- Allô... attend je comprends rien ralenti.
Elena essaya de déchiffrer la personne au bout du fil. Son interlocuteur était en pleurs.
- Maintenant? Demanda t'elle. Mais il est deux heures du mat' dit-elle en vérifiant son téléphone. D'accord je viens je viens calme toi, tu es où? Très bien j'arrive.
Elena se leva difficilement de son lit, cela faisait à peine deux heures qu'elle dormait et puis la soirée avait été éprouvante avec les répétitions de danse. Elle attrapa une paire de jeans, un tee-shirt, un gros sweat et sortit de sa chambre le plus silencieusement possible.
Elle passa dans la cuisine pour rattraper le salon et vit au loin que la chambre de ses parents était ouverte. Elle voulu se rapprocher mais finit par se raviser. Elle ne voulait pas les réveiller, même si elle savait qu'avec l'enquête qu'ils venaient de terminer et dans laquelle ils n'avaient pas pu se reposer, ils n'allaient pas l'entendre.
Après un dernier coup d'œil vers la chambre de ses parents, Elena descendit rapidement mais silencieusement les escaliers, mit ses chaussures et partit rejoindre la personne qu'elle avait eu au téléphone.
Le lieutenant Kadiri arriva tôt dans la matinée le lendemain du meurtre. Il voulait garder ses amis informés de l'avancé de l'enquête. Il savait qu'il n'avait pas le droit de leur en parler mais il ne pouvait les laisser dans l'ignorance. Il frappa à la porte.
Après quelques minutes d'attente, c'est son commandant qui vint lui ouvrir. Tout deux se saluèrent et Fred se décala pour laisser entrer son lieutenant. Ils se dirigèrent ensuite vers le salon, le commandant proposa quelque chose à boire au lieutenant mais celui-ci refusa la proposition.
- Madame le juge n'est pas là? Demanda Djibril.
- Elle dort lui répondit Fred. Elle n'a pas dormi de la nuit. Elle a fini par fermer les yeux d'épuisement il y a environ une heure.
- Et vous commandant, comment allez-vous? Je sais, c'est un peu stupide comme question.
- Je fais aller Kadiri. J'ai perdu ma fille, c'est dur mais je dois être là pour Alice.
- Vous avez le droit de craquer aussi commandant.
Tout en lui disant cela, Djibril posa sa main sur l'épaule de son supérieur. Celui-ci releva la tête vers son lieutenant et lui fit un petit sourire. Il se détourna de ce dernier et partit vers la cuisine pour préparer deux cafés. Il avait appuyé ses mains sur le plan de travail et était dans ses pensées quand le lieutenant le rejoignit.
- Les enfants ne sont pas là? demanda t'il.
- On l'est a envoyé chez le père d'Alice le temps de l'enquête. On ne sait pas encore si c'est à cause de notre travail si Elena a été tué donc on a préféré prendre le moins de risques possible. Ils ont pris le train hier soir et ils reviendront une fois l'enquête terminée.
- Vous avez eu raison.
Une fois les cafés servit dans des tasses, le commandant et son subordonné retournèrent dans le salon et s'installèrent sur le canapé.
- Dis-moi tout Kadiri. Vous avez trouvé quoi? Vous avez des suspects? Demanda Fred.
Djibril lui tendit le dossier qu'il avait amené avec lui. Il avait fait une copie de celui-ci avant de venir chez le couple.
- On a interrogé les camarades du cours de danse d'Elena. Elles ont toutes le mêmes discours. Elles ont répété leur spectacle de 18h à 21h45 et elles ont toutes quitté le studio à la même heure. Elena est repartie avec Caroline et sa mère. Elles n'ont rien noté d'anormal dans son comportement. Elle était comme d'habitude.
- Vous avez vérifié leurs alibis?
- Bien-sûr. Elles étaient toutes chez elle et endormies.
- Ouais et vous avez interrogé Caroline et sa mère? Caroline et Elena se connaissent depuis qu'elles sont petites. Elles sont à l'école ensemble depuis la primaire.
- Oui on les a interrogé. Elles ont déposé Elena à 22h, sont rentrées chez elles, ont mangé et sont parties se coucher vers 23h30.
- Donc vous avez rien quoi. Et son téléphone? demanda Fred.
