NOUS Au-delà des envies

By EmelineBarois

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Lorsque les envies se mêlent à la passion. Raffael, chanteur d'un groupe de Rock amateur, va faire une rencon... More

Avant-propos
Inspirations personnages NOUS
Inspirations lieux NOUS
Prologue : Autre part ✔
Sous la pluie (1) ✔
Sous la pluie (2) ✔
Derrière le masque (1) ✔
Derrière le masque (2) ✔
Méchante cuite (1) ✔
Méchante cuite (2) ✔
Trois frères et une sœur (1) ✔
Trois frères et une sœur (2) ✔
L'amour de la pizza (1) ✔
L'amour de la pizza (2) ✔
Eau de vie (1) ✔
Eau de vie (2) ✔
A travers la glace (1) ✔
A travers la glace (2) ✔
A travers la glace (3) ✔
Incertitudes (1) ✔
Incertitudes (2) ✔
Incertitudes (3) ✔
Prunelle des yeux (1) ✔
Prunelle des yeux (2) ✔
Dure réalité (1) ✔
Dure réalité (2) ✔
Surprise ! (1) ✔
Surprise ! (2) ✔
Surprise ! (3) ✔
Les liens du sang (1) ✔
Les liens du sang (2) ✔
L'ombre du passé (1) ✔
L'ombre du passé (2) ✔
Un gars, une fille (1) ✔
Un gars, une fille (2) ✔
A cœur ouvert (2) ✔
A cœur ouvert (3) ✔
Halloween (1) ✔
Halloween (2) ✔
Dans le bateau (1) ✔
Dans le bateau (2) ✔
Névroses nocturnes (1)
Névroses nocturnes (2)
Névroses nocturnes (3)
Au cœur des nuages (1)
Au cœur des nuages (2)
Au cœur des nuages (3)
Sous le feu des projecteurs (1)
Sous le feu des projecteurs (2)
Coup dur (1)
Coup dur (2)
Dans la peau (1)
Dans la peau (2)
Sentiments contraires (1)
Sentiments contraires (2)
Sentiments contraires (3)
Au cœur des confessions
Descente aux enfers (1)
Descente aux enfers (2)
Descente aux enfers (3)
Victime de l'Amour (1)
Victime de l'Amour (2)
Victime de l'Amour (3)
Toxique (1)
Toxique (2)
Toxique (3)
Toxique (4)
Imprévus (1)
Imprévus (2)
Imprévus (3)
En terre inconnue (1)
En terre inconnue (2)
En terre inconnue (3)
La magie de l'amitié (1)
La magie de l'amitié (2)
Comme un air de déjà-vu
Le grand départ (1)
Le grand départ (2)
Ailleurs (1)
Ailleurs (2)
Renouveau
Le pardon
Résolutions
Tourner la page (1)
Tourner la page (2)
Épilogue : Seconde chance
Petits mots de la fin
Tome 2 disponible !!
Nouvelles Couvertures

A cœur ouvert (1) ✔

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By EmelineBarois

Raffael

Mercredi 24 Octobre 2018

Lille (France), dans l'appartement des garçons.


Mais où est-ce qu'on a foutu ces putains de casseroles ?

J'ouvre tous les placards de la cuisine dans un ronchonnement, ceux du haut comme ceux du bas. Je poursuis ma recherche en me grattant nerveusement le crâne et ferme un battant d'un coup de hanche. Je n'ai aucune idée où on les a planqués et ça commence à me casser les pieds, parce que je suis de corvée à faire la bouffe ce soir. Je suis tellement perdu dans notre cuisine, qui me parait bien immense tout à coup, que j'entrouvre un tiroir.

Juste au cas où.

— Mais pourquoi est-ce que tu cherches là, triple idiot ? C'est vrai qu'on en voit tous les jours, des casseroles dans les tiroirs...

Je continue de m'insulter intérieurement avant de repérer un emplacement que je n'avais pas perçu tout à l'heure. Je me dirige vers l'évier et tire sur le placard du bas. Je pousse une exclamation lorsque je mets enfin la main sur ces mystérieuses cocottes. Je suis tout de même obligé de m'accroupir pour dégager tout le bordel au-dessus du faitout. Je mets carrément des plombes pour tout retirer, mes injures cette fois-ci dirigées vers ces mecs qui partagent mon appartement. Et heureusement pour eux qu'ils ne sont pas présents ce soir.

