Après le travail, je pars à la boutique de Lu pour aller la retrouver ainsi qu'Elisa, nous avons prévu de nous faire une soirée entre filles, restaurant puis cinéma. Quand j'arrive devant la boutique, il est dix-neuf heures passées, Lucia a déjà retourné la plaque qui annonce que le magasin est fermé. C'est désuet, mais c'est ce qui fait le charme de sa boutique qui est loin des autres de la ville, plus modernes en décorations et surtout aseptisées. Lu a réussi à rendre la sienne chaleureuse, agréable et c'est ce que recherchent les clients.
Quand j'entre à l'intérieur, Elisa est en train d'aider notre amie à faire le ménage pendant que cette dernière est en train de faire ses comptes de la journée derrière son comptoir. Lu m'interpelle quand je passe le seuil :
— Caro, tu peux fermer la porte, s'il te plait ? Je suis plus rassurée quand je compte l'argent si personne ne peut entrer pendant ce temps.
Je tourne la verrou comme elle me le demande et je m'assois, Elisa venant de terminer de balayer la pièce. Je demande prudemment à Lu :
— Comment vas-tu, Lucia ? Tu as moins de nausées ?
Elle acquiesce avant de me répondre :
— Mieux depuis que je suis les conseils de ta mère, mon frère pense que je suis sur la voie de guérison. D'ailleurs Caro, ne lui dit pas pour ma grossesse pour l'instant, je ne suis pas prête. Raconte-moi plutôt de comment ça s'est passé entre vous deux hier soir. Comme je sais qu'il a passé la nuit avec toi, tu te gardes les détails les plus intimes, ça reste mon frère et je ne veux pas savoir, dit-elle en frissonnant de dégoût. Alors ? s'impatiente-t-elle.
— J'étais stressée et lui aussi, en tout cas au début, c'était assez bizarre. Je lui avais fait comprendre lors du rendez-vous précédent que je voulais que nous soyons seuls et que je ne voulais attendre. C'était implicite qu'il devait se passer quelque chose ce soir-là, mais y a plein de questions bêtes qui me sont passées par l'esprit quand il est arrivé. Est-ce que je lui saute dessus et je passe pour une chienne en chaleurs ? Est-ce qu'on fait comme si de rien n'était et on mange la pizza avant de passer à l'étape supérieure ? Cet après-midi, on a eu une grosse demi-heure sans client, j'en ai profité pour ranger quelques cartons que l'on avait reçu, et je me pense encore le même type de questions du genre comment il faut que je réagisse quand on va se revoir.
Mes deux amies se regardent puis un grand sourire éclaire leurs visages. Elisa pousse un petit ricanement :
— Heureusement que ce n'est pas un plan cul, tu serais complétement dépassée.
Lucia intervient :
— Tu es la seule personne que je connaisse qui a déjà eu un plan cul et tu es également la seule phobique de l'engagement qui vit pratiquement chez son mec mais qui paye un loyer juste pour dire qu'elle a un appartement. Je pense que, de nous trois, tu es celle qui devrait se poser des questions sur sa vision d'un couple. Et avant que tu ajoutes quoi que ce soit, je suis dans la merde sentimentalement et j'en suis consciente. Caro, c'est celle de nous trois, qui la plus susceptible d'avoir une relation plus "classique", dit-elle en mimant les parenthèses.
Je hausse les sourcils.
— Qu'est-ce que tu entends par "classique" ? l'imité-je.
— Amour, mariage, bébé, le tiercé dans le bon ordre ! J'ai commencé par la fin, c'est loin d'être la meilleure idée et Elisa, je ne sais pas si elle passera par la case mariage.
Ma colocataire balance les bras au-dessus d'elle pour attirer l'attention.
— Je suis là, je vous le rappelle. À la base, j'avais juste fait une blague et même si je suis d'accord sur le fait que tu sois sortie de la relation "classique". Je voulais juste que Caro se détende et qu'elle ne devrait pas paniquer pour ce genre de situation. J'ai reçu un message hier soir avant que ton frère arrive où elle voulait tout annuler.
Lucia me regarde surprise, avant de me demander pourquoi.
— Le stress ! lui répondis-je en haussant les épaules. Je suis folle de ton frère, j'ai jamais eu peur qu'une de mes relations cassent avant, je le savais que ça ne durerait pas éternellement mais je voulais en profiter. Avec ton frère, c'est le contraire, je n'arrive pas à me détendre car j'ai peur que ça se termine. J'ai besoin qu'il me touche, qu'il m'embrasse pour que la petite voix en moi se taise. Ça me rajoute encore plus de pression, j'ai peur de tout gâcher en étant aussi nerveuse. Je ne sais pas ce qu'il ressent exactement pour moi et je ne veux pas lui forcer la main, je sais que je lui plais mais ...