- On ne l'a toujours pas trouvé et il doit être éteint car on arrive pas à le localiser.
- Ouais vous avez rien du tout. Ça fait déjà vingt-quatre heures Kadiri.
- On fait notre possible commandant. Tout le monde est sur l'enquête et personne ne dort ou ne rentre chez lui.
- C'est pas assez s'énerva Fred.
Il se leva du canapé et fit des allers-retours dans le salon pendant plusieurs minutes. Il finit par s'arrêter et regarda Djibril.
- Et le toubib? demanda t'il.
- Il a terminé l'autopsie et il confirme qu'elle est bien morte des coups qu'elle a reçu.
- Mais encore Kadiri. Je veux tout savoir.
- La personne qui l'a tué s'est acharnée sur elle. Elle a mis plus d'une heure à mourir. Elle s'est étouffée avec son sang. Le légiste a dit qu'elle avait la rate explosée, plusieurs côtes cassées, une épaule disloquée et un poumon perforé. L'heure de la mort est estimé entre 3h45 et 4h15 du matin. Répondit Djibril.
Le commandant ne prononça pas un mot, il tentait d'assimiler ce que son lieutenant venant de lui annoncer. C'était de sa faute tout ça. Il est flic. Il aurait dû entendre sa fille partir dans la nuit et si elle était morte c'était à cause de lui.
Une personne lui avait pris son bébé et l'avait laissé mourir toute seule dans une ruelle comme un vulgaire animal. L'image de sa fille sous ce drap lui revient en mémoire. Il n'avait pas su la protéger et maintenant il devait attendre que ses collègues trouvent le coupable sans que lui ne puisse rien faire. Sans s'en rendre compte, ses pas le menèrent vers la chambre de sa fille où sa femme était endormie.
La journée d'hier avait été épuisante, ils avaient annoncé aux enfants la mauvaise nouvelle. Après de nombreux cris et larmes, Fred avait préparé avec l'aide des enfants leurs valises et toute la famille était partie à la gare.
Lors du chemin du retour, personne ne prononça aucun mot. Une fois rentré, Alice partit vers la salle de bain prendre une douche et lui était resté dans la chambre sur son lit le regard dans le vide. Il avait entendu Alice pleurer pendant plus d'une heure. Une fois celle-ci sortit de la douche, elle était revenue dans la chambre. Elle s'était assisse à côté de son mari et avait posé sa tête sur son épaule.
Après plusieurs minutes comme cela, Alice se leva et quitta la chambre. Fred de son côté partit à son tour dans la salle de bain et en sortit un quart d'heure plus tard. Il voulu rejoindre sa femme dans le salon mais elle ne s'y trouvait pas. Il la chercha dans l'appartement et fini par la trouver dans la chambre de leur fille. Elle était sur le lit allongée en position foetus avec le nounours préféré d'Elena serré contre sa poitrine, un petit ours gris qu'elle avait depuis toute petite.
Il la regarda et s'avança vers elle. Il passa une main sur sa joue et lui déposa un baiser. Il se positionna sur le lit avec elle, remonta la couverture sur eux et passa un bras autour de sa taille. Aucun des deux ne pu dormir cette nuit-là.
Fred décida de se lever quand le réveil afficha 8h du matin, il sortit de la chambre. Alice était toujours éveillée et fixait un point invisible sur le mur. Il partit vers la cuisine et trouva son téléphone, il avait reçu plusieurs messages dont un de Kadiri qui l'informa qu'il passerait d'ici une heure. Il partit dans sa chambre se changer, se servit un café et attendit son lieutenant. Il jeta un coup d'oeil dans la chambre d'Elena, il trouva une Alice endormie.
C'est son lieutenant qui le sortit de ses pensées quand il l'appela. Fred ferma la porte de la chambre et partit dans le salon.
- Je vais y aller commandant. Je devrai déjà être au commissariat.
- Très bien. Merci d'être passé Kadiri et merci pour les informations.
- C'est normal lui répondit-il. Le légiste a dit que si vous ou madame le juge souhaitait voir le corps d'Elena, vous pouviez y aller.
- Merci Djibril lui dit sincèrement Fred.