Une fois fait, je me redresse pour mettre de l'eau dans la casserole, puis la pose sur la plaque à induction. Je l'allume sans difficulté et pense à mettre le couvercle dessus.

J'observe ma première tâche en m'appuyant contre le comptoir. Je gonfle mes joues, retenant ainsi un énorme soupir, et glisse une main sur mon front déjà moite de sueur. J'ai déjà chaud alors que je n'ai fait que dix pourcents du repas : mettre l'eau à bouillir pour faire cuire des pâtes.

— Et bah putain, on est mal barré, murmuré-je à moi-même.

Pourtant, je suis loin d'être une quiche en cuisine, mais il faut dire que je passe tellement peu de temps aux fourneaux que je n'ai aucune idée où se trouve tel ou tel ustensile. Le chef cuistot ici, c'est Maxim. Il adore cuisiner, c'est indéniable. Il trouve toujours des idées pour faire frémir nos papilles, au repas comme au dessert. Mais malheureusement pour nous, ce sale traitre nous a lâchés pour s'éclater avec une nana.

Les potes avant les filles, hein ? Mon œil. A croire que je suis le seul con à tenir à ces règles.

Je me demande si je n'aurais pas dû laisser ma sœur toute seule pour me divertir, moi aussi. Mais à vrai dire, je n'ai tellement pas la tête à ça. J'ai encore le crâne bourré de chiffres, en raison du cours de contrôle de gestion que j'ai eu une heure plus tôt. J'ai juste l'impression de voir encore mon tableur sur Excel sous mes yeux, avec un curieux sentiment d'avoir zappé un détail dans l'énoncé de notre exercice. Et mon intuition ne se trompe jamais : je me suis tiré avec un arrière-goût d'inachevé.

Comme tout le reste de ma vie, d'ailleurs.

Dans un soupir, je me mets à fouiller toute la cuisine pour trouver n'importe quel sachet de pâtes. Par chance, je tombe direct sur mes préférées : les coquillettes. J'attrape le paquet, puis me pivote vers le réfrigérateur, espérant secrètement qu'il y a toujours des œufs là-dedans. Je les repère miraculeusement ainsi que le beurre dans la porte du frigo. Je dépose le tout à côté de la plaque de cuisson avant d'être surpris par un petit cri strident provenant du salon.

Je fronce les sourcils et braque mon cou vers les filles, clouées sur le canapé. En zieutant l'écran de la télévision, je comprends mieux pourquoi. Un sourire en coin se dessine sur mes lippes au moment où je perçois les prémices d'une scène de cul pointer le bout de son nez, d'où le cri excité de ma petite-sœur. Elles ont tenu à se mater la première saison de Outlander, depuis le début de la semaine et quelle a été ma surprise de voir qu'elles l'ont déjà bien entamée.

Pire que ça, tout à l'heure, elles étaient tellement en adoration devant le physique de James Fraser que lorsque je leur ai demandées si ça leur allait des pâtes aux œufs brouillés, elles ont acquiescé sans même m'adresser le moindre regard. J'ignore si elles m'ont entendu parce qu'elles m'ont pratiquement snobé en bouffant des yeux ce bel écossais, et Emilie m'a limite balayé d'un revers de la main parce que j'étais dans son champ de vision.

Je secoue la tête, presque exaspéré, et déchire mon sachet de pâte. J'ouvre l'application minuteur sur mon téléphone pour noter le temps de cuisson. J'en profite même pour lire une nouvelle fois la petite conversation que j'ai eue avec Chrystal :

Chryslouve : « Salut Raff, je vais bien et toi ? Oui ça m'intéresse. Enfin...ça intéresse plus mes frères que moi. Désolée, ils ont vu ton message, ce sont des chieurs, seulement je suis obligée de les accompagner pour éviter une catastrophe nucléaire. Ça ne te dérange pas ? »

Moi : « Oui, ça va. Non t'inquiète pas, je te l'ai dit : tu invites qui tu veux. J'espère juste qu'ils ne vont pas me fracasser la gueule, haha ! »

Chryslouve : « Pour ça, il faudrait déjà qu'ils me passent sur le corps, hors de question qu'ils touchent au louveteau ! Grr. »

J'ai un rire silencieux en lisant son dernier message. Je ne sais pas comment je dois le prendre. Je sais me défendre, c'est vrai, même si j'ai horreur de la violence. J'ai toujours fait en sorte d'éviter la bagarre, mais lorsque j'étais pris dans une altercation, Maxim ne se trouvait jamais très loin de moi. Ou alors, je prends vite la poudre d'escampette quand la situation le permet.