Je baisse les bras et n'arrive pas à finir ma phrase. Lucia ressent ce que j'essaye de dire et abandonne sa caisse, un instant, pour me prendre dans ses bras.
— Elisa, tu ne sais pas si Stéphane lui a parlé de Caro pour le sonder ?
Ma colocataire secoue la tête.
— Je lui en ai parlé, il m'a dit que ça se passerait bien entre eux. J'ai essayé de lui tirer plus d'informations, sans succès, j'ai cru entendre portefeuille mais aucune idée de ce que ça voulait dire et après j'étais trop occupée pour réfléchir, désolée Caro.
Lu reprend le tri de sa caisse et remplit le bordereau tout en continuant de parler.
— Je ne suis pas d'une grande aide pour le coup, j'évite autant que je peux mon frère. Si je lui posais des questions sur toi, Caro, je briserais notre statu quo qui implique qu'on ne parle pas de la vie sexuelle de l'autre et en plus je me sentirais obligée de lui parler du bébé. J'aimerais quand même connapitre la réaction de Gabriel avant de mettre au courant mon frère. Encore faudrait-il qu'il revienne dans cette ville ? Ça fait trois fois que je tente d'aller le voir, je ne veux pas lui dire par texto, ça ne se fait pas, et les trois fois, sa boutique était fermée. C'est étrange en plein mois de juillet ?
Elisa pâlit, elle semble d'un coup très mal à l'aise.
— Normalement, j'ai pas le droit de le dire, mais Stéphane m'a confié que le père de Gabriel était très malade, mourant même, et qu'il était à l'hôpital. Angelo a essayé de voir son frère pour lui annoncer la nouvelle, mais ça n'a pas été très bien accueilli.
En apprenant la nouvelle, Lucia s'assied et se met à pleurer. Elle s'essuie les yeux, après quelques minutes.
— Désolée, c'est les hormones. Je pensais que Gabriel était parti à cause de moi et de notre dispute. Je commençais à me dire que l'enfant que je porte grandirait sans père. Je l'ai insulté un paquet de fois quand je voyais sa boutique fermée quand je passais en voiture, même si à huit heures du matin, je suis l'une des rares personnes à être en centre-ville à cette heure. Désolée Caro, je m'égare, mais j'avais vraiment peur qu'il soit parti. On va essayer de reprendre, qu'est-ce qui vous a fait passé à l'acte ?
— Ton frère. Il m'a embrassé, répondis-je simplement.
Mes deux amies échangent un regard de connivence. Lu se contente de dire :
— Au moins, y en a un des deux qui agit et c'est plutôt bon signe si ça vient de mon frère.
— Physiquement y a pas de problème, on est compatibles, mais est-ce qu'il y a plus que ça ? C'est ça ma plus grande question.
J'ai l'impression d'être un personnage de tragédie et d'avoir sorti une tirade digne du théâtre. Elisa se tourne vers Lucia et lui demande :
— Avant Caro, comment ton frère se comportait quand il sortait avec une femme ?
Je ne sais pas si la réponse va me plaire.
— Il les emmenait au resto, classe de préférence. Il sortait un peu le grand jeu et ça ne durait jamais longtemps dans la majorité des cas.
— Et donc. ça veut dire quoi s'il ne fait rien de tout ça avec moi ? interrogé-je les filles.
Elisa énumère les actions d'Angelo sur ses doigts.
— Après que tu te sois déclarée et que tu t'es méprise sur sa réaction, il est venu t'embrasser. Le lendemain, il a regardé ta voiture. Premier rencard, il t'a emmené au parc, un coin très romantique comme tu aimes et tu m'as dit ce matin qu'il t'avait comparé à la Vénus de Botticelli. C'est pas vraiment le classique qu'il sert aux autres. À mon avis, fonce et tu réfléchiras plus tard.
Lucia finit de remplir son bordereau avant de me dire :
— Pour une fois, écoute le conseil d'Elisa, les sentiments c'est pas son fort mais je suis d'accord sur ce conseil, surtout si mon frère t'a comparé à l'un de ses tableaux préférés.
Elle range les documents dans sa pochette et nous dit :
— J'ai terminé, on y va ? On fait juste un détour à la banque avant le cinéma, ça m'évitera d'y aller demain matin.
Le glas des confidences a sonné, nous partons toutes les trois vers notre séance de grand écran.
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Bonjour,
J'ai réussi à finir ce chapitre avant que je sois trop occupée pour écrire, je suis assez fière de moi ^^. Pour le suivant, ça ne sera pas avant 15 jours, normalement, on ne sait jamais.
C'est un petit chapitre entre filles où Caro expose ses craintes et ses amies essayent de la rassurer. De quoi aborder plus sereinement son prochain rendez-vous avec Angelo.
En attendant, bonne journée et bonne lecture,
Emilie