Le lieutenant lui fit un signe de tête et partit vers les escaliers, Fred entendit la porte se fermer. Il resta prostré dans le salon pendant plusieurs minutes avant de repartir dans la cuisine. Il se prépara quelque chose à manger même si l'appétit n'était pas là. Il prépara aussi quelque chose à Alice car elle aussi devait se nourrir. Alice, comment allait-il lui annoncer ce que son lieutenant venait de lui rapporter. C'est sûr cette dernière pensée qu'il commença a prendre son repas.
Alice de son côté était éveillée. Elle entendait son mari s'affairer dans la cuisine. Elle avait réussi à dormir un peu même si son sommeil avait été agité par des cauchemars. Quand elle avait ouvert les yeux, pendant une demi-seconde, elle s'était dit qu'elle avait fait un mauvais rêve mais quand elle réalisa dans quel lieu elle se trouvait, toute la réalité lui revint en mémoire.
Elle avait perdu sa fille hier mais elle avait aussi dû envoyer ses enfants à Dijon pour leur protection. Elle aurait du savoir que quelque chose n'allait pas avec Elena, elle aurait dû se rendre compte que sa fille avait des problèmes. Elle tenta de retenir les larmes qui menaçaient de couler. Elle ferma durement les yeux et vit le visage de sa fille.
Alice et Fred avaient décidé pour leur week-end de repos de partir avec leur fille qui venait de fêter ses quatre ans à la plage. Il partirent donc en ce samedi matin ensoleillé en direction de la mer. Elena était surexcitée, c'était la première fois qu'elle allait à la mer. Le couple avait réservé un hôtel près de la plage pour une nuit.
Après plusieurs heures de route, la famille arriva à destination. Ils descendirent de la voiture et se dirigèrent vers l'hôtel dans lequel ils déposèrent leurs valises. Ils enfilèrent tous leurs maillots de bain et partirent en direction de la plage. Arrivés sur celle-ci, ils trouvèrent une place assez éloignée des autres familles. Alice installa les serviettes et regarda son mari et sa fille se diriger vers la mer pour tremper leur pieds. Elle vit Elena revenir vers elle en courant.
- Tu as vu maman la mer. Elle est belle. Tu viens avec papa et moi?
Alice sourit à sa fille, la prit par la main et se dirigea vers la mer et rejoignit son mari. Tout doucement, ils entrèrent petit à petit tous les trois dans l'eau. Après une demi-heure à jouer, la famille retourna sur leur serviette.
Pendant quelques heures, ils restèrent à s'amuser et se baigner. Elena et Fred avaient construit un château de sable pendant qu'Alice continuait son livre. C'est tard dans la soirée qu'ils retournèrent à l'hôtel. Après un passage par la douche pour tous les trois, la famille se dirigea vers le restaurant de l'hôtel. Ils prirent leur dîner en discutant de tout et de rien, c'est surtout Elena qui accapara la conversation.
Une fois le repas terminé, ils retournèrent dans leur chambre épuisés par la journée merveilleuse qu'ils venaient de passer. Ils s'installèrent dans le lit et Alice mit un dessin-animé pour terminer cette soirée. C'est Fred qui ferma les yeux en premier. Quand elles entendirent le premier ronflement du père de famille, mère et fille se regardèrent et rigolèrent. Elena se cala dans les bras de sa mère.
- Merci pour aujourd'hui maman. La mer c'était trop bien.
- De rien mon amour. Je suis contente que tu te sois bien amusé.
- Tu crois on pourra revenir un jour?
- Bien-sûr ma chérie et peut être que la prochaine fois tu sauras nager.
- Oui peut-être. Et peut-être qu'il y aura un bébé avec nous lui dit Elena avec le sourire.
- Sûrement ma chérie lui répondit Alice en regardant sa fille. Aller mon coeur, il est l'heure de dormir maintenant et puis on ira se promener sur le marché demain ajouta t'elle en embrassant sa fille.
Elena mit quelques secondes a s'endormir et Alice la suivi quelques minutes plus tard le sourire au lèvres.
Alice rouvrit les yeux et ne pu empêcher les larmes de coulées. C'était douloureux, beaucoup trop douloureux. Elle n'avait pas seulement perdu sa fille, elle se perdait elle-même mais elle ne s'en rendit pas compte à ce moment là.