Chrys est plus spontanée que moi. Je l'ai vue à l'œuvre à la fête de Perrine lorsqu'elle s'est jetée sur ce sale type. Je me souviens encore du désarroi que j'ai ressenti à ce moment-là, c'était une louve prête à mordre pour défendre son amour propre. Elle a sorti les griffes pour montrer qui était la patronne et l'a mis en pâture avant qu'il ne puisse riposter. Et putain, oui, à côté d'elle, je ne suis qu'un pauvre petit louveteau qui fuit au moindre problème. J'ai beau avoir une fierté, si je peux déguerpir pour éviter un conflit, je le ferai. Parce que j'ai toujours détesté les confrontations. Et ce, depuis les nombreuses disputes de mes parents.

Je verrouille mon portable pour me diriger vers l'eau qui commence à frémir. J'attrape un cube de bouillon pour le jeter dedans avant de remettre le couvercle.

— Lena, tu peux mettre la table, s'il te plait ? lui crié-je en tournant légèrement la tête vers le canapé.

Je sais qu'elle va m'envoyer chier, mais justement, j'ai envie de la taquiner un peu avant son départ, demain matin. Je ne pourrais plus le faire après ça, et Dieu sait qu'emmerder son meilleur ami n'est pas la même chose que le faire avec sa propre sœur. Surtout lorsqu'on exerce son rôle de grand-frère responsable pour lui donner des tâches ingrates au moment où on s'y attend le moins.

— Tu n'as qu'à le faire toi-même ! Je suis occupée, là !

J'ai un rire spontané. Il s'accentue d'autant plus en examinant la scène de sexe qui se déroule à la télévision. Elle est surtout occupée à se rincer l'œil sur le corps musclé de Jamie ! J'avoue que l'acteur est rudement bien foutu, même ses cicatrices dans le dos me donnent la chair de poule.

— Mais oui bien sûr ! Quand tu daigneras d'arrêter de mater son cul qui est, je l'avoue, beau à croquer, tu viendras mettre la table. Je ne suis pas ta bonne à tout faire, Lenouille.

Elle se tourne vers moi pour m'assassiner du regard, je lève un sourcil en réponse. Je veux bien avoir ma part de responsabilité durant son hébergement, mais avant tout, il y a une chose que notre mère nous a inculqué et que je n'oublierai jamais : le sens du partage et de l'entraide. J'ai toujours aidé maman pour les tâches ménagères pour qu'elle ne se sente pas débordée, après une longue journée au travail.

Si on a deux bras, deux jambes et surtout une tête remplie de bons sens, alors on se doit d'aider son prochain. Essentiellement si ce dernier se retrouve tout seul comme un con à se demander par où il doit commencer.

Ces derniers jours, je l'ai laissée tranquille pour qu'elle profite de ses vacances. Mais il se trouve que ce soir, j'ai besoin d'un coup de main. Je suis claqué et je suis loin d'être le mec le plus patient au monde quand il s'agit de préparer à manger. Pour aller jusqu'au bout de mes plaintes : j'ai mal au dos. J'ai l'impression d'être un vieux de soixante-dix balais, souffrant d'une scoliose, ou pire d'une arthrose. Et pourtant, cette douleur n'est qu'occasionnée par ma nuit passée sur ce foutu canapé.

Je me demande encore comment j'ai réussi à fermer l'œil alors que j'ai mis un temps fou à trouver une position confortable, et que je me suis cassé la gueule au moins deux fois de suite.

Pas étonnant que j'ai des courbatures partout, bon sang !

Quoiqu'il en soit, je continue de regarder ma sœur d'une œillade réprobatrice. Je ne cèderai pas aujourd'hui, j'estime avoir été assez gentil avec elle, surtout le jour de son anniversaire.

Helena lâche un gros soupir, entre son déplaisir et son désespoir. Elle se lève en s'exclamant :

— Tu fais chier !

