- Encore des pommes de terre à l'eau? S'offusqua Junot.
- C'est bon, c'est pas cher et c'est facile à cuisiner.
- Ça n'a pas l'air très appétissant... constata Marmont.
- Si vous n'êtes pas contents, vous n'aviez qu'à cuisiner vous-mêmes!!
- Pourquoi ne nous faites-vous pas un plat corse?
- Je vous en ferais si j'avais grandi là-bas, que j'avais plus d'argent pour m'acheter les bons ingrédients introuvables à Paris en plein hiver et surtout si je savais cuisiner autre chose que des pommes de terre à l'eau.
- Vous faites aussi de très bonnes omelettes! Rajouta le blondinet qui avait déjà la bouche pleine.
- Oui, eh bien tu iras chercher des œufs demain et je t'en ferai une.
- Merci!!
- D'ailleurs, puis-je savoir pourquoi nous mangeons sur ce lit et non dans la cuisine...? Demanda Marmont.
- Car ce matin Junot eut la merveilleuse idée de couper les pieds de la table pour les mettre à la cheminée, vu que monsieur n'avait pas trouvé de bois sec pour faire le feu!! Expliqua le corse en toisant l'intéressé du regard.
- Hé, il faut bien se chauffer! Protesta ce dernier.
- Moi, je connais une très bonne manière de se réchauffer, et cela gratuitement et sans besoin de bois~...
- Merci, Marmont, mais nous ne souhaitons pas l'entendre!!
- Je pourrais faire des sandwichs pour varier un peu nos repas! Proposa Junot. À présent que je sais parfaitement les cuisiner!
- C'est très aimable à toi, mais en ces temps froids, je préfère manger chaud.
- Nous ne pouvons même pas nous permettre d'acheter des légumes pour faire une soupe... soupira Marmont. ah, Bonaparte, vivement que vous soyez au pouvoir!
- Cesse de te moquer, grogna-t-il. Si je parviens à me hisser au sommet, les légumes et les soupes seront bien la dernière chose dont je m'occuperai!...
- Vous imaginez? Le peuple qui réclame de quoi faire sa soupe, et Buonaparte qui leur répond "Bah! Qu'ils mangent de l'omelette!"
- Je ne crois pas que la Reine Marie-Antoinette ait vraiment prononcé cette phrase, tu sais, dit doucement Muiron que l'on avait pas encore entendu.
- Lorsque vous aurez fini de rire de moi, vous me le direz...
- Allons, nous attendons tous Buonaparte 1er...!
- Eh bien tu l'attendras toujours ; au pouvoir, je serai tout sauf un roi. Tiens, si tu en veux la preuve, jamais je ne poserai un pied à Versailles. Ni ne me ferai mettre une couronne sur la tête.
- Ce serait bien si la pomme de terre pouvait devenir la nourriture emblématique de la France, annonça Junot qui n'avait visiblement pas suivi la conversation.
- Elle est déjà celle de la Prusse.
- La Prusse n'a rien à envier à nos cuisiniers...!
- Surtout s'ils sont sous les ordres de Buonaparte 1er...! Rit Marmont. Le plat national sera l'omelette aux pommes de terre!
- Bon, j'en ai assez, rétorqua Napoleone en sortant du lit.
- Roh, quelle susceptibilité...! Nous plaisantons juste!
- Je ne suis pas d'humeur à la plaisanterie actuellement.
Il posa son assiette en bois et ses couverts de métal sur le bureau et sorti de la chambre.
- Où allez-vous?
- Respirer!!!
Et il claqua la pauvre porte qui n'avait rien demandé.
- Quel caractère... si sensible dans son amour-propre...! Ce n'est pas ainsi qu'il réussira à se hisser à la tête de l'État. Junot, tu veux le reste de mes pommes de terre?
- Volontiers!! Merci beaucoup!
- Tu pourrais manger n'importe quoi, tant que c'est comestible...
Ils finirent de manger dans le silence, chacun de plongeant dans ses propres pensées.