l'on veut survivre, répond Anne.
- Tu veux dire : œil pour œil, dent pour dent, c'est ça ?
- Plutôt une vie pour une vie.
Diana soupire en gardant néanmoins son arme appuyée contre sa trachée.
- Tu sais Anne, je me demande bien depuis quand nous sommes devenus des bourreaux. Avant, la simple pensée de tuer un être humain était inconcevable. Notre vocation était de guérir et de protéger la vie, pas de la détruire.
- Mais ça c'était bien avant qu'ils se mettent à décimer nos enfants, Diana ! s'écrit-elle, les yeux sortant de ses orbites et la colère faisant trembler tout son corps. On parle de milliers de vies, de familles anéanties ! Ma famille ! Et tu veux les laisser vivre après ce qu'ils ont fait ? Tu veux leur pardonner ?
Diana repense au fils de Anne, brutalement assassiné lors du premier rituel ; à son père, Robert Durant, revenu chez eux après s'être absenté, l'abdomen criblé de flèches et des sueurs froides dégoulinant de son front tout pâle. Elle repense à Jeanne, enlevée et tuée quelques secondes après leur premier baiser ; à Alastair, son corps entier ravagé par les flammes dans de ce qui fut autrefois leur maison. Elle se rappelle de la colère, du chagrin la consumant de l'intérieur et lui donnant envie de s'arracher les yeux, de hurler jusqu'à n'en plus pouvoir, de son envie irrépressible de vengeance. Elle se souvient les avoir cherchés, traqués puis de les avoir fait souffrir lentement avant de les exécuter. Elle se souvient du sentiment de vide et de déception après ça, cette impression que rien n'avait changé au fond, que la douleur était toujours là et que tout ça n'avait servi à rien.
- Parfois se venger n'arrange rien, lui signale-t-elle. On a beau essayer, ça n'efface pas la peine ni la souffrance. En tout cas si il y a bien quelque chose que j'ai retenu de tout ça, c'est que je ne veux plus tuer. On a le pouvoir de faire tellement mieux ! Eux ne l'ont pas, c'est pour ça qu'ils nous haïssent. Alors arrêtons d'essayer de leur ressembler et montrons-leur une autre voie.
Anne approche son visage de la jeune femme, une lueur fiévreuse dans le regard.
- Sans moi, ma belle.
- Alors tu n'es pas digne d'être notre Patriarche, déclare George en s'approchant de la sorcière.
Il pose une main ferme sur son épaule alors que Anne tente de se débattre. Les autres finissent par s'approcher également et posent chacun une main sur elle. De la même manière qu'ils lui ont transmis ses pouvoirs de Patriarche, ils les lui enlèvent, sous les cris de protestation de cette dernière. Lorsque tout est fini, ils s'éloignent de la sorcière confuse et en pleurs.
- Mais qu'est-ce que vous m'avez fait ?! s'écrie-t-elle en fixant ses paumes. Vous n'aviez pas le droit !!
- Nous t'avons élu, Anne, dit Diana calmement. Mais pas pour être notre oiseau vengeur. C'est terminé.
L'ancienne Patriarche lui lance un regard rempli de haine avant de dévisager les membres du coven un par un.
- Vous verrez que j'avais raison, les prévient-elle. Il n'y a pas de place pour le pardon.
Puis après un dernier regard en arrière, elle disparaît à travers les feuillages, sous l'aube pointant le bout de son nez. Diana fixe longuement l'endroit où elle s'est évaporée, se demandant où elle compte aller. Trouvera-t-elle un jour le repos et la paix ? Vivra-t-elle toujours dans le passé et le chagrin ? La jeune femme espère pour elle que non. Cela l'a déjà détruite une fois.
- Et maintenant que fait-on ? demande une voix derrière elle.
Elle se tourne et constate que c'est Dimitri qui a posé la question. Il est toujours en vie, et Rosemarie et Taro également. Les autres ont succombé sous les coups des chasseurs.
- Refaire les mêmes erreurs que nos ennemis n'arrangera pas les choses, dit-elle. Tuer ne donne pas de leçon. Il faut qu'ils comprennent que nous ne sommes pas ce qu'ils pensent. Leur donner une chance de faire mieux.
- Que veux-tu qu'on fasse alors ? l'interroge George.
Elle dévisage les chasseurs ligotés et les genoux au sol, fatigués, salis et attendant leur sort la peur au ventre.
- Une seconde chance.
Diana s'approche des prisonniers d'une démarche confiante. Elle s'arrête devant un chasseur roux au visage portant de multiples égratignures et se tenant un bras sûrement cassé. Après avoir pris une grande inspiration, elle plaque ses deux mains contre les tempes de ce dernier et ferme les yeux.
- Oblivio, prononce-t-elle d'une voix forte.
Les souvenirs du jeune homme, tels des filaments argentés flottant entre les doigts de Diana, s'échappent de son esprit, aspirés par la sorcière. Une fois qu'il n'en reste plus, celle-ci relâche la pression de ses mains et le chasseur s'écroule au sol, avant de reprendre conscience et de la dévisager avec incompréhension.
- Que... qu'est-ce que je fais là ? Qui suis-je ? demande-t-il perdu.
Diana pose à nouveau sa main sur son front et le fait se rendormir par ce simple geste. Puis elle se tourne vers les siens.
- Il n'y a nul besoin de continuer ce bain de sang que nous connaissons depuis des centaines d'années, leur explique-t-elle. Mais nous pouvons leur enlever leur identité, telle est leur punition et leur unique chance de salut. Laissons-leur la possibilité de ne pas commettre les mêmes erreurs et de faire cette fois-ci le bien. À présent le reste d'entre eux saura ce dont nous sommes capables, peut-être réfléchiront-ils à deux fois avant de s'attaquer à nous. En tout cas c'est de cette manière qu'on pourra changer les choses. C'est notre seule chance de repartir à zéro.