— Moi aussi je t'aime, réponds-je du tac au tac avant de me tourner vers la casserole.

Je secoue le paquet de pâtes pour les plonger dans l'eau frémissante et active le minuteur sur mon téléphone. Lena arrive en traînant des pieds, la mine boudeuse. Elle gonfle ses petites joues potelées pour me signifier son agacement. Sans piper mot, je lui tapote le placard où se trouve les assiettes. Ma sœur lève les yeux au plafond, elle l'ouvre avec mollesse et prend une à une la vaisselle. Je laisse échapper un soupir devant son indolence :

— Allez, du nerf, Lena, du nerf !

— T'es qu'un gros naze, tu le sais ça ?

Je souffle du nez, amusé.

— Tu en as d'autres des insultes comme ça ? Continue, ça me fait bien marrer.

— Vilain nounours !

Je pose une main contre ma poitrine, mimant un air faussement blessé.

— Je suis choqué, terriblement choqué. Je vais le dire à maman !

— Essaie toujours, trou de balle. Je vais t'enfoncer mon genou dans les noix, et tu chanteras dans les aigües durant toute ta vie.

— Vas-y, je cherche ma limite dans mes octaves en ce moment.

Elle me regarde comme si j'avais perdu la boule, alors que je m'efforce de ne pas montrer mon amusement. Et c'est difficile, vu la tronche qu'elle tire. Bouche béante, yeux exorbités et tout ce qui va avec. J'en viens même à me demander si elle ne va pas lâcher ces deux assiettes qui se trouvent encore sur la paume de sa main.

— T'es sérieux, là ?

Cette fois-ci, j'explose d'un grand rire. Et aiguë qui plus est. Mon fou rire est si intense qu'il floute automatiquement ma vision et me donne quelques crampes dans le bide. Je me plie en deux, tout en reculant de quelques pas. Mon instinct me dicte de mettre de la distance entre les genoux de ma sœur et mes boules, et je l'écoute sciemment. Parce que soyons honnêtes, je n'ai pas trop envie de me prendre un coup à cet endroit-là. J'y ai déjà goûté et ça fait un mal de chien. Pire que ça, on est obligé de faire un tour aux toilettes pour soulager la douleur.

— Tu te fous de ma gueule ? s'écrie-t-elle, vexée dans son amour propre.

J'essuie les petites larmes qui se sont nichées dans le coin de mes yeux et secoue la tête.

— Pas du tout !

Je continue de lui rire au nez, alors ce qu'elle trouve à faire c'est me repousser contre le comptoir derrière moi, avant de retourner à sa tâche. Mon rire s'accentue, mais il se meurt dans ma gorge une fois que je me rends compte que ma sœur ne m'adresse plus aucun regard. Elle est carrément en train de me faire la tête. Je m'approche d'elle tandis qu'elle empile les quatre assiettes sur sa main.

— Tu boudes ? lui chuchoté-je.

Elle ne répond pas et continue de m'ignorer royalement en déposant cette fois-ci les couverts au-dessus de la vaisselle. Ce n'est que lorsque je m'accroche à sa taille dans son dos qu'elle finit par abandonner toute tentative de faire comme si je n'existais pas.

— Dégage, Raffael.

— Ne boude pas, poupée, lui soufflé-je d'un ton chagriné.

Elle pousse un long soupir avant de se tourner vers moi, les sourcils blonds tout froncés. Elle finit par se radoucir en remarquant que je fais la même tête que le Chat Potté dans Shrek. Elle se mord son sourire, tout en secouant la tête de droite à gauche, et décide finalement de ne pas en tenir rigueur. Elle se glisse sur la pointe des pieds et m'embrasse sur la joue.

— C'est bien parce que tu es mon frère que je te pardonne, me murmure-t-elle dans l'oreille.

— Me voilà rassuré.

Elle se met à glousser et pivote sur ses talons pour commencer à dresser la table.

Je continue donc à préparer le dîner tandis que Lena fait l'aller-retour dans la cuisine. Emilie finit par me rejoindre, une fois que l'épisode est terminé. J'échange une œillade complice avec elle, pendant que je remue l'eau bouillante à l'aide d'une spatule.

Ma meilleure amie a troqué ses lentilles de vue contre ses grosses lunettes rondes et noires, comme souvent lorsque sa rétine lui picote. Elle est myope et astigmate depuis le lycée, j'imagine que nos habitudes avec les écrans n'y sont pas pour rien, ni cette perpétuelle fatigue visuelle dont elle se plaint pratiquement tous les jours, malgré ses multiples visites chez un ophtalmo. Elle réajuste ses montures sur son nez comme pour guetter mes moindres faits et gestes, avant de s'accouder sur le plan de travail.

— Qu'est-ce qu'on mange, p'tit chat ? me demande-t-elle, les yeux débordant de malice.

Je lui jette un regard blasé.

— Je vous l'ai dit tout à l'heure, mais vous étiez trop occupées à boire les paroles de ce rouquin pour m'écouter.

Je m'accroupis et attrape la première poêle que je trouve à mes pieds. Je la place à côté de la casserole pour commencer à la faire chauffer.

— Oh je t'en prie, même toi tu le trouves sexy !

Je marque un arrêt devant les fourneaux et me tourne vers elle en arquant un sourcil.

— Oui et alors ? Je ne suis pas non plus à fond sur lui comme toi et Lena. Je vous le laisse, les filles, c'est un hétéro pur et dur.

— Dur, oh ça oui, il doit être bien dur !

J'éclate de rire à son commentaire. Elle a un petit sourire lorsque ses rêveries la mènent ailleurs, loin de cette cuisine en tout cas. Je suis obligé de claquer les doigts devant ses yeux pour la réveiller.

— Eh oh, la rêveuse ! Ce n'est pas le moment d'avoir des pensées cochonnes ! Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué : c'est une série, une fiction ! Il n'existe pas ce James Fraser !

— Oui, mais l'acteur existe bel et bien ! Et puis, j'ai le droit de rêver, non ?

— Tu auras tout le temps de penser à lui sous la couette, et non, je n'ai pas vraiment envie de savoir sur quoi tu fantasmes ! m'écrié-je immédiatement en voyant qu'elle ouvre la bouche pour me raconter les détails croustillants.

Elle me tient le bras tout en éclatant de rire. Je reconnais que ma meilleure amie a autant des désirs que moi. Elle a eu plusieurs copains au lycée et à l'université, j'en ai même rencontré des tas. Encore aujourd'hui elle me raconte ses crushs du moment, dont un certain Matthieu, un camarade de sa promotion, qui l'aborde très souvent en cours. Mais elle est comme ma deuxième sœur depuis la seconde. Je n'ai pas très envie de l'imaginer au lit avec un mec, mais cela ne m'empêche pas de blaguer avec elle.

— Tu es sûr ? insiste-t-elle, je suis persuadée que ça t'intéresserait comment je le mettrais dans mon lit.

— Comme ce cher Matthieu, j'imagine ?

Elle rougit violemment à ma petite pique et finit par me lâcher.

— Ce n'est pas pareil ! Il est très mignon, c'est vrai, mais il est un peu trop arrogant à mon goût. Tiens par exemple, hier, il n'a pas arrêté de ramener sa science au sujet de l'homéopathie ! C'était énervant !

— C'est normal, répliqué-je aussitôt, vous bossez tous les deux en pharma. Il faut bien que vous ayez une opinion sur le sujet, non ?

— C'est délicat justement, tous les avis divergent ! Et crois-moi, j'ai dû me taire plus d'une fois ! Je n'avais pas envie de briser ce début d'amitié entre nous, sous prétexte que je n'étais pas d'accord avec lui.

Elle souffle bruyamment du nez, les pensées tournées vers ce malheureux Matt qui aurait dû la boucler. Mon minuteur sonne tout à coup, j'éteins la plaque sous le faitout avant de verser les pâtes dans la passoire. Je croise la route de Lena qui prend lentement les verres dans leur emplacement habituel, les yeux rivés vers ma meilleure amie :

— Quel crétin ! commente-t-elle, il aurait dû voir que tu n'avais pas envie de parler de ça.

— Mais tellement !

— Tu aurais dû lui dire, débute en secouant les coquillettes pour évacuer toute l'eau. Pas forcément en débattre là-dessus, mais tu aurais dû lui dire que ça ne t'intéressait pas. Il serait passé à autre sujet et basta. Tu te prends trop la tête, Emie.

Je mets une noisette de beurre sur la poêle, sous son regard perplexe. Emilie croise les bras sur son buste en réfléchissant à la question. Je pousse dans le bas du dos ma sœur pour qu'elle daigne finir de mettre la table, elle me gêne plus qu'autre chose à rester dans les parages sans rien faire. Lena lève les yeux au ciel avant de poursuivre son activité, murmurant des mots inaudibles entre ses lèvres serrées.

— Je ne sais pas, finit-elle par dire, je n'avais pas envie de le brusquer. Je suis trop gentille pour couper la parole d'une personne si passionnée dans son sujet.

J'entreprends de mettre les pâtes dans la poêle une fois que le beurre a fondu et casse les œufs pendant qu'elle continue de parler :

— Il est sympa, super agréable même ! Je ne me voyais pas le rembarrer en lui disant un truc du genre « ouais, je m'en fous, et sinon t'aimes les pâtes ? ». C'est plutôt toi qui peux sortir ces choses-là !

J'éclate de rire en mélangeant les œufs avec les coquillettes.

— Et pourquoi pas ? Si ça l'emmerde de changer de sujet, passe à un autre mec. On n'a pas le temps de se bloquer sur de telles broutilles, l'essentiel c'est d'être clair et d'être honnête avec soi-même. Tu ne crois pas ?

— Tu as horreur de prendre la tête, c'est aussi simple que ça, Raff ! Tout est toujours aussi simple avec toi de toute façon. Je ne sais pas comment tu fais ! Tu as ta propre manière pour faire comprendre que tu t'en fous. Par exemple il n'y a pas si longtemps que ça, une fille voulait faire ta connaissance. Tu ne l'écoutais tellement pas que ça l'a vexée, et le pire dans tout ça c'est que tu t'en battais les couilles !

Je lève un sourcil en éteignant la plaque à induction, le repas est enfin prêt.

— Quand ça ?

— Lundi soir, me répond Helena en prenant une bouteille d'eau dans le frigo. Elle voulait ton numéro, après que tu es sorti des toilettes avec Enzo.

Je réfléchis à cette soirée, je n'ai pas le moindre souvenir d'une quelconque fille essayant de m'approcher, mis à part les quelques photos que j'ai accordées. Il faut dire que je n'ai pas arrêté de picoler après être sorti des toilettes. Pour oublier. Pour effacer ce que je pensais avoir perçu à travers le miroir. Pour m'enfermer dans ce semblant de vie, entouré de mes plus fidèles amis. J'entends leur rire et le cristal qui se cogne contre la table, quelques bribes de conversation aussi. Mais j'ai un gros trou noir, sans doute parce que je n'étais plus capable de penser et vivre par moi-même.

Et l'ironie dans tout ça, c'est je me souviens toujours de la façon où j'ai très nettement cédé à la panique, malgré ma main lourde sur la boisson. De cette ombre qui me poursuit sans relâche, de mon visage blafard à travers la glace, de cet air affreusement pitoyable. De mon incapacité à oublier ce qu'il m'a fait. Et ce dernier point me donne envie d'avoir LE geste. Celui de m'ouvrir les veines une bonne fois pour toutes et ne plus avoir à souffrir éternellement.

Ce que j'ai déjà essayé plusieurs fois sans parvenir à aller jusqu'au bout.

— C'est qu'elle ne me disait trop rien, à tous les coups, déclaré-je en haussant les épaules.

J'ignore les regards qu'elles me lancent et saisis la poignée de la poêle pour la déposer sur un dessous de plat qu'Helena a pensé à mettre sur la table. On s'installe tous les quatre autour du repas, je les sers chacune leur tour, puis on commence à manger dans le silence jusqu'à ce qu'Emilie lâche dans un gémissement :

— Hm, c'est une tuerie tes pâtes ! Comme toujours !

— Il faut dire que maman est un bon mentor pour la cuisine, renchérit Lena en me faisant un clin d'œil.

— J'applique toujours ses recettes à la lettre ! Tu pourras la rassurer demain : je ne t'ai pas empoisonnée !

Elle me donne un léger coup de pied dans la jambe sans pour autant me faire mal. Je souris lorsqu'elle me tire la langue, puis me concentre sur mon assiette pour la savourer.

— Au fait, tu n'as toujours pas donné de réponse pour les vacances de Noël chez papa, débute-t-elle en jouant avec sa fourchette. J'ai promis à maman de donner ton verdict en rentrant.

Je souffle du nez en me renfrognant aussitôt. Je m'en doutais qu'elle allait lancer le sujet tôt ou tard, seulement je ne pensais pas qu'elle le ferait lors du dîner. Bon sang, ça m'a tellement coupé l'appétit que je lâche mes couverts pour fusiller ma sœur du regard.

— Lena, pas maintenant.

— Quoi ? s'étonne ma meilleure amie. Tu ne m'as rien dit, Raffael ! Je...je ne savais même pas que tu allais passer Noël en Californie !

— Parce que je n'y vais tout simplement pas, point barre.

Je croise le regard estomaqué de ma petite-sœur. Elle laisse tomber sa fourchette dans son assiette pour rétorquer aussitôt :

— Et tu vas me laisser toute seule là-bas ? Dans l'avion et la maison de papa ? Tu vas faire quoi pendant ce temps-là, hein ? Tu vas rester dans ta chambre à te morfondre ? Non, je ne suis pas d'accord !

Je pousse un râle d'exaspération, tout en roulant des yeux. Emilie me lance une œillade soucieuse. Elle sait que je m'énerve facilement au sujet de mon père, et pour cause : ma bonne humeur a immédiatement disparu pour laisser place à une amertume sans pareille.

— Pourquoi est-ce que tu tiens tant à y aller, Lena ? Mais merde, putain, c'est de la folie Noël chez lui ! Depuis qu'il s'est tiré d'ici, on ne l'a plus jamais fêté avec lui, ni le nouvel an d'ailleurs !

— Justement, Raffael, c'est l'occasion de le célébrer à nouveau avec lui, avec Dean et Aden et Jane aussi ! Il nous a toujours vus pour l'un de nos anniversaires ou les vacances d'été, je ne vois pas en quoi ça change qu'il veuille nous voir à cette période !

Je me pince l'arête du nez et ferme les yeux. J'essaie de faire taire toute cette rancœur qui agglutine mon être et tente de me raisonner. Ce n'est vraiment pas le moment de me mettre en colère, de plus que je ne veux pas blesser ma sœur si mes mots viennent à dépasser ma pensée. Je prends une grande inspiration pour retirer toute cette tension dans mon corps et joins mes mains au-dessus de la table :

— Ecoute, Lena, je n'ai pas envie de me disputer avec toi. Tu connais mon opinion sur papa, tu sais que je n'aime pas aller chez lui, commencé-je doucement en marquant une légère pause pour la regarder droit dans les yeux puis j'ajoute en les détournant vers le plafond : je n'ai pas envie d'en parler ce soir, on est en train de manger et c'est ta dernière soirée ici. Je te promets qu'on en rediscutera plus tard, d'accord ? Mais pas ici, s'il te plait.

Je plonge définitivement mon regard dans ses prunelles vertes, lui implorant par ce biais de remettre ce sujet à plus tard, loin des oreilles indiscrètes. Elle pousse un soupir à fendre l'âme. Elle est déçue que je mette fin à cette discussion, mais elle a compris que ça me mettait mal à l'aise d'embarquer nos meilleures amies dans cette conversation. Elles n'ont rien demandé, elles ne connaissent pas toute l'histoire et je souhaite que cela reste entre elle et moi. Personne d'autre.

On continue alors de manger en silence, non sans remarquer que l'ambiance autour de cette table a bel et bien changé. Je ne dis plus rien et essaie de ne plus prêter attention au malaise qui s'est installé. Je n'adresse plus le moindre regard aux filles, qui discutent de temps à autre entre elles, et m'enferme dans une bulle en chantant un air dans ma tête.

Ça m'apaise, mais ça ne m'aide absolument pas.

🌟🌟🌟

Coucou ! Vous allez bien ? 😀

J'espère que ça vous a plu ! Comme le titre l'indique, on aura quelques révélations au sujet du papa de Raffael et Helena (car oui, ils vont bien en rediscuter plus tard!). Je mettrais la suite quand je pourrais, sûrement la semaine prochaine 😉

A bientôt ! Je vous fais des bisous ! 😘

Emeline